COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 06 AVRIL 2023
N° 2023/ 287
Rôle N° RG 22/02600 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI4XO
[Z] [F]
[P] [N] épouse [F]
SAS M.I.S.T.A
C/
[U] [F]
[L] [A] [F]
S.A. [F] [U] ET FILS
S.C.I. LA BOURETTE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sébastien BADIE
Me Philippe SCHRECK
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de Draguignan en date du 21 février 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/01102.
APPELANTS
Monsieur [Z] [F]
né le 20 juillet 1969 à [Localité 28], demeurant [Adresse 15]
Madame [P] [N] épouse [F]
née le 06 octobre 1969 à [Localité 26], demeurant [Adresse 15]
SAS MINES INTER SERVICES TRANSPORTS AFFRETEMENTS -M.I.S.T.A prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 14]
représentés par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistés de Me Robert BEAUGRAND, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
INTIMES
Monsieur [U] [F]
né le 26 juin 1948 à [Localité 28], demeurant [Adresse 25]
Madame [L] [F]
née le 16 mai 1945 à [Localité 16] (ALGERIE), demeurant [Adresse 25]
S.A. [F] [U] ET FILS
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 27]
S.C.I. LA BOURETTE
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 27]
représentés par Me Philippe SCHRECK de la SCP SCHRECK, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 28 février 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, M. PACAUD, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
Madame Myriam GINOUX, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 avril 2023,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [U] [F] et madame [L] [T] épouse [F], sont propriétaires sur la commune de [Localité 24] des parcelles cadastrées section [Cadastre 11] et [Cadastre 12] sur lesquelles sont notamment édifiées deux bâtiments d'environ 60 m² chacun.
La SA [F] [U] et Fils est propriétaire, sur la même commune, des parcelles [Cadastre 5],[Cadastre 9], [Cadastre 10],[Cadastre 7], [Cadastre 6] et [Cadastre 3].
La SCI La Bourette est propriétaire de la parcelle [Cadastre 8] et [Cadastre 2] situées sur la même commune.
L'ensemble de ces parcelles forme un site où sont exercées des activités de transport par voie terrestre, de stockage et de bureaux administratifs par la SA [F] [U] et Fils et certains de ses partenaires.
Monsieur [Z] [F], fils de monsieur [U] [F], a exercé, du 1er juillet 2008 au 1er juillet 2017, des fonctions de direction au sein de la SA [F] [U] et Fils. Ses mandats ont été révoqués courant 2017 mais il détient encore 25 % des parts de cette société.
Lui et son épouse, madame [P] [N], sont propriétaires sur la même commune, de la parcelle [Cadastre 1], voisine des précitées, anciennement cadastrée [Cadastre 22] et [Cadastre 21], sur laquelle se situe leur domicile.
M. [Z] [F] a créé sa propre entreprise de transport et de services aux transporteurs, la SAS Mista. Le siège social de cette société se trouve au domicile de son dirigeant.
Sur la parcelle [Cadastre 1] sont construits des garages exploités par la SAS Mista dans le cadre d'un bail commercial.
Dès 2019, M. [U] [F], Mme [L] [T] épouse [F], la SA [F] [U] et Fils et la SCI La Bourette se sont plaints de l'occupation illicite et du passage de M. [Z] [F], ou de ses ayants droit et préposés, sur leurs parcelles.
Par ordonnance en date du 13 novembre 2019, ce dernier a été condamné à enlever des véhicules et objets décrits dans le constat d'huissier de justice de maître [C] du 7 février 2019, situés sur la parcelle cadastrée [Cadastre 17] (désormais [Cadastre 4] et [Cadastre 2]) et dans le hangar et ce, dans un délai de 4 mois et sous astreinte. M. [Z] [F] s'est désisté de l'appel interjeté par lui contre cette décision.
Par ordonnance en date du 22 juillet 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a :
- dit les demandes de la SA [F] [U] et Fils et de la SCI La Bourette irrecevables ;
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à faire défense aux défendeurs d'entreposer, sur les site, des véhicules, matériaux, agrégats, containers et tous objets ;
- ordonné à M.[Z] [F], Mme [Y] [F] et la SAS Mista, ainsi qu'à tous préposés salariés ou simple aide bénévole ou familiale de ces derniers ou des personnes morales qu'ils dirigent, de ne pas pénétrer sur la propriété de M. et Mme [U] [F], correspondant à la parcelle cadastrée [Cadastre 17] ou sa nouvelle dénomination, pour les besoins de leur activité professionnelle à savoir le stationnement, la circulation pour les besoins du chargement et du déchargement et de l'utilisation des quais ainsi que cette utilisation ;
- dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus ;
- condamné in solidum M.[Z] [F] et la SAS Mista aux dépens ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- enjoint aux parties, assistées de leurs conseils respectifs, d'assister à une séance d'information sur l'objet, l'intérêt et le déroulement d'une mesure de médiation.
Par arrêt en date du 27 janvier 2022, la chambre 1-2 de la cour d'appel de céans a :
- infirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande présentée par la SA [F] [U] et Fils et la SCI La Bourette ;
- confirmé l'ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions non contraires ;
- statuant à nouveau et y ajoutant :
' déclaré recevables les demandes présentées par la SA [F] [U] et Fils et la SCI La Bourette ;
' complété l'ordonnance en ce qu'il y avait lieu d'ordonner à M. [Z] [F], Mme [Y] [F] et la SAS Mista, ainsi qu'à tous préposés salariés ou simple aide bénévole ou familiale de ces derniers ou des personnes morales qu'ils dirigent, de ne pas pénétrer sur la propriété des parcelles [Cadastre 19], [Cadastre 23], [Cadastre 18] et [Cadastre 20], ou leur nouvelle dénomination, appartenant à la SA [F] [U] et Fils et à la SCI La Bourette, pour les besoins de leur activité professionnelle à savoir le stationnement, la circulation pour les besoins du chargement et du déchargement et de l'utilisation des quais ainsi que cette utilisation ;
' condamné in solidum M. [Z] [F], Mme [Y] [F] et la SAS Mista à payer à M. [U] [F], Mme [L] [T] épouse [F], la SA [F] [U] et Fils et la SCI La Bourette, ensemble, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil ;
' débouté M. [Z] [F], Mme [P] [N] épouse [F], Mme [Y] [F], M. [D] [R] et la SAS Mista de leur demande sur ce même fondement ;
' condamné in solidum M. [Z] [F], Mme [Y] [F] et la SAS Mista aux dépens.
Le 9 février 2022, M. [U] [F], Mme [L] [T] épouse [F], la SA [F] [U] et Fils et la SCI La Bourette ont fait constater par huissier de justice la présence :
- sur la parcelle [Cadastre 3], d'un bâteau de marque Donzi, d'une laveuse et d'un charriot de manutention ;
- sur la parcelle [Cadastre 7], d'un véhicule BMW Z3, d'une remorque à l'enseigne Mista, d'un véhicule Rolls-Royce et d'une Porsche.
Ils ont, 11 février 2022, fait délivrer une sommation interpellative à M. [Z] [F] qui leur a notamment déclaré qu'il déplacerait la laveuse et le chariot de manutention sur la parcelle [Cadastre 22] lui appartenant et où se trouvait déjà la BMW Z3, la remorque, le container et le chariot.
Le 14 février suivant, l'huissier de justice constatait que :
- le bateau Donzi avait été installé dans le prolongement du containeur pré-installé ainsi que des blocs béton, entravant en partie l'accès aux parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 10] ;
- la laveuse, un charriot, le véhicule Porsche ainsi que divers matériels se trouvaient le long de la propriété de M. et Mme [Z] [F], sur cette même bande de terre, jusqu'à un camion de couleur verte aux abords de l'entrée du site.
Le lendemain, à 14 heures 20, une remorque de couleur bleue était ajoutée devant le bateau, laissant uniquement le passage aux véhicules légers. Quelque minutes plus tard, l'impossibilité pour les camions d'accéder au site de la SA [F] [U] et Fils provoquait un bouchon devant son entrée et en amont.
Autorisés à cette fin par ordonnance du 16 février 2022, M. [U] [F], Mme [L] [T] épouse [F], la SA [F] [U] et Fils et la SCI La Bourette ont, par acte d'huissier en date du 17 février 2022, fait assigner d'heure à heure M. [Z] [F], Mme [P] [N] épouse [F] et la SAS Mista devant le président du tribunal judiciaire de Draguignan, statuant en référé, à son audience du 18 février 2022, aux fins, au principal d'entendre ordonner l'enlèvement de tous les objets entravant l'accès et la libre circulation sur leurs parcelles et de faire défense à ces derniers d'entraver, même partiellement, l'accès aux dites parcelles.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 21 février 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan:
- a ordonné à M. [Z] [F], Mme [P] [N] épouse [F] et la SAS Mista de procéder à l'enlèvement de tout objet, véhicule, container, matériaux, de quelque nature entravant l'accès et la libre circulation sur les parcelles appartenant aux demandeurs, cadastrées [Cadastre 11] et [Cadastre 12] (propriété des époux [F]), [Cadastre 8] et [Cadastre 13] (propriété de la SCI La Bourette), [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 3], [Cadastre 5], [Cadastre 10] et [Cadastre 9] (propriété de la SA [F] [U] et Fils) ;
- leur a défendu d'entraver, même partiellement, par quelque moyen que ce soit le passage ou l'accès auxdites parcelles ;
- a dit que cette obligation et défense s'appliquait aux véhicules et matériels dont la présence a été constatée par Maître [K], huissier de justice, dans son constat du 15 février 2022 ou tout véhicule ou objet les remplaçant ou se substituant à eux, appartenant aux défendeurs personnellement pour leurs besoins personnels ou professionnels ainsi que, pour ces derniers, à leurs préposés, clients, aide familiale ou bénévole ;
- a assorti le défaut de respect, même partiel, de cette obligation et interdiction :
' d'une astreinte de 15 000 euros par jour de retard, passé le délai de 24 heures à compter de la signification de son ordonnance pour tout bateau, véhicule, matériel, engin, objet devant l'entrée des parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 10], [Cadastre 11], soit sur la parcelle nouvellement cadastrée [Cadastre 9] sur le plan du cabinet Roche, annexé à son ordonnance, et empêchant l'accès à celles-ci et le libre passage ainsi qu'aux parcelles [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 3] ;
' d'une astreinte de 2 000 euros par infraction constatée, passé le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance pour tout bateau, véhicule, matériel, engin, objet sur la parcelle nouvellement cadastrée [Cadastre 8] sur le plan du cabinet Roche, annexé à son ordonnance, et empêchant l'accès et le libre passage sur les parcelles [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 5] ;
- s'est réservé la liquidation des astreintes ;
- a condamné M. [Z] [F], Mme [P] [N] épouse [F] et la SAS Mista, in solidum, à payer à la SA [F] [U] et Fils la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice ;
- a condamné M. [Z] [F], Mme [P] [N] épouse [F] et la SAS Mista, in solidum, à payer à la SA [F] [U] et Fils, M. [U] [F], Mme [L] [T] épouse [F], et la SCI La Bourette, in solidum entre eux, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a notamment considéré :
- qu'il convenait de rejeter la demande de réouverture des débats, formulée en cours de délibéré, l'absence de contradiction étant exclusivement imputable aux défendeurs et plus précisément à M. [Z] [F] qui avait rencontré, le 16 février 2022 à 8 heures, l'huissier de justice chargé de lui signifier l'assignation mais avait refusé de recevoir l'acte ;
- que la bande de terrain de 2,50 m de large longeant la propriété de M. et Mme [Z] [F], cadastrée [Cadastre 1], et se poursuivant au delà, le long de la parcelle [Cadastre 7], jusqu'à la [Cadastre 6], a été acquise du département du [Localité 29], sous les n° [Cadastre 8] et [Cadastre 9] par la SCI La Bourette, pour la première, et la SA [F] [U] et Fils, pour la seconde, le 27 août 2021 ;
- que M. [Z] [F], son épouse et la SAS Mista n'avaient, en conséquence, aucun titre non sérieusement contestable à faire valoir pour y stationner quoique ce soit ;
- qu'en outre, pour la partie au regard de la parcelle [Cadastre 7] notamment, ce stationnement est réalisé dans le but exclusif de nuire à l'accès aux parcelles sur lesquelles se déroule l'exploitation de la SA [F] [U] et Fils ce qui constituerait un abus manifeste même si les défendeurs étaient titrés ;
- que le constat du 15 février 2022 établit, par l'installation d'obstacles et le maintien du seul accès possible à des véhicules légers, la volonté de créer un préjudice et un blocage économique à l'entreprise qui y a son activité.
Selon déclaration reçue au greffe le 21 février 2022, M. [Z] [F], Mme [P] [N] épouse [F] et la SAS Mista ont interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 18 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, ils sollicitent de la cour qu'elle annule l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan du 21 février 2022 et, statuant à nouveau, dise n'y avoir lieu à référé sur la demande de M. [U] [F], Mme [L] [T] épouse [F], la SA [F] [U] et Fils et la SCI La Bourette et les condamne à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 14 février 2023, notifiée aux parties à 8 heures 34.
Par premières et dernières conclusions transmises par RPVA le 14 février 2023, à 15 heures 23, M. [U] [F], Mme [L] [T] épouse [F], la SA [F] [U] et Fils et la SCI La Bourette sollicitent de la cour qu'elle confirme en tous points l'ordonnance entreprise et condamne in solidum les appelants à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel.
Par conclusions de procédure, transmises le 23 février 2023, M. [Z] [F], Mme [P] [N] épouse [F] et la SAS Mista sollicitent de la cour, au visa des article 802 et 905-2 du code de procédure civile, qu'elle rejette des débats les conclusions et pièces des intimés signifiées après clôture ou, à titre subsidiaire, qu'elle les déclare irrecevables.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des conclusions et pièces de l'intimé
Aux termes de l'article 905-2 alinéa 2 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecebabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, un appel incident ou un appel provoqué.
L'article 802 du même code dispose qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office : sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et accessoires échus, aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes en révocation de l'ordonnance de clôture.
En l'espèce, alors que l'appelant a transmis à la cour son premier jeu de conclusions le 18 mars 2022, soit dans le délai d'un mois de l'avis de fixation du 9 mars précédent et que l'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 14 février 2023 à 8 heures 53, M. [U] [F], Mme [L] [T] épouse [F], la SA [F] [U] et Fils et la SCI La Bourette n'ont conclu, pour la première fois, que le 14 février 2023 à 14 heures 53.
Leurs conclusions sont donc irrecevables par application tant des dispositions de l'article 905-2 que de celles de l'article 802 du code de procédure civile.
Par application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile, seules peuvent être versées aux débats des pièces communiquées au soutien de conclusions recevables. Les intimés dont les conclusions ont été déclarées irrecevevables sont, aux termes de l'article 954 alinéa 6 du même code, réputés s'être appropriés les motifs de l'ordonnance entreprise. Les pièces contenues dans leur dossier de plaidoirie, envoyé à la cour, seront donc écartées des débats.
Sur la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise
Aux termes de l'article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.
L'article 15 du même code dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
L'article 16 ajoute : Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Il résulte des pièces versées aux débats par les appelants que la requête en autorisation d'assigner en référé d'heure à heure a été reçue par le secrétariat de la présidence du tribunal judiciaire de Draguignan le 16 février 2022 à 11 heures 20. Il y a été fait droit le jour même à 14 heures. Il n'est donc pas choquant que l'huissier, saisi postérieurement, ait procédé à ses opérations de signification de l'assignation le lendemain à 8 heures pour une audience fixée le vendredi 18 février 2022 à 10 heures 30.
Au demeurant, cette signification est intervenue dans le délai imparti par la présidente du tribunal judiciaire de Draguignan, lequel expirait le jeudi 17 février 2022 à 10 heures 30. Dans le contexte nécessairement contraint d'une assignation à jour fixe, les appelants, qui avaient déjà eu recours aux services de conseils à l'occasion notamment de procédures du même type, étaient donc à même d'organiser leur défense, laquelle pouvait parfaitement intégrer une demande de renvoi à bref délai.
Il résulte ensuite des mentions des actes de signification de l'assignation que celle-ci a dû être déposée en l'étude de l'huissier instrumentaire après que ce dernier s'est heurté, le jeudi 17 février 2022 à 8 heures, au refus de M. [Z] [F], de Mme [P] [N] et du réprésentant légal de la SAS Mista de la recevoir.
A supposer, ce qui semble peu vraisemblable, que Maître [K] ne les ait pas verbalement informés, lors de cette rencontre, de l'objet de son déplacement et donc de la perspective de l'audience de référé du vendredi 18 février 2022, ce sont eux qui, de par ce refus, se sont volontairement mis en situation de perdre du temps pour organiser leur défense. Il ne peut en outre qu'être relevé, s'agissant de leur état d'esprit au moment de ce contact, que le 11 février précédent, une sommation interpellative leur avait déjà été délivrée dans le cadre de ce litige.
C'est donc par des motifs pertinents que le premier juge a rejeté la demande de réouverture des débats formulée, en cours de délibéré, par le conseil de M. [Z] [F], de Mme [P] [N] et du réprésentant légal de la SAS Mista.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.
Sur le trouble manifestement illicite
Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Il doit être constaté lorsque, même en l'absence de servitude établie, il est fait obstacle à l'utilisation paisible et prolongée d'un passage et ce, indépendamment de tout débat relatif aux droits réels grevant l'assiette dudit passage.
Il peut également résulter d'une voie de fait, entendue comme un comportement s'écartant si ouvertement dès règles légales et usages communs, qu'il justifie de la part de celui qui en est victime le recours immédiat à une procèdure d'urgence afin de le faire cesser.
L'existence de contestations, fussent-elles sérieuses, n'empêche pas le juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Enfin, pour apprécier la réalité de ce dernier, la cour d'appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue.
Le premier juge a motivé sa décision comme suit :
A l'évidence des propos qu'il a tenu lors de la sommation interpellative du 11 février 2022 et de la disposition de ces véhicules et objets divers alignés sur une bande de terrain longeant, en partie sa propriété, Monsieur [Z] [F] et les autres défendeurs avec lui, prétendent occuper ainsi la parcelle [Cadastre 22] acquise par lui-même et son épouse selon acte du 18 septembre 1991. Or, non seulement cette parcelle n'existe plu sur le plan cadastral mais, à admettre qu'elle ait correspondu à la bande de 2 m 50 de large longeant leur propriété (actuellement cadastrée [Cadastre 1]) et se poursuivant au-delà, le long de la parcelles [Cadastre 7] jusqu'à la parcelle [Cadastre 6], cette dernière, dont les défendeurs avait antérieurement indiqué à I'occasion des débats ayant donné lieu à l'ordonnance du 22 juillet 2020 et à l'arrêt de la cour du 27 janvier 2022 qu'il s'agissait d'une voie publique, a été précisément acquise du département du [Localité 29], sous les numéros de parcelle [Cadastre 8] et [Cadastre 9], par la SCI La Bourette pour la première et la SA [F] [U] et Fils pour la seconde le 27 août 2021. M. [F], son épouse et la SAS Mista n'ont en conséquence aucun titre non sérieusement contestable à faire valoir pour y stationner quoi que ce soit et en outre, pour la partie au regard de la parcelle [Cadastre 7] notamment, dans le but exclusif de nuire à l'accès aux parcelle sur lesquelles a lieu l'activité de la SA [F] [U] et Fils, fait qui constituerait un abus de droit manifeste même si les défendeurs étaient titrés.
Les pièces versées aux débats par les appelant et plus précisément les courriers en réponse que le Centre des impôts fonciers de la Direction générale des Finances publiques a envoyé à leur conseil les 26 novembre 2020 et 6 décembre 2021 ne démentent pas cette analyse. Elles attestent, au contraire, que les parcelles [Cadastre 21] et [Cadastre 22] ont été réunies pour créer la parcelle [Cadastre 1], propriété de M. [Z] [F] et de son épouse, mais n'ont rien à voir avec les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9] qui jouxtent la servitude de passage donnant accès aux parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 10] des intimés, s'agissant pour la seconde du parking et des quais de la SA [F] [U] et Fils.
M. [Z] [F], qui avait déjà été condamné à faire cesser ce type d'agissements, notamment par l'arrêt de la cour d'appel de céans du 27 janvier 2022, savait pertinemment, pour avoir de surcroit été le président de la société précitée, qu'il lui était interdit, faute d'autorisation des intimés de stationner, comme constaté par l'huissier de justice, le 9 février 2022 :
' un bateau Donzi, une laveuse et un charriot de manutention sur la parcelle [Cadastre 3], propriété des intimés ;
' un véhicule BMW Z3, deux remorque à l'enseigne Mista, un véhicule Rolls-Royce, un pick-up jaune, une Porsche et chariot de manutention sur la parcelle [Cadastre 7] (ex [Cadastre 4]), propriété des intimés et constituant l'entrée du site d'exploitation de la SA [F] [U] et Fils.
Il savait également qu'en alignant le 14 février 2022, soit trois jours seulement après la délivrance de la sommation interpellative, le bateau Donzi dans le prolongement d'autres charriots, remorque, containeur, blocs béton, véhicule et matériels sur les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9], il bloquait l'accès des camions aux parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 10] et donc au parking et quais de la SA [F] [U] et Fils.
Il faisait ainsi délibérément obstacle à l'utilisation paisible, prolongée et obligée d'un passage ancien. Dès lors, indépendamment de tout débat relatif aux droits réels grevant l'assiette dudit passage, dont faisait à tout le moins partie la parcelle [Cadastre 9], un trouble manifestement illicite, en forme de voie de fait, se trouve bien caractérisé.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce :
- qu'elle a ordonné à M. [Z] [F], Mme [P] [N] épouse [F] et la SAS Mista de procéder à l'enlèvement de tout objet, véhicule, container, matériaux, de quelque nature entravant l'accès et la libre circulation sur les parcelles appartenant aux demandeurs, cadastrées [Cadastre 11] et [Cadastre 12], [Cadastre 8] et [Cadastre 13], [Cadastre 6], [Cadastre 7],[Cadastre 3], [Cadastre 5], [Cadastre 10] et [Cadastre 9] ;
- qu'elle leur a défendu d'entraver, même partiellement, par quelque moyen que ce soit le passage ou l'accès auxdites parcelles ;
- qu'elle a dit que cette obligation et défense s'appliquait aux véhicules et matériels dont la présence a été constatée par Maître [K], huissier de justice, dans son constat du 15 février 2022 ou tout véhicule ou objet les remplaçant ou se substituant à eux, appartenant aux défendeurs personnellement pour leurs besoins personnels ou professionnels ainsi que, pour ces derniers, à leurs préposés, clients, aide familiale ou bénévole ;
- qu'elle a assorti le défaut de respect, même partiel, de cette obligation et interdiction :
' d'une astreinte de 15 000 euros par jour de retard, passé le délai de 24 heures à compter de la signification de son ordonnance pour tout bateau, véhicule, matériel, engin, objet devant l'entrée des parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 10], [Cadastre 11], soit sur la parcelle nouvellement cadastrée [Cadastre 9] sur le plan du cabinet Roche, annexé à son ordonnance, et empêchant l'accès à celles-ci et le libre passage ainsi qu'aux parcelles [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 3] ;
' d'une astreinte de 2 000 euros par infraction constatée, passé le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance pour tout bateau, véhicule, matériel, engin, objet sur la parcelle nouvellement cadastrée [Cadastre 8] sur le plan du cabinet Roche, annexé à son ordonnance, et empêchant l'accès et le libre passage sur les parcelles [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 5] ;
- que le premier juge s'est réservé la liquidation des astreintes.
Sur la demande de provision
Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ... le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence ... peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'absence de constestation sérieuse implique l'évidence de la solution qu'appelle le point contesté. Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant, laquelle n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée. C'est enfin au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.
Au vu des développements qui précèdent, c'est par des motifs pertinents que le premier juge a considéré que le 'préjudice de perturbation', créé, par la réduction de l'accès à la SA [F] [U] et Fils pour le rendre impossible aux camions, telle qu'établie par le constat du 15 février 2022, rendait non sérieusement contestable le droit à indemnisation de cette dernière.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné M. [Z] [F], Mme [P] [N] épouse [F] et la SAS Mista, in solidum, à payer à la SA [F] [U] et Fils la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [Z] [F], Mme [P] [N] épouse [F] et la SAS Mista succombant en cause d'appel, il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle les a condamnés, in solidum, aux dépens et à payer à la SA [F] [U] et Fils, M. [U] [F], Mme [L] [T] épouse [F], et la SCI La Bourette, ensemble, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils supporteront les dépens de la procédure d'appel et leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute M. [Z] [F], Mme [P] [N] épouse [F] et la SAS Mista de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [Z] [F], Mme [P] [N] épouse [F] et la SAS Mista aux dépens d'appel.
La greffière Le président