COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Délég.Premier Président
ORDONNANCE
DU 06 AVRIL 2023
JONCTION
N°2023 / 17
N° RG 21/14072 -
N° Portalis DBVB-V-B7F-BIFTY
Jonction avec les numéros RG 21/14076 et RG 21/14078
Société [T] INVESTMENT LIMITED
[D] [V]
[M] [V]
S.A.R.L. LF CONSEILS
S.A.R.L. MBF
S.A.R.L. BF CONSEIL
[F] [V]
C/
DIRECTION NATIONALE D'ENQUÊTE FISCALES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Jean DI FRANCESCO
Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel :
Ordonnance rendue le 16 Septembre 2021 par le Juge des Libertés et de la Détention du tribunal judiciaire de TOULON et procès-verbaux des opérations de visite et de saisies domiciliaires en date du 16 septembre 2021.
DEMANDEURS
Société [T] INVESTMENT LIMITED SOCIÉTÉ DE DROIT BELIZIEN, demeurant [Adresse 1] - BELIZE
Madame [D] [V], demeurant [Adresse 2]
Monsieur [M] [V], demeurant [Adresse 2]
S.A.R.L. LF CONSEILS, demeurant [Adresse 2]
S.A.R.L. MBF, demeurant [Adresse 2]
S.A.R.L. BF CONSEIL, demeurant [Adresse 4]
Monsieur [F] [V], demeurant [Adresse 2]
tous représentés par Me Matthias PUJOS de la SELEURL SPARTANS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS et Me Salomé AMATO, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR
DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES, demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 02 Mars 2023 en audience publique devant
Madame Laurence DEPARIS, Conseillère,
délégué par Ordonnance du Premier Président .
Greffier lors des débats : Mme Manon BOURDARIAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023
Signée par Madame Laurence DEPARIS, Conseillère et Madame Manon BOURDARIAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par ordonnance en date du 14 septembre 2021, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de TOULON a autorisé des agents de l'administration des finances publiques à procéder à des opérations de visite et de saisie domiciliaires dans les locaux et dépendances situés [Adresse 2] (83) susceptibles d'être occupés par Mme [D] [V] et/ou M. [M] [V] et/ou la S.A.R.L. LF conseils et/ou la S.A.R.L. MBF également connue sous le nom de 'Mathilde à la plage' et/ou la S.A.R.L. BF CONSEIL également connue sous le nom de 'MEDITERRANNEE LOCATION' et/ou M. [F] [V] et/ou la société de droit bélizien [T] Investment Limited.
Les opérations de visite et de saisie se sont déroulées le 16 septembre 2021 et ont été relatées par procès-verbal du même jour.
Par déclaration en date du 30 septembre 2021 reçue le 6 octobre 2021, la société [T] INVESTMENT LIMITED a interjeté appel de cette ordonnance ( RG 21/14076).
Par déclaration en date du 30 septembre 2021 reçue le 6 octobre 2021, la société [T] INVESTMENT LIMITED a formé un recours à l'encontre du procès-verbal de déroulement des opérations de visite et de saisie ( RG 21/14078).
Par déclaration en date du 30 septembre 2021 reçue le 6 octobre 2021, M. [F] [V], Mme [D] [V], M. [M] [V], la S.A.R.L. LF CONSEILS, la S.A.R.L. MBF, la S.A.R.L. BF CONSEIL ont formé un recours à l'encontre du procès-verbal de déroulement des opérations de visite et de saisie ( RG 21/14072).
A l'audience du 2 mars 2023, la société [T] INVESTMENT LIMITED, M. [F] [V], Mme [D] [V], M. [M] [V], la S.A.R.L. LF CONSEILS, la S.A.R.L. MBF, la S.A.R.L. BF CONSEIL ont repris leurs écritures uniques déposées le même jour pour les trois appels sus-visés et aux termes desquelles ils sollicitent :
- l'infirmation de l'ordonnance querellée ;
- la nullité des visites et saisies effectuées en vertu de cette ordonnance;
- la restitution de l'ensemble des éléments saisis et la destruction de toute copie des éléments en vertu de l'ordonnance frappée d'appel
- la condamnation de la direction nationale d'enquêtes fiscales à verser à la société [T] INVESTMENT LIMITED, à la S.A.R.L. LF CONSEILS, à la S.A.R.L. MBF, à la S.A.R.L. BF CONSEIL, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir :
- le défaut de vérification concrète du bien-fondé de la demande d'autorisation
- la rétention fautive par l'administration fiscale de pièces à décharge de [T] INVESTMENT LIMITED
- l'absence d'éléments de fait permettant de présumer l'existence d'une fraude
-l'insuffisance de motivation de l'ordonnance du premier juge
- l'absence de contrôle de proportionnalité par le juge quant à l'autorisation de visite domiciliaire
En défense, le directeur général des finances publiques a sollicité le bénéfice de ses conclusions déposées à l'audience et prises dans les trois appels sus-visés et tendant :
- à la confirmation de l'ordonnance déférée ;
- au rejet des demandes de l'appelante ;
- à la condamnation des appelantes au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir :
- l'existence des éléments de fait soumis à l'appréciation du juge faisant présumer l'existence d'une fraude et ayant justifié l'autorisation accordée ;
- la réalité du contrôle exercé par le juge quand bien même l'ordonnance était pré-rédigée et le contrôle exercé par le juge sur les pièces produites et versées aux débats
- la proportionnalité de la mesure autorisée, conformément à la jurisprudence constante de la cour de cassation et de la CEDH.
Il est fait référence aux écritures susvisées des parties pour l'exposé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité des appels contre l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention et le procès-verbal d'opérations n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité. Les appels sont ainsi recevables.
Au vu des écritures uniques déposées par les parties et des moyens de droit développés, il convient en application de l'article 367 du code de procédure civile, d'ordonner la jonction des dossiers enrôlés sous les numéros RG 21/14072, RG 21/14076, RG 21/14078.
Aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'autorité judiciaire peut autoriser l'administration à effectuer une visite domiciliaire lorsqu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt sur le revenu ou les bénéfices ou de la TVA pour rechercher la preuve de ces agissements.
Il convient de rappeler en préambule que cet article n'exige que de simples présomptions, le juge devant seulement examiner s'il existait à la date de l'autorisation des présomptions de fraude justifiant les opérations de visite et de saisie.
Il appartient au juge judiciaire de s'assurer que l'administration apporte des éléments concrets et il n'a pas à se substituer au juge de l'impôt dans l'appréciation de la réalité de la fraude alléguée ou des droits éludés.
Il est précisé qu'afin d'apprécier si la demande d'autorisation de visite et de saisie est fondée, le premier juge doit examiner, selon la méthode dite « du faisceau d'indices », si les éléments d'informations produits par l'administration, pris dans leur ensemble et non pas individuellement, sont de nature à faire présumer l'existence d'agissements frauduleux, dont la preuve est recherchée, et que le délégué du premier président doit analyser ce faisceau d'indices dans son ensemble.
Sur le moyen tiré de l'absence de contrôle concret effectué par le juge des libertés et de la détention et la rétention fautive par l'administration fiscale de pièces à décharge
L'appelant soutient que le juge n'a pas exercé son contrôle en raison d'affirmations erronées figurant dans son ordonnance alors qu'il aurait dû exercer une vérification concrète au jour où il a donné son autorisation.
En application de l'article L. 16 B, II alinéa 2 du Livre des procédures fiscales, le juge qui autorise une visite et une saisie à la requête de l'administration fiscale doit exercer son contrôle en vérifiant de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information que cette administration est tenue de lui fournir, que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien en fondée.
Les appelants font valoir qu'il est inexact d'affirmer que la société de droit luxembourgeois LCA PARTNERS est associée à hauteur de 25% de la société WSN DEVELOPPEMENT et que LCA PARTNERS serait présidente de cette société alors que par actes du 8 juin 2021, la société LCA PARTNERS a cédé l'intégralité de ses actions détenues dans la société WSN DEVELOPPEMENT à la société COMEXPOSIUM et que M. [N] [I] a été nommé nouveau président de la société WSN à la place de LCA PARTNERS, ce dont il est justifié (pièces 8 et 9 [T] et consorts). Ils ajoutent que l'administration s'est sciemment abstenue de communiquer ces éléments et pièces afin d'instaurer une confusion entre LCA PARTNERS, [T] INVESTMENT LIMITED, [F] [V] et WSN DEVELOPPEMENT.
Cependant, il n'est pas contesté et il résulte de l'ordonnance frappée d'appel que le premier juge a rendu son ordonnance sur requête de l'administration fiscale et au visa des pièces produites par cette dernière, et notamment des pièces 5, 6 et 8 relatives à la société WSN developpement et éditées le 1er juin 2021 du site internet d'accès public https://whosnext.com, du dossier fiscal de la société WSN et du site internet d'accès public https://portail.infolegale.fr.
Dès lors, il ne peut être reproché au premier juge d'avoir reproduit des erreurs et de ne pas avoir effectué de contrôle alors qu'il s'est fondé sur les pièces produites au 1er juin 2021. Il ne peut lui être reproché non plus de ne pas avoir effectué plus de vérifications concrètes sur les éléments d'informations produits par la requérante au risque d'outrepasser son rôle.
S'agissant de l'obligation de loyauté de l'administration, il importe de rappeler que la sanction d'une absence de communication d'éléments dont l'administration avait connaissance, est subordonnée à la condition que ces pièces aient été de nature à remettre en cause l'appréciation des éléments de fraude par le juge.
Or, il n'est pas établi que la cession intervenue le 8 juin 2021 et évoquée ci-dessus, puisse remettre en cause les présomptions de fraude fondées sur des éléments de fait et retenues par le premier juge pour la période antérieure à la cession intervenue juste avant le dépôt de la requête par l'administration fiscale.
Dès lors, ce moyen ne saurait être accueilli.
Sur l'absence d'éléments de fait permettant de présumer l'existence d'une fraude
Les appelants rappellent que le premier juge s'est fondé sur des présomptions qu'ils qualifient d'intermédiaires selon lesquels la société [T] INVESTMENT LIMITED est titulaire d'un compte bancaire letton mentionné sur deux factures émises par LCA PARTNERS ( Luxembourg) à destination de MARKET LTD ( Irlande) et par [T] I. MENUISERIES ( Belgique) à destination de WSN FRANCE, qu'elle a pour objet social l'organisation d'événements et est détenue par [H] [T], résident français, a été crée avec l'utilisation d'une pièce d'identité falsifiée et a pour réel bénéficiaire économique [F] [V], est une société off shore n'ayant aucun moyen d'exploitation ni d'activité à l'adresse de son siège social et à BELIZE, dispose sur le territoire national d'un 'homme-clé' en la personne de [F] [V], désigné dans les documents légaux sous la fausse identité de [H] [T], son dirigeant, associé unique et bénéficiaire économique, pour réaliser son objet social d'organisation d'événements.
Il importe de rappeler que la procédure a débuté par une procédure de visite domiciliaire et de vérification de comptabilité de la société LCA PARTNERS, enregistrée au Luxembourg, dont l'objet social est notamment le conseil économique et l'associé majoritaire est M. [F] [V]. Cette société était, jusqu'au 8 juin 2021, président et associée à hauteur de 25% de la société française WSN DEVELOPPEMENT, spécialisée dans l'organisation d'événements, et notamment dans le secteur de la mode. La procédure de vérification de comptabilité de cette société a mis en évidence des factures fictives émanant de la société MARKET MANAGEMENT LTD ( Irlande) et l'utilisation d'un compte bancaire letton, une facture ayant été émise le 24 août 2016 par la société [T] I. MENSUISERIES dont le paiement a été réalisé au profit d'un compte letton ouvert auprès de la RIETUMU BANK.
L'assistance administrative internationale sollicitée auprès des autorités lettones a permis d'apprendre que le compte bancaire letton sus-mentionné, avait été ouvert en 2014 par [H] [T], résident national, en sa qualité de représentant de la société belizienne [T] INVESTMENT LIMITED, et clôturé le 9 novembre 2016 à l'initiative de la banque. Il est apparu, après investigations complémentaires auprès de la direction générale des finances publiques et des services de la préfecture de Paris que M. [H] [T] né à [Localité 8] le [Date naissance 3] 1964 n'existait pas et que la photographie apparaissant sur la carte d'identité falsifiée était celle de M. [F] [V], pouvant apparaitre ainsi comme le bénéficiaire économique du compte et de la société [T] INVESTMENT LIMITED.
L'examen des relevés bancaires du compte letton a également mis en évidence de nombreux débits au profit de personnes physiques ou morales liées à M. [F] [V] tels que 9 virements d'un montant total de 14 500 euros effectués au bénéfice d'un dénommé [A] [G] qui s'est avéré être le propriétaire de l'appartement occupé par Mme [U] [V], fille de [F] [V], 2 virements effectués en 2016 pour un montant total de 40 572,47 euros au profit de la société BF CONSEIL dont M. [F] [V] est associé à hauteur de 99,99% et dirigeant, 1 virement effectué en 2016 d'un montant de 90 000 euros au profit de LCA PARTNERS. Par ailleurs, trois encaissements, pour des montants respectifs de 102 439,80 euros et 103 275 euros ont été enregistrés sur ce compte en provenance de la société MARKET MANAGEMENT LTD ( Irlande) évoquée plus haut et de la société WSN DEVELOPPEMENT.
La société [T] INVESTMENT LIMITED a été immatriculée le 21 novembre 2013 à BELIZE où elle a son siège social. Son dirigeant et associé unique est M. [H] [T] né le [Date naissance 3] 1964 et domicilié [Adresse 5].
Il est apparu que la société [T] INVESTMENT LIMITED était immatriculée sous le chapitre 270 de l'International Business Companies Act prévoyant la formation de sociétés commerciales internationales habituellement dénommées 'Belize IBC' ou 'Belize offshores', étant précisé qu'une société dite 'Belize IBC' est une société à responsabilité limitée, libre d'impôt et de contrôle des changes, dont les conseils d'administration peuvent être organisés dans le monde entier et dont l'objet social peut être très large. L'agent de la société [T] INVESTMENT LIMITED est la société Frontier International Business Services Limited, située à [Localité 7] et détaillant sur son site internet les avantages d'une société off shore créée sous le chapitre 270 précité, et notamment une exemption fiscale totale et l'absence d'obligations d'exercer une activité à partir ou à destination de BELIZE. Il est apparu également que la société [T] INVESTMENT LIMITED n'était pas répertoriée au compte fiscal des professionnels de la direction générale des finances publiques ni au service de remboursement de la TVA aux assujettis établis à l'étranger.
Enfin, il résulte également des pièces du dossier que M. [F] [V] réside avec sa femme [D] [V] sur le territoire national, au [Adresse 2] dans le Var, où sont également domiciliés [M] [V], la société BF CONSEILS ( établissement secondaire), la société LF CONSEILS S.A.R.L. et la société MBF S.A.R.L.
Les appelants font valoir que le premier juge aurait commis une contradiction en indiquant que la société [T] INVESTMENT LIMITED était à la fois inactive et qu'elle exerçait une activité d'organisation d'événements. Il est indiqué en page 10 de cette ordonnance que 'la société [T] INVESTMENT LIMITED est présumée être une société offshore n'ayant aucun moyen d'exploitation ni activité à l'adresse de son siège social et à BELIZE'. Ainsi, et sans contradiction, il est relevé que la société [T] INVESTMENT LIMITED n'a pas d'activité à BELIZE où elle est domiciliée ce qui n'exclut pas l'absence d'activité dans le domaine de l'organisation d'événements.
Ils allèguent également que serait contradictoire le raisonnement selon lequel la société [T] INVESTMENT LIMITED exercerait une activité non déclarée depuis le territoire national français par l'entremise de LCA PARTNERS et [T] I. MENUISERIES alors que l'administration aurait relevé, dans le cadre de l'examen personnel de la situation des époux [V], l'absence d'exercice effectif de toute activité économique de la société LCA PARTNERS et, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société WSN DEVELOPPEMENT, l'absence d'existence légale de la société [T] I. MENUISERIES. Cette affirmation ne résulte cependant pas de l'ordonnance déférée, les appelants ne visant d'ailleurs pas, contrairement à l'argument précédent, les termes de l'ordonnance auxquels ils font référence. Il importe de préciser que les développements relatifs à ces deux sociétés ont permis d'aboutir au compte bancaire letton ouvert par M. [H] [T], représentant la société [T] INVESTMENT LIMITED, et de mettre en évidence que ce dernier n'existait pas et qu'il était en fait M. [F] [V], dès lors représentant, dirigeant et bénéficiaire économique de la société [T] INVESTMENT LIMITED.
Enfin, et s'agissant de l'activité exercée par la société [T] INVESTMENT LIMITED, il a été relevé par le premier juge que, lors de l'ouverture du compte bancaire, cette société avait été présentée comme intervenant dans le cadre du secteur événementiel et notamment celui de la mode et avait notamment pour clients SPIE, LANVIN, ANNE VALERIE HASH. Il a également été précisé que la société supportait des dépenses liées à des frais administratifs et tirait ses revenus de facturations émises à destination de ses clients.
L'ensemble de ces éléments permet de présumer que la société [T] INVESTMENT LIMITED exerce ou a exercé de manière habituelle sur le territoire français une activité d'organisation d'événements depuis le territoire national, et il peut être présumé que les déclarations fiscales correspondant à cette activité n'ont pas été souscrites et que les écritures comptables y afférentes n'ont pas été passées.
Ainsi, les présomptions de fraude exigées par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ont été dûment caractérisées par le premier juge.
Sur le moyen tiré de l'absence de contrôle de proportionnalité de la mesure autorisée
L'appelante reproche au juge des libertés et de la détention de ne pas avoir exercé un contrôle de proportionnalité alors que l'autorisation vise notamment et également des lieux occupés à titre privé et qu'elle habilite pas moins de 21 agents, impliquant ainsi la mise en oeuvre de moyens colossaux et sans corrélation avec leur finalité.
La présomption de fraude doit être suffisante pour que l'atteinte aux droit fondamentaux que constitue une visite domiciliaire soit proportionnée aux craintes objectives de l'administration et à l'ampleur ou la complexité du processus frauduleux et l'article 8 de la CEDH impose un contrôle de proportionnalité de la mesure.
Toutefois, la recherche d'autres moyens d'investigation n'est pas exigée par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme , la Cour européenne exigeant seulement que la législation et la pratique en la matière offrent des garanties suffisantes contre les abus lorsque les Etats estiment nécessaire de recourir à des mesures de visite domiciliaire pour établir la preuve matérielle des délits, notamment de fraude fiscale, et en poursuivre le cas échéant les auteurs.
L'article L16-B définit un cadre juridique proportionné qui limite les atteintes au principe d'inviolabilité du domicile à la stricte recherche des pièces en lien avec la présomption de fraude et assure les garanties suffisantes exigées par la Convention .
Aucun texte ne subordonne non plus la saisine de l'autorité judiciaire, pour l'application des dispositions de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales, à l'impossibilité de recourir à d'autres procédures de contrôle
En exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l'administration fiscale, le juge des libertés et de la détention a exercé de fait un contrôle de proportionnalité.
Ainsi et en l'espèce, dès lors que les présomptions d'agissements de fraude étaient établies ainsi qu'il est démontré plus haut, la procédure de visite domiciliaire était justifiée afin de rechercher la preuve de ces agissements.
Dès lors, ce moyen est inopérant.
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'ordonnance du premier juge
Il est constant que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée. Dès lors, c'est à tort que les appelants soutiennent de façon péremptoire que l'ordonnance déférée contient cinq lignes consacrées à la motivation alors que l'ordonnance inclus le visa de 26 pièces et contient près de huit pages de motivation.
Ainsi que rappelé plus haut, le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ce qui a été le cas en l'espèce.
Enfin, il est également constant qu'il résulte de l'article L. 16B du LPF que des visites et saisies domiciliaires peuvent être autorisées par l'autorité judiciaire si l'administration fiscale établit qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts ( Com, 15 février 2023, 20-20.59 et 20-20.600)
Ainsi que détaillé ci-dessus, ces présomptions ont été caractérisées par le premier juge et ce moyen ne saurait être accueilli.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer l'ordonnance déférée et de rejeter la demande d'annulation des opérations de visite et de saisie domiciliaire subséquentes ainsi que les demandes subsidiaires.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Les appelants, qui succombent au litige seront déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l'administration fiscale les frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés pour la présente procédure. Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 2 000 €.
Sur les dépens
Les appelants, parties perdantes, supporteront en outre les dépens de l'instance et ce conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement,
Déclarons recevable l'appel formé par la société [T] INVESTMENT LIMITED, M. [F] [V], Mme [D] [V], M. [M] [V], la S.A.R.L. LF CONSEILS, la S.A.R.L. MBF, la S.A.R.L. BF CONSEIL à l'encontre de l'ordonnance en date du 14 septembre 2021 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de TOULON et les recours à l'encontre du procès-verbal de déroulement des opérations de visite et de saisie en date du 16 septembre 2021 dressé par la Direction Générale de Finances Publiques.
Ordonnons la jonction des dossiers enrôlés sous les numéros RG 21/14072, RG 21/14076, RG 21/14078.
Confirmons ladite ordonnance.
Déboutons la société [T] INVESTMENT LIMITED, M. [F] [V], Mme [D] [V], M. [M] [V], la S.A.R.L. LF CONSEILS, la S.A.R.L. MBF, la S.A.R.L. BF CONSEIL de leur demande en annulation des opérations de visite et de saisies domiciliaires effectuées selon procès-verbal en date du 16 septembre 2021.
Déboutons la société [T] INVESTMENT LIMITED, M. [F] [V], Mme [D] [V], M. [M] [V], la S.A.R.L. LF CONSEILS, la S.A.R.L. MBF, la S.A.R.L. BF CONSEIL du surplus de leurs demandes.
Condamnons la société [T] INVESTMENT LIMITED, M. [F] [V], Mme [D] [V], M. [M] [V], la S.A.R.L. LF CONSEILS, la S.A.R.L. MBF, la S.A.R.L. BF CONSEIL à payer au directeur général des finances publiques la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamnons la société [T] INVESTMENT LIMITED, M. [F] [V], Mme [D] [V], M. [M] [V], la S.A.R.L. LF CONSEILS, la S.A.R.L. MBF, la S.A.R.L. BF CONSEIL aux dépens de la présente instance.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE