COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 06 AVRIL 2023
N° 2023/ 110
Rôle N° RG 21/13514 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIDZF
S.A.S. EOS FRANCE
C/
[X] [R] épouse [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Maud DAVAL-GUEDJ
Me Edouard BAFFERT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 08 Juin 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 11/19/3322.
APPELANTE
S.A.S. EOS FRANCE anciennement dénommée EOS CREDIREC et venant aux droits de la Société SOFINCO, au capital de 18 300 000 euros, inscrite au RCS de PARIS sous le n°B 488 825 217, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Cédric KLEIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Madame [X] [R]
née le 24 Juin 1954 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
M. Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 05 septembre 1988, la société SOFINCO a consenti à Monsieur [O] [Y] et Madame [X] [Z] épouse [Y] un crédit renouvelable.
Par ordonnance du 05 avril 2000, Monsieur [Y] et Madame [Z] ont été condamnés à payer à la société SOFINCO la somme de 6832,87 euros avec intérêts au taux contractuels.
Monsieur [Y] est décédé le 17 avril 2019.
Par acte d'huissier du 07 août 2019, la SAS EOS FRANCE a fait procéder à une saisie-attribution des sommes détenues par Madame [Z] auprès de la Société Générale, dénoncée par acte du 09 août 2019.
Le 29 août 2019, Madame [Z] a formé opposition.
Par jugement du 08 juin 2021, le juge des contentieux de la protection de Marseille a :
- déclaré recevable l'opposition
- déclaré irrecevables les demandes de la société EOS FRANCE
- rappelé que la demande de mainlevée de la saisie-attribution relève de la compétence du juge de l'exécution
- condamné la société EOS FRANCE à verser à Madame [Z] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens
- rappelé que la décision bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.
Le premier juge a estimé que la société EOS FRANCE ne démontrait pas avoir intérêt et qualité à agir à l'encontre de Madame [Z]. Il a souligné que l'acte de cession évoquait un numéro de créance détenue à l'encontre de Monsieur [Y] qui ne mentionnait pas l'identité de Madame [Z] alors que la créance n'était pas solidaire.
Il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution.
Le 22 septembre 2021, la société EOS FRANCE a relevé appel de tous les chefs de cette décision, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution.
Madame [Z] a constitué avocat.
Par conclusions notifiées le 23 décembre 2021 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, la société EOS FRANCE demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution
- de condamner Madame [Z] épouse [R] à lui verser la somme de 6832, 87 euros avec intérêts au taux contractuels de 17,46% à compter du 25 février 2000
- de débouter Madame [Z] épouse [R] de ses demandes
- de condamner Madame [Z] épouse [R] au versement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais de la procédure d'injonction de payer, les dépens d'appel étant recouvrés par Maître [W].
Elle expose que la société CONSUMER FINANCE (nouvelle désignation de la société SOFINCO) lui a cédé la créance détenue sur Monsieur [Y] et Madame [Z].
Elle note que Monsieur [Y] a été informé de cette cession par lettre du 18 avril 2017.
Elle indique justifier de la cession de cette créance par le biais du bordereau de cession qui fait référence à la créance cédée grâce au numéro de l'obligation souscrite et aux prénom et nom de Monsieur [Y], avec sa date de naissance.
Elle relève avoir fait signifier la cession de créance, l'ordonnance exécutoire et un commandement de payer aux fins de saisie-vente le 18 juin 2018.
Elle conteste la nullité de l'acte de signification de l'ordonnance au motif de l'absence de toute irrégularité et de grief.
Elle soutient que son action est recevable puisque le premier incident de paiement non régularisé date du mois de juin 1999 et que la signification de l'ordonnance d'injonction de payer date du 13 avril 2000.
Elle fait état de sa créance.
Par conclusions notifiées le 10 janvier 2022 auxquelles il convient de se reporter, Madame [Z] demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré
- à titre subsidiaire :
- de dire non avenue l'ordonnance d'injonction de payer, à défaut de justificatif de sa signification dans un délai de six mois
- de déclarer nul l'acte de signification du 08 juin, le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 18 juin 2018, le procès-verbal de saisie-attribution du 07 août 2019 et sa dénonciation du 09 août
- de constater la forclusion de l'action de la société EOS FRANCE
- de débouter la société EOS FRANCE de ses demande
* en tout état de cause :
- de déclarer prescrite la demande d'intérêts contractuels
- de condamner la société EOS FRANCE au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner la société EOS FRANCE aux dépens.
Elle soulève une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société EOS FRANCE. Elle relève que le bordereau de cession de créance ne mentionne pas son nom, alors qu'aucune solidarité n'était prévue entre les emprunteurs. Elle indique que cette société ne justifie pas avoir racheté la créance à son encontre.
Elle soulève la nullité de l'ordonnance d'injonction de payer et des actes subséquents, au motif de l'absence de justificatif de la signification de cette décision dans le délai de six mois. Elle conteste le fait que les mentions du greffe valent jusqu'à inscription de faux.
Elles estime forclose l'action en paiement intentée contre elle.
En tout état de cause, elle soulève la prescription des intérêts et fait état d'une prescription de deux ans.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 02 février 2023.
MOTIVATION
Aucune partie ne discute la recevabilité de l'opposition intentée par Madame [Z] épouse [R].
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société EOS FRANCE
La société SOFINCO a consenti à Madame [Z] épouse [Y] et Monsieur [O] [Y] un crédit renouvelable n° 44810842801.
La société SOFINCO est devenue la société CA CONSUMER FINANCE. Cette société a cédé à la société EOS CREDIREC un ensemble de créances, dont celle détenue à l'encontre de Monsieur [C] et Madame [Z], comme le démontre le bordereau de cession qui mentionne clairement le numéro du prêt (44810842801) et le nom du débiteur " [O] [C]", avec sa date de naissance (le 19 octobre 1953). Le fait que ne soit pas mentionné le nom de Madame [Z] est inopérant, même si aucune solidarité n'était mentionnée au contrat, la créance cédée, procédant du même contrat, étant suffisamment identifiée. De façon surabondante, le crédit renouvelable a été contracté par Monsieur [Y] et Madame [Z] épouse [Y]; ils étaient tenus solidairement à ce contrat en application de l'article 220 du code civil, puisqu'ils ont tous les deux consenti à ce crédit.
Il convient en conséquence de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par Madame [Z] épouse [R]. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur la nullité de l'ordonnance portant injonction de payer et "des actes subséquents".
La société EOS FRANCE démontre l'existence (pièce 7) d'une ordonnance d'injonction de payer qui a été signifiée à mairie le 13 avril 2000 par la SCP GAGNEUIL C. SPENGLER-GAGNEUIL G. COMET P. comme le mentionne le greffier le 15 mai 2000.
Madame [Z], qui ne démontre pas l'existence d'un grief pour soulever la nullité de la signification de cette ordonnance dont elle a fait opposition, sera déboutée de sa demande de nullité de cette décision "et des actes subséquents".
Sur la forclusion
Le contrat initial du 05 septembre 1988 portait sur un crédit renouvelable de 45.000 francs.
En application de l'article L 311-37 du code de la consommation dans sa version applicable, les actions en paiement doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion, y compris lorsqu'elles sont nées de contrats conclus antérieurement au 1er juillet 1989.
Le délai biennal de forclusion court, dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter de la première échéance impayée non régularisée et à compter du moment où le montant du dépassement maximum autorisé n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident qui caractérise la défaillance de l'emprunteur.
En l'absence d'une nouvelle offre préalable augmentant dans des conditions régulières le montant du découvert initialement autorisé, le dépassement de ce découvert sans opposition de la société de crédit, dès lors qu'il n'a pas été ultérieurement restauré, manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion.
Il ressort de l'historique produit au débat que durant la période du 30 janvier 1991 au 08 février 1993, soit pendant une durée supérieure à deux ans, le montant du capital emprunté a, sans discontinuer, été supérieure à la somme de 45.000 francs. Le délai biennal de forclusion, à la lecture de l'historique fourni, a commencé à courir le 30 janvier 1991. Le découvert autorisé de 45.000 francs n'a jamais été restauré avant 08 février 1993.
Dès lors, l'action en paiement de la société EOS FRANCE est irrecevable pour être forclose.
Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile
La société EOS FRANCE est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'est pas équitable de laisser à la charge de Madame [Z] épouse [R] les frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance et en appel.
La société EOS FRANCE sera condamnée à lui verser la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 1000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
Le jugement déféré qui a condamné la société EOS FRANCE aux dépens et à verser à Madame [Z] épouse [R] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmé.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société EOS FRANCE aux dépens et à verser à Madame [X] [Z] épouse [R] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
REJETTE la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société EOS FRANCE soulevée par Madame [X] [Z] épouse [R],
REJETTE la demande de nullité de l'ordonnance d'injonction de payer et "des actes subséquents" formée par Madame [X] [Z] épouse [R],
DÉCLARE irrecevable l'action en paiement intentée par la société EOS FRANCE en raison de la forclusion,
CONDAMNE la société EOS FRANCE à verser à Madame [X] [Z] épouse [R] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière en appel,
CONDAMNE la société EOS FRANCE aux dépens de la présente instance.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,