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06/04/2023 | FRANCE | N°19/12060

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 06 avril 2023, 19/12060


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 06 AVRIL 2023



N° 2023/156





N° RG 19/12060



N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVBJ







[F] [R]





C/



Compagnie d'assurances MMA IARD

SA SOCIÉTÉ MMA IARD

Organisme RSI - RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS - PROVENCE AL PES

Organisme CPAM DE [Localité 10]









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-SCP MAGNAN PAUL M

AGNAN JOSEPH



-Me Henri LABI











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 16 Juillet 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/00943.



APPELANT



Monsieur [F] [R]

né le [D...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 06 AVRIL 2023

N° 2023/156

N° RG 19/12060

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVBJ

[F] [R]

C/

Compagnie d'assurances MMA IARD

SA SOCIÉTÉ MMA IARD

Organisme RSI - RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS - PROVENCE AL PES

Organisme CPAM DE [Localité 10]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH

-Me Henri LABI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 16 Juillet 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/00943.

APPELANT

Monsieur [F] [R]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Damien FAUPIN, avocat au barreau de TARASCON substitué par Me Alizé BOZE, avocat au barreau de TARASCON, plaidant.

INTIMEES

Compagnie d'assurances MMA IARD,

Prise en la personne de son Directeur Général Monsieur [I] [L] né le [Date naissance 4]/1955 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Henri LABI, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

SA SOCIÉTÉ MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,

Prise en la personne de son Directeur Général,

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Henri LABI, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

RSI - RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS - PROVENCE AL PES,

Assignée le 30/09/2019 à personne habilitée. Significations le 12/12/2019 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 5]

Défaillante.

CPAM DE [Localité 10],

Assignée le 27/09/2019 à personne habilitée.Significations le 13/12/2019 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 3]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Février 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Le 27/07/2012 à [Localité 14], M. [R] circulant au guidon de sa motocyclette a été victime d'un accident de la circulation routière dans lequel était impliqué un véhicule terrestre à moteur conduit par M. [W] et assuré auprès de la SA MMA IARD. Son droit à indemnisation intégrale du préjudice subi n'est pas contesté.

Le docteur [D] a été missionné aux fins d'expertise amiable et a déposé son rapport le 07/04/2015.

La SA MMA IARD a versé à M. [R] une provision de 21.350,00 €.

Par ordonnance du 03/03/2016, le juge des référés de Tarascon a missionné aux fins d'expertise judiciaire le docteur [S]. Le rapport d'expertise a été déposé le 07/02/2017.

Par assignation du 02/06/2017, M. [R] a saisi le tribunal judiciaire de Tarascon aux fins de réparation de son préjudice corporel, au contradictoire de la SA MMA IARD, de la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 10] et du RSI [Localité 12].

Par jugement réputé contradictoire du 16/07/2019, le tribunal de grande instance de Tarascon a'condamné la SA MMA IARD à réparer le préjudice corporel subi par M. [R], et a :

- statué comme suit sur le principal :

' déficit fonctionnel temporaire : 3.846,25 €

' souffrances endurées'(3,5/7) : 8.000,00 €

' préjudice esthétique temporaire': 500,00 €

' assistance par tierce personne temporaire': 787,50 €

' perte de gains professionnels actuels : rejet de la demande

' déficit fonctionnel permanent': 16.000,00 €

' préjudice d'agrément': 4.000,00 €

' préjudice esthétique permanent'(1/7) : 1.500,00 €

' perte de gains professionnels futurs : rejet de la demande

' incidence professionnelle': rejet de la demande

- débouté M. [R] de ses autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA MMA IARD au paiement des dépens de l'instance, en ce compris ceux du référé.

Pour statuer ainsi, en particulier en ce qui concerne le rejet des demandes concernant les préjudices professionnels, le premier juge a retenu :

- s'agissant de la perte de gains professionnels actuels, l'insuffisance des éléments de preuve produits,

- s'agissant de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, la circonstance que M. [R], quoique licencié pour inaptitude, ait refusé le poste d'employé administratif qui lui était proposé dans le cadre d'un reclassement interne, alors qu'un rapport d'enquête de la SA MMA IARD démontrait qu'il travaillait sans gêne apparente dans la pizzéria qu'exploitait son conjoint.

Par déclaration du 23/07/2019 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [R] a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Tarascon, en raison':

- du chiffrage des préjudices réparés (déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire, assistance par tierce personne temporaire, déficit fonctionnel permanent, préjudice d'agrément, préjudice esthétique permanent), et

- du rejet des demandes concernant les préjudices professionnels (perte de gains professionnels actuels et futurs, incidence professionnelle) et l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 16/03/2021, le dossier a été plaidé le 31/03/2021 et mis en délibéré au 03/06/2021, date à laquelle la cour a ordonné la réouverture des débats et'invité':

- la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 10],'à faire toutes observations utiles au regard de sa décision du 05/05/2017 portant attribution à M. [R] d'une pension d'invalidité de 8.569,16 € calculée sur la base d'un salaire annuel moyen de base de 28.563,86 €, et à actualiser le cas échéant son état des débours définitifs du 17/11/2020 en ce qu'il ne mentionne qu'une somme de 4.331,64 € correspondant à 715,56 € de frais médicaux et à 3.615,98 € au titre des indemnités journalières, à l'exclusion de toute pension d'invalidité';

- M. [R] et la SA MMA IARD, à conclure sur ces points le cas échéant.

La clôture a été prononcée le 07/02/2023.

Par conclusions du 09/02/2023, M. [R] a demandé le rabat de l'ordonnance de clôture et l'admission aux débats des dernières conclusions notifiées le 09/02/2023, et de plusieurs pièces (avis d'imposition, attestations CPAM, attestations Pôle Emploi, justificatifs de domicile sur [Localité 11]) dont il est souligné que la communication avait été expressément demandée par la SA MMA IARD.

La clôture a été révoquée et lesdites pièces et conclusions admises, puis prononcée le 22/02/2023, date à laquelle le dossier a été plaidé et mis en délibéré au 06/04/2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives et responsives notifiées par RPVA le 09/02/2023, M. [R] demande à la cour de':

- juger son appel recevable et fondé,

- débouter la SA MMA IARD de sa demande de sursis à statuer,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle lui a alloué la somme de 4.000,00 € au titre du préjudice d'agrément, et l'a débouté de ses demandes d'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels actuels, de l'incidence professionnelle et de la perte de gains professionnels futurs,

- la confirmer pour le surplus,

En conséquence,

- condamner la SA MMA IARD à lui verser les sommes suivantes :

' perte de gains professionnels actuels : 12.204,41 €

' préjudice d'agrément': 8.000,00 €

' incidence professionnelle': 60.000,00 €

' perte de gains professionnels futurs': 517.224,68 €

- donner acte à la caisse primaire d'assurance-maladie et au Régime Social des Indépendants [Localité 12] de leurs créances fixées selon décompte,

- condamner la SA MMA IARD au paiement de la somme de 6.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA MMA IARD aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise et de référé, distraits au profit de Maître Joseph Magnan, avocat aux offres de droit.

Au soutien de ses demandes concernant le préjudice professionnel, M. [R] fait valoir que :

- perte de gains professionnels actuels': il a été licencié pour inaptitude le 27/01/2014, de l'entreprise Perrenot Distri Bike où il exerçait depuis le 01/03/2012 les fonctions de responsable homologation avec un salaire de 1.796,61 € mensuels nets, dont il justifie par la production de ses bulletins de paie depuis son embauche et ses avis d'imposition'; avant consolidation (27/07/2014), il aurait dû percevoir la somme de 43.118,64 € et n'a perçu que 30.914,23 € (indemnités journalières CPAM, indemnités journalières RSI, allocations de retour à l'emploi), sa perte de gains professionnels actuels peut être évaluée à la somme de 12.204,41 €'; M. [R] précise qu'il était à son compte en janvier et février 2012 et que telle a été la raison de son affiliation au RSI';

- perte de gains professionnels futurs': en se basant sur son salaire de référence, et en défalquant les allocations de retour à l'emploi qu'il a perçues, M. [R] sollicite au titre de la période échue la somme de 68.682,06 €'; pour la période à échoir, il procède par capitalisation du montant de la perte annuelle, soit (1.796,61 € - 607,46 € = 1.189,15 €) x 12 mois = 14.269,80 € x 31,433 (euro de rente viagère pour un homme âgé de 45 ans au jour de la liquidation, suivant barème GP 2018) = 448.542,62 €'; le montant total de la perte s'élève à la somme de 68.682,06 € + 448.542,62 € = 517.224,68 €';

- incidence professionnelle': la SA MMA IARD tente de le discréditer en produisant un rapport d'enquête privée émaillé de contradictions, en exagérant l'importance de l'aide apportée à sa femme dans l'exploitation de sa pizzéria Bella Pizza, et en soutenant de façon inexacte qu'il aurait déménagé à [Localité 11] avant son licenciement'; en réalité, les conclusions du docteur [S] qui admettent l'incidence professionnelle corroborent les conclusions de la médecine du travail qui a retenu son inaptitude'à l'emploi qu'il occupait chez Perrenot Distri Bike'; la pénibilité accrue dans l'exercice de toute activité professionnelle justifie l'allocation d'une somme de 60.000,00 €.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives IV notifiées par RPVA le 16/02/2023, la SA MMA IARD demande à la cour de':

Prononcer l'admission aux débats des présentes conclusions en cas de rabat de l'Ordonnance de clôture du 7 février 2023 et accueillir ainsi la réplique des Compagnies d'assurances MMA,

À titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, condamner M. [R] au paiement d'une somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Henri Labi,

À titre subsidiaire,

- surseoir à statuer dans l'attente du versement aux débats du justificatif de l'adresse de M. [R], outre l'ensemble de ses avis d'imposition, fiches de paie, recherches d'emploi, inscription à Pôle Emploi,

La SA MMA IARD conteste la réalité des préjudices professionnels invoqués et fait valoir que':

M. [R] s'est présenté en 2017 devant le docteur [S], expert judiciaire désigné, comme étant sans emploi alors qu'il travaillait en réalité depuis plus de trois ans comme salarié pizzaïolo au sein de la pizzéria de son épouse,

- perte de gains professionnels actuels': M. [R] invoque une perte de salaire de 12.204,41 € alors que, s'agissant d'un accident soumis à la législation sur les accidents du travail, l'employeur aurait dû maintenir le règlement de son salaire'; M. [R] n'indique pas pour quelle raison la totalité du salaire n'a pas été réglée'; il ne produit pas son avis d'imposition 2011, soit l'année précèdant l'accident';

- incidence professionnelle': des investigations effectuées sur internet et dans les locaux accessibles au public de la SARL Bella Pizza gérée par son conjoint, il résulte que M. [R] effectue un emploi de serveur à temps plein, qu'il se meut avec aisance et pivote sur lui-même, se faufile entre les tables et porte deux chaises lourdes à bout de bras sans effort apparent. Les clients sont accueillis et raccompagnés, parfois jusqu'au parking. Il conduit un véhicule Citroën C3 sans boite de vitesses automatique, dans le respect des règles du code de la route. M. [R] a été photographié en train de transporter à bout de bras sans difficulté notable le chevalet de présentation des menus. Les gestes sont fluides et souples. Aucune aide matérielle ou humaine n'a été utilisée par M. [R]. Aucune orthèse n'a été remarquée. M. [R] passe ses journées au restaurant et discute aisément avec son entourage, autant avec la clientèle du restaurant qu'avec les employés qu'il dirige naturellement. M. [R] n'a aucune autre activité professionnelle. De façon générale les temps de réaction de M. [R] sont prompts et rapides, tout comme ses mouvements qui sont sûrs, précis et fluides';

- perte de gains professionnels futurs': lors de l'audience de plaidoirie du 31/03/2021, avant réouverture des débats, M. [R] a été produit à la demande de la cour une note en délibéré concernant une perte de chance estimée à 80 % de pouvoir revenir au niveau de salaire trois fois supérieur qui était le sien à la date de l'accident'; les conditions d'emploi de M. [R] comme serveur au sein de la pizzeria Bella Pizza de son épouse montrent qu'il était parfaitement opérationnel et qu'il a d'ailleurs déménagé avant son licenciement.

* * *

La caisse primaire d'assurance-maladie des [Localité 9] a communiqué pour sa part un état des débours définitifs de 20.537,80 € ventilée comme suit':

- frais médicaux': 627,18 €,

- frais pharmaceutiques': 190,91 €,

- indemnités journalières': 19.719,80 €.

Assigné à personne habilitée le 12/12/2019 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, le RSI [Localité 12] n'a pas constitué avocat.

Assignée à personne habilitée le 13/12/2019 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie du [Localité 13] représentant la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 10] venant aux droits du RSI [Localité 12] n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit une somme de 4.331,64 € ventilée comme suit':

- frais médicaux': 715,56 €,

- indemnités journalières': 3615,98 €.

La mutuelle Harmonie a communiqué un montant de prestations servies au titre de frais médicaux et pharmaceutiques de 262,57 €.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue':

L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.

Sur la demande de sursis à statuer':

La demande est sans objet, compte tenu des pièces communiquées par M. [R] le 07/02/2023.

Sur le droit à indemnisation':

Le droit à indemnisation intégrale de M. [R] sur le fondement des dispositions de la loi du 05/07/1985 n'a jamais été contesté. Seule est discutée en cause d'appel l'évaluation de ce préjudice.

Sur l'étendue du préjudice corporel':

Données médico-légales':

Le rapport du docteur [S] constitue une base valable d'évaluation des préjudices subis par M. [R]. Ses conclusions médico-légales sont les suivantes':

- déficit fonctionnel temporaire : 50 % du 27/07/2012 au 31/08/2012, 25 % du 01/09/2012 au 21/11/2013, 10 % du 22/11/2013 au 26/07/2014

- déficit fonctionnel permanent : 10 %

- souffrances endurées': 3,5/7

- préjudice esthétique temporaire': du 27/07/2012 au 31/08/2012

- préjudice esthétique permanent': 1/7

- préjudice d'agrément : total pour la planche à voile, partiel pour la moto

- incidence professionnelle': inapte aux activités antérieures, reste apte à toute activité professionnelle dans un poste en station assise, en alternant position assise et debout régulièrement, sans port de charges, ni marche prolongée au-delà de 15 minutes

- assistance par tierce personne temporaire : 1 heure 30 / jour du 27/07/2012 au 31/08/2012.

Données chronologiques :

Date de naissance': 12/01/1974

Date du fait générateur : 27/07/2014

Date de la consolidation': 27/07/2014

Date de la liquidation': 06/04/2023

Durée en années de la période avant consolidation : 2,000

Durée en années de la période consolidation / liquidation': 8,692

Age'lors du fait générateur : 38

Age'lors de la consolidation : 40

Age'lors de la liquidation : 49

Sur l'indemnisation du préjudice corporel':

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.

L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident (38 ans), de la consolidation (40 ans), de la présente décision (49 ans) et de son activité (responsable homologation de motocyclettes), afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 05/07/1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de M. [R] doit être évalué comme suit.

I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Dépenses de santé actuelles (DSA)': 1906,32 € (dont part CPAM': 1.796,32 €)

Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie, soit en l'occurrence':

- prestations servies par le RSI'(frais médicaux et pharmaceutiques ) : 715,66 €,

- prestations servies par Harmonie Mutuelle (frais médicaux et pharmaceutiques)': 262,57 €,

- prestations servies par la caisse primaire d'assurance-maladie des [Localité 9] (frais médicaux et pharmaceutiques)': 818,09 €,

- frais d'ostéopathie restés à la charge de M. [R]': 110,00 €.

Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties.

Frais divers (FD)': 650,00 €

Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties.

Assistance par tierce personne temporaire'(ATPT) : 787,50 €

Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties.

Perte de gains professionnels actuels (PGPA)': 35.540,39 € (dont part CPAM 23.335,98 €)

Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus. La durée et l'importance, généralement décroissante, de l'indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu'à la date de la consolidation.

Il convient de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.

M. [R], après avoir exercé en indépendant jusqu'au 29/02/2012, a été embauché le 01/03/2012 par la SAS Perrenot Distri Bike en qualité de responsable homologation d'engins motorisés. Après son accident du 27/07/2012, M. [R] et son épouse ont vendu leur domicile de [Localité 14] et se sont établis dans [Localité 10], ainsi qu'il résulte d'une attestation notariée du 05/03/2014 et d'un contrat de travail signé entre M. [R] et la SAS Bella Pizza (ayant pour gérante Mme [Z] [E], compagne de M. [R]).

Les bulletins de paie délivrés par la SAS Perrenot Distri Bike produits (mars, avril, mai et juin 2012) mettent en évidence un salaire mensuel net imposable moyen de 1.721,86 €. Les bulletins de paie ultérieurs établissent qu'il n'a perçu aucun salaire de son employeur jusqu'à son licenciement pour inaptitude intervenu le 06/01/2014, après avis de la médecine du travail. Sans l'accident, il aurait donc perçu une somme de 41.324,76 €.

Des indemnités journalières lui ont cependant été versées par la caisse primaire d'assurance-maladie des [Localité 9] et de [Localité 10], d'un montant respectif de 19.719,80 € et de 3615,98 €, soit un total de 23.335,98 €. Le montant d'indemnisation revenant à M. [R] au titre de la perte de gains professionnels actuels est donc de 41.324,76 € - 23.335,98 € = 17.988,98 €.

M. [R], qui retranche de la perte de gains professionnels actuels le montant des allocations de retour à l'emploi qu'il a perçues, sollicite un montant de 12.204,41 € qui lui sera alloué.

b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

Perte de gains professionnels futurs (PGPF)': 27.563,53 €

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l'obligation pour elle d'exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n'englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.

Adossé au montant du revenu antérieur à l'accident, le chiffrage de la perte de revenus annuels doit permettre'le calcul des arrérages échus payables sous forme de capital jusqu'à la décision fixant l'indemnisation du préjudice, et le calcul des arrérages à échoir à compter de cette date, capitalisés selon un euro de rente variant selon l'âge de la victime.

C'est le salaire de référence au moment de l'accident, estimé en l'occurrence à 1.721,86 €, qui mesure l'existence et le cas échéant le montant d'une perte de gains professionnels futurs.

La caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 10] a notifié le 05/05/2017 à M. [R] qu'il était admis au bénéfice d'une pension d'invalidité annuelle de 8.569,16 €, avec rétroactif au 25/11/2016. Le salaire annuel moyen de base ayant servi d'assiette de calcul de la pension d'invalidité concerne par conséquent l'année glissante ayant couru du 26/11/2015 au 25/11/2016. La caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 10] précise dans son courrier de notification que le montant de ce salaire annuel moyen de base est de 28.563,86 €. Ce chiffre corrobore sensiblement le revenu 2016 de 27.463,00 € figurant sur l'avis d'imposition 2017 de M. [R] (déclarant n°2, numéro fiscal 00 52 144 810 326 C).

Or, le salaire annuel moyen de base de 28.563,86 € correspond à un salaire mensuel de 2.380,32 € qui, même après application d'un coefficient de cotisations sociales d'environ 0,78 (22%), est égal à 1.856,65 €, c'est-à-dire supérieur au salaire de référence de 1.721,86 €. Aucune perte de gains professionnels futurs ne peut donc être admise au-delà du 25/11/2016': M. [R] étant en capacité de gagner davantage que le salaire qu'il percevait au jour de l'accident, toute baisse ultérieure du revenu est nécessairement due à un événement autre que l'accident du 27/07/2012.

La période de calcul admise de la perte de gains professionnels futurs court par conséquent du 27/07/2014 au 25/11/2015. Soit 1.721,86 € x 12 mois x 1,334 année = 27.563,53 €.

Précision étant faite que ce chiffrage n'est pas invalidé par l'enquête discrète effectuée par le cabinet ERI sur demande de la SA MMA IARD. Les constatations de l'enquêteur privé ont été effectuées les 05, 25 et 26/02/2019, c'est-à-dire en dehors de la période au titre de laquelle la perte de gains professionnels futurs est admise.

Incidence professionnelle (IP)': 30.000,00 €

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou de l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap, de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, ou de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

M. [R] ayant été licencié de son emploi de responsable homologation au sein de la SAS Perrenot Distri Bike, l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance du handicap est incontestable.

Les constatations de l'enquêteur privé ont porté sur trois journées d'activité professionnelle de M. [R] au sein de la pizzeria de son épouse. Si elles attestent effectivement de la capacité de M. [R] à tenir un emploi ' ce qu'il ne conteste pas réellement ' elles ne sont pas de nature à discréditer les conclusions du docteur [S] qui, en retenant une inaptitude aux activités antérieures et la nécessité d'alterner position assise et position debout sans port de charges ni marche prolongée au-delà de 15 minutes, caractérise objectivement une pénibilité accrue des conditions d'exercice professionnel, et ce quel que soit l'emploi tenu.

Âgé de 40 ans à la consolidation, M. [R] a encore plus de la moitié de sa vie professionnelle devant lui. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il lui sera alloué une indemnité de 30.000,00 €.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)': 3.846,25 €

Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties.

Souffrances endurées (SE)': 8.000,00 €

Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties.

Préjudice esthétique temporaire (PET)': 500,00 €

Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties.

b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (DFP)': 16.000,00 €

Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties.

Préjudice esthétique permanent (PEP)': 1.500,00 €

Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties.

Préjudice d'agrément (PA)': 4.000,00 €

Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties.

Récapitulatif de la réparation du préjudice corporel de M. [R] :

Part victime

Part CPAM

Dépenses de santé actuelles

110,00 €

1.796,32 €

Frais divers

650,00 €

Assistance par tierce personne temporaire

787,50 €

Perte de gains professionnels actuels

12.204,41 €

23.335,98 €

Perte de gains professionnels futurs

27.563,53 €

Incidence professionnelle

30.000,00 €

Déficit fonctionnel temporaire

3.846,25 €

Souffrances endurées

8.000,00 €

Préjudice esthétique temporaire

500,00 €

Déficit fonctionnel permanent

16.000,00 €

Préjudice esthétique permanent

1.500,00 €

Préjudice d'agrément

4.000,00 €

Préjudice global de la victime

130.293,99 €

Total part CPAM

25.132,30 €

Total part victime

105.161,99 €

Provision versée à la victime

21.350,00 €

Montant revenant à la victime

83.611,69 €

Le préjudice corporel global subi par M. [R] s'établit ainsi à la somme de 130.293.99 €. Soit, après imputation des débours définitifs de la caisse primaire d'assurance-maladie et de la somme de 21.350,00 € déjà réglée à titre provisionnel, un montant d'indemnisation revenant à la victime de 83.611,69 €.

Sur les demandes annexes':

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

La SA MMA IARD est débitrice de l'obligation d'indemnisation et succombe dans ses prétentions. Elle supportera la charge des entiers dépens d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie de condamner la SA MMA IARD à payer à M. [R] une indemnité de 3.000,00 € au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Dit n'y avoir lieu à prononcer un sursis à statuer.

Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions dont appel,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne la SA MMA IARD à payer à M. [R] les sommes suivantes':

- perte de gains professionnels actuels': 12.204,41 € (douze mille deux cent quatre euros et quarante et un cents),

- perte de gains professionnels futurs': 27.563,53 € (vingt sept mille cinq cent soixante trois euros et cinquante trois cents),

- incidence professionnelle': 30.000,00 € (trente mille euros).

Condamne la SA MMA IARD à payer à M. [R] la somme de 3.000,00 € (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel.

Condamne la SA MMA IARD aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 19/12060
Date de la décision : 06/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;19.12060 ?
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