COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 31 MARS 2023
N° 2023/118
Rôle N° RG 19/09037 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEMCX
[G] [X]
C/
SAS UNIVAR
Copie exécutoire délivrée
le : 31 mars 2023
à :
Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 157)
Me Pierre-Yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 352)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 30 Avril 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00444.
APPELANTE
Madame [G] [X], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Antoine LOUNIS de la SELARL ERGASIA LOUNIS LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Marc LECOMTE de la SELARL ERGASIA LOUNIS LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS UNIVAR prise en la personne de son représentant légal en exercice , demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Fanny LEJEUNE de la SCP ZIELESKIEWICZ ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La société Univar France intervient dans le secteur de la distribution de produits chimiques et développe une large gamme de produits.
Elle applique à son personnel les dispositions de la convention collective nationale des industries chimiques.
Madame [G] [X] a été recrutée suivant contrat de travail à durée déterminée à compter du 1er juillet 1993 jusqu'au 31 décembre 1993 par la société Gazechim en qualité de secrétaire.
La relation de travail s'est poursuivie à compter du 1er septembre 1994 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, la salariée occupant un poste d'assistante commerciale.
La société Univar, qui a succédé à la société Gazechim, a occupé Madame [X] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 29 janvier 2007.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle occupait l'emploi d'assistante commerciale, coefficient 275 moyennant un salaire mensuel de base d'un montant brut de 1.971,64 € auquel s'ajoutait une prime d'ancienneté d'un montant de 295,75 € pour un horaire mensuel de 130 heures.
Au cours de l'année 2015, la société Univar a fait l'objet d'une réorganisation conduisant à la fermeture de différents sites dont celui de [Localité 3]. Dans le cadre d'un projet de licenciement économique collectif, un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a été négocié avec les partenaires sociaux.
Le 2 juillet 2015, la société Univar et les organisations syndicales représentatives ont signé un accord collectif sur un plan d'employabilité volontaire et le plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre du projet de réorganisation des activités d'Univar France.
L'accord a été validé par la DIRECCTE d'Ile de France par décision du 20 juillet 2015.
L'accord du 2 juillet 2015 a prévu la possibilité pour les salariés occupant des postes identifiés comme supprimés de se porter candidat au plan de volontariat leur permettant d'adhérer à un dispositif de congé de reclassement d'une durée de 8 mois, de bénéficier de mesures d'accompagnement dans leur recherche d'emploi par un cabinet en charge de l'assistance au reclassement externe, le cabinet Nadine Huron Accompagnement dit NHA, une mesure sociale complémentaire étant prévue à l'article 1.4.2.:
'Si à la fin du congé de reclassement, les salariés n'ont pas trouvé d'emploi et n'ont pas refusé d'offre valable de reclassement, les salariés dont l'emploi est supprimé dans le cadre de ce projet se verront verser un complément d'un montant de 5.000 €'.
Par courrier du 17 août 2015, Madame [X] a demandé l'adhésion à la convention d'employabilité volontaire afin d'effectuer une formation de reconversion diplômante pour se reconvertir dans l'animation sportive.
Le 29 septembre 2015, les parties ont conclu un accord de rupture par convention pour employabilité volontaire se traduisant par la rupture pour motif économique du contrat de travail à la date du 28 septembre 2015 avec congé de reclassement jusqu'au 6 juin 2016
Soutenant qu'elle satisfaisait aux critères d'attribution de la prime prévue à l'article 1.4.2. de l'accord collectif, Madame [X] a réclamé le11 juillet 2016 puis le 2 août 2016 à la société Univar le règlement de la somme de 5.000 € ce que cette dernière a refusé.
Sollicitant la condamnation de l'employeur au paiement de la prime prévue par l'article 1.4.2. du plan de sauvegarde de l'emploi ainsi que des dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, Madame [X] a saisi le 2 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Martigues lequel par jugement du 30 avril 2019 a :
- dit que Madame [X] ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions conventionnelles du Plan de sauvegarde de l'emploi,
En conséquence:
- débouté Madame [X] de l'intégralité de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame [X] aux entiers dépens de l'instance,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Madame [X] a relevé appel de ce jugement le 5 juin 2019 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.
Aux termes de ses conclusions d'appelante notifiées par voie électronique le 04 septembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, Madame [X] a demandé à la cour de :
- la dire bien fondée en son appel,
Infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions
- dire que la société Univar a fautivement exécuté le contrat de travail et fait montre d'une résistance abusive,
- dire satisfaites par la concluante les conditions d'attribution de la prime spécifique prévue par l'article 1.4.2. du Plan de Sauvegarde de l'Emploi du 2 juillet 2015,
- condamner la société Univar au paiement de la somme de 5.000 € à titre de prime prévue à l'article 1.4.2. du Plan de Sauvegarde de l'Emploi du 2 juillet 2015,
- dire que la somme susvisée produira intérêts de droit à compter de la demande en justice avec capitalisation en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civile,
- condamner en outre la société Univar au paiement des sommes suivantes:
- 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et résistance abusive,
- 1.500 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société intimée aux dépens.
Madame [X] fait valoir qu'elle satisfait aux deux critères d'attribution de la prime litigieuse n'ayant pas retrouvé d'emploi à l'issue de sa formation, n'ayant modifié le 12 février 2016 sa charte d'engagement que sur demande expresse du cabinet de reclassement, n'ayant jamais refusé aucune offre valable d'emploi et s'étant à l'inverse toujours activement investie dans sa recherche d'emploi.
Aux termes de ses conclusions d'intimée notifiées par voie électronique le 03 décembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus,la société Univar Solutions venant aux droits de la société Univar France SAS a demandé à la cour de:
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 30 avril 2019 et statuant à nouveau :
- constater que Madame [X] ne fait pas la preuve de sa situation professionnelle à la date de fin de son congé de reclassement,
- constater que Madame [X] a refusé toutes propositions d'offres valables d'emploi dans le cadre de sa charte d'engagement du 12 février 2016,
Par conséquent:
- constater que Madame [X] ne remplit pas les conditions prévues pour les dispositions conventionnelles du Plan de Sauvegarde de l'Emploi,
- débouter Madame [X] de sa demande de rappel de prime supplémentaire de 5.000 €,
- constater que la société Univar n'a commis aucun manquement à l'égard de Madame [X],
Par conséquent:
- la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale et résistance abusive,
A titre reconventionnel,
- la condamner au versement d'une indemnité de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Univar Solutions fait valoir à l'inverse que Madame [X] ne remplit pas les conditions d'attribution de cette prime n'ayant pas prouvé qu'à la fin du congé de reclassement elle n'avait pas trouvé d'emploi étant demeurée muette sur sa situation professionnelle actuelle alors que durant son congé de reclassement elle a exprimé sa volonté de ne pas recevoir d'offres valables d'emploi
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 janvier 2023, l'audience de plaidoiries étant fixée au 20 février 2023.
SUR CE :
Sur la demande en paiement de la prime prévue à l'article 1.4.2. du Plan de Sauvegarde de l'Emploi :
L'article 1.4.2. de l'accord collectif sur le plan d'employabilité volontaire et le plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre du projet de réorganisation des activités d'Univar France du 2 juillet 2015 a pour objet de faciliter l'accompagnement de chaque salarié dans son reclassement externe, la durée de celui-ci est de 8 mois, préavis compris pour les salariés de moins de 50 ans, le salarié en congé de reclassement étant 'dispensé d'activité afin de lui permettre de se consacrer entièrement à la recherche d'emploi ou à son projet professionnel' en étant rémunéré par une allocation correspondant à un pourcentage de la rémunération brute moyenne perçue au cours de 12 derniers mois.
Il est accompagné dans ses démarches d'emploi par un prestataire extérieur qui assure une fonction d'accueil, d'information et d'appui du salarié dans ses démarches de recherche d'emploi afin d'assurer son reclassement et qui réalise un premier entretien d'évaluation et d'orientation à l'issue duquel le salarié et l'employeur se voient remettre un document précisant la nature des actions nécessaires à la réalisation du projet professionnel du salarié (action de formation ou de validation des acquis ainsi que le nom de l'organisme prestataire), document qui doit être signé des parties.
En page 19 de cet accord, figure un paragraphe relatif aux mesures complémentaires au titre de l'accord du 17 juin 2015 libellé ainsi qu'il suit :
'Si à la fin du congé de reclassement les salariés n'avaient pas trouvé d'emploi et n'avaient pas refusé d'offre valable de reclassement, les salariés dont l'emploi est supprimé dans le cadre de ce projet se verront verser un complément d'un montant de 5.000 €.'
Aux termes du document intitulé 'Rupture par convention pour employabilité volontaire', (pièce n°7) Madame [X] ayant à cette même date accepté le congé de reclassement, les parties ont résilié d'un commun accord pour motif économique le contrat de travail de la salariée, celle-ci cessant définitivement de faire partie des effectifs de la société au terme du congé de reclassement fixé au 6 juin 2016.
La société Univar Solutions a validé le projet de formation de reconversion professionnelle de Madame [X] nécessitant l'obtention du Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l'Education Populaire et du Sport Activités pour tous (B.P.J.E.P.S - A.P.T.) afin de devenir éducatrice sportive et a accepté un devis de formation avec une date de fin prévisionnelle fixée au 23 juin 2016 pour un montant de 5.040 € (pièce n°6).
Madame [X] a signé le 7 janvier 2016 puis le 12 février 2016 une charte d'engagement dont la seule différence consiste à avoir répondu NON puis OUI à la phrase suivante:
'Le salarié déclare ne pas souhaiter relever de la disposition relative à la proposition d'OVE et des obligations qui y sont attachées, celui-ci souhaitant mobiliser son congé de reclassement dans le cadre de la mise en oeuvre d'un projet autre que le retour à l'emploi salarié'.
Si Madame [X] a effectivement rectifié ce paragraphe à la demande de Madame [B], consultante extérieure en charge de son dossier le 12 février 2016, il résulte de la pièce n°15 produite par l'appelante que celle-ci lui avait indiqué dès le 02 décembre 2015 'Je vous adresse la charte Univar à compléter, signer et me retourner par mail. Comme vous êtes en formation longue et pas disponible pour la recherche d'emploi, il faut entourer le OUI et barrer le NON', ce que celle-ci a fait en apposant au verso de la charte la mention manuscrite suivante 'Après bilan, je m'aperçois de l'incompatibilité entre la recherche active d'emploi et ma formation longue BPJEPS APT.'
Dès lors, il est constant que le projet de Madame [X] dans le cadre de son congé de reclassement n'a pas consisté en un retour immédiat à l'emploi, celle-ci s'étant engagée avec l'accord et le financement de l'employeur dépassant de 2.040 € le montant prévu par le PSE (pièce n°26) dans une formation longue diplômante de reconversion professionnelle qui n'était pas même achevée à la date du 6 juin 2016, n'ayant obtenu son diplôme qu'à la fin du mois de juin (pièces n°17 de l'intimée et n°28 de l'appelante) de sorte que si la première condition d'attribution de la prime complémentaire litigieuse était remplie, la seconde ne l'était pas, la salariée, non disponible pour mener une recherche d'emploi ayant refusé de recevoir des propositions d'offres valables de reclassement implicitement dans le cadre de la première charte d'engagement du 07 janvier 2016 au verso de laquelle elle a précisé 'vouloir recevoir des propositions d'OVE seulement au terme de sa formation' et explicitement dans la seconde charte d'engagement du 12 février 2016 rectifiée à sa demande expresse formulée le 4 février 2016 (pièce n° 27 de l'intimée) alors qu'indépendamment de sa formation, elle a seulement mis à jour son curriculum vitae le 20 juin 2016 puis a exprimé sa volonté de partir en vacances sans plus se manifester ni en répondant au courriel de Madame [B] du 14 juillet 2016 (pièce n°18) ni en se présentant au rendez vous fixé par celle-ci le 30 août suivant (pièce n°19).
C'est à juste titre, par des dispositions qui sont confirmées que la juridiction prud'homale a débouté Madame [X] de sa demande de paiement de la prime prévue par l'article 1.4.2. du Plan de Sauvegarde de l'Emploi.
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et résistance abusive:
La société Univar Solutions n'ayant pas refusé abusivement le paiement de la prime litigieuse, les dispositions du jugement entrepris ayant rejeté la demande de Madame [X] de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et résistance abusive sont confirmées.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les dispositions de la décision déférée ayant condamné Madame [X] aux dépens de première instance sont confirmées.
Par infirmation des dispositions du même jugement, elle est condamnée à payer à la société Univar Solutions une somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour:
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant rejeté la demande de la Société Univar Solutions au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui sont infirmées.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Madame [X] aux dépens de l'instance et à payer à la Société Univar Solutions une somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président