La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2023 | FRANCE | N°22/02073

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 30 mars 2023, 22/02073


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 30 MARS 2023



N° 2023/ 249













Rôle N° RG 22/02073 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI3DI







S.C.I. D.G.A.





C/



Commune COMMUNE DE [Localité 6]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me François GARGAM





Me Alain DE ANGELIS






<

br>Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 21 janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/04896.





APPELANTE



S.C.I. D.G.A.

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 30 MARS 2023

N° 2023/ 249

Rôle N° RG 22/02073 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI3DI

S.C.I. D.G.A.

C/

Commune COMMUNE DE [Localité 6]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me François GARGAM

Me Alain DE ANGELIS

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 21 janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/04896.

APPELANTE

S.C.I. D.G.A.

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 1]

représentée par Me François GARGAM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

COMMUNE DE [Localité 6]

représentée par son Maire en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 5]

représentée par Me Alain DE ANGELIS de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Valérie DAILLY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 février 2023 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président rapporteur

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par arrêtés municipaux en date du 12 octobre 1999, n° 99/39263 et 99/39264, la Ville de [Localité 6] a délivré une autorisation personnelle, précaire et temporaire à la société à responsabilité limitée (SARL) DGDB, en vue de l'occupation du domaine public routier, à savoir un trottoir, aux fins d'installation d'une terrasse fermée, de type véranda, de 38,40 m² et de deux terrasses simples de 2,16 m² et 10,50 m² dans le cadre de l'exercice de son activité de restauration rapide au n° 106, Plage de l'Estaque, dans le 16ème arrondissement.

La société civile immobilière (SCI) DGA a, par acte authentique en date du 28 juin 1999, acquis les biens et droit immobiliers correspondant à un immeuble sis [Adresse 2], à [Localité 6] et cadastré section L n°[Cadastre 4], pour une contenance de 99/100.

La Véranda précitée a été construite en 1970 par son auteur et elle est adjaçante à l'immeuble considéré.

Suite à la cessation d'activité de la SARL DGDB, la remise en état du domaine public a été demandée par la Ville de [Localité 6].

Le 1er mars 2005, la SCI DGA a donné à bail le local commercial à un nouveau locataire, la SARL Le Grand Bleu, représentée par madame [P], laquelle, par l'intermédiaire de son conseil, a sollicité la réfection de la terrasse fermée. La Ville de [Localité 6] a refusé.

La SCI DGA n'ayant jamais démoli la terrasse fermée malgré les mises en demeure répétées qui lui ont été envoyées par lettres recommandées, la Commune, saisie, entre temps de plaintes de riverains, l'a, par acte d'huissier en date du 12 novembre 2021, fait assigner devant le président du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de se voir autoriser à faire procéder à la démolition de la Véranda et de s'entendre allouer une provision de 21 240 euros au titre des travaux à entreprendre ainsi que 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 21 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille a :

- autorisé la Commune de [Localité 6] à faire procéder à l'enlèvement et à la démolition de la véranda ;

- condamné la SCI DGA à verser à la Commune de [Localité 6] une provision de 21 240 euros correspondant au devis du 8 octobre 2021 de la SAS Delta ;

- condamné la SCI DGA à payer à la Commune de [Localité 6] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a notamment considéré que le trottoir sur lequel se trouve la véranda litigieuse fait partie du domaine public et que sa présence constitue un trouble manifestement illicite en ce, notamment, qu'elle empêche la visibilité de la pharmacie et qu'elle est en mauvais état.

Selon déclaration reçue au greffe le 11 février 2022, la SCI DGA a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 31 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour :

- à titre liminaire, qu'elle :

' la reçoive en son exception d'incompétence et déclare le tribunal judiciaire de Marseille, et plus généralement toutes les juridictions judiciaires, incompétentes au profit du tribunal administratif.

' renvoie, en conséquence, la Commune de [Localité 6] à mieux se pourvoir ;

- plus généralement, qu'elle réforme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- condamne la Commune de [Localité 6], prise en la personne de son maire en exercice, à lui payer :

' la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire et abus de droit ;

' la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la Commune de [Localité 6], prise en la personne de son Maire en exercice, aux entiers dépens de la procédure dont distraction au profit de Maître François Gargam, avocat aux offres de droit.

Par dernières conclusions transmises le 28 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la Commune de [Localité 6] sollicite de la cour qu'elle confirme l'ordonnance entreprise, déboute la SCI de l'ensemble de ses demandes à son encontre et la condamne à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 7 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exception d'incompétence

L'appelante excipe de la compétence exclusive des juridictions de l'ordre administratif pour connaitre des litiges nés de l'occupation sans titre du domaine public alors que l'intimé invoque les dispositions de l'article L 116-1 du code de la voirie routière pour justifier la compétence du juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille.

Aux termes de l'article L 116-1 du code de la voirie routière, la répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie devant la juridiction judiciaire sous réserve des questions préjudicielles relevant de la compétence de la juridiction administrative. L'article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publique dispose que le domaine public routier comprend l'ensemble des biens appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1 et affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées.

En application des dispositions du premier de ces textes, et par dérogation au principe selon lequel relèvent de la compétence du juge administratif les litiges nés de l'occupation sans titre du domaine public, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents pour connaître de l'action en réparation d'un dommage causé au domaine public routier.

En l'espèce, la Commune de [Localité 6] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille d'une demande de condamnation de la SCI DGA à lui verser une provision de 21 240 euros au titre des travaux à entreprendre pour démolir une véranda implantée sur un trottoir du quartier l'Estaque. Il n'est pas contesté que ledit trottoir fait partie du domaine public routier de cette collectivité.

Ladite action qui s'analyse comme une action aux fins de cessation et réparation d'un dommage et/ou trouble causé au domaine public routier relève donc bien de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

L'exception d'incompétence soulevée par la SCI DGA sera donc rejetée.

Sur le trouble manifestement illicite

Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le second alinéa de ce texte dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Pour que la mesure sollicitée soit prononcée, ils doivent être constatés, à la date où le juge de première instance a statué et avec l'évidence requise en référé.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point. A l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle, le montant de la provision n'ayant alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée. C'est enfin au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.

Selon l'article 2 de l'arrêté du municipal n° 99/39263, l'autorisaiton donnée à la SARL DGDB d'installer une 'terrasse fermée en matériaux solides', d'une superficie de 38,4 m2, sur sur un emplacement public au droit de son commerce, sis [Adresse 3], était expressément qualifiée de 'personnelle'. L'article 3 de cet acte administratif précisait qu'elle était délivrée à titre essentiellement précaire et révocable alors que l'article 2 ajoutait que toute cession ou sous-location (entraînerait sa) révocation.

Il n'est donc pas contestable que, même si elle a racheté à la SCI des [Adresse 1] les locaux abritant le fonds de commerce précédemment exploité par la SARL DGDB, la SCI DGA et son locataire, la SARL le Grand Bleu, ne disposent d'aucun titre pour exploiter cette véranda installée domaine public routier, comme la Ville de [Localité 6] l'a rappelé à Maître [C] et à M. [N] par courriers en date des 15 décembre 2005, 11 octobre 2011 et 24 juin 2015.

Il s'infère par ailleurs du procès-verbal de constat dressé le 27 septembre 2021 par Maître [Z], huissier de justice à [Localité 6], que cette véranda est dans un état de décrépitude avancé qui la rend particulièrement disgracieuse dans ce [Adresse 7] que la Ville de [Localité 6] tente de réhabiliter.

Le trouble manifestement illicite constitué par cette occupation sans titre sur le domaine public routier est dès lors avéré comme relevé par le premier juge.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a :

- autorisé la Commune de [Localité 6] à faire procéder à l'enlèvement et à la démolition de la véranda ;

- condamné la SCI DGA à verser à la Commune de [Localité 6] une provision de 21 240 euros correspondant au devis du 8 octobre 2021 de la SAS Delta ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui a causé à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'article 1241 du même code dispose que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence.

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

En application des dispositions de ces textes, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette en dommages et intérêts, sur le fondement de ces textes, que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, l'action de la Commune de [Localité 6] ne saurait être qualifiée d'abusive dès lors qu'elle était fondée et par ailleurs justifiée par l'intérêt général de ses administrés.

L'appelante sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts formulée de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la SCI DGA aux dépens et à payer à la Commune de [Localité 6] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI DGA, qui succombe au litige, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais non compris dans les dépens, qu'elle a exposés pour sa défense. Il lui sera donc alloué une somme de 2 000 euros en cause d'appel.

La SCI DGA supportera en outre les dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette l'exception d'incompétence soulevée par la SCI DGA ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne la SCI DGA à payer à la Commune de [Localité 6] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SCI DGA de sa demande sur ce même fondement ;

Condamne la SCI DGA aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 22/02073
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;22.02073 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award