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30/03/2023 | FRANCE | N°21/01620

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 30 mars 2023, 21/01620


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 30 MARS 2023



N° 2023/145





N° RG 21/01620



N° Portalis DBVB-V-B7F-BG4L6







[J] [G] [D]





C/



[N] [M]

S.A. GAN ASSURANCES

Caisse CPAM DE [Localité 8]

















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-SCP BERNARDI



- SCP DUHAMEL ASSOCIES









Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 03 Septembre 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 15/05628.



APPELANTE



Madame [J] [G] [D]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Jean-Louis BERNARDI de la SCP B...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 30 MARS 2023

N° 2023/145

N° RG 21/01620

N° Portalis DBVB-V-B7F-BG4L6

[J] [G] [D]

C/

[N] [M]

S.A. GAN ASSURANCES

Caisse CPAM DE [Localité 8]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SCP BERNARDI

- SCP DUHAMEL ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 03 Septembre 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 15/05628.

APPELANTE

Madame [J] [G] [D]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-Louis BERNARDI de la SCP BERNARDI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, postulant et assistée par Me Jean-Denis DEL CARPIO, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Olivia WICKER, avocat au barreau de PARIS, plaidant.

INTIMES

Monsieur [N] [M]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 9],

de nationalité française,

demeurant [Adresse 10]

représenté par Me Florence ADAGAS-CAOU de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, postulant et assisté par Me Damien LAFORCADE, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Charlotte CHEVALLIER-GUYOT, avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant.

S.A. GAN ASSURANCES

La Compagnie GAN ASSURANCES SA, Société Anonyme au capital de 193 107 400 € (entièrement versé), inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 542 063 797, dont le siège social est [Adresse 6], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Florence ADAGAS-CAOU de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, postulant et assistée par Me Damien LAFORCADE, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Charlotte CHEVALLIER-GUYOT, avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant.

Caisse CPAM DE [Localité 8]

Signification de DA en date du 08/04/2021 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 3]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Février 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

Le 28 août 2013, alors qu'elle conduisait un scooter, Mme [J] [G] [D] a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par M. [N] [M] et assuré auprès de la société Groupe des assurances nationales (société GAN assurances).

Par actes des 22 juin, 1er juillet et 14 septembre 2015, Mme [D] a fait assigner M. [M] et la société GAN assurances devant le tribunal de grande instance de Draguignan afin d'obtenir, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 11], l'indemnisation de son préjudice corporel.

Par jugement du 12 janvier 2017, le tribunal a dit que Mme [D] avait droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice et que M. [M] et la société GAN assurances étaient tenus de l'indemniser et, avant dire droit sur l'indemnisation, ordonné une mesure d'expertise, tout en allouant à Mme [D] une provision de 10 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

En cours de procédure, le juge de la mise en état a alloué à Mme [D] une provision complémentaire de 7 000 €.

L'expert judiciaire a déposé son rapport d'expertise le 9 août 2018.

Par jugement du 3 septembre 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

- condamné M. [M] et la société GAN assurances, in solidum, à payer à Mme [D] une somme de 111 344,63 € en réparation de son préjudice ;

- condamné l'assureur au paiement d'intérêts au double du taux légal sur la somme de 190 836,68 € à compter du 13 juillet 2016 jusqu'au jour du jugement devenu définitif ;

- condamné M. [M] et la société GAN assurances in solidum à payer à Mme [D] une indemnité de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Bernard.

Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :

- dépenses de santé actuelles : 20 067,84 € revenant à la CPAM

- assistance par tierce personne temporaire (16 €/heure) : 8 848 €

- frais divers : 2 259 €

- perte de gains professionnels actuels : rejet

- assistance par tierce personne permanente (16 €/heure) : 36 470,72 €

- perte de gains professionnels futurs : 10 000 € revenant au tiers payeur

- incidence professionnelle : 80 000 € dont 69 492,05 € revenant au tiers payeur et 10 507,95 € revenant à la victime

- déficit fonctionnel temporaire (28 €/jour) : 11 258,96 €

- souffrances endurées (4/7) : 12 000 €

- préjudice esthétique temporaire 3/7 pendant trois mois : 1 000 €

- déficit fonctionnel permanent 15 % : 34 500 €

- préjudice esthétique permanent 0,5/7 : 1 000 €

- préjudice d'agrément : 8 000 €

- préjudice sexuel : 2 500 €.

Pour statuer ainsi, il a, en substance, considéré que :

- sur l'assistance par tierce personne temporaire : l'expert n'a retenu qu'une heure par semaine et il n'existe pas de besoin au titre des séquelles neurologiques, l'aide apportée par le compagnon pour la soutenir et l'accompagner ne constituant pas une assistance par tierce personne ;

- sur la perte de gains professionnels actuels : Mme [D] ne justifie pas de ses revenus antérieurs à l'accident et, en tout état de cause, était en mesure de travailler et percevoir des gains ;

- sur l'assistance par tierce personne permanente : il n'existe aucun besoin d'assistance au titre des séquelles neurologiques ;

- sur la perte de gains professionnels futurs : Mme [D] ne justifie pas qu'elle percevait des gains avant l'accident et elle a pu reprendre une activité professionnelle après consolidation ; si elle justifie qu'elle suivait des études au moment de l'accident, elle ne produit aucune pièce attestant de ses résultats, de sorte que l'accident lui a, tout au plus, fait perdre une chance de percevoir un revenu supérieur à celui qu'elle perçoit actuellement mais cette perte est limitée compte tenu de l'incertitude quant à son parcours universitaire ;

- sur l'incidence professionnelle : si l'expertise retient une nécessité de modifier les projets professionnels antérieurs et une gêne dans le travail liée à des troubles cognitifs mineurs, les séquelles ne contrarient pas la reprise des activités antérieures ;

- sur le doublement du taux de l'intérêt légal : l'accident a été porté à la connaissance de l'assureur le 29 juin 2015, de sorte qu'il aurait dû présenter une offre avant le 29 mars 2016 mais la victime demande que la sanction démarre le 13 juillet 2016 , or à cette datte aucune offre complète et suffisante n'avait été présentée.

Par acte du 3 mars 2021, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [D] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a condamné M. [M] et la société GAN à lui payer une somme de 111 344,63 € pour l'ensemble de son préjudice corporel, provisions versées déduites et dit que le montant total des indemnités dues, y compris la créance de la CPAM, soit une somme de 190 836,68 €, produira intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 13 juillet 2016 et jusqu'à la date du jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 31 janvier 2023.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 23 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [D] demande à la cour de :

' infirmer le jugement, hormis en ce qu'il a évalué le déficit fonctionnel temporaire et le préjudice d'agrément ;

' condamner M. [M] et la société GAN assurances in solidum à lui payer la somme de 694 085,38 € au titre des frais divers, de l'assistance par tierce personne temporaire, de la perte de gains professionnels actuels, de l'assistance par tierce personne permanente, de la perte de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique permanent et du préjudice sexuel, avec intérêts au double du taux légal du 29 avril 2014 jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif ;

' ordonner la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;

' condamner M. [M] et la société GAN assurances in solidum à lui payer une indemnité de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de son avocat.

Elle chiffre son préjudice comme suit :

- dépenses de santé actuelles : 20 067,84 € revenant à la CPAM

- frais divers restés à charge : 2 259 €

- perte de gains professionnels actuels : 20 309 €

- assistance temporaire par tierce personne (18 €/heure) : 26 848,27 €

- perte de gains professionnels futurs : 156 099,56 € dont 79 492,05 € revenant au tiers payeur et 76 607,51 € lui revenant

- incidence professionnelle : 150 000 €

- assistance permanente par tierce personne : 317 801,60 €

- déficit fonctionnel temporaire : 11 258,96 €

- souffrances endurées : 20 000 €

- préjudice esthétique temporaire : 8 000 €

- déficit fonctionnel permanent : 70 750 €

- préjudice esthétique permanent : 1 500 €

- préjudice d'agrément : 8 000 €

- préjudice sexuel : 7 000 €.

Au soutien de son appel et de ses prétentions, elle fait valoir que :

- sur la perte de gains professionnels actuels : au moment de l'accident, elle était étudiante en psychologie et parallèlement coordonnait des projets pour deux organisations non gouvernementales (ONG) ; or, depuis, elle a réussi difficilement à valider un diplôme en psychologie dans une université anglaise mais ne parvient pas à se maintenir dans l'emploi en raison de ses troubles cognitifs ; tout au plus a t'elle été en mesure de donner des cours d'anglais à temps partiel et d'aider son époux dans la gestion de son food truck alors que, sans l'accident, elle aurait été en mesure de percevoir un revenu de 2 000 € par mois ; la perte de chance doit être évaluée à 90 % ;

- sur la perte de gains professionnels futurs : sans l'accident, elle pouvait prétendre à un revenu mensuel de 2 000 € par mois, soit 24 000 € par an ; elle a perdu une chance de 90 % de percevoir cette somme, soit une perte de 21 600 € en raison de séquelles cognitives importantes qui affectent les fonctions exécutives et sont la source d'une importante impulsivité qui contrarient l'accès et le maintien dans l'emploi ; elle a essayé à plusieurs reprises de travailler mais a été contrainte d'y renoncer avant de trouver un emploi en qualité de gestionnaire de santé internationale qu'elle occupe toujours aujourd'hui ; la perte correspond à la différence entre le salaire espéré et celui qu'elle a perçu et perçoit encore actuellement, à capitaliser pour l'avenir selon un euro de rente viagère selon le barème de la gazette du palais 2020 ;

- sur l'incidence professionnelle : au moment de l'accident, elle occupait un poste à responsabilité dans une ONG tout en suivant des études ; elle a été contrainte de renoncer à ses ambitions ; les séquelles sont en conséquence la source d'une pénibilité accrue au travail, d'une dévalorisation sur le marché du travail et d'une perte de chance d'évolution professionnelle ;

- sur l'assistance par tierce personne : l'assistance par tierce personne avant consolidation doit être prolongée jusqu'à la consolidation dès lors qu'elle souffre de troubles neurologiques importants qui nécessitent une aide dans la planification des horaires et de son emploi du temps ; son compagnon l'assiste à raison d'une dizaine d'heures par semaine ;

- sur le déficit fonctionnel permanent : les séquelles neurologiques ayant été sous-évaluées, la cour doit retenir un taux global de 25 % ;

- sur le doublement du taux de l'intérêt légal : l'accident étant survenu le 28 août 2013, l'assureur avait jusqu'au 28 avril 2014 pour formuler une offre ; l'offre présentée tardivement était insuffisante et incomplète alors que l'assureur ne lui a jamais demandé de pièces complémentaires.

Dans leurs dernières conclusions d'intimés et d'appel incident régulièrement notifiées le 4 janvier 2023, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, M. [M] et la société GAN assurance demandent à la cour de :

A titre principal,

' confirmer le jugement en ce qui concerne les postes dépenses de santé actuelles, perte de gains professionnels actuels, frais divers, préjudice d'agrément et préjudice sexuel, et l'infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

' évaluer les postes assistance par tierce personne avant et après consolidation, incidence professionnelle, déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire, déficit fonctionnel permanent, préjudice esthétique permanent à 129 870,12 € ;

' débouter Mme [D] du surplus de ses demandes ;

' imputer la rente accident du travail sur les postes incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent et déduire les provisions versées ;

A titre subsidiaire,

' confirmer le jugement et débouter Mme [D] du surplus de ses demandes ;

' condamner Mme [D] à payer une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Ils proposent de chiffrer le préjudice de la façon suivante :

- dépenses de santé actuelles : 20 067,84 € revenant à la CPAM

- frais divers restés à charge : 2 259 €

- perte de gains professionnels actuels : rejet

- assistance temporaire par tierce personne (11 €/heure) : 4 373,60 €

- perte de gains professionnels futurs : rejet

- incidence professionnelle : 60 000 € revenant au tiers payeur

- assistance permanente par tierce personne (11 €/heure) : 20 969,52 €

- déficit fonctionnel temporaire (22 €/jour) : 9 627 €

- souffrances endurées : 8 000 €

- préjudice esthétique temporaire : 800 €

- déficit fonctionnel permanent : 25 500 € dont 6 007,95 € revenant à Mme [D] et 19 492,05 € revenant au tiers payeur

- préjudice esthétique permanent : 600 €

- préjudice d'agrément : 8 000 €

- préjudice sexuel : 2 500 €.

Ils font valoir que :

- sur l'assistance par tierce personne : les troubles mnésiques et cognitifs ne justifient aucune aide supplémentaire par rapport à celle retenue par l'expert qui retient que, si Mme [D] a besoin d'être accompagnée, il ne s'agit pas d'une aide par tierce personne au sens de la nomenclature ; il en va de même après consolidation, alors que Mme [D] effectue chaque jour de longs trajets à vélo qui démontrent son autonomie ;

- sur la perte de gains professionnels actuels : Mme [D] a été en arrêt du 28 août 2013 au 12 février 2014 mais n'a subi aucune perte de gains au regard des indemnités journalières versées ; la réclamation au titre d'une perte de gains à compter de septembre 2015 n'est pas justifiée, dès lors que Mme [D] a cessé ses études en troisième après avoir passé les épreuves du brevet qu'elle a obtenu avec deux ans de retard, qu'elle faisait du bénévolat lorsque l'accident s'est produit et que, si elle justifie avoir été inscrite en psychologie, elle ne produit aucun élément démontrant qu'elle aurait réussi ce cursus ; en tout état de cause, elle ne justifie pas des revenus qu'elle percevait effectivement avant l'accident, de sorte que la perte de gains en lien avec l'accident n'est pas démontrée et la perte de chance alléguée ne saurait pallier sa carence dans la démonstration d'une perte réelle de revenus en lien avec l'accident ;

- sur la perte de gains professionnels futurs : Mme [D] ne démontre pas que, sans l'accident, elle aurait nécessairement perçu un salaire net mensuel de 2 000 € : elle bénéficiait d'un CDI qu'elle a abandonné et, actuellement, travaille à temps plein sans justifier d'une quelconque perte de gains ;

- sur l'incidence professionnelle : la pénibilité accrue n'est pas contestée mais Mme [D] n'est pas aussi diminuée qu'elle le prétend si on considère qu'elle effectue chaque jour dix kilomètres à vélo pour aller et revenir du travail ; la dévalorisation n'est pas démontrée puisqu'elle occupe un poste adapté dans une entreprise et la perte de chance professionnelle ne l'est pas davantage puisque Mme [D] ne justifie pas qu'elle pouvait prétendre à une carrière plus prometteuse, ni qu'elle est l'impossibilité de reprendre ses activités au sein d'ONG ;

- sur le déficit fonctionnel permanent : le taux retenu par l'expert est justifié et Mme [D] ne produit aucun élément médical permettant de le porter à 25 % ;

- sur le doublement du taux de l'intérêt légal : Mme [D] ne peut modifier en cause d'appel la date de point du départ de la sanction alors qu'elle a obtenu satisfaction en première instance ; elle n'a eu connaissance de l'accident que le 29 juin 2015 ; ce n'est qu'à la lecture du rapport d'expertise qu'elle a eu connaissance de l'étendue des préjudices ; elle avait cinq mois à compter du dépôt du rapport en août 2018 pour présenter une offre qui a été transmise en décembre 2018 ; cette offre était complète et suffisante au regard des conclusions de l'expert et des justificatifs transmis par la victime.

La CPAM de [Localité 11], assignée par Mme [D], par acte d'huissier du 8 avril 2021, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel et des conclusions, n'a pas constitué avocat.

Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 12 septembre 2022, elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 106 452,21 €, correspondant à :

- des prestations en nature : 20 067,84 €

- des indemnités journalières versées du 29 août 2013 au 11 février 2014 : 6 892,32 €

- les arrérages d'une rente versée du 11 septembre 2014 au 15 novembre 2018 : 8 426,37 €

- le capital représentatif de la rente accident du travail : 71 065,68 €.

*****

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur le préjudice corporel

Selon le docteur [C], expert judiciaire qui s'est adjoint un sapiteur neurologue, Mme [D] a souffert au titre des lésions initiales de fractures des vertèbres C7, D6 D7, D8 D9, d'un pneumothorax gauche, d'une contusion de l'épaule gauche, et d'un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale ayant entraîné une amnésie temporaire.

De ces lésions, elle conserve comme séquelles une douleur lors des mobilisations du rachis et des troubles cognitifs.

L'expert conclut à :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 28 août 2013 au 5 septembre 2013,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % du 6 septembre 2013 au 30 octobre 2013,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 31 octobre 2013 au 31 décembre 2013,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 33 % du 1er janvier 2014 au 11 septembre 2014,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % du 12 septembre 2014 au 5 septembre 2017,

- un arrêt justifié des activités professionnelles du 28 août 2013 au 12 février 2014,

- après consolidation une gêne professionnelle,

- une consolidation au 5 septembre 2017,

- des souffrances endurées de 4/7,

- un préjudice esthétique temporaire de 3/7 pendant la période de port du corset,

- un déficit fonctionnel permanent de 15 %,

- un préjudice esthétique permanent de 0,5/7,

- un préjudice d'agrément,

- un préjudice sexuel,

- un besoin d'assistance de tierce personne temporaire de trois heures par jour du 6 septembre 2013 au 30 octobre 2013, de deux heures par jour du 31 octobre 2013 au 31 décembre 2013 et de trois heures par semaine du 1er janvier 2014 au 11 septembre 2014,

- un besoin en assistance par tierce personne permanente d'une heure par semaine.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi par Mme [D], à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 4] 1981, de son activité de vendeuse saisonnière et étudiante au moment de l'accident, et de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Mme [D] était âgée de 32 ans au moment de l'accident et de 36 ans au moment de la consolidation. Elle est à ce jour âgée de 41 ans.

Les parties ne contestent pas l'évaluation par le premier juge des postes suivants :

- dépenses de santé actuelles : 20 067,84 € revenant au tiers payeur

- frais divers : 2 259 €

- préjudice d'agrément : 8 000 €.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Perte de gains professionnels actuels 12 668,11 €

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Elle commence à la date du dommage et finit au plus tard à la date de la consolidation, c'est à dire à la date à partir de laquelle l'état de la victime n'est plus susceptible d'être amélioré d'une façon appréciable et rapide par un traitement médical approprié.

Seule peut être indemnisée l'incapacité temporaire consécutive au fait dommageable, ce qui exclut les arrêts de travail sans rapport avec l'accident.

En l'espèce, l'expert retient un arrêt de travail imputable à l'accident de la circulation uniquement du 28 août 2013 au 12 février 2014.

Mme [D] n'allègue aucune perte de revenus non compensée par les indemnités journalières d'un montant de 6 892,32 € versées entre le 29 août 2013 et le 11 février 2014, de sorte qu'il ne lui revient aucune indemnité de ce chef au titre de la période d'arrêt de travail retenue par l'expert.

En revanche, elle demande l'indemnisation de pertes de gains à compter du 1er septembre 2015 et jusqu'à la consolidation au motif que sans l'accident, elle serait entrée sur le marché du travail à cette date avec un diplôme de psychologue et aurait pu percevoir un revenu de 2 000 € par mois, correspondant au revenu moyen d'un psychologue sur le marché du travail.

Selon elle, les blessures que lui a causées l'accident sont à l'origine d'une perte de chance de percevoir ce revenu de 90 %.

Dès lors que cette période d'arrêt de travail n'est pas retenue par l'expert au titre des arrêts causés par l'accident, il appartient à Mme [D] d'établir son lien de causalité avec l'accident.

Or, il résulte du rapport de l'expert qu'au delà des blessures physiques causées par l'accident, Mme [D] a commencé à manifester des troubles cognitifs à partir du mois de mars 2014. Ces troubles ont été signalés par son médecin traitant dans un courrier de transmission destiné à un neurologue, sollicité afin de déterminer si ses troubles correspondaient à de simples troubles de la concentration consécutifs à l'accident. Des séances d'orthophonie lui ont été prescrites, corroborant l'hypothèse de troubles cognitifs. Le bilan orthophonique dressé le 13 octobre 2015 fait ainsi ressortir l'existence de troubles de la mémoire (de travail, épisodiques, prospective, et d'une atteinte des fonctions exécutives). Une évaluation neuro-psychologique ultérieure a confirmé l'existence d'un ralentissement du traitement de l'information, d'un déficit de l'attention, soutenue avec une diminution de la concentration et d'une difficulté de mémorisation même si les mécanismes mnésiques sont apparues préservées. Le bilan conclut à un syndrome dysexécutif (frontal) de forme mineure et un trouble de l'adaptation chronique.

Mme [D] justifie qu'au moment de l'accident, elle était inscrite à l'université de [7] dans le cadre d'un cursus en ligne (the open University) de psychologie depuis 2012. Elle produit des documents à en tête de la Student Academic Summary attestant de ses résultats dans ce cursus, validé en 2012, puis repris en 2014 et validé, tant pour l'année 2014 que pour l'année 2015.

Les blessures résultant de l'accident étaient sérieuses puisqu'elle a été hospitalisée jusqu'au 5 septembre 2013 avant de subir un déficit fonctionnel temporaire partiel de 75 % jusqu'à fin octobre 2013 puis de 50 % jusqu'au 31 décembre 2013 et qu'elle a été en arrêt de travail jusqu'en février 2014.

Par ailleurs, elle a souffert sur le plan neurologique puisque des troubles cognitifs ont été mis en évidence en mars 2014 et qu'elle s'est vu prescrire un traitement antidépresseur.

Il résulte de ces éléments, que les blessures physiques et troubles cognitifs objectivés en mars 2014 l'ont contrainte à différer le passage des examens du cursus universitaire qui était en cours au moment de l'accident.

L'obtention du diplôme après reprise du cursus universitaire démontre que Mme [D] avait une chance tangible de réussir ses examens avant l'accident.

L'accident ayant contrarié la poursuite du cursus universitaire entamé avant l'accident a donc retardé d'autant son entrée sur le marché du travail, mais également son recrutement en qualité de psychologue si on considère qu'il s'agit d'un métier requérant une bonne solidité psychique afin d'être en mesure de prendre en charge les troubles d'autrui.

Ainsi, atteinte à compter de mars 2014 de troubles cognitifs même mineurs, Mme [D] a été contrainte de renoncer à l'exercice de cette profession, n'étant plus en mesure du fait de troubles de la concentration, du traitement de l'information et de mémorisation et même d'un syndrome dépressif attesté par la prise d'antidépresseurs, de prendre en charge les difficultés psychiques de patients.

Certes, elle était déjà âgée à cette date de 32 ans et son parcours antérieur était atypique et marqué par l'échec scolaire. Pour autant, il ressort de son curriculum vitae, dont la teneur est confirmée par sa soeur, Mme [R] [D], qu'elle avait jusqu'à l'accident investi le champs des activités humanitaires et oeuvré en qualité de bénévole au sein d'associations internationales durant plusieurs années. Elle disposait donc d'une expérience à caractère professionnel même si ses activités n'avaient pas été rémunérées. Cette expérience était susceptible de favoriser son recrutement.

Par ailleurs, elle avait manifestement entrepris avant l'accident de se réorienter professionnellement puisque son inscription aux cours de psychologie de l'université de [7] est établie et antérieure à l'accident et que sa réussite ultérieure confirme que si le cours de ses études n'avait été interrompue par la nécessité de se soigner, elle aurait pu obtenir son diplôme plus tôt et exercer en cette qualité.

Cependant, la réussite universitaire ne conduit pas nécessairement à l'obtention immédiate d'un travail rémunéré, notamment dans les spécialités universitaires relevant des humanités. Par ailleurs, l'activité de psychologue se caractérise par un marché de l'emploi très concurrentiel.

Mme [D] a donc tout au plus perdu une chance d'exercer cette profession et de percevoir à compter de septembre 2015, date programmée de la fin du cursus universitaire entamé avant l'accident, les gains qu'elle était susceptible de percevoir en qualité de psychologue.

Lorsque, comme en l'espèce, la victime suivait un cursus scolaire ou de formation dont l'accident a contrarié le cours et son entrée sur le marché du travail, elle a droit à l'indemnisation de la perte des gains espérés. Ceux-ci ne doivent cependant pas être hypothétiques.

En l'espèce, en regard des éléments soumis à l'appréciation de la cour, notamment le parcours professionnel antérieur, l'âge de Mme [D] et le caractère très concurrentiel du marché du travail dans ce secteur marqué par une insertion professionnelle difficile, la perte de chance de percevoir des gains correspondant au métier pour lequel elle se formait, grâce à l'obtention plus précoce de son diplôme universitaire, doit être fixée à 30 %.

Mme [D] soutient que le salaire moyen d'un psychologue en début de carrière se situe à 2 000 €. Elle ne produit cependant aucune pièce étayant cette allégation.

En 2023, la rémunération d'un psychologue en début de carrière varie de 1 400 € nets par mois dans le privé à 1 600 € nets par mois dans le public pour un psychologue à l'échelon un. En moyenne la rémunération d'un psychologue salarié en début de carrière s'élève donc à ce jour 1 500 € nets par mois.

Il n'y a pas lieu de se référer à la rémunération moyenne d'un psychologue exerçant en libéral, ce mode d'exercice supposant une expérience minimale pour être réellement rémunérateur.

Du 1er septembre 2015 à la date de consolidation, Mme [D] aurait pu percevoir 36 000 € (1 500 €/30 x 736 jours).

Ses avis d'impôt font ressortir les éléments suivants :

- en 2015 (avis d'impôt 2016) : 7 390 € de salaires, 2 456 € au titre d'autres revenus salariaux et 8 861 € de revenus d'auto-entrepreneur, soit, si on ne tient pas compte des 2 456 € correspondant nécessairement à des indemnités d'aide au retour à l'emploi qui n'ont pas à être prises en considération, des revenus professionnels d'un montant de 16 251 €, ce qui représente, rapporté à la période à indemniser la somme de 5 417 € (16 251/12 x 4 mois) ;

- en 2016 (avis d'impôt 2017) : 6333 € (1 446 € de salaires et 4 887 € de revenus en qualité d'auto-entrepreneur)

- en 2017 (avis d'impôt 2018) : la page 2 de l'avis d'impôt n'est pas produite, mais le revenu imposable après la déduction de 10 % s'élève à 6 620 € ; le revenu net s'élève donc à 7 355 €, soit du 1er au 5 septembre 2017 des gains de 4 997,36 € (7 355/365 x 248 jours),

et au total, au titre de la période sur laquelle une indemnisation est réclamée 16 747,36 (5 417 + 6 333 + 4 997,36).

Il en résulte une perte de 19 252,64 €, indemnisable dans une proportion de 30 %, soit à hauteur de 5 775,79 €.

Aucune indemnité journalière de maladie n'a été versée par la CPAM sur cette période, de sorte que cette somme revient intégralement à la victime.

- Assistance par tierce personne 21 234,86 €

Ce poste correspond à l'indemnisation des dépenses engendrées par la nécessité d'une présence humaine auprès de la victime pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son étendue et son coût.

La nécessité de la présence auprès de Mme [D] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité et suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son étendue et son coût.

L'expert précise qu'elle a eu besoin d'une aide de trois heures par jour du 6 septembre 2013 au 30 octobre 2013, de deux heures par jour du 31 octobre 2013 au 31 décembre 2013 et de trois heures par semaine du 1er janvier 2014 au 11 septembre 2014.

Mme [D] conteste cette évaluation.

Le sapiteur neurologue, que l'expert s'est adjoint afin de déterminer l'étendue des lésions neurologiques, indique que Mme [D] a souffert, du fait de l'accident, de troubles ayant entrainé un ralentissement du traitement de l'information, un déficit de l'attention soutenue avec une diminution de la concentration avec le temps et difficultés de mémorisation même si les mécanismes mnésiques sont décrits comme préservés et une impulsivité contrôlable mais au prix d'une lenteur pathologique dans le processus de prise de décision ayant des répercussions dans les activités quotidiennes. Plus synthétiquement, il décrit ces troubles comme correspondant à un syndrome dysexécutif frontal de forme mineure, affectant le versant cognitif et comportemental.

L'aide considérée comme nécessaire par l'expert judiciaire avant consolidation est destinée à suppléer la perte d'autonomie causée par les blessures physiques. Il ne retient aucune assistance par tierce personne au motif que le sapiteur neurologue aurait exclu la nécessité d'une telle aide.

Or, si le rapport du sapiteur ne prévoit pas expressément d'assistance par tierce personne au titre des troubles neurologiques, l'expert n'a manifestement pas tiré toutes les conséquences des constatations de ce dernier. En effet, les troubles ci dessus décrits, s'ils sont mineurs, ont, malgré tout, entrainé un ralentissement du traitement de l'information et des difficultés de mémorisation qui entament nécessairement l'autonomie de Mme [D] dans les actes de la vie quotidienne, nécessitant à ce seul titre une assistance afin de suppléer cette perte d'autonomie mais également d'assurer sa sécurité par des vérifications périodiques.

D'ailleurs, l'expert judiciaire a lui même décrit cette assistance comme prodiguée par le conjoint.

Or, le recours à cette aide humaine indispensable ne saurait être réduit en cas d'aide familiale.

En considération de ces éléments, il convient d'ajouter au besoin retenu par l'expert, une assistance au titre des troubles neurologiques, que la cour estime à trois heures par semaine de l'accident jusqu'à la consolidation.

Par ailleurs, l'expert retient une assistance par tierce personne après consolidation au titre des séquelles orthopédiques à raison d'une heure par semaine. Or, ce besoin n'est pas retrouvé au titre de la période entre le 11 septembre 2014 et le 5 septembre 2017, ce qui consacre une contradiction puisque si le besoin existe après consolidation, il existait nécessairement avant.

Il convient donc d'indemniser le besoin en tierce personne dans les termes suivants :

- du 6 septembre 2013 au 30 octobre 2013 : 3 heures par jour + trois heures par semaine ;

- du 31 octobre 2013 au 31 décembre 2013 : 2 heures par jour + 3 heures par semaine ;

- du 1er janvier 2014 au 11 septembre 2014 : 6 heures par semaine ;

- du 12 septembre 2014 au 5 septembre 2017 : 4 heures par semaine.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18 €.

L 'indemnité de tierce personne temporaire s'établit à 21 234,86 €.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Perte de gains professionnels futurs 6 739,56 €

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

La fixation de la perte de gains professionnels futurs suppose d'évaluer les pertes annuelles par comparaison entre les revenus perçus avant et ceux qui ont ou auraient dû l'être après le fait dommageable, sans se référer à des revenus hypothétiques, de déterminer les pertes éprouvées entre la consolidation et la décision en multipliant les pertes annuelles par le nombre d'années écoulées, ces pertes donnant lieu à un versement en capital, puis de déterminer les pertes qui seront éprouvées à compter de la décision jusqu'à la retraite ou de manière viagère, en multipliant les pertes annuelles de revenus par l'euro de rente d'un barème de capitalisation choisi, correspondant au sexe et à l'âge de la victime au jour de la décision et à l'âge auquel elle aurait pu prendre sa retraite ou de manière viagère.

En l'espèce, l'expert n'a retenu aucune perte de gains imputable à l'accident après le 11 février 2014.

Il a cependant été jugé dans le cadre de la perte de gains professionnels actuels que l'accident était à l'origine d'une perte de chance de 30 % de percevoir, à compter du 1er septembre 2015, la somme de 1 500 € par mois correspondant au salaire moyen d'un psychologue en début d'activité. Or, après consolidation, en dépit des séances d'orthophonie, les troubles cognitifs étaient toujours présents, le sapiteur indiquant dans son rapport qu'une rééducation neuro-psychologique ne pouvait améliorer considérablement l'état de Mme [D].

Au regard de ces éléments, Mme [D], demande l'indemnisation d'une perte de gains après consolidation correspondant à la différence entre le salaire qu'elle perçoit depuis la consolidation et celui résultant de la perte de chance, qu'elle évalue à 90 %, de percevoir le salaire de 2 000 € par mois auquel elle pouvait prétendre grâce à son diplôme de psychologue.

L'expert judiciaire n'a manifestement pas tiré toutes les conséquences des constatations opérées par le sapiteur neurologue si on considère que les troubles cognitifs objectivés lors de l'examen et à la faveur des bilans ont objectivé un ralentissement dans le traitement de l'information, un déficit de l'attention soutenue avec diminution de la concentration avec le temps et difficultés de mémorisation, une impulsivité contrôlée mais au prix d'une lenteur pathologique dans le processus de prise de décision et une logorrhée spécifique à un dysfonctionnement exécutif ainsi que des troubles de l'adaptation chroniques.

Ces troubles sont de nature, pour les raisons évoquées dans le cadre de l'analyse des pertes de gains avant consolidation, à contrarier l'exercice de la profession de psychologue à laquelle Mme [D] se formait avant l'accident.

Plus généralement, même si Mme [D] n'est pas inapte à tout emploi, ces troubles sont de nature à entamer son employabilité.

En conséquence, les troubles dont elle souffre depuis l'accident lui ont bien fait perdre une chance de trouver un emploi et il ne peut lui être reproché d'avoir démissionné de plusieurs emplois en regard des troubles neurologiques objectivés, qui affectent sa personnalité et sont de nature à obérer sa capacité à se maintenir dans un emploi.

Par ailleurs, le rapport d'enquête produit par la société GAN n'est d'aucune utilité pour apprécier la capacité de Mme [D] à trouver un emploi et s'y maintenir. Son aptitude à effectuer de longs trajets à vélo chaque jour ne préjuge en effet en rien de sa capacité à se concentrer, réfléchir et exécuter des directives.

En regard des éléments soumis à l'appréciation de la cour, notamment le parcours professionnel antérieur, l'âge de Mme [D] et le caractère très concurrentiel du marché du travail dans ce secteur marqué par une insertion professionnelle difficile, la perte de chance est évaluée à 30 %.

La rémunération moyenne d'une psychologue salariée en début de carrière, telle qu'analysée ci-dessus, s'élève à 1 500 € nets par mois.

Il résulte des pièces produites par Mme [D] qu'elle a conclu le 2 mai 2021 un contrat à durée indéterminée avec la société LLT consulting et qu'elle perçoit en exécution de ce contrat de travail qui est toujours en cours un salaire net imposable de 1 810,69 € (14 485,54 € au 31 décembre 2021 pour huit mois).

Au regard de ces éléments, elle ne démontre pas subir un quelconque perte échue ou à échoir à compter de cette date.

Sur la période allant du 5 septembre 2017, date de la consolidation, au 3 mai 2021, elle aurait pu percevoir 66 850 € (1500/30 x 1 337 jours).

Au cours de cette période, elle a perçu :

- en 2017 (avis d'impôt 2018) : la page 2 de l'avis d'impôt n'est pas produite, mais le revenu imposable après la déduction de 10 % s'élève à 6 620 € ; le revenu net s'élève donc à 7 355 €, soit du 5 septembre 2017 au 31 décembre 2017, des gains professionnels de 2 377,78 € (7 355/365 x 118 jours),

- en 2018 (avis d'impôt 2019) : la page 2 de l'avis d'impôt n'est pas produite, mais le revenu imposable après la déduction de 10 % s'élève à 6580 € ; le revenu net annuel s'élève donc à 7 311 €,

- en 2019 (avis d'impôt établi en 2021) : 5 944 € de salaires et 4 521 € de revenus industriels et commerciaux soit 10 465 € au total ;

- en 2020 (avis d'impôt 2021) 18 564 € ;

- du 1er janvier 2021 au 3 mai 2021 : Mme [D] ne produit pas son avis d'impôt 2022 (qui ne figure pas dans la pièce 23 uniquement constituée des avis d'impôt 2019 à 2021), mais indique dans ses écritures avoir perçu au cours de cette période la somme de 5 667 €.

Au total, elle a donc perçu sur la période de référence la somme de 44 384,78 €.

Il en résulte une perte de 22 465,22 €, indemnisable dans une proportion de 30 %, soit à hauteur de 6 739,56 €.

La CPAM a attribué à Mme [D] une rente qui est chiffrée au total à 79 492,05 € (8 426,37 € au titre des arrérages de la rente versées du 11 septembre 2014 au 15 novembre 2018 et 70 065,68 € au titre du capital représentatif de la rente).

Selon l'article L. 376 1 du code de la sécurité sociale et l'article 31 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 dans leur rédaction issue de l'article 25 de la loi no 2006 1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et que, conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales. Dans ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.

Il en résulte que dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat.

Ainsi, lorsque la victime n'a droit qu'à l'indemnisation partielle de son préjudice, parce qu'il est constitué d'une perte de chance, il convient, en premier lieu, de déterminer le préjudice global subi par la victime, indépendamment des prestations qu'elle a pu percevoir des organismes sociaux, fixer le montant de l'indemnité mise à la charge du responsable, cette somme devant revenir à la victime lorsque l'addition de l'indemnité mise à la charge du responsable et des prestations servies à la victime par les tiers payeurs est inférieure au montant du préjudice global subi par la victime. Ce n'est que lorsque l'addition du montant des prestations sociales qui lui ont été versées et du montant de la dette due par le responsable est supérieure à son préjudice que l'organisme social peut exercer un recours.

En l'espèce, le préjudice global indépendamment des prestations des organismes sociaux s'élève à 22 465,22 €.

Le montant de l'indemnité mise à la charge du responsable s'élève à 6 739,56 €.

Mme [D] a reçu du tiers payeur au titre de son indemnisation (rente) la somme de 79 492,05 € soit une somme supérieure à l'assiette du poste (22 465,22 €).

Aucune somme ne lui revient en conséquence et la CPAM a droit à 6 739,56 €.

- Incidence professionnelle 60 000 €

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

En l'espèce, l'expert retient une gêne lors du port de charges de plus de trois kilogrammes, à la station assise prolongée et une gêne au plan neurologique en raison des troubles cognitifs légers.

L'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle est réclamée au titre de l'augmentation de la pénibilité d'exécution des tâches professionnelles, d'une dévalorisation sur le marché du travail et d'une perte de chance d'évolution professionnelle.

L'augmentation de la pénibilité d'exécution des tâches professionnelles ne peut être contestée dès lors que l'expert retient une gêne à la fois physique et neurologique.

Mme [D] exerçante un emploi sédentaire à caractère administratif, souffrira durant toute sa vie professionnelle d'une pénibilité accrue à la station assise. Par ailleurs, bien que les troubles cognitifs soient qualifiés de mineurs, le sapiteur neurologue décrit un ralentissement dans le traitement de l'information, un déficit de l'attention soutenue avec diminution de la concentration avec le temps et difficultés de mémorisation, une impulsivité contrôlée mais au prix d'une lenteur pathologique dans le processus de prise de décision et une logorrhée spécifique à un dysfonctionnement exécutif ainsi que des troubles de l'adaptation chroniques.

Dans le cadre d'un emploi administratif, de telles séquelles sont de nature à rendre son travail et son adaptation dans l'emploi particulièrement pénibles.

Cette pénibilité, objectivée en regard des séquelles, est également de nature à entrainer une dévalorisation sur le marché de l'emploi.

En effet, si Mme [D] est actuellement salariée en CDI, elle ne bénéficie d'aucune garantie absolue et inconditionnelle de maintien dans son emploi. Par ailleurs, la transition professionnelle et la mobilité géographique sont des données inhérentes aux carrières professionnelles.

Sur un marché de l'emploi concurrentiel, les séquelles ci dessus décrites, en réduisant son potentiel physique et psychique constituent un frein au recrutement mais également au maintien dans un emploi stable.

En revanche, la perte de chance professionnelle n'est démontrée par aucune pièce établissant qu'elle aurait pu, grâce à une carrière de psychologue ou au sein d'ONG, connaître une évolution de carrière plus favorable, étant observé qu'avant l'accident, les postes occupés au seins d'ONG étaient bénévoles.

L'évaluation de l'incidence professionnelle implique de prendre en considération la catégorie d'emploi exercée (manuel, sédentaire, fonctionnaire etc.), la nature et l'ampleur de l'incidence (interdiction de port de charge, station debout prohibée, difficultés de déplacement, pénibilité, fatigabilité etc.), les perspectives professionnelles et l'âge de la victime (durée de l'incidence professionnelle).

En l'espèce, Mme [D] n'a pas d'autre diplôme que celui de psychologue, qu'elle n'est pas en mesure d'exercer compte tenu des séquelles neurologiques dont elle est atteinte. Elle était âgée de 36 ans lors de la consolidation.

Ces données conduisent à évaluer l'incidence professionnelle des séquelles à la somme de 60 000 €.

Sur cette indemnité s'impute le solde de la rente accident du travail réglée par la CPAM soit 72 752,49 € (79 492,05 € - 6 739,56 € ) qu'elle a vocation à réparer.

Ce tiers payeur sera désintéressé à hauteur de 60 000 € et aucune indemnité ne revient à ce titre à Mme [D].

- Assistance par tierce personne 98 679,81 €

Ce poste correspond à l'indemnisation des dépenses engendrées par la nécessité d'une présence humaine auprès de la victime pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son étendue et son coût.

La nécessité de la présence auprès de Mme [D] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son étendue et son coût.

L'expert précise qu'elle a besoin d'une aide par tierce personne à raison d'une heure par semaine. Il précise qu'aucune aide n'est nécessaire à raison des séquelles neurologiques.

Cependant, le sapiteur neurologue, que l'expert s'est adjoint afin de déterminer l'étendue des lésions neurologiques, indique que Mme [D] a souffert du fait de l'accident de troubles ayant entrainé un ralentissement du traitement de l'information, un déficit de l'attention soutenue avec une diminution de la concentration avec le temps et difficultés de mémorisation même si les mécanismes mnésiques sont décrits comme préservés, une impulsivité contrôlable mais au prix d'une lenteur pathologique dans le processus de prise de décision ayant des répercussions dans les activités quotidiennes. Plus synthétiquement, il décrit ces troubles comme correspondant à un syndrome dysexécutif frontal de forme mineure, affectant le versant cognitif et comportemental.

Si ce rapport ne prévoit pas expressément d'assistance par tierce personne permanente au titre des troubles neurologiques, l'expert n'a manifestement pas tiré toutes les conséquences des constatations de son sapiteur.

En effet, les troubles ci dessus décrits, s'ils sont mineurs, ont, malgré tout, entrainé un ralentissement du traitement de l'information et des difficultés de mémorisation qui entament nécessairement l'autonomie de Mme [D] dans les actes de la vie quotidienne, nécessitant à ce seul titre une assistance afin de suppléer cette perte d'autonomie mais également d'assurer sa sécurité par des vérifications périodiques.

D'ailleurs, l'expert judiciaire a lui même décrit cette assistance comme prodiguée par le conjoint.

Or, le recours à cette aide humaine indispensable ne saurait être réduit en cas d'aide familiale.

En revanche, l'évaluation à dix heures par semaine de l'aide nécessaire est excessive si on considère que les troubles cognitifs ne sont pas majeurs et que Mme [D] conserve une part d'autonomie importante.

En considération de ces éléments, il convient d'ajouter au besoin retenu par l'expert une assistance au titre des troubles neurologiques, que la cour estime après consolidation à une heure par semaine supplémentaire, soit au total deux heures par semaine.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18 €.

L 'indemnité de tierce personne échue, calculée sur 365 jours, s'établit à 10 455,43 €.

Le besoin annuel, calculé sur 412 jours, s'élève à 2 124,66 €.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue, et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0,3 %, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles, soit un indice de rente viagère de 41,524, correspondant à une femme âgée de 41 ans à la liquidation. L'indemnité due au titre de l'assistance par tierce personne à échoir s'élève à 88 224,38 €.

Au total, la somme de 98 679,81 € revient à Mme [D] à ce titre.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire 11 258,96 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 810 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 28 août 2013 au 5 septembre 2013 : 243 €

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % du 6 septembre 2013 au 30 octobre 2013 : 1 113,75 €

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 31 octobre 2013 au 31 décembre 2013 : 837 €

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 33 % du 1er janvier 2014 au 11 septembre 2014 : 2 263,14 €

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % du 12 septembre 2014 au 5 septembre 2017 : 7 357,50 €

et au total la somme de 11 814,39 € qu'il convient de ramener à 11 258,96 € afin de ne pas méconnaître l'objet du litige.

- Souffrances endurées 20 000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de l'accident initial, des suites douloureuses, de la rééducation, du vécu douloureux et du traumatisme crânien ; évalué à 4/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 20 000 €.

- préjudice esthétique temporaire 2 000 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique. Évalué à 3/7 pendant la période de port du corset, il doit être indemnisé à hauteur de 2 000 €.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent 38 400 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Il est caractérisé par une douleur lors des mobilisations du rachis et des troubles cognitifs, ce qui conduit à un taux de 15 % (7 % de séquelles fonctionnelles orthopédiques et 8 % de séquelles neuropsychologiques).

Mme [D] conteste l'évaluation à 15 % en se référant aux conclusions du bilan neuro-psychologique.

Cependant, l'expert a eu accès à ce bilan et a considéré, dès lors que les troubles cognitifs sont légers, qu'ils doivent être chiffrés à 8 %. Sur le dire qui lui a été adressé sur ce point, il a répondu que le sapiteur avait pris connaissance des attestations de la fratrie et estimé que, bien qu'impactant la vie personnelle et professionnelle de Mme [D], ces troublent ne justifiaient pas une évaluation supérieure à 8 % en ce qui concerne la réduction du potentiel.

Il ajoute que les séquelles orthopédiques sont peu déficitaires, de sorte que le taux global de 15 % illustre bien la réalité et l'étendue du déficit global.

Mme [D] ne soumet à la juridiction aucun élément objectif tangible permettant de remettre en cause les conclusions auxquelles l'expert est parvenu après s'être attaché l'avis d'un spécialiste.

Ces données conduisent à maintenir à 15 % l'évaluation au taux de déficit fonctionnel permanent et à fixer l'indemnité revenant à Mme [D] à ce titre à la somme de 38 400 €.

La société GAN assurances demande à la cour d'imputer sur cette indemnité le reliquat de créance de la CPAM.

Ce reliquat s'élève à 12 752,49 €.

Cependant, eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du même code, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est à dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Dès lors, le recours de la caisse de sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice et non sur un poste de préjudice personnel.

La rente ne répare donc pas le déficit fonctionnel permanent.

En l'absence d'imputation, la somme de 38 400 € revient en totalité à Mme [D].

- Préjudice esthétique 1 000 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Évalué à 0,5/7 au titre de la gibosité droite en flexion du rachis, il doit être indemnisé à hauteur de 1 000 €.

- Préjudice sexuel 2 500 €

Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.

L'expert retient une légère gêne résiduelle avec quelques douleurs posturales.

L'assureur ne conteste pas le principe de ce préjudice sexuel.

Compte tenu de son étendue, telle que décrite par l'expert, l'évaluation par le premier juge de ce poste à la somme de 2 500 €, suffisante pour le réparer, doit être confirmée.

Récapitulatif

Postes

Préjudice total

Part victime

Part tiers payeur

Dépenses de santé actuelles

20 067,84 €

0

20 067,84 €

Frais divers

2 259 €

2 259 €

0

Assistance par tierce personne temporaire

21 234,86 €

21 234,86 €

0

Perte de gains professionnels actuels

12 668,11 €

5 775,79 €

6 892,32 €

Perte de gains professionnels futurs

22 465,22 € dont 6 739,56 € indemnisables

0

6 739,56 €

Incidence professionnelle

60 000 €

0

60 000 €

Assistance par tierce personne permanente

98 679,81 €

98 679,81 €

0

Déficit fonctionnel temporaire

11 258,96 €

11 258,96 €

0

Souffrances endurées

20 000 €

20 000 €

0

Préjudice esthétique temporaire

2 000 €

2 000 €

0

Déficit fonctionnel permanent

34 800 €

34 800 €

0

Préjudice esthétique permanent

1 000 €

1 000 €

0

Préjudice d'agrément

8 000 €

8 000 €

0

Préjudice sexuel

2 500 €

2 500 €

0

Total

320 533,80 € dont 304 808,14 € indemnisables

211 108,42 €

93 699,72 €

Le préjudice corporel global subi par Mme [D] s'établit ainsi à la somme de 320 533,80 € dont 304 808,14 € indemnisables et, après imputation des débours de la CPAM (93 699,72 €), une somme de 211 108,42 € lui revenant qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 3 septembre 2020 à hauteur de 111 344,63 € et du prononcé du présent arrêt soit le 30 mars 2023 pour le surplus des sommes dues.

Il sera également fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, de sorte que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt.

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal

Mme [D] sollicite un doublement du taux de l'intérêt légal à compter du 29 avril 2014.

Cette demande, qui consacre une demande de majoration des effets de la sanction, est recevable. En effet, elle tend aux mêmes fins d'indemnisation que les demandes présentées devant le premier juge puisque si une partie qui a obtenu totalement satisfaction en première instance est irrecevable à former appel, sont, en revanche recevables, comme n'étant pas nouvelles, les demandes de majoration des indemnités allouées soit en réparation du préjudice soit au titre d'une sanction, dès lors que ces sommes tendent aux mêmes fins d'indemnisation que celles soumises au premier juge.

L'article L.211-9 du code des assurances impose à l'assureur de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident, l'offre pouvant avoir un caractère provisionnel si l'assureur n'a pas, dans le délai de trois mois à compter de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. Un nouveau délai de cinq mois, à compter de la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation est ouvert pour l'offre définitive d'indemnisation.

Ce dispositif est assorti d'une sanction, qui réside dans le paiement d'intérêts au double du taux légal, prévue en ces termes par l'article L. 211-13 du code des assurances : « lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre où le jugement est devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur ».

L'accident a eu lieu le 28 août 2013.

Mme [D] demande que la sanction prenne effet à compter du 29 avril 2014, soit huit mois après l'accident.

Selon le texte précité, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

Cependant, si l'assureur, qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur, n'a pas été avisé de l'accident dans le mois suivant l'accident, le délai de huit mois est suspendu à l'expiration de ce délai d'un mois jusqu'à la réception par l'assureur de cet avis (art. R. 211-29).

En l'espèce, la société GAN assurances prétend n'avoir été avisée de l'accident que le 29 juin 2015.

Le procès verbal de police mentionne au titre des renseignements sur les véhicules impliqués que le véhicule A (M. [M]) est assuré auprès de la société Covea Fleet. La société GAN assurances n'apparaît nulle part dans ce procès verbal. Mme [D] a assigné M. [M] sans son assureur par acte du 22 juin 2015 et elle n'a appelé en cause la société GAN que par acte du 14 septembre 2015.

Dès lors que l'assureur soutient ne pas avoir été avisé de l'accident dans le mois suivant l'accident, que le procès verbal ne mentionne pas la société GAN assurances en qualité d'assureur du véhicule impliqué et que Mme [D] ne justifie par aucune pièce l'en avoir informée, le délai de huit mois a nécessairement été suspendu et a commencé à courir à compter du 29 juin 2015, date à laquelle la société GAN reconnaît en avoir été avisée.

Aucune offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, même formulée à titre provisionnel, n'a été adressée à Mme [D] avant le 29 février 2016, date d'expiration du délai de huit mois à compter de cette date.

En conséquence, l'assureur doit être condamné à lui verser des intérêts au double du taux légal à compter du 1er mars 2016.

La société GAN assurances se prévaut d'une offre formulée le 28 décembre 2018. Cette offre comporte de nombreux postes en mémoire (dépenses de santé actuelles, frais divers, perte de gains professionnels actuels, incidence professionnelle et préjudice d'agrément), dans l'attente de justificatifs.

L'assureur ne produit aucune pièce démontrant avoir vainement réclamé des documents justificatifs à Mme [D] pour être en mesure de chiffrer les postes précités retenus par l'expert.

Cette offre est donc incomplète et, comme telle, insusceptible d'arrêter le cours des intérêts au double taux.

Devant le premier juge, la société MMA a déposé le 9 octobre 2019 des conclusions dans lesquelles elle offrait la somme de 62 569,47 €. Ces conclusions ne contiennent aucune offre au titre de la perte de gains professionnels actuels et de la perte de gains professionnels futurs.

Or, l'expert a retenu une perte de gains pour la période antérieure à la consolidation, de sorte que l'assureur devait impérativement formuler une offre au titre de ce poste, quand bien même il estimait que sa totalité, uniquement constitué d'indemnités journalières, revenait au tiers payeur.

Par ailleurs, cette offre est manifestement insuffisante en ce qu'elle s'élève à moins du tiers des indemnités allouées par la cour (304 808,14 €).

Devant la cour, dans ses conclusions signifiées le 22 juillet 2021, la société GAN n'offre toujours aucune indemnité au titre de la perte de gains professionnels futurs. Cependant, l'offre d'indemnisation de l'assureur ne peut porter sur des chefs de préjudice qu'il ignore et cette circonstance doit être appréciée à la date à laquelle l'offre a été formulée par l'assureur et au vu des informations alors portées à sa connaissance.

En l'espèce, Mme [D] n'a pas produit devant le premier juge les éléments relatifs à ses résultats dans le cursus universitaire entamé avant l'accident, sur lesquels la cour se fonde pour retenir un perte de chance de percevoir des gains. L'expert quant à lui n'avait retenu aucune impossibilité de percevoir des gains après consolidation.

L'offre du 22 juillet 2021 était donc complète. Elle portait sur la somme de 142 629,12 €, soit 169 589,28 € avant déduction des prestations de la CPAM, ce qui représente plus du tiers des sommes allouées par la cour, ce qui empêche de la tenir pour manifestement insuffisante.

Dès lors que l'assureur a formulé une offre répondant aux exigences légales, c'est le montant de cette offre qui doit être retenu comme assiette de la sanction.

Au regard de ces éléments, la société GAN sera condamnée au paiement d'intérêts au double du taux légal à compter du 1er mars 2016 jusqu'au 22 juillet 2021 sur la somme de 169 589,28 €.

Sur les demandes annexes

La société GAN assurances, qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation, supportera la charge des entiers dépens d'appel. L'équité ne commande pas de lui allouer une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie d'allouer à Mme [D] une indemnité de 2 500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La Cour,

Rejette la fin de non recevoir afférente à la demande de doublement du taux de l'intérêt légal à compter du 29 avril 2014 ;

Statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [M] et la société GAN assurances in solidum à payer à Mme [D] une somme de 111 344,63 € en réparation de son préjudice et condamné la société GAN assurances au paiement d'intérêts au double du taux légal sur la somme de 190 836,68 € à compter du 13 juillet 2016 jusqu'au jour du jugement devenu définitif ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [N] [M] et la société GAN assurances à payer à Mme [J] [G] [D] les sommes suivantes :

- 2 259 € au titre des frais divers,

- 21 234,86 € au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,

- 5 775,79 € au titre de la perte de gains professionnels actuels,

- 98 679,81 € au titre de l'assistance par tierce personne permanente,

- 11 258,96 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 20 000 € au titre des souffrances endurées,

- 2 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 38 400 € au titre du déficit fonctionnel permanent ,

- 1 000 € au titre du préjudice esthétique permanent,

- 8 000 € au titre du préjudice d'agrément,

- 2 500 € au titre du préjudice sexuel,

le tout sauf à déduire les provisions versées et avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2020 à hauteur de 111 344,63 € et du prononcé du présent arrêt soit le 30 mars 2023 pour le surplus des sommes dues ;

- une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

Condamne la société GAN assurances à payer à Mme [J] [G] [D] des intérêts au double du taux légal entre le 1er mars 2016 et le 22 juillet 2021 sur la somme de 169 589,28 € ;

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil ;

Déboute M. [N] [M] et la société GAN assurances de leur demande au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne in solidum M. [N] [M] et la société GAN assurances aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 21/01620
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.01620 ?
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