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24/03/2023 | FRANCE | N°19/07627

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 24 mars 2023, 19/07627


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 24 MARS 2023



N° 2023/ 58



RG 19/07627

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEHYN







[V] [F]





C/



SAS MAIN SECURITE





















Copie exécutoire délivrée le 24 Mars 2023 à :



- Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE







- Me Géraud DE MAINTENANT, avocat au barreau de

MARSEILLE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 30 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00525.





APPELANT



Monsieur [V] [F], demeurant [Adresse 2]



r...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 24 MARS 2023

N° 2023/ 58

RG 19/07627

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEHYN

[V] [F]

C/

SAS MAIN SECURITE

Copie exécutoire délivrée le 24 Mars 2023 à :

- Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE

- Me Géraud DE MAINTENANT, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 30 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00525.

APPELANT

Monsieur [V] [F], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Vincent ARNAUD de la SELARL ARNAUD VINCENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure MICHEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS MAIN SECURITE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Géraud DE MAINTENANT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Elsa BARTOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 24 Mars 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [V] [F] a été engagée par la société Main Sécurité à compter du 1er juillet 2013 en qualité d'agent de sécurité confirmé affecté sur le site du MUCEM à [Localité 3] par contrat à durée indéterminée d'agent d'exploitation à temps complet.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [F] était agent de sécurité incendie, agent d'exploitation, Niveau III, échelon 2 et coefficient 140 de la convention collective nionale des Entreprises de Prévention et de Sécurité.

Le 26 décembre 2016 la société suspendait le contrat de travail du salarié dans la mesure où sa carte professionnelle n'était plus valide.

Le 20 janvier 2017, la société Main Sécurité convoquait le salarié à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 31 janvier 2017. M. [F] ayant saisi le Conseil National des Activités Privées de Sécurité dit CNAPS pour régulariser sa situation, le contrat de travail et le licenciement étaient suspendus dans l'attente de la réponse de l'organisme.

La société convoquait le salarié à un nouvel entretien préalable puis lui notifiait son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée du 21 avril 2017.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre M. [F] saisissait le 8 mars 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille pour licenciement abusif et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 30 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Marseille a statué comme suit :

« Dit et Juge le licenciement de M. [V] [F] justifié par une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence ;

Déboute M. [V] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile an profit de l'une ou l'autre des parties ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Condamne M. [V] [F] qui succombe, aux dépens de l'instance en application des dispositions des articles 695 et 696 du Code de Procédure Civile».

Par acte du 7 mai 2019, le conseil de M. [F] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 26 octobre 2022, M. [F] demande à la cour de :

«Recevoir le concluant en son appel comme régulier en la forme et justifié au fond.

Infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Marseille en ce qu'il a :

Dit et juger le licenciement de M. [V] [F] justifié par une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Déboute M. [V] [F] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou 1'autre des parties,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [V] [F], qui succombe, aux dépens de i'instance en application des dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile .

Et en ce qu'il a débouté M. [V] [F] des demandes suivantes :

Dire et juger le licenciement de M. [V] [F] abusif,

Condamner la société Main Sécurité à payer et à porter à M. [V] [F], les sommes suivantes:

- 20.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.85l,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 385,10 euros à titre d'incidence congés payés sur préavis,

- 7.700,00 euros à titre de rappel de rémunération de janvier à avril 2017,

- 770,00 euros a titre d'incidences congés payés sur rappel de rémunération,

- 3000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Main Sécurité aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

Condamner la Société Main Sécurité à payer et à porter à M. [V] [F], les sommes suivantes :

- 20.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3.851,08 € a titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

~ 385,10 € à titre d'incidence congés payés sur préavis ;

- 7.700,00 € à titre de chef rappel de rémunération de janvier à avril 2017 ;

- 770,00 € à titre d'incidence congés payés sur rappel de rémunération ;

Condamner la Société Main Sécurité à 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Condamner la Société Main Sécurité aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL [B] [C], sous affirmation d'en avoir fait l'avance ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe le 30 octobre 2019 par voie électronique la société Main Sécurité demande à la cour de :

« Confirmer la décision rendue par le Conseil de Prud'hommes en ce qu'elle a débouté M. [F] de l'intégralité de ses demandes ;

Par conséquent :

Constater que le licenciement notifié à M. [F] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes ;

Y ajoutant :

Condamner M. [F] à verser à la société Main Sécurité la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des instances prud'homales et d'appel».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1235-2, alinéa 2 est libellée dans les termes suivants :

«Depuis le 1er janvier 2010, nul ne peut être employé ou affecté à exercer une activité de sécurité privée s'il ne justifie pas de la détention d'une carte professionnelle en cours de validité.

Or, en date du 26 décembre 2016, après vérification sur le logiciel DRACAR, de la validité de votre carte professionnelle CAR-013-2021-O5-30-20160247148, nous avons eu la désagréable surprise de constater que celle-ci n'était plus valide.

Vous n'êtes pas sans ignorer qu'à défaut d'être en possession d'une carte professionnelle en cours de validité, vous ne remplissez plus les conditions requises pour exercer une activité de surveillance et de sécurité, conformément à l'article L 612-20 du code de la sécurité intérieure.

Des lors, nous avons été contraints, par télégramme du 26 décembre 2016, de vous notifier la suspension de votre contrat de travail, suspension confirmée par courrier recommandé avec accusé de réception, du 28 décembre 2016.

Vous disposiez d'un délai d'un mois pour régulariser votre situation et vous mettre en conformité au regard de vos obligations.

Par suite, et sans information de votre part sur l'avancement éventuel de votre dossier s'agissant de l'obtention d'une carte professionnelle valide, nous vous avions convoqué à un premier entretien préalable à une éventuelle mesure de Licenciement, le 31 janvier 2017.

Ce n'est qu'à la réception de la lettre de convocation à entretien préalable, que nous avons été informés, le 24 janvier 2017, par l'intermédiaire de votre avocat, qu'un appel avait été interjeté contre la décision de retrait de votre carte professionnelle, prise par le Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS). Au cours de l'entretien du 31 janvier 2017, vous nous avez informés que vous aviez intenté un recours contre la décision rendue par le CNAPS, et que la commission interégionale du CNAPS, devrait se prononcer avant le 19 février 2017.

Par courrier en date du 09 février 2017 nous avons pris bonne note de cette information et nous avons fait part auprès de votre Conseil, de notre décision de vous accorder un délai supplémentaire, soit jusqu'au 19février 2017, date à laquelle le CNAPS devait rendre sa décision.

En date du 24 février 2017, nous avons reçu un courrier de votre avocat, nous informant qu'il demeurait toujours dans l'attente de la décision du CNAPS et que celle-ci ne devrait pas tarder à intervenir ». Compte tenu de ces précisions, nous avons décidé de vous accorder un nouveau délai, afin de connaître la décision qui sera prise par le CNAPS.

Pour autant, nous n'aurons plus de nouvelles, ni de votre part, ni de la part de votre avocat, et ce, malgré la télécopie de relance adressée à Me [C], en date du 31 mars 2017.

Ce faisant, nous n'avons eu, d'autre choix, que de vous convoquer à un entretien préalable à une éventuelle mesure de Licenciement, fixé au 13 avril 2017.

Au cours de cet entretien, auquel vous vous êtes présenté seul, vous nous avez indiqué que le CNAPS avait rejeté votre recours et que vous entendiez former un recours auprès du Tribunal Administratif. Nous vous rappelons qu'en application de l'article 26 du Code de déontologie des personnes physiques ou morales exerçant des activités privées de sécurité, vous avez « l'obligation d'informer sans délai » votre employeur des modifications, suspension ou retrait de leur carte professionnelle ». De manière identique, vous n'êtes pas sans ignorer qu'en application de l'article L.1222-1 du Code du travail, vous devez exécuter votre contrat de travail de bonne foi, notamment en informant votre employeur des éventuels changements relatifs à votre carte professionnelle.

Il vous appartenait des lors d'informer sans délai votre employeur, d'une part de la décision de retrait de votre carte professionnelle, et d'autre part de la suite donnée à votre recours. En ne respectant pas ce devoir d'information, vous avez délibérément manqué à vos obligations tant contractuelles que réglementaires.

En outre, dans le cadre de votre activité, vous étiez amené, conformément à votre engagement contractuel, à réaliser à titre connexe des missions de surveillance et de gardiennage en complément de vos missions de sécurité incendie, comme la réglementation nous l'autorise.

Ainsi, la nature des fonctions exercées impose d'être détenteur de la carte professionnelle, comme défini à l'article L612-20 du Code de la sécurité intérieure: « Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L.611-1 : S'il ne justifie pas de son aptitude professionnelle selon les modalités définies par décret en Conseil d'Etat (...) Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat ».

D'ailleurs, l'article 4 de votre contrat de travail stipule bien que « le salarié signataire assurera la sécurité et la sauvegarde des biens meubles ou immeubles ainsi que des personnes qui leur sont rattachées dans les conditions prévues par le Code de la sécurité intérieure, par décrets d'application de la Loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, par ses décrets d'application, par la Convention Collective Nationale des Entreprises de Prévention et de sécurité, et par le règlement intérieur de l'entreprise dont le salarié signataire reconnaît par la signature du présent contrat avoir pris connaissance (...)

Les missions du salarié signataire consisteront notamment à :

o Prévenir les risques du site : Le salarié signataire prend connaissance du site, des consignes du site, assure l'accueil et le contrôle d'accès, les rondes de surveillance, gérer et exploite les alarmes et incidents,

o Donner l'alerte et intervenir en cas d'incendie, d'intrusion ou d'accident : Le salarié signataire utilise les moyens d'intervention mis à sa disposition, prévient et oriente les secours suivant les consignes établies, porte assistance, (...) ».

Votre contrat de travail prévoyait donc expressément que vous seriez amené à effectuer des missions de sécurité privée.

Et c'est la raison pour laquelle, vous vous êtes contractuellement engagé à être détenteur d'une carte professionnelle, obligatoire pour l'exercice de tous les métiers dans l'activité de prévention et sécurité. (Article 12 du contrat de travail).

En effet, la détention d'une carte professionnelle en cours de validité, était une condition essentielle au contrat de travail, sans laquelle, la société MAIN SECURITE, n'aurait pas conclu la relation contractuelle.

En application de i'article 15 du Code de déontologique des personnes physiques ou morales exerçant des activités privées de sécurité, nous ne pouvons employer une personne « ne satisfaisant pas aux conditions de qualification professionnelle ou ne possédant pas les autorisations valides requises pour exercer » ses missions.

Ainsi, en application de l'article 11.05 de la CCN des entreprises de prévention et de sécurité, qui dispose que: « tout salarié qui ne pourrait obtenir une habilitation en cours d'activité, ne peut être maintenu sur son poste, entraînant la rupture du contrat de travail », et de l'article L 612-21 du code de la sécurité intérieure, vous ne pouvez plus être employé au sein de notre entreprise et votre contrat de travail est rompu de plein droit.

Etant donné le non-respect de vos obligations réglementaires et contractuelles ainsi que de votre incapacité à accomplir votre prestation de travail, nous vous notifions par la présente votre Licenciement pour les motifs réels et sérieux exposés ci-dessus.»

Le salarié soutient qu'il a été embauché en qualité d'agent de sécurité confirmé raison pour laquelle il détenait une carte professionnelle, qu'après l'obtention de son diplôme de service de sécurité incendie et d'assistance à personne (SSIAP) et à compter du 1er juin 2015 il a été affecté un poste d'agent de sécurité incendie ne nécessitant pas la possession d'une carte professionnelle. Il estime qu'il ne pouvait donc être licencié au seul motif d'avoir perdu cette carte qui relèverait de sa vie privée personnelle et que la société ne justifie d'aucun préjudice.

Le salarié produit à l'appui le certificat de travail délivré le 27 juin 2017 mentionnant la liste des emplois en tant qu'agent de sécurité confirmée à compter du 1er juillet 2013 jusqu'au 31 mai 2015 et en tant qu'agent de sécurité incendie à compter du 1er juin 2015 jusqu'au 22 juin 2017.

La société oppose que le salarié devait détenir une carte professionnelle et que la perte de celle-ci entraînait l'impossibilité de le maintenir dans son poste. La société précise que le salarié cumulait une activité de sécurité incendie nécessitant de détenir un diplôme et une activité de sécurité privée nécessitant de détenir une carte professionnelle et que le salarié devait se conformer aux deux réglementations bien distinctes.

Elle fait valoir que le salarié n'a pas respecté l'obligation de transparence s'agissant de la détention et la validité de sa carte professionnelle

La société souligne qu'elle pouvait engager sa responsabilité pénale en maintenant sur site un agent ne détenant pas un titre valide, irrégularité pouvant conduire jusqu'à la fermeture de l'entreprise.

La société produit notamment les éléments suivants :

- la circulaire IOCD du 3 juin 2011 relative à l'exercice des activités privées de sécurité des activités de sécurité incendie (pièce 10)

- la note USP de sécurité privée (pièce 11)

- la circulaire du ministre de l'intérieur du 12 août 2015 sur l'exercice des activités de sécurité privée de sécurité incendie par des agents doublement qualifiés (pièce 12)

- les consignes d'application pour le contrôle d'accès du personnel hors heures d'ouverture (pièce 19)

- les consignes application en cas d'intrusion pendant les horaires d'ouverture (pièce 20)

- les consignes d'application en cas d'intrusion de nuit et jours chômés (pièce 21)

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'activité privée de sécurité, notamment celle de surveillance et de gardiennage, est réglementée par le livre VI « activités privées de sécurité » du code de la sécurité intérieure et en particulier des articles L. 611.1 et L. 611 .20 et suivants du même code.

Les dispositions légales et réglementaires prévoient que nul ne peut être employé ou affecté à exercer une activité de sécurité privée s'il ne justifie pas de la détention d'une carte professionnelle en cours de validité attestant d'aptitudes professionnelles avec l'obtention d'un certificat de qualification professionnelle (CQP) mais encore d'une bonne moralité et d'une absence de condamnation pénale.

La convention collective nationale indique également en son article 11 que « les salariés dont l'activité est subordonnée impérativement à la délivrance après enquête administrative, d'une habilitation, d'un agrément et qui ne pourrait obtenir cette habilitation cet agrément ou se les verrait retirer en cours d'activité, ne peuvent de ce fait être maintenu sur leur poste ce qui pourra entraîner la rupture du contrat de travail ».

L'activité de sécurité incendie fait l'objet d'une réglementation spécifique liée à la sécurité civile qui porte sur la prévention du risque incendie et de panique et qui nécessite un diplôme SSIAP.

- Sur le premier grief

M. [F] a été engagé le 1er juillet 2013 par la société SAS Main Sécurité pour « assurer la sécurité et la sauvegarde des biens meuble ou immeubles ainsi que les personnes qui leur sont rattachées dans les conditions prévues par le code de la sécurité intérieure, par décret d'application de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, par ses décrets d'application, par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité et par le règlement intérieur de l'entreprise dont le salarié signataire reconnaît par la signature du présent contrat avoir prie connaissance ».

Le salarié s'est engagé dans son contrat de travail notamment à « être détenteur d'une carte professionnelle en cours de validité délivrée par la préfecture et obligatoire pour l'exercice de tous les métiers dans l'activité de prévention et sécurité».

Il résulte des dispositions légales et réglementaires que sur les sites ERP (établissements recevant du public) ou IGH (immeuble de grande hauteur) le personnel exerçant une activité d'agent des services de sécurité incendie doit être titulaire de la qualification SSIAP et exercer uniquement des missions de sécurité incendie et de secours à personne, sans pouvoir être distrait de cette unique mission par des missions de sécurité privée, tandis que sur les sites non réglementés ERP ou IGH, tout agent de sécurité peut assurer une mission conjointe de sécurité privée et de sécurité incendie, sous réserve d'être détenteur de la carte professionnelle, la qualification SSIAP pouvant y être utilisée pour la compétence qu'elle apporte, sans être obligatoire.

M. [F] a été affecté sur le site du Mucem à [Localité 3] qui est un site ERP.

La réglementation de ce secteur impose ainsi une mission SSIAP exclusive, l'agent de sécurité titulaire d'une qualification sécurité incendie ne pouvant sur un même temps de travail effectuer une mission mixte sécurité/sécurité incendie assistance aux personnes s'il est inclus dans l'effectif minimal d'agent SSIAP ne pouvant être distrait de leurs fonctions déterminées par le règlement de sécurité contre l'incendie.

Toutefois l'exercice concomitant des deux missions reste possible pour une partie des effectifs d'agent de service de sécurité incendie et d'assistance à personne, sous réserve de ne pas être inclus dans l'effectif minimal d'agent SSIAP et de justifier des exigences des conditions posées par chacune des deux réglementations.

En l'espèce il résulte des pièces produites par la société que le salarié pouvait être amené à exercer les deux missions de manière concomitante en particulier durant la plage horaire de nuit, hors horaire d'ouverture et présence du public et qu'il n'était le seul agent SSIAP sur le site pendant la journée.

Les consignes d'application produites par la société indiquent en cas d'intrusion de nuit et jours chômés hors horaires d'ouverture prévoient que l'équipe de surveillance est composée d'un agent surveillance vidéo et du chef d'équipe incendie « qui doivent ensemble assurer une permanence au PC dans sa globalité (sûreté et incendie) et effectuer les rondes qui leur incombent à chacun. Ils doivent assurer alternativement le rôle de stationnaire PCS et de rondier et doivent intervenir au déclenchement d'une alarme périmétrique ou s'il est constaté des traces d'effraction ».

Les consignes d'application pour le contrôle d'accès du personnel HHO prévoient de 20 heures à 6 heures du matin une équipe de nuit composées d'un chef d'équipe ou d'un agent de sécurité incendie et pour le contrôle d'accès à l'accueil administratif de 20 heures à 5 heures du matin hors heures d'ouverture la présence d'agent permanent PC et d'agent SSIAP.

Concernant les consignes d'application en cas d'intrusion pendant les horaires d'ouverture, il est prévu la présence du chef d'équipe sûreté, un rondier et un intervenant incendie J4.

Il est indiqué que le chef d'équipe incendie dirige sur place un agent SSIAP supplémentaire en renfort et que tous les intervenants présents 'identifient et si nécessaire appréhendent le ou les auteurs des faits ', ce qui atteste au surplus que le salarié n'était pas le seul agent SSIAP sur le site Mucem pendant les horaires d'ouverture et qu'il pouvait exercer cumulativement les deux fonctions.

En conséquence, la cour constate que le salarié exerçait la mission de sécurité incendie mais également d'agent sécurité et qu'il devait impérativement être détenteur la carte professionnelle et qu'en l'absence de carte professionnelle en cours de validité, il ne remplissait plus les conditions requises pour exercer l'activité de surveillance et de sécurité conformément aux dispositions contractuelles, à l'article L612-20 du code de la sécurité intérieure et aux dispositions de la convention de la convention collective nationale et ne pouvait pas être maintenu dans ses fonctions.

Le fait que la perte de sa carte professionnelle ne soit pas liée à l'exécution de son contrat de son contrat travail mais pour des raisons de vie personnelle est sans incidence sur la nécessité de détenir une carte professionnelle pour l'exercice de ses fonctions. De même, l'existence d'un préjudice de la part de la société n'est pas une condition opposable.

Ce grief doit donc être retenu.

- Sur le second grief

Les dispositions de l'article R 631-26 du code de la sécurité intérieure prévoient que « les salariés ont l'obligation d'informer sans délai leur employeur des modifications, suspension ou retrait de leur carte professionnelle, d'une condamnation pénale devenue définitive, de la modification de leur situation au regard des dispositions législatives et réglementaires qui régissent le travail des ressortissants étrangers, ou d'une suspension ou retrait de leur permis de conduire lorsqu'il est nécessaire à l'exercice de leur mission. Lorsqu'ils en ont connaissance, ils doivent informer leur employeur de toute anomalie, dysfonctionnement au dépassement de la date de validité de tout équipement au dispositif mis à leur disposition pour l'exercice de leur mission ».

Les dispositions contractuelles précisent également que le salarié s'engageait « à avertir immédiatement la société de tout changement dans la possession et la validité de la carte professionnelle ainsi qu'à solliciter le renouvellement de la carte professionnelle dans les conditions fixées par le décret susvisé, à avertir immédiatement la société de tout événement susceptible de remettre en cause au regard de ladite loi la conformité de la relation contractuelle».

Il s'avère que c'est la société qui s'est aperçue le 26 décembre 2016 de l'absence de validité de la carte professionnelle du salarié, l'organisme de contrôle, le conseil national des activités privées de sécurité (CNPS) ayant retiré la carte professionnelle de M. [F].

Par ailleurs, le recours intenté par le salarié à l'encontre de cette décision n'a pas abouti.

Le salarié qui s'est abstenu de prévenir la société de la perte de sa carte professionnelle n'a pas respecté son obligation de transparence envers son employeur conformément aux dispositions contractuelles et réglementaires, ce qui constitue un comportement fautif.

Ce grief doit être également retenu.

En conséquence, le licenciement du salarié est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cour confirme la décision entreprise de ce chef et du rejet des demandes du salarié liées à la rupture du contrat de travail.

Sur le rappel de salaire

Le salarié réclame un rappel des salaire sur la période de janvier 2017 au mois d'avril 2017 sans toutefois donner plus d'explications dans ses conclusions.

La société fait valoir que cette période correspond à la suspension de travail et donc à l'incapacité de travailler du salarié.

Le contrat de travail du salarié a été suspendu à compter du 26 décembre 2016, date où la société a eu connaissance de l'absence de validité de la carte professionnelle.

La société a confirmé cette suspension légitime par lettre recommandée le 28 décembre 2016 et a permis au salarié de justifier du résultat de son recours auprès du CNPS, ce que ce dernier n'a pas fait puisque la société a été dans l'obligation d'interroger son conseil en mars 2017.

En conséquence, la cour par voie de confirmation rejette la demande.

Sur les frais et dépens

Le salarié qui succombe doit s'acquitter des dépens et être débouté de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de ces dispositions au bénéfice de la société.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [V] [F] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/07627
Date de la décision : 24/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-24;19.07627 ?
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