COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 24 MARS 2023
N° 2023/107
Rôle N° RG 19/07597 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEHWK
[K] [S]
C/
Association QUALISUD
Copie exécutoire délivrée
le : 24 mars 2023
à :
Me Pierre GASSEND, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 319)
Me Stéphanie GARCIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 119)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 18 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00387.
APPELANTE
Madame [K] [S], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pierre GASSEND, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Laëtitia ALCARAZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Association QUALISUD, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Stéphanie GARCIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023
Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Mme [S] a été embauchée par l'association QUALISUD en qualité de d'assistante administrative selon contrat à durée déterminée du 31 mars 2017 à effet du 4 avril 2017 en remplacement de Mme [M] en congé maternité et en contrepartie d'une rémunération de 1668,44 euros brut ultérieurement portée à 1699,92 euros. Le terme du contrat est fixé au retour de Mme [M].
Le 15 septembre 2017 Mme [S] a avisé son employeur de son état de grossesse , son congé de maternité étant prévu pour débuter le 30 décembre 2017 ; elle a été placée en arrêt maladie le 13 novembre 2017 pour un mois.
Le même jour Mme [S] annonce son départ et la fin de sa mission.
Le 13 novembre 2017 la responsable des ressources humaines lui annonçait le retour de Mme [M] pour le 26 novembre 2017.
Mme [M], étant en arrêt maladie, ne reprendra pas ses fonctions au terme de son congé maternité prévu pour le 26 novembre 2017 mais le 5 mars 2018 ;
Le 8 juin 2018 Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de requalification de son contrat en CDI, d'une demande de nullité de la rupture du contrat pour discrimination liée à son état de grossesse outre des demandes indemnitaires.
Par jugement en date du 18 mars 2019 notifié au parties le 8 avril 2019 (date de remise du courrier ignorée) le conseil de prud'hommes d'Aix en Provence a :
Dit et jugé que le contrat de Madame [S] a été rompu de manière illégitime;
Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
Condamné la société QUALISUD à verser à Madame [K] [S], les sommes suivantes :
-mille six cent trente deux euros et vingt neuf centimes (1.632,29) à titre de dommages et intérêts pour licenciement illégitime,
-1.632,29 centimes (mille six cent trente deux euros et vingt neuf centimes) à titre d'indemnité de requalification,
-mille six cent trente deux euros et vingt neuf centimes(.1632.29€) à titre d'indemnité de préavis,
-cent soixante trois euros vingt et deux centimes (163.22) à à titre de congés payés sur indemnité de préavis,
-mille euros (1.000€) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement du chef des condamnations qui n'en bénéficient pas de droit conformément à l'article 515 du code de procédure civile ;
Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Condamné la société QUALISUD aux entiers dépens.
Par déclaration enregistrée au RPVA le 7 mai 2019 Mme [S] a interjeté appel du jugement dans chacune de ses dispositions à l'exception de celles fixant la somme due au titre de l'article 700 et la charge des dépens.
Par conclusions d'appelante déposées et notifiées par RPVA le 5 aout 2019 , auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens , elle demande à la cour
A TITRE PRINCIPAL DE DIRE ET JUGER le licenciement intervenu le 27 Novembre 2017 fondé sur l'état de sante de la salariée, discriminatoire et nul ;
A TITRE SUBSIDIAIRE DIRE ET JUGER que le licenciement intervenu le 27 Novembre 2017 est depourvu de cause réelle et sérieuse ;
FIXER le salaire de référence à la somme de 1.678,93 euros
CONDAMNER l'association QUALISUD à payer a Madame [S] les sommes suivantes :
A titre principal : 10.073,58 euros à titre d'indemnite réparant l'intégralité du prejudice résultant du caractere illicite du licenciement ;
A titre subsidiaire : 10.073,58 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause reelle et serieuse.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDAMNER l' association QUALISUD à payer a Madame [S] les sommes suivantes :
- 1.678,93 euros au titre de l'indemnite de requalification ;
- 1.678,93 euros à titre d'|indemnite compensatrice de preavis ;
- 167,89 euros à titre d'|incidence conge payes ;
CONDAMNER l'association QUALISUD à verser à Madame [S] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du CPC
DIRE que l'ensemble des condamnations sera assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Conseil de Prud'hommes
CONDAMNER l'association QUALISUD aux dépens.
A l'appui de ses demandes elle fait valoir
'Qu'en application de l'article L 1242-12 du code du travail, le CDD conclu pour pourvoir au remplacement d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu doit obligatoirement comporter la qualification professionnelle du salarié remplacé et la durée minimale du contrat ; qu'en l'espèce ces mentions font défaut ce qui entraine la requalification en application de l'article L 1245-1 du code du travail
'Que la rupture du contrat est en l'espèce intervenue avant le terme prévu qui est le retour de Mme [M] et non la fin de son congé maternité ; qu'en l'espèce Mme [M] ayant repris son travail le 5 mars 2018 , le contrat a été rompu avant son terme.
'Que le contrat a été rompu en raison de l'état de grossesse de la salariée ce qui est un motif discriminatoire prohibé par l'article L 1132-1 du code du travail ; qu'aucun autre élément objectif ne permet de justifier la rupture.Qu'il est d'ailleurs démontré que dès le 15 décembre 2017 l'employeur faisait paraitre une annonce afin de pourvoir à son remplacement.
'Que la nullité du licenciement ouvre droit à l'indemnisation minimale de 6 mois de salaires prévue par l'article L 1235-3-1 du code du travail ; que la rupture sans respect de la procédure de licenciement ouvre droit à une indemnité de procédure en application des article L 1235-2 et L1235-5 du code du travail ainsi qu'à l'indemnité de préavis d'un mois prévu par l'article 16 de l'accord d'entreprise
Par conclusions d'intimée déposées et notifiées par RPVA le 4 novembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens , l'association Qualisud demande à la cour de
REFORMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes d'Aix en Provence en date du 18mars 2019.
DEBOUTER en conséquence Madame [K] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER Madame [K] [S] à verser à l'Association QUALISUD une indemnitéde 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.
CONDAMNER Madame [K] [S] en tous les dépens.
Elle expose que
'Madame [S] connaissait parfaitement la qualification de la salariée remplacée car elle a répondu à une annonce mentionnant ladite qualification ainsi qu'il ressort des pièces qu'elle verse elle même aux débats. Que le contrat est certes sans terme précis puisqu'expirant au retour de la salariée remplacée mais conclu pour la durée minimale du congé maternité de la salariée . Qu'en conséquence il n'y a pas lieu à requalification en l'espèce.
' Que la preuve de la discrimination n'est pas rapportée; qu'en effet à la date du 13 novembre 2013 il n'est pas démontré que l'employeur avait connaissance de la prolongation de l'arrêt maladie de Mme [M], que c'est Mme [S] qui a pris l'initiative de mettre fin à son contrat ainsi qu'il ressort des mails qu'elle a adressé à tous ses collègues de travail et à la direction de l'entreprise.
Qu'ayant appris dès le 27 novembre 2017 la prolongation de l'arrêt maladie de Mme [M] par cette dernière elle n'a nullement contacté son employeur pour solliciter de revenir sur sa décision.
Qu'ainsi le contrat a pris fin par l'accord des parties en application de l'article L 1243-1 du code du travail.
'Qu'en toute hypothèse Mme [S] qui a été en arrêt maladie puis en congé maternité du 30 décembre 2017 jusqu'au 20 avril 2018 alors que Mme [M] a repris son poste le 5 mars 2018 ne démontre aucun préjudice.
L'ordonnance de clôture est en date du 2 janvier 2023
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L 1242-2 du code du travail limite les cas dans lesquels un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu de sorte que la mention obligatoire du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé exigée par l'article L 1242-12 du code du travail n'a pas pour finalité l'information du salarié embauché en CDD mais la vérification du respect des conditions d'ordre public du recours au travail à durée déterminée.
En conséquence l'absence de respect de cette mention entraine la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée en application de l'article L 1245-1 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur.
En l'espèce il n'est pas contesté que le contrat ne mentionne pas la qualification de la salariée remplacée, la requalification est donc encourrue de ce seul chef et ouvre droit à l'indemnité de requalification d'un mois de salaire prévue par l'article L 1245-2 du code du travail .
Il est donc fait droit à la demande de l'appelante de ce chef étant précisé que le montant du salaire de référence n'est pas contesté ; le jugement est donc infirmé sur le montant de l'indemnité de requalification.
En application de l'article L 1231-1 du code du travail le contrat de travail à durée indéterminée est rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord ;
En l'espèce il ressort effectivement des pièces produites aux débats que le 13 novembre 2017 à partir de 11h56 ( pièces 9, 10 ET 12 de l'intimée ) Mme [S] a annoncé par mail à l'ensemble de ses contacts au sein de l'association QUALISUD la fin précipitée de sa mission pour raison médicale et souhaité à tous une ' excellente continuation dans vos jobs et vos projets perso '.
Un mail identique a été adressé par ses soins à sa hierarchie le 13 novembre à 14h42 .
Ce n'est qu'en réponse par mail envoyé le même jour à 15h44 ( pièce 13 de l'intimée ) que l'employeur a annoncé à Mme [S] la fin du congé maternité de Mme [M] le 26 novembre 2017 ;
Le texto adressé à l'appelante par Mme [M] disant avoir avisé l'employeur de sa prolongation d'arrêt date du 27 novembre 2017 , il est postérieur au mail de l'employeur ( pièce 17 de l'intimée)
Ainsi à la date du 13 novembre 2013 il n'est nullement démontré que l'employeur a pris l'initiative de mettre fin au contrat de travail de l'appelante à raison de sa grossesse.Pas plus qu'il n'est démontré que l'annonce passée en vue d'un recrutement procède d'une volonté de rompre le contrat et non de la nécessité de pourvoir le poste vacant du fait de l'arrêt maladie de Mme [S].
Toutefois contrairement à ce que soutient l'employeur dans ses conclusions il n'a nullement interprété le mail de Mme [S] comme une décision de rupture du contrat à l'initiative de la salariée . En effet son mail en réponse ( pièce 13 de l'intimée ) précise que le solde de tout compte sera établi à la date du retour de congé maternité de Mme [M] le 26 novembre 2017 , ce qui démontre qu'il avait parfaitement conscience de ce que les propos de Mme [S] souhaitant une ' excellente continuation dans vos jobs et vos projets perso ' anticipaient en réalité sur le terme de son contrat lié au retour de Mme [M] .
Or à la date de l'établissement du solde de tout compte le 29 novembre 2019 , le texto adressé par Mme [M] à Mme [S] ( pièce 17 de l'intimé ) démontre que l'employeur avait connaissance de la prolongation de l'absence de Mme [M] confirmée par un arrêt de travail du 28 novembre 2017 ( Pièce 23 de l'appelante ) et par voie de conséquence de la prolongation du CDD de Mme [S] qu'il a néanmoins fait le choix de rompre, en adressant les documents de fin de contrat , pour un motif nécéssairement liée à l'absence de la salariée pour raison de santé liée à sa grossesse à défaut d'autre motif objectif prouvé.
Dans ces conditions la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul en application des articles 1132-1 et 1132-4 du code du travail . L'appelante peut donc prétendre
à l'indemnité de 6 mois de salaire prévue par l'article L 1235-3-1 du code du travail . Le jugement est donc infirmé .
Il est constant que le licenciement est intervenu sans mise en oeuvre de la procédure prévue par le code du travail .Les dispositions de l'article L 1235-2 du code du travail ,auxquelles renvoie l'article L 1235-5 du code du travail , édictent que l'indemnité de procédure s'applique lorsque le licenciement est prononcé pour une cause réelle et sérieuse, elles excluent l'application de l'indemnité de procédure au licenciement sans cause réelle et sérieuse mais ne règlent pas la situation du licenciement nul .
Dès lors le droit commun de la responsabilité civile trouve à s'appliquer et il appartient à la cour d'apprécier le préjudice subi , en l'espèce la cour considère que la réparation du préjudice se trouve inclue dans la somme accordée au titre de la rupture du contrat de travail.
Il est constant que le salarié dont le licenciement est nul peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice au titre du préavis . En l'espèce l'article 16 de l'accord d'entreprise ( pièce 4 de l'appelante ) fixe le préavis à un mois de salaire pour une ancienneté inférieure à deux ans comme en l'espèce , le jugement sera infirmé sur le montant accordé et il est fait droit à la demande .
Enfin dans le cas de la nullité du licenciement prononcée sur le fondement de l'article L 1132-4 du code du travail l'article L 1235-4 du code du travail impose au juge d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur fautif aux organismes interessés de tout ou partie des indemnités chômage versé au salarié licencencié du jour du licenciement au jour du jugement prononcé dans la mimite de 6 mois d'inemnités.
En l'espèce la cour condamne donc l'employeur à rembourser à l'organisme chargé de servir les indemnités chômage le montant des indemnités servies à Mme [S] dans la limite de deux mois de salaire .
Il résulte des dispositions combinées des articles 1146 et 1153, devenus 1231 et 1231-6 du code civil, et R.1452-5 du code du travail, que les créances salariales, légales ou conventionnelles portent de plein droit intérêts calculés au taux légal à compter, pour celles objets de la demande initiale, de la mise en demeure résultant de la citation devant le bureau de conciliation et d'orientation, c'est à dire à compter de la date de la réception par le défendeur de la convocation devant ce bureau - ou devant le bureau de jugement pour les affaires dispensées de conciliation .
En l'espèce la demande ayant été examinée directement par le bureau de jugement ,les sommes à caractère salarial porteont intérêt au taux légal à compter du 15 octobre 2018.
Les allouées à titre indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2019 date du jugement entrepris dès lors que l'infirmation ne porte que sur le montant des sommes allouées par le premier juge.
Il convient de condamner l'association Qualisud qui succombe à payer à Mme [S] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du CPC etde la débouter de sa propre demande à ce titre outre sa condamnation aux dépens de l'instance d'appel
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement de Mme [S] sans cause réelle et sérieuse ainsi que sur le quatum des indemnités allouées.
Statuant à nouveau
Requalifie le contrat de travail de Mme [S] en contrat de travail à durée indéterminée.
Fixe le salaire de référence à la somme de 1678,93 euros
Dit que la rupture du contrat de travail intervenue le 29 novembre 2017 s'analyse en un licenciement discriminatoire nul et en conséquence :
Condamne l'association QUALISUD à payer à Mme [S]
- 1678,93 euros brut à titre d'indemnité de requalification
- 10 073 euros à titre de dommages intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et licenciement nul
- 1678,93 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 167,89 euros au titre des congés payés afférents
Dit que la somme allouées au titre de l'indemnité compsatrice de préavis et congés payés afférents portera intérêt au taux légal à compter du 15 octobre 2018 et les autres sommes allouées à titre indemnitaire à compter du 18 mars 2019.
Condamne l'association QUALISUD à rembourser à l'organisme chargé de servir les indemnités chômage le montant des indemnités servies à Mme [S] dans la limite de deux mois de salaire
Condamne l'association QUALISUD à payer à Mme [S] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du CPC
Condamne l'association QUALISUD auxdépens de l'instance d'appel.
Le greffier Le président