La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/2023 | FRANCE | N°19/00244

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 24 mars 2023, 19/00244


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 24 MARS 2023



N°2023/ 54



RG 19/00244

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSSF







[I] [C]





C/



SARL INTERCOM 13





































Copie exécutoire délivrée

le 24 Mars 2023 à :



-Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Sébas

tien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02228.







APPELANT



Monsieur [I] [C], demeurant [Adresse 1]



comparan...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 24 MARS 2023

N°2023/ 54

RG 19/00244

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSSF

[I] [C]

C/

SARL INTERCOM 13

Copie exécutoire délivrée

le 24 Mars 2023 à :

-Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02228.

APPELANT

Monsieur [I] [C], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Cedric HEULIN de la SELARL SELARL CEDRIC HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL INTERCOM 13, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Benjamin LAFON, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [I] [C] a été engagé par la société Intercom 13, à compter du 28 octobre 2002, en qualité de journaliste stagiaire par contrat à durée indéterminée à temps complet, la convention collective nationale applicable étant celle de la radiodiffusion n° 3285.

A compter du 8 août 2017 le salarié était en arrêt de travail pour maladie.

M. [C] saisissait le 25 septembre 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 21 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Marseille a statué comme suit:

«Acte le paiement par la société Intercom 13 de la somme de 25 094,99 € brut à M. [I] [C] en régularisation des sommes dues ;

Dit en conséquence que la demande de résolutionjudicaire du contrat de travail de M. [C] aux torts de son employeur est infondée ;

Condamne la société Intercom 13 au paiement de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne la production par la société Intercom 13 des bulletins de salaire rectifiés ;

Déboute Monsieur [C] du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Intercom 13 aux dépens. »

Par acte du 8 janvier 2019, le conseil de M. [C] a interjeté appel de la décision.

La médecine du travail a déclaré le salarié inapte au poste de journaliste, précisé que « l'état de santé du salarié faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi », et M. [C] a été licencié pour inaptitude le 18 janvier 2019.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe le 23 mars 2019 par voie électronique, M. [C] demande à la cour de :

« Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 21 décembre 2018 en ce qu'il a condamné la société Intercom 13 au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aux entiers dépens et en ce qu'il lui a ordonné la production des bulletins de salaire rectifiés.

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 21 décembre 2018 en ce qu'il a dit que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était infondée, en ce qu'il a débouté Monsieur [C] de ses demandes à ce titre ainsi que du surplus de ses demandes.

Statuer à Nouveau :

1) Dire et Juger bien fondée la demande résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [C] aux torts exclusifs de la société Intercom 13.

2) Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [C] aux torts exclusifs de la société Intercom 13 à la date du licenciement pour inaptitude en date du 18 janvier 2019.

3) Dire et Juger que cette résiliation judiciaire doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 18 janvier 2019.

En Conséquence

' Condamner la société Intercom 13 au paiement des sommes suivantes :

- 4.235,04 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 423 € au titre des congés payés y afférents.

- 2.682,19 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

- 4.235,04 € bruts au titre de la prime de 13ème mois pour les années 2017 et 2018, outre 423 € au titre des congés payés y afférents.

- 31.757 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

- 1.344,48€ au titre du complément de salaire pour la période du 8 août au 30 octobre 2017.

- 250 € à titre de dommages et intérêts pour non remboursement des frais de déplacements professionnels. 4) Condamner la société Intercom 13 au paiement de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

5) Fixer la moyenne des salaires des 3 derniers mois à la somme brute 2.117,15 €.

6) Ordonner à la société Intercom 13 la rectification de l'attestation de salaire destinée à la CPAM ainsi que de l'attestation Pôle Emploi du chef des rémunérations judiciairement fixées, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 8 ème jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

7) Condamner la société Intercom 13 au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.

8) Condamner la société Intercom 13 aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe le 12 juin 2019 par voie électronique, la société Intercom 13 demande à la cour de :

« Dire et juger que la Société Intercom 13 a effectué le 5 juillet 2018 et avant le jugement le paiement des sommes suivantes :

- 6.741,75 € et 674 € au titre de rappel sur prime d'ancienneté et congés payés sur prime d'ancienneté,

- 10.691,48 € et 1.069 € au titre de rappel de salaires des minima conventionnels et congés payés afférents,

- 5.301 € et 530 € au titre de rappel de sur prime de 13ème mois et congés payés afférents,

- 87, 76 € au titre des indemnites de salaire versées pendant le congé maladie.

Confirmer le jugement de premiere instance en ce qu'il a dit et jugé que la Société Intercom 13 en effectuant le paiement de la somme de 25.094,99 € a régularisé les sommes dues.

Dire et juger irrecevables les demandes de M. [C] concernant les primes d'ancienneté pour l'année 2017 et 2018 du fait qu'elles n'ont pas été sollicitées en première instance et qu'elles doivent être effectuées devant le Conseil des Prud'hommes.

Dire et juger que les manquements dont se prévaut M. [C] ne sont nullement justifié.

Dire et juger que les manquements dont se prévaut M. [C] ne justifient pas une résiliation judiciaire.

Dire et juger que le licenciement de M. [C] pour inaptitude a bien une cause réelle et sérieuse.

Dire et juger qu'il n'est rapporté aucun élément de preuve concernant des dommages intérêts pour préjudice distinct.

Confirmer le jugement de première instance ayant dit que la demande de résolution judiciaire du contrat de travail de M. [C] aux torts de l'employeur est infondée.

Débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes en cause d'appel.

Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la Société Intercom aupaiement de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 et ordonner la production de bulletins de salaire rectifiés outre les entiers dépens.

Statuant à nouveau,

Débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes.

Condamner M. [C] au paiement d'une somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article700 du Code de Procedure Civile».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur l'effet dévolutif

La cour relève que l'appelant ne remet pas en cause le jugement en ce qu'il a acté le paiement de la somme de 25 094,99 euros bruts, la société demandant la confirmation du jugement sur ce point, de sorte que la cour n'est pas saisie sur ce point.

Par ailleurs, aucune contestation n'est soulevée quant au licenciement intervenu postérieurement à la décision déférée.

Sur la résiliation judiciaire

L'appelant rappelle que la régularisation n'est intervenue que le 6 juillet 2018, soit trois jours avant l'audience de jugement, qu'elle était manifestement tardive et que l'attitude de l'employeur a entaché la relation contractuelle de déloyauté faisant obstacle à toute poursuite du contrat de travail.

Il invoque à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire plusieurs manquements graves de l'employeur ayant eu des conséquences sur sa rémunération et sur sa santé :

1- le non paiement des salaires minima conventionnels : le salarié fait valoir que l'employeur lui devait un rappel de salaire sur le fondement de l'article 1.1 dernier alinéa de la convention collective nationale de la radio diffusion du 11 avril 1996 et de l'accord du 5 décembre 2008 relatif au salaire de la branche de la radiodiffusion concernant les journalistes professionnels et prévoyance des rémunérations minimales pour chaque type d'emploi.

Il indique que la société intimée a reconnu lui devoir la somme réclamée au titre de rappel de salaire et des congés payés et a régularisé la situation mais trop tardivement.

2-le non paiement des primes : le salarié soutient qu'il devait bénéficier des primes d'ancienneté et du 13e mois en raison de son statut de journaliste professionnel et des dispositions des articles 23 et 25 de la convention collective nationale des journalistes.

Il précise que la société intimée a reconnu lui devoir les sommes réclamées à ce titre et a régularisé la situation pour les années 2014, 2015 et 2016 mais trop tardivement.

Il indique toutefois que l'employeur n'a pas procédé au paiement de la prime de 13e mois pour les années 2017 et 2018 alors que le décompte des sommes dues avait été arrêté au mois de septembre 2017.

3- le non paiement de l'intégralité du complément de salaire : le salarié explique qu'en arrêt de travail depuis le 8 août 2017 il aurait dû bénéficier en vertu de l'article 36 de la convention collective nationale des journalistes du maintien intégral de salaire jusqu'au 8 janvier 2018. Il souligne que la créance salariale n'a été régularisée par l'employeur que partiellement et tardivement le 5 juillet 2018 l'employeur ne lui versant que 87,76 €, ce dernier lui restant redevable de la somme de 1.344,48 € au titre du complément de salaire.

4- le refus de l'employeur de remboursement des frais de déplacement : le salarié fait valoir qu'il a exposé des frais de carburant pour ses déplacements professionnels, frais qui lui ont été remboursés jusqu'au mois de juin 2017 mais qu'à compter du mois de juillet 2017, il s'est vu opposer un refus, le contraignant pour son activité professionnelle de prendre en charge les frais d'essence pour 200 € par mois.

5- l'exécution déloyale du contrat de travail : le salarié soutient qu'il a été limité par la prescription triennale dans sa demande de rappel de salaire et qu'il a été financièrement lésé pendant près de 10 ans démontrant la déloyauté de l'employeur qui avait parfaitement connaissance de la violation des dispositions conventionnelles s'agissant des rémunérations minimales.

6- l'altération de l'état de santé : le salarié soutient que les agissements répétés de l'employeur et le mépris fautif de celui-ci ont eu un effet direct sur son état de santé, le PDG de la société ayant ouvertement manifesté la volonté de l'évincer de l'entreprise. Il indique qu'il lui a été demandé à partir de la rentrée de septembre 2017 de se rendre dans n'importe quelle ville de la zone d'émission de radio store et il lui a été annoncé verbalement une convocation à un entretien en vue d'une rupture de son contrat de travail dans le but de lui imposer une rémunération à la pige.

7- la violation de l'obligation de sécurité : le salarié explique que l'inertie fautive de son employeur pendant plusieurs mois est constitutive d'un manquement à son obligation de sécurité en raison du non-respect des obligations fixées par les articlesL.4121-1 et L.4121-2 du code du travail mises à sa charge en termes de santé et de sécurité.

Il produit notamment les éléments suivants:

- les bulletins de salaire des années 2014, 2015, 2016, des mois de janvier 2017 à octobre 2017 le bulletin rectificatif du mois d'août 2017, de décembre 2017 et décembre 2018 et le bulletin de salaire du mois de janvier 2019 (pièces 1 à 6 et 27 à 30, 40, 42 et 43 )

- le tableau récupéré récapitulatif des créances salariales (pièce 10)

- le relevé des prestations versées par la CPAMmentionnant le paiement de la somme de 2.036,82 euros (pièce 26)

- l'article 1 relatif au champ d'application de la convention collective nationale de la radiodiffusion,« les journalistes et assimilés qui entrent dans le champ de la convention collective nationale étendue des journalistes du 1er novembre 1976 refondue le 27 octobre 1987 font l'objet d'accords spécifiques au secteur de la radiodiffusion privée. Par conséquent ils ne bénéficient pas des dispositions de la présente convention collective nationale de la radiodiffusion » (pièce15)

- le préambule de l'accord du 5 décembre 2008 et son annexe « le présent accord fixe les rémunérations minimales applicables aux journalistes professionnelles occupant les fonctions définies dans les types de services de radiodiffusion qui les emploient. Les salaires minima s'appliquent dans les conditions fixées à l'article 22 de la convention collective nationale des journalistes et au présent accord. (...) » « Les rémunérations minima telles que définies à la présente annexe sont majorées notamment du 13e mois comme instituté à l'article 25, des primes d'ancienneté, suivant l'ancienneté en qualité de journaliste professionnel dans l'entreprise et dans la profession ,comme instituées à l'article 23 qui se cumulent le cas échéant avec l'effet des échelons instaurés au présent accord » (pièce 15, 16, 17)

- l'accord du 6 novembre 2014 relatif aux salaires minima pour l'année 2014, l'accord du 17 décembre 2015 relatif au salaire minimum pour l'année 2015 et l'accord du 25 janvier 2017 relatif aux salaires minima pour l'année 2016 (pièce 18 à 20)

- le tableau explicatif du calcul des salaires minima (pièce 20 bis)

- les articles 23, 24, 25 et 36 de la CNN des journalistes (pièce 22 à 25)

- l'attestation de paiement des IJSS mentionnant le versement de la somme de 2.036,82 € (pièce 26)

- un certificat médical du 28 novembre 2017 du Dr [Y] nous qui certifie « suivre [C] [I] depuis le mois de septembre 2017. Le patient présent un état dépressif d'épuisement d'intensité sévère associé à des attaques de panique. La prise en charge associé un traitement psychotrope antidépresseur et d'une psychothérapie hebdomadaire ». (pièce 32)

La société soutient que les demandes de paiement ont été régularisées le 5 juillet 2018 suivant les conclusions du salarié du 22 mars 2018 et que c'est à la date à laquelle le juge se prononce qu'il appartient de se placer pour apprécier les manquements imputés à l'employeur, et explique qu'elle rencontrait des difficultés économiques justifiant que le paiement n'a pu être effectué préalablement.

Elle indique qu'elle a fait une stricte application de la convention collective de radiodiffusion 3285 pour laquelle le salaire minimal avait été respecté sans faire toutefois le rapprochement avec la convention collective des journalistes mais souligne que le salarié n'a jamais dénoncé sa situation et le fait qu'il ne percevait pas la prime d'ancienneté outre le 13e mois.

Elle estime le salarié rempli de ses droits pour la demande de complément de salaire suite à la maladie dans la mesure où les indemnités journalières versées par l'assurance-maladie devaient être déduites et où il lui a été versé la somme complémentaire de 87,76 €.

Elle fait valoir que l'argument du salarié selon lequel les manquements de l'employeur auraient perduré après le jugement de première instance ne peut prospérer car les demandes de primes pour 2017/2018 ont été sollicitées pour la première fois devant la cour, correspondant à des demandes nouvelles, le principe d'unicité de l'instance ayant été supprimé.

Elle précise qu'aucune somme complémentaire pour la période du 8 août au 30 octobre 2017 ne peut être réclamée dans la mesure où le salarié a perçu avec l'indemnité journalière de l'assurance-maladie la somme de 5494,27 €.

Elle indique qu'aucune demande de remboursement de frais de facture ne lui a été adressée par le salarié.

Elle conteste toute brimade, mise au placard ou remise en cause de son activité par elle ou par l'équipe de Radio Star et souligne qu'une simple attestation médicale ne saurait être en lien avec un quelconque manquement de l'employeur, que ce soit au titre de ses obligations en matière de sécurité de santé ou au titre d'une quelconque faute dont dont il aurait pu être l'auteur à l'encontre du salarié.

La société produit notamment les éléments suivants :

- le bilan de la société au 31 décembre 2017 mentionnant un compte de résultat net négatif de

(-) 22'300 €. (pièce 8)

- la justification du règlement de la somme de 20.055,52 €. (pièce 6)

- les attestations de Mme [B] « Je n'ai jamais de eu de problème ou de désaccord avec [I], nous ne travaillons pas dans le même service, ni le même bureau, nos relations sont cordiales, il avait l'air plutôt solitaire et un peu moins enclin à participer à nos déjeuners d'équipe ». (pièce 9)

- le témoignage deM. [V] qui indique « j'ai connu [I] [C] dans ses débuts mais je n'ai pas particulièrement sympathisé avec lui, nous avions uniquement des relations professionnelles assez normales, nous ne nous sommes jamais vus en dehors du travail, c'est quelqu'un d'assez distant et peu communicatif mais nos rapports n'étaient pas mauvais ». (pièce 9)

-le témoignage de M. [T] qui atteste « [I] ne m'a jamais fait part de rapports conflictuels avec qui que ce soit dans l'entreprise, parfois des divergences d'opinion concernant les sujets à traiter dans le flash info ». (pièce 9)

Lorsque le salarié demande la résiliation judiciare de son contrat en raison des faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée.

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Sur le premier et le deuxième griefs :

La société a reconnu qu'elle n'avait pas versé un salaire conforme au minima conventionnels, ni payé la prime d'ancienneté et le 13e mois pour les années 2014 à 2016. Elle a réglé au salarié par chèque du 3 juillet 2018 un montant de 20.055,52 € à ce titre, soit avant l'audience de jugement du conseil des prud'hommes du 9 juillet 2018.

Toutefois, la société s'est abstenue de régulariser la situation pour l'année 2017 et l'année 2018 concernant la prime du 13e mois.

La cour constate que la société ne conteste pas l'absence de règlement de ces primes mais oppose l'irrecevabilité de la demande comme nouvelle.

Or, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel sur le fondement des dispositions de l'article R1452-7 du code du travail et les dispositions de l'article 566 du code de procédure civile prévoient que les demandes nouvelles pour être recevables doivent être l'accessoire, la conséquence et le complément nécessaire de la demande initiale. Tel est le cas en l'espèce.

Par ailleurs, la cour relève que le salarié réclamait déjà devant le conseil des prud'hommes de Marseille dans ses conclusions du 22 mars 2018 le règlement des primes jusqu'en 2017 selon le même décompte que celui produit en appel (pièce 2 de la société intimée) et il appartenait à la société de régulariser la situation pour l'ensemble des années concernées par les manquements résultant de la non-application de la convention collective des journalistes.

La demande à ce titre doit être déclarée recevable

Les difficultés financières de la société ne sont évoquées que pour l'année 2017 et ne sauraient justifier le non-paiement des montants prévus par la convention pendant plusieurs années.

La société a eu un comportement fautif et les griefs doivent donc être retenus.

La société doit donc être condamnée au montant du rappel de salaire au titre de la prime du 13ème mois pour l'année 2017 et 2018 soit la somme de 4.235,04 euros et la somme de 423,50€ au titre des congés payés y afférents.

Sur le troisième grief :

Les dispositions de l'article 36 de la convention collective nationale des journalistes prévoient « qu'en application des articles 22 et 29 les absences pour cause de maladie ou d'accident de travail couverte par sécurité sociale dûment constatée par certificat médical donnent lieu à payer au paiement des salaires pendant cinq mois tarif pleins et cinq mois demi-tarifs après 10 ans de présence ».

Ainsi, le salarié aurait dû percevoir l'intégralité de son salaire, soit la somme mensuelle de 1.784,10 € bruts, non autrement contesté par la société, et donc du 8 août 2017 au 30 octobre 2017, celle de 4.876,54€ bruts. Il a bénéficié de la somme de 2.036,82 euros bruts de la CPAM,

S'agissant du mois d'août 2017 : le salarié a perçu la somme de 1.492,79 € bruts versés en août, (soit 1.137€ nets). Ce montant a été récupéré en septembre, soit la somme de -1.102,34 € brut pour abscence du 9/08 au 31/08 et la somme de -1.137 € net pour « acompte versé en août » avec un montant à prélever sur prochain bulletin de 866,57 € nets.

Concernant le mois de septembre 2017 : le salarié n'a rien perçu.

Pour le mois d'octobre 2017 : le salarié n'a pas perçu son salaire de base de journalistes mais a bénéficié du complément de salaire du 9 août au 24 octobre pour un montant de 1.575 € bruts, somme de laquelle a été déduite le montant net la somme de 866,57 €.

Le salarié ayant donc perçu la somme totale de 3920,06 €, il est fondé à obtenir la somme de (4876,54 - 3.920,06 ) = 956,48 € de laquelle il convient de déduire les 87,76 €.

La société est donc redevable de la somme de 868,72 €.

La cour constate le manquement fautif de la société.

Sur le quatrième grief :

Le salarié ne produit aucun élément concernant les frais de déplacement revendiqués et en particulier ne produit pas les demandes de remboursement auprès de son employeur, de sorte que ce grief doit être écarté.

La demande de dommages-intérêts de ce chef doit être rejetée.

Sur le cinquième grief :

Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l'employeur d'exécuter le contrat de travail de bonne foi.

En ne respectant pas les dispositions de la convention collective des journalistes ainsi que les accords spécifiques au secteur de la radiodiffusion privée mentionnée dans l'article1 de la convention collective de la radiodiffusion du salarié, la société a commis un manquement grave à ses obligations contractuelles.

Ce grief doit être retenu.

Sur le sixième grief :

Le certificat médical du 28 novembre 2017 du Dr [Y] atteste uniquement de l'état dépressif du salarié qui en l'absence de l'existence d'autres éléments probants ne peut être considéré comme la conséquence des agissements de l'employeur.

Ce grief doit être rejeté.

Sur le septième grief :

L'obligation de prévention des risques professionnels résulte de l'article L. 4121-1 du Code du travail.

En l'espèce, le salarié ne justifie pas avoir alerté son employeur de la dégradation de son état de santé qu'il indique être en lien avec ses conditions de travail. Dans ces conditions il ne peut être reproché à ce dernier de ne pas avoir pris toutes les mesures de prévention nécessaires.

L'employeur établit de son côté par les témoignages produits que les relations avec l'équipe de travail au sein de la société ne posaient pas de problème particulier.

Ce grief doit donc être rejeté.

Au regard de la persistance des manquements retenus concernant principalement la rémunération, la régularisation n'ayant été que partielle, ceux-ci étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et dès lors justifier la résiliation judiciaire.

La cour, par voie d'infirmation, dit la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur fondée avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au 18 janvier 2019.

Sur les conséquences financières de la rupture

S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis comme de l'indemnité compensatrice de congés payés, l'employeur ne forme aucune contestation sur leur principe et quantum, de sorte qu'il convient de faire droit aux demandes du salarié.

Le salarié estime qu'il ne peut lui être opposé le barème d'indemnisation fixée par l'ordonnance du 22 septembre 2017 modifiant l'article L.1235-3 du code du travail, cette disposition étant contraire au droit communautaire et au droit international.

La Cour de Cassation a récemment rappelé le caractère impératif du barème et affirmé à nouveau que celui-ci s'appliquait peu importe les faits de l'espèce, le juge du fond n'ayant pas à apprécier la situation personnelle du salarié pour dépasser le plafond d'indemnisation. (Cass.soc ., 1er fev. 2023, n°21-21.011), de sorte qu'il ne saurait être fait droit à la demande de l'appelant.

Au moment de la rupture M. [C] comptait 15 ans et 9 mois d'ancienneté et l'entreprise employait habituellement moins de 11 salariés. Le salarié ne justifie pas de sa situation postérieure. Le salaire de référence a été fixé à 2 117,15 euros.

L'indemnité prévue à l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 prévoit une indemnité comprise entre 3 mois et 13 mois.

La cour fixe à la somme de 23 000 euros le préjudice subi par M. [C].

Le manquement à l'obligation de sécurité n'a pas été retenu par la cour. Par contre, le salarié justifie d'un préjudice distinct au regard de l'exécution déloyale du contrat de travail puisque pendant pendant plus de 10 années, il n'a pas bénéficié des primes et des minima conventionnels, ce qui ne lui a pas permis d'accéder au niveau de vie auquel il aurait pu prétendre.

Il y a lieu de lui allouer la somme de 2.000 € de ce chef.

Sur les autres demandes

La demande d'une attestation pour la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas justifiée mais il convient d'ordonner la remise, sans astreinte, d'un bulletin de salaire récapitulatif et d'une attestation Pôle Emploi, conformes au présent arrêt.

La société qui succombe doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à M. [C] la somme de 2000€.

Il n'y a pas lieu de statuer sur le sort des frais de l'exécution forcée, lesquels sont futurs et régis par l'article L.118-8 du code des procédures civiles d'exécution et soumis en cas de contestation au juge de l'exécution.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme, dans ses dispositions soumises à la cour, le jugement déféré,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Dit recevable la demande de prime d'ancienneté pour les années 2017 et 2018,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur au 18 janvier 2019,

Condamne la société Intercom 13 à payer à M. [I] [C] les sommes suivantes :

- 4 235,04 euros au titre de la prime du 13ème mois pour les années 2017 et 2018,

- 868,72 euros au titre du complément de salaire pour la période du 8 août au 30 octobre 2017,

- 4 235,04 euros à titre d'indemnité compensatice de préavis,

- 423 euros au titre des congés payés y afférents,

- 2 682,19 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 23 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à la société Intercom 13 de délivrer à M. [C] un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformes à la présente décision, mais dit n'y avoir lieu à astreinte,

Rejette le surplus des demandes des parties,

Condamne la société Intercom 13 aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/00244
Date de la décision : 24/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-24;19.00244 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award