La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/2023 | FRANCE | N°19/00241

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 24 mars 2023, 19/00241


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 24 MARS 2023



N°2023/ 53



RG 19/00241

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSR7







[E] [O]





C/



SA CLINIQUE [2]





























Copie exécutoire délivrée

le 24 Mars 2023 à :



-Me Philippe- laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





- Me Maxime DE MARG

ERIE, avocat au barreau de MARSEILLE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02086.







APPELANT



Monsieur [E] [O], demeurant [Adresse 4]

[...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 24 MARS 2023

N°2023/ 53

RG 19/00241

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSR7

[E] [O]

C/

SA CLINIQUE [2]

Copie exécutoire délivrée

le 24 Mars 2023 à :

-Me Philippe- laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02086.

APPELANT

Monsieur [E] [O], demeurant [Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté par Me Philippe- laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Nicolas FRANCOIS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA CLINIQUE DES [2], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Stéphane LEPLAIDEUR, avocat au barreau de TOULOUSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [E] [O] a été engagé à compter du 1er décembre 2001 par la SA Clinique des [2], sise à [Localité 3], en qualité de directeur médical, par contrat à durée indéterminée à temps complet avec une rémunération brute de base de 20'000 francs.

La convention collective nationale applicable était celle de l'hospitalisation privée à but lucratif.

Il exerçait également en libéral au sein de l'établissement.

Il cédait le 29 novembre 2002 ses actions dans le capital SA Valnet et la SA Clinique des [2] à la société anonyme Medipsy et poursuivait son contrat de travail salarié, son mandat de président directeur général de la société et ses fonctions de médecin psychiatre libéral au sein de l'établissement en vertu de l'article 13 du protocole de cession.

La clinique des [2] était reprise le 29 novembre 2013 par la société Ramsay Santé, devenue Ramsay Générale Santé.

Au dernier état des relations contractuelles, M. [E] [O] disposait d'un salaire mensuel moyen brut de 3.692,95 € en sa qualité de directeur médical.

M. [O] était convoqué le 18 février 2016 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 1 mars 2016. Il était licencié par courrier du 4 mars 2016 pour manquement à ses obligations contractuelles.

Il était révoqué le 18 février 2016 de ses mandats et remplacé le 1er mars 2016 à son poste de PDG de la clinique des [2] par le Dr [R], directrice des exploitations. Son contrat de collaboration libérale au sein de l'établissement était rompu le 14 juin 2016 avec un délai de préavis au 15 juin 2018.

Contestant la légitimité de la mesure de licenciement prise à son encontre M. [O] saisissait le 26 juillet 2016 conseil de prud'hommes de Marseille pour nullité du licenciement et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 20 décembre 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille a statué comme suit:

« Dit et Juge que le licenciement pour faute du Docteur [O] repose sur des causes réelles et sérieuses et qu'il n'y a pas eu circonstances vexatoires,

Déboute le Docteur [O] de toutes ses demandes,

Ordonne au Docteur [O] de payer à la clinique des [2] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le Docteur [O] aux entiers dépens. »

Par acte du 7 janvier 2019, le conseil de M. [O] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 5 avril 2019, M. [O] demande à la cour de :

« Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Marseille en date du 20 décembre 2018 sur les chefs de jugement critiqués ;

Statuant à nouveau :

Dire et Juger que le licenciement de Monsieur [O] est nul.

Subsidiairement :

Dire et Juger que le licenciement de Monsieur [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause :

Condamner la SA Clinique des [2] à verser à Monsieur [O] les sommes suivantes:

- 66.473,10 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et, à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 22.157, 70 euros net à titre de dommages et intérêts résultant des circonstances abusives et vexatoires du licenciement ;

- Intérêts légaux à compter du jour de la saisine ;

- 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 22 décembre 2021, la société demande à la cour de :

« Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En conséquence :

Débouter le Docteur [O] de l'intégralité de ses demandes,

Le condamner à verser à la Clinique des [2] la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le Condamner aux entiers dépens de l'instance ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

Seuls les motifs énoncés dans cette lettre peuvent être examinés pour apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement.

 

En l'espèce, la lettre de licenciement est libellée dans les termes suivants :

«En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité et que nous vous rappelons ci-après.

Au mépris des orientations définies et de la stratégie du Groupe, alors que vous devriez être moteur clans la réussite des projets de développement de la Clinique et dans le recrutement de praticiens supplémentaires, vous ne vous engagez pas suffisamment pour mettre en oeuvre les actions décidées par le Groupe et pour les promouvoir auprès des praticiens, de nos partenaires et des salariés de l'établissement.

A titre d'exemple, alors qu'il s'agit d'une grande opportunité pour la renommée, l'activité et le développement de la Clinique, vous n'êtes pas facilitateur dans l'intégration d'une nouvelle équipe de praticiens très réputée.

Vous êtes allé jusqu'à vous désengager officiellement de l'unité des adolescents, avant même l'arrivée de la nouvelle équipe de praticiens, alors qu'il s'agit d'un projet stratégique pour l'activité de la clinique, mettant ainsi l'établissement en difficulté.

Vous entretenez des relations très dégradées avec le Directeur de la Clinique et d'autres membres de celle-ci (comme par exemple le responsable hôtellerie et restauration) ce qui compte tenu de la nature et du niveau de votre poste est très préjudiciable au fonctionnement et au développement de l'établissement.

Ainsi, au-delà de toute collaboration constructive avec le Directeur, vous critiquez très directement ses compétences professionnelles et son management et vous portez des appréciations déplacées sur sa personne et sa façon d'être, allant jusqu'à poser un diagnostic médical le concernant.

Autre exemple, après m'avoir informé par téléphone d'une plainte déposée par l'un de vos patients à l'encontre du Directeur, vous m'avez adressé près de deux mois après un mail accablant pour celui-ci avec de graves accusations personnelles portant atteinte à sa personne au lieu de me présenter factuellement les faits en votre connaissance sans attaque personnelle.

De plus, vous avez clairement exprimé plusieurs fois que la reprise de ses fonctions, par le Directeur, était impossible ce qui a d'ailleurs motivé l'envoi de votre mail du 10 décembre 2015.

Au lieu de favoriser un retour à la normale nécessaire pour le bon fonctionnement de la Clinique, vous évoquez régulièrement dans des échanges écrits la 'rumeur ' participant ainsi à sa diffusion et à son développement.

De la même manière, alors que vous n'avez jamais participé aux réunions de la CRUQPC depuis près de deux ans, sans jamais vous en excuser auprès des autres membres, vous avez adressé le 26 janvier 2016 aux membres de la commission (dont un représentant des usagers) un mail pour indiquer votre absence en évoquant la survenue d'événements ne vous paraissant pas en adéquation avec la légitimité de cette instance, le non-respect de l'éthique et de la déontologie.

Dès lors, au regard de la nature et du niveau de votre poste et des relations constructives et de confiance qui doivent exister entre les cadres de direction, compte tenu des enjeux pour la Clinique, ses patients et son personnel, la poursuite de votre contrat de travail s'avère totalement impossible sauf à mettre en cause le bon fonctionnement de l'établissement. votre non adhésion ou non-participation à plusieurs projets ou instances de la Clinique ne permet pas en effet la poursuite de notre collaboration.»

Le salarié soutient la nullité du licenciement sur le fondement de l'atteinte à la liberté d'expression. Il fait valoir que l'employeur l'a sanctionné pour avoir informé ses supérieurs du comportement du directeur de la clinique. Il indique qu'il était de sa responsabilité d'avertir sa hiérarchie par un mail d'alerte resté sans réponse du fait grave qui s'était déroulé dans la clinique et du fait que le directeur avait été placé en garde à vue, l'affaire n'ayant pas été classée par le parquet mais en instruction et que l'article R.4127-44 du code de la santé publique impose au directeur médical de garantir le respect de la déontologie dans les pratiques médicales et d'informer la direction, la direction des soins et ses confrères de tout problème de sécurité des patients qu'il aurait identifié et que les révélations ne peuvent être considérées comme la diffusion d'une rumeur pouvant entraîner la dégradation des conditions de travail au sein de la clinique alors que la direction est débitrice d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ses patients et à l'égard des salariés.

Il oppose par ailleurs la prescription des faits considérés par l'employeur comme fautifs antérieurs à plus de deux mois sur le fondement des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail.

Il conteste les griefs sur le prétendu manque d'implication dans la mesure où après deux années de travail préparatoire avec les services de l'ARH (ex ARS) il a obtenu en 2004 l'autorisation de fonctionnement de 18 lits de psychiatrie infanto juvénile constituant une première dans le monde de l'hospitalisation privée puis le renouvellement de cette autorisation en novembre 2014, étant toujours resté l'interlocuteur privilégié par l'ARS au sein de l'établissement.

Il rappelle que suite à la création de l'unité d'adolescents «Angus Young »(UAY), il a multiplié les démarches avec le Professeur [C], dont il était un ancien élève, afin qu'il intègre avec son équipe la structure de la clinique en septembre 2015, et ce, dans le seul intérêt de la clinique.

Il conteste s'être opposé à la venue dans la clinique du Dr [H] et du Dr [K] et avoir laissé l'unité AY sans référent psychiatrique, le Dr [L] intervenant de manière régulière et quotidienne auprès des adolescents durant l'été et l'automne 2015.

Il souligne avoir toujours démontré son implication et fait le nécessaire pour assurer la sécurité des patients hospitalisés et avoir assuré le taux de remplissage de l'établissement comme souhaitait la direction.

Il précise que si le directeur médical travaille sous la responsabilité du directeur de la clinique, ce dernier n'a pas à intervenir directement auprès des patients.

Il indique que s'agissant de ses absences aux réunions de la CRUCQ, la notion d'éthique ne pouvait s'associer avec la présence du directeur siégeant lui-même à cette commission mais également parce que la réunion était placée sur des horaires de consultation.

Le salarié estime concernant les mauvaises relations avec le responsable hôtelier, qu'il lui appartenait sans que cela puisse lui être reproché de s'inquiéter de l'état d'hygiène de la clinique pour le bien-être des patients accueillis et qu'il n'a jamais dépassé les limites de la bienséance.

La société fait valoir que si le salarié jouit dans l'entreprise d'une liberté d'expression il doit faire preuve de mesure dans l'expression de son désaccord sur les orientations stratégiques ou le fonctionnement de la société et il estime être en droit de se prévaloir de faits anciens dans la mesure où il invoque également des agissements fautifs ayant été commis dans le délai de deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement.

L'employeur qui a connaissance d'un fait fautif a deux mois maximum pour engager la procédure disciplinaire envertu des dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail. Au-delà, les fautes sont prescrites et ne peuvent plus, à elles-seules, donner lieu à une sanction. Il appartient alors à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.

Si ce texte ne s'oppose pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai, le fait ancien et le fait non prescrit doivent être de nature identique.

En l'espèce, les manquements suivants sont opposés au salarié :

- le manque d'engagement et en particulier :

des désaccords concernant les orientations au visa des courriels du salarié et de M. [D] [S] du 26 septembre 2014, du 3 février 2015 et 16 juillet 2015 ( pièces 5 , 6, 7, 8 et 13).

l'absence d'intégration d'une nouvelle équipe de praticiens au visa des courriel du Docteur [H] adressé à M. [D] [S] en date du 23 décembre 2014, des courriels du salarié à adressés [D] [S] du 1er octobre 2014, 26 novembre 2014 et du 3 février 2015,du 3 septembre 2015 (pièces 6, 9, 16 et 19 intimée) et des courriels entre le Dr [R] et le salarié du 26 mai 2015.

un désengagement de l'unité des adolescents avant l'arrivée de ces derniers au visa des courriels du salarié adressés à M. [D] [S] du 1er octobre 2014 et du 27 mai 2015 (pièces 11 et 16).

l'absence du salarié à la réunion du 26 janvier 2016 de la CRUQPC.

- le dénigrement du directeur de clinique avec la propagation de rumeurs au visa des courriels adressés par le salarié à sa hiérarchie M. [A] et M. [P] du 10 décembre 2015,

- les mauvaises relations avec M. [I], responsable hôtellerie/restauration début 2016 (pièces 16 bis et 13 appelant ).

La cour considère que le prétendu manque d'engagement du salarié procède de plusieurs faits distincts qui doivent être examinés séparement tout comme les mauvaises relations entre le salarié et le directeur de la clinique et le responsable de la restauration et qu'au vu des éléments produits par l'appelant, et en particulier des réponses apportées par la direction, au moment de leur réalisation, la société en avait fait une connaissance exacte.

La société ne peut se prévaloir d'une continuité ou d'une réitération des faits dans la période des deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement (soit le 18 février 2016) interruptive de prescription en raison de la nature différente de ces faits avec ceux intervenus dans bette période.

Ainsi, le grief de non participation du médecin à la réunion du 26 janvier 2016 de la CRUQPC ne peut pas être considéré comme un fait de nature identique à ceux précédement invoqués. Il en est de même pour le grief résultant des échanges entre le médecin et M. [I], responsable hôtellerie/ restauration au visa du courriel du 3 février 2016.

Les faits sont donc prescrits pour les années 2014 et 2015 au regard des dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail.

Dès lors, le salarié ne peut invoquer utilement la nullité du licenciement sur le fondement de l'atteinte à la liberté d'expression pour les faits du 10 décembre 2015 et sa demande à ce titre doit être rejetée.

La cour relève également que les répercussions sur l'image de la clinique mentionnées dans les conclusions de l'intimée page 13 ne figurent pas dans la lettre de licenciement et les pièces 4 ter et 17 produites à l'appui de ses constatations les pièces, concernent des extraits de courriels qui postérieurs au licenciement.

Concernant les deux seuls griefs non prescrits reprochés à M. [O]:

M. [O] indique dans son e-mail du 26 janvier 2016 : « Je ne serai pas présent à la séance de la CO CRUQPC ce matin. En effet,la survenance d'événements que je tairai dans un évident souci de confidentialité ne me parait pas en adéquation avec la légitimité de cette instance et l'énoncé de certains thèmes cités à l'ordre du jour. L'idée que je me fais de l'éthique et de la déontologie indispensable à une prise en charge du patient de qualité n'est, selon moi, pas respecté ».

Il s'avère que le Dr. [O] a été informé de la plainte pour agression sexuelle déposée le 13 mai 2015 auprès du commissariat de [Localité 5] par un des patients de la clinique à l'encontre du directeur de clinique, ayant été lui-même amené à témoigner dans le cadre de la procédure pénale pour avoir recueilli les confidences de la victime. Le praticien a donc averti sa hiérarchie de ces faits.

Sans porter atteinte à la présomption d'innocence, le Dr. [O] a légitimement estimé conformément à l'article R.4127-44 du code de la santé publique qu'en tant que garant de la déontologie dans les pratiques médicales et des problèmes de sécurité des patients, il ne pouvait participer à la « commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge » prévue le 27 janvier 2016 du fait de la présence du directeur de clinique M. [S] malgré sa mise en cause dans cette affaire.

Le positionnement du Dr. [O] qui n'a pas souhaité cautionner la prise en charge problématique des patients par le directeur de la clinique ne saurait constituer un comportement fautif.

Ce grief doit être rejeté.

Le Dr [O] a adressé un mail le 3 février 2016 à M. [I], responsable hôtellerie/restauration en ces termes : « Bonjour, je suis dans l'obligation d'attirer une nouvelle fois votre attention sur l'état désastreux de la clinique, sur le plan de la propriété, et en particulier en ce qui concerne tous les espaces communs (couloir, salon, salle etc.). J'ose espérer que votre préoccupation concernant la qualité de l'hygiène d'un établissement de soins recevant des patients permettra de rétablir cette bien choquante situation ».

Ce dernier a répondu par un mail du 3 février 2016 « Ce qui me choque le plus c'est de voir qu'il y a de plus en plus de patients qui ne respectent absolument pas le règlement intérieur de l'établissement que ce soit pour la sécurité des biens ou des personnes, et ceci, avec l'approbation totale du service médical(...)».

La réponse du Dr [O] a été la suivante : « Votre réponse ne me surprend pas. À chaque fois que l'on note l'incompétence de votre gestion, c'est toujours la faute des autres(...) Vous ferez beaucoup de progrès le jour où vous consentirez accepter que ce que l'on vous fait remarquer d'une réflexion pour l'amélioration de la prise en charge du patient et du bien-être du personnel et non pas une attaque personnelle vous concernant. Mais pour ça il y a encore du boulot hélas.»

Conformément à son statut de directeur médical, le Docteur [O] était en charge de veiller aux conditions sanitaires de la clinique et par voie de conséquence à l'hygiène des locaux de la clinique pouvant influer sur le bien-être et la santé des patients , de sorte que les échanges sur la propreté des lieux ne peuvent constituer un comportement fautif, et ce d'autant, que le praticien n'a pas été discourtois avec M. [I], lui faisant simplement remarquer l'état déplorable des parties communes.

Le responsable de l'hôtellerie et restauration qui n'a pas accepté ses observations a rejeté le problème sur les patients et le service médical, amenant le praticien à repréciser le sens de son intervention, ce qui ne peut être considéré comme un manquement fautif.

Dès lors, le grief doit être rejeté.

En conséquence, les faits non prescrits reprochés à M. [O] ne sont pas établis et le licenciement n'a donc pas de cause réelle et sérieuse.

La cour infirme la décision déférée de ce chef.

Sur les conséquences financières du licenciement

- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [O] justifie de 14 années d'ancienneté dans la clinique qui comporte plus de 11 salariés. Le salaire mensuel moyen brut de référence, non contredit par l'employeur, est de 3.692,95 €.

La cour fixe à la somme de 55.000 euros le préjudice subi par par le salarié du fait de la rupture.

- Sur l'indemnité pour licenciement vexatoire

C'est à juste titre que M. [O] invoque le caractère vexatoire du licenciement, s'agissant d'un licenciement prétendument disciplinaire, ce dernier justifiant par le témoignage de Mme [X] [Y] (qui avait assuré le management et la gestion d'établissement à partir de la mi-septembre 2016), que la directrice opérationnelle du groupe Ramsay Général Santé en avait fait une affaire personnelle, qu'elle a cherché par tous les moyens possibles à le pousser en dehors de la clinique en lui demandant de rechercher tous les documents à charge contre ce dernier, en le critiquant ouvertement devant l'équipe du comité de direction et en influençant le personnel encadrant et d'autres médecins (pièces de l'appelant 35 et 36).

Si la société établit que le témoin travaille désormais pour le compte de M. [J], ancien associé du Dr [O], le fait que ce dernier « aurait conservé des liens étroits » avec l'appelant n'est pas établi et n'est pas de nature à remettre en cause la véracité de ses déclarations.

M. [O] justifie ainsi d'un préjudice certain ayant été écarté de son poste dans des conditions extrêmement vexatoires mettant ses compétences et sa notoriété en cause et il y a lieu de lui allouer la somme de 10'000 € à ce titre.

La cour applique d'office la sanction de l'article 1235-4 du Code du Travail dans la limite de 3 mois.

Sur les autres demandes

Les dispositions de l'article 1231-7 du Code Civil prévoient qu'« en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa».

La cour decide qu'à titre compensatoire, les créances indemnitaires doivent porter intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris.

La société qui succombe doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à l'appelant la somme de 2.000€.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Rejette la demande de nullité du licenciement,

Dit le licenciement de M. [E] [O] sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Clinique des [2] à payer à M. [O] les sommes suivantes :

- 55 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018 ;

Condamne la société Clinique des [2] à payer à M. [O] la somme de 2. 000 € au titre au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne le remboursement par la société Clinique des [2] à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de 3 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe,

Condamne la société Clinique des [2] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/00241
Date de la décision : 24/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-24;19.00241 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award