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23/03/2023 | FRANCE | N°22/13625

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 23 mars 2023, 22/13625


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 22/13625 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKE5Y







[G] [F]-[R]

[Y] [D], [L] [O] épouse [F]-[R]





C/



SARL CONCEPTION CONSTRUCTION MAISONBOIS - CCMB

SARL PROVENCE ECO LOGIS





Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Roselyne SIMON-THIBAUD



Me Philippe- laurent SIDE

R













Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 25 Août 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 22/01179.





APPELANTS



Monsieur [G] [F]-[R]

né le 20 Février 1971 à [Loca...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 22/13625 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKE5Y

[G] [F]-[R]

[Y] [D], [L] [O] épouse [F]-[R]

C/

SARL CONCEPTION CONSTRUCTION MAISONBOIS - CCMB

SARL PROVENCE ECO LOGIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Me Philippe- laurent SIDER

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 25 Août 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 22/01179.

APPELANTS

Monsieur [G] [F]-[R]

né le 20 Février 1971 à [Localité 14], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Patrick HERROU de la SELARL CABINET PATRICK HERROU, avocat au barreau de NICE

Madame [Y] [D], [L] [O] épouse [F]-[R]

née le 20 Août 1973 à [Localité 13], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Patrick HERROU de la SELARL CABINET PATRICK HERROU, avocat au barreau de NICE

INTIMEES

SARL CONCEPTION CONSTRUCTION MAISONBOIS - CCMB

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Philippe- laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Philippe CRUON de l'ASSOCIATION BIGAND - CRUON, avocat au barreau de GRASSE

SARL PROVENCE ECO LOGIS

, demeurant [Adresse 12]

représentée par Me Philippe- laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Philippe CRUON de l'ASSOCIATION BIGAND - CRUON, avocat au barreau de GRASSE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.

ARRÊT

I. FAITS. PROCÉDURE.PRÉTENTIONS DES PARTIES.

Marc- Antoine [F]-[R] est propriétaire d'un ensemble immobilier sis au [Adresse 7]), cadastré section DO [Cadastre 5],[Cadastre 6], [Cadastre 3], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 11].

Monsieur [F]-[R] et son épouse [Y] [O] ont obtenu un permis de construire initial le 4 mai 2018 pour édifier sur cet ensemble une villa de 125,60 m2, avec ouverture de chantier prévue le 12 avril 2021.

Un permis de construire modificatif leur a été accordé le 11 mai 2021. A cette construction nouvelle s'ajoutaient des travaux de rénovation et de modification de la maison préexistante, comprenant la réfection d'un toit.

Les maîtres d'ouvrage ont fait appel à plusieurs entreprises et corps de métier en vue de la réalisation des travaux notamment à la SARL CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS (CCMB) s'agissant des lots principaux dont le terrassement et la construction de la maison et à la SARL PROVENCE ECO LOGIS pour ce qui est du lot menuiseries et isolants extérieurs.

Ils ont signé, le 7 avril 2021, avec la première société un devis daté du même jour d'un montant de 306.805,38 euros TTC et un devis daté du 22 mai 2021 avec la seconde société d'un montant de 21.613,80 euros.

La déclaration d'ouverture du chantier est du 12 avril 2021.

Ils ont souscrit une assurance auprès de ETIK ASSURANCES à date d'effet du 19 juillet 2021, faisant intervenir ZURICH ASSURANCES PLC pour la dommage-ouvrage et COVEA PJ pour la protection juridique.

[G] [F]-[R] et [Y] [O] épouse [F]-[R] ont fait assigner en référé d'heure à heure par acte du 28 juillet 2022 les sociétés CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS (CCMB) et PROVENCE ECO LOGIS aux fins de voir, au visa des articles 1217 et 1222 du Code civil :

- prononcer l'abandon par la Société CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS du chantier sis [Adresse 7] ;

- ordonner à la société PROVENCE ECO LOGIS de cesser tous travaux sur le chantier;

- 'prononcer l'autorisation pour eux" à faire effectuer la reprise des travaux des deux sociétés par une entreprise tierce choisie par leurs soins ;

- condamner la société CCMB au paiement d'une provision à valoir sur la reprise des travaux par cette société tierce choisie, selon devis produit à l'audience

- condamner in solidum les sociétés défenderesses au paiement à leur profit d'une indemnité de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Par ordonnance du 25 août 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a rendue la décision portant le dispositif suivant :

Disons n'y avoir lieu à référé s'agissant de l'ensemble des demandes formées [G] [F]-[R] et Madame [Y] [O], épouse [F]-[R] à l'encontre de la SARL CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS CCMB et de la SARL PROVENCE ECOLOGIS ; les renvoyons à se pourvoir ainsi qu'ils aviseront ;

Recevons la SARL CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS CCMB en ses demandes reconventionnelles ;

Condamnons solidairement [G] [F]-[R] et [Y] [O] épouse [F]-[R] à porter et payer à cette société une provision de 24.605 euros au titre des factures demeurées impayées en date des 2 et 3 avril 2022 outre intérêts au taux légal à compter de ce jour

Autorisons les sociétés CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS (CCMB) et PROVENCE ECO LOGIS à accéder au chantier sis [Adresse 7] afin de poursuite des travaux

Disons que l'accès au chantier sera précédé d'une visite contradictoire, en présence d'un huissier de justice, aux frais des sociétés, qui devra convenir d'un rendez-vous avec [G] [F]-[R] et [Y] [O] épouse [F]-[R], afin de description des lieux et de l'état d'avancement des travaux et de la détermination des travaux devant être terminés sur la base des devis acceptés ;

Condamnons in solidum [G] [F]-[R] et [Y] [O], épouse [F]-[R] aux entiers dépens de l'instance, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ;

Les déboutons de leur demande formée au titre des frais irrépétibles

Condamnons in solidum [G] [F]-[R] et [Y] [O], épouse [F]-[R] à porter payer à la SARL CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS CCMB et à la SARL PROVENCE ECO LOGIS chacune une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 11 octobre 2022 , les époux [F]-[R] ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

-Dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de l'ensemble des demandes formées [G] [F]-[R] et Madame [Y] [O], épouse [F]-[R] à l'encontre de la SARL CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS CCMB et de la SARL PROVENCE ECO LOGIS ; les a renvoyé à se pourvoir ainsi qu'ils aviseront ;

-Reçu la SARL CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS CCMB en ses demandes reconventionnelles

-Condamnés solidairement [G] [F]-[R] et [Y] [O], épouse [F]-[R] à porter et payer à la société CCMB une provision de 24.605 euros au titre des factures demeurées impayées en date des 2 et 3 avril 2022 outre intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

-Autorisé les sociétés CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS (CCMB) et la société PROVENCE ECO LOGIS à accéder au chantier sis [Adresse 7] afin de poursuite des travaux ;

-Dit que l'accès au chantier sera précédé d'une visite contradictoire, en présence d'un huissier de justice, aux frais des sociétés, qui devra convenir d'un rendez-vous avec [G] [F]-[R] et [Y] [O] épouse [F]-[R], afin de description des lieux et de l'état, d'avancement des travaux et de la détermination des travaux devant être terminés sur la base des devis acceptés

-Condamné in solidum [G] [F]-[R] et [Y] [O], épouse [F]-[R] aux entiers dépens de l'instance, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ;

-Les avoir débouté de leur demande formée au titre des frais irrépétibles ;

-Condamné in solidum [G] [F]-[R] et [Y] [O], épouse [F]-[R] à porter payer à la SARL CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS CCMB et à la SARL PROVENCE ECO LOGIS chacune une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Et ainsi débouté Monsieur et Madame [F]-[R] de leurs demandes tendant à voir : - Déclarer la demande de Monsieur [G] [F]-[R] et Madame [Y] [O], épouse [F]-[R] recevable et bien fondée.

- Prononcer l'abandon par la Société CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS du chantier sis [Adresse 7].

- Ordonner à la Société PROVENCE ECO LOGIS de cesser tous travaux sur le chantier des époux [F]-[R] sis [Adresse 7].

- Prononcer l'autorisation pour Monsieur [G] [F]-[R] et Madame [Y] [O], épouse [F]-[R] à faire effectuer la reprise des travaux des Sociétés CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS et PROVENCE ECO LOGIS par une entreprise tierce choisie par eux.

- Condamner la Société CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS à payer une provision à valoir sur la reprise des travaux par la société tierce choisie par Monsieur [G] [F]-[R] et Madame [Y] [O], épouse [F]-[R], selon devis produit à l'audience

- Condamner in solidum la Société CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS et la Société PROVENCE ECO LOGIS à payer à Monsieur [G] [F]-[R] et Madame [Y] [O], épouse [F]-[R], la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- CONDAMNER in solidum la Société CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS et la Société PROVENCE ECO LOGIS aux entiers dépens

Les parties ont exposé leurs demandes ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Dans leurs conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 13 janvier 2023, les époux [F]-[R] demandent à la cour de :

Vu l'article 455 du Code de Procédure Civile,

Vu l'article 5 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 834 et 835 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 1217 et 1222 du Code Civil,

Vu l'article 1353 du Code Civil,

REFORMER en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de GRASSE le 25 Août 2022.

Statuant à nouveau,

PRONONCER l'abandon par la Société CONCEPTION CONSTRUCTION MAISONS BOIS du chantier sis [Adresse 7].

ORDONNER aux Sociétés CONCEPTION CONSTRUCTION MAISONS BOIS et PROVENCE ECO LOGIS de cesser tous travaux sur le chantier des époux [F]-[R] sis [Adresse 7].

PRONONCER l'autorisation pour Monsieur [G] [F]-[R] et Madame [Y] [O], épouse [F]-[R] de faire effectuer la reprise des travaux des Sociétés CONCEPTION CONSTRUCTION MAISONS BOIS et PROVENCE ECO LOGIS par une entreprise tierce choisie par eux.

CONDAMNER les Sociétés CONCEPTION CONSTRUCTION MAISONS BOIS et PROVENCE ECO LOGIS à payer conjointement une provision de 68.176,80 € à valoir sur la reprise des travaux par la société tierce choisie par Monsieur [G] [F]-[R] et Madame [Y] [O], épouse [F]-[R].

REJETER la demande reconventionnelle de la Société CONCEPTION CONSTRUCTION MAISONS BOIS en paiement par les époux [F]-[R] à titre de provision de la somme de 24.605 €.

REJETER la demande des Sociétés CONCEPTION CONSTRUCTION MAISONS BOIS et PROVENCE ECO LOGIS de condamnation des époux [F]-[R] à leur laisser libre accès au chantier afin de leur permettre de terminer les travaux.

CONDAMNER in solidum la Société CONCEPTION CONSTRUCTION MAISONS BOIS et la Société PROVENCE ECO LOGIS à payer à Monsieur [G] [F]-[R] et Madame [Y] [O], épouse [F]-[R], la somme de 4 800 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER in solidum la Société CONCEPTION CONSTRUCTION MAISONS BOIS et la Société PROVENCE ECO LOGIS aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions notifiées le 12 janvier 2023 par RPVA, les sociétés CONCEPTION CONSTRUCTION MAISONS BOIS et PROVENCE ECO LOGIS demandent à la cour de :

Vu les dispositions des articles 834 et 835 du Code de procédure civile,

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

' Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par les époux [F]-[R].

' Reçu la SARL CCMB en ses demandes reconventionnelles.

' Condamné solidairement les époux [F]-[R] à payer à la SARL CCMB une provision de 24.605 €.

' Autorisé la SARL CCMB et la SARL PROVENCE ECO LOGIS à accéder au chantier sis [Adresse 7] afin de poursuite des travaux.

' Condamné in solidum les époux [F]-[R] aux entiers dépens.

' Débouté les époux [F]-[R] de leur demande au titre des frais irrépétibles.

' Condamné in solidum les époux [F]-[R] à payer à la SARL CCMB et la SARL PROVENCE ECO LOGIS une indemnité de 1 500 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

La réformer en ce qu'elle dit que l'accès au chantier serait précédé d'une visite contradictoire, en présence d'un huissier de justice, aux frais des sociétés, qui devra convenir d'un rendez-vous avec [G] [F]-[R] et [Y] [O] épouse [F]-[R], afin de description des lieux et de l'état d'avancement des travaux et de la détermination des travaux devant être terminés sur la base des devis acceptés.

Statuant à nouveau de ce chef,

Ordonner que la SARL CCMB aura l'obligation d'informer les époux [F]-[R] de la reprise des travaux, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, envoyée au moins 15 jours avant la date fixée.

Ordonner que la SARL CCMB sera autorisée à faire constater, à ses frais, par huissier ou commissaire de Justice l'état des lieux lors de la reprise des travaux

Condamner les époux [F]-[R] à payer à la SARL CCMB la somme de 2 000€, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les condamner à payer à la SARL PROVENCE ECO LOGIS la somme de 2 000 €, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner les époux [F]-[R] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

L'affaire était fixée à l'audience du 17 janvier 2023, à laquelle elle était retenue, après clôture des débats.

II. MOTIVATION

Sur la demande de réformation de l'ordonnance de référé

A l'appui de leur demande de réformation de l'ordonnance de référé, les époux [F]-[R] font valoir que la décision présente un défaut de motivation constitué par un défaut de prise en compte ou dénaturation des arguments déterminants et des éléments de preuve présentés par les appelants.

Selon ces derniers, le juge des référés n'a fait aucune référence et procéder à aucun examen en ce qui concerne les interruptions du chantier et les refus et fausses promesses de revenir travailler sur le chantier émis par la société CCMB, pourtant fondamentaux dans le cadre de ce litige.

Ils reprochent au juge des référés de n'avoir réellement examiné que le problème de l'évacuation des terres, du choix contesté des pierres pour le muret , de la conséquence pour le déroulement du chantier de la présence de celui-ci et de la demande de réunion de reprise de chantier. Or, ces points étaient ceux évoqués par les intimés. Surtout, ils reprochent au premier juge de ne pas avoir tenu compte de l'urgence et du péril imminent existant pour le bâtiment en construction et donc de la nécessité de prise de mesures conservatoires, alors pourtant que l'autorisation d'assigner à heure indiquée avait été donnée en raison de cette urgence.

Ensuite, les appelants reprochent à l'ordonnance de ne pas avoir tenu compte de leurs arguments démontrant le lien entre les deux sociétés et d'avoir donné plus de crédit à la parole des intimées, alors qu'elles n'ont même pas rapporté la preuve de leurs dénégations, en produisant un registre du personnel par exemple. Ils rappellent qu'en terme de charge de la preuve, même si elle appartient à celui qui invoque un fait, le code de la consommation est plus protecteur pour le profane.

Ils font grief à la décision attaquée de leur avoir reproché de ne pas avoir proposé de date de réunion de chantier, alors même qu'ils apportaient la preuve contraire et démontraient que c'était la société CCMB qui s'était refusée à toute réunion, cela ressortant des écrits échangés. En exigeant la communication d'une date de réunion dont le principe était incontestablement refusé, l'ordonnance présente un caractère abusif et une déformation des faits.

Selon eux, le juge des référés n'a pas pris en compte l'existence de travaux non achevés sur la construction ancienne et le refus de CCMB de venir les terminer, malgré la demande expresse qui lui était faite.

Le fait que les époux [F]-[R] n'aient pas contesté par écrit la teneur du constat d'huissier de Maître [J] [B] du 18 mai 2022 ne pouvait être considéré comme une acceptation de son contenu, d'une part parce que la procédure est orale et d'autre part parce qu'ils n'en ont eu connaissance que deux jours avant l'audience. Pourtant, les époux [F]-[R] contestent la véracité de certaines constatations, notamment en produisant le constat d'huissier de Me [S] du 16 novembre 2022 ( absence de ballon d'eau chaude thermodynamique branché, pas de raccordement Telecom, bien vide de toute occupation, rampe d'escalier pas installée). En déduisant du constat de Me [B] que le carrelage a été posé que que certaines pièces de la villa sont meublées, le juge des référés a fait une analyse totalement subjective et absolument pas fondée.

Selon les appelants, le juge des référés n'a pas tenu compte des arguments des époux [F]-[R] dans le cadre des débats oraux et a dénaturé leur propos.

Ils estiment qu'il y avait une contestation sérieuse sur le paiement des factures et que le juge des référés n'a pas pris en compte les faits réels portés à sa connaissance pour estimer que l'une des factures ( dont l'ordonnance ne cite ni la référence ni le montant) était due au motif que des pelles auraient été louées pour enlever les terres excédentaires afin de les emmener à la décharge et de modeler le terrain au fur et à mesure de leur évacuation. Dans leurs conclusions, les époux [F]-[R] rappellent que si des terres ont été régalées sur leur terrain, celles-ci correspondent à celles initialement prévues, qui ne font pas l'objet du litige. Il ressort en revanche d'un mail produit par les intimées que le gérant de la société CCMB reprochait justement aux appelants de ne pas avoir emmené une partie des terres à la décharge. Le juge des référés a donc opéré une confusion entre le traitement des terres initialement prévues dont le coût figurait dans le forfait que représentait le devis initial et le traitement des terres excédentaires, issues d'une erreur d'évaluation de la société CCMB. Concernant l'autre facture portant sur l'acompte prévu à la pose du carrelage, les appelants reprochent au juge des référés de s'être contenté de retenir que des travaux de reprise étaient nécessaires dans la partie extérieure, cela ressortant du constat auquel monsieur [F] n'avait pas émis de réserves, pour en déduire que les travaux intérieurs étaient intégralement réalisés. Le juge a donc fait une totale abstraction des critiques orales du constat en question.

Ensuite, les appelants estiment que la décision est irrégulièrement motivée, car le juge a visé l'article 834 du code de procédure civile, alors même que les appelants, du fait de l'assignation à jour fixe ne l'avaient pas visé puisqu'il existait un risque réel et imminent de dégradation de la construction inachevée et de destruction des matériaux restant à utiliser et c'est donc l'article 835 du code de procédure civile qui trouvait à s'appliquer.

Puis, les appelants estiment que l'ordonnance de référé a appliqué de façon erronée l'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile et contient une contradiction de motifs . Le juge retenant l'existence d'une contestation sur l'exigibilité de deux factures mais pas celle portant sur le litige entourant les travaux . Il s'est estimé à la fois compétent et incompétent pour statuer sur l'abandon de chantier.

Enfin, les appelants soulignent que le juge des référés a statué partiellement ultra petita en ordonnant comme préalable à la reprise du chantier par les intimées, une visite en présence d'un huissier de justice aux frais des intimées et choisi par elles avec pour mission de décrire l'avancement des travaux et déterminer les travaux pouvant être terminés sur la base des devis, alors qu'aucune des parties n'avait formulé une demande en ce sens.

En réplique, les intimées rétorquent qu'elles n'ont jamais abandonné le chantier à la fin du mois d'avril 2022 comme le prétendent les appelants et estiment qu'elles rapportent la preuve que ce sont les époux [F]-[R] qui se sont opposés à la poursuite des travaux, y compris postérieurement au prononcé de l'ordonnance entreprise.

La société CCMB expose qu'elle a toujours satisfait ses clients en répondant à leurs exigences dans la limite du raisonnable et que les travaux ont été soumis à des aléas, notamment les intempéries, les contraintes liées à la disponibilité de l'entreprise chargée de réaliser des micro-pieux , les contraintes et effets indirects liés à l'épidémie de COVID 19 ( maladie, quarantaine, difficultés d'approvisionnement).

Concernant l'évacuation des terres, la société CCMB rappelle que le marché prévoyait que les terres issues des terrassements ( soit environ 250m3) seraient régalées sur le terrain. Les époux [F]-[R] se sont rendus compte que conserver les terres issues des terrassements sur le terrain avait pour effet d'enterrer visuellement la villa et ils ont mis près de 7 mois à les évacuer, ne souhaitant pas supporter les frais d'évacuation des terres en décharge publique. Ils imputent ce retard à la société CCMB en lui reprochant, à tort, une erreur d'implantation altimétrique de la construction.

Concernant le devis portant sur le mur de soutènement Nord et des ouvrages de terrassements complémentaire , la société CCMB indique l'avoir dressé à la demande des appelants rappelant que ces travaux sont indispensables pour l'installation des échafaudages permettant de réaliser l'isolation et les enduits de façade de la maison en cours de construction. Ces travaux ayant un certain coût, les époux [F]-[R] ont demandé à CCMB de retirer certains postes ( carrelage, peintures des murs et plafonds), ce qu'elle a fait dans le devis du 12 avril 2022. Or, alors que le devis était signé, les époux [F]-[R] ont refusé que la SARL CCMB approvisionne le chantier avec les blocs d'enrochement pourtant prévus au devis signé le 12 avril 2022 et se sont opposés au règlement des factures émises les 15 et 22 avril 2022.

La société CCMB soutient par ailleurs que le constat d'huissier a été réalisé en présence de monsieur [F]-[R] et que les parties avaient convenu de la reprise du chantier dès que la société CCMB aurait montré des photos des blocs d'enrochement prévus. Elle rappelle que le code de l'urbanisme ne prévoit pas d'autorisation particulière pour ce mur de soutènement. Il s'agit donc d'un blocage volontaire des appelants.

La société CCMB fait ensuite valoir que si aucun accord sur les dates de reprise du chantier n'a pu être trouvée, c'est du fait de la mauvaise foi des appelants qui ont proposé des dates impossibles, comme par exemple le 3 octobre 2022 , dans un courrier envoyé le 04 octobre 2022. Les appelants n'ont pas donné suite au courrier en réponse proposant une autre date ou en demandant trois autres.

Les sociétés CCMB et PROVENCE ECO LOGIS demandent donc la confirmation de l'ordonnance de référé en que ce que le premier juge a considéré que l'abandon de chantier n'était nullement démontré et que l'absence de reprise du chantier résultait des modifications réitérées des devis à la demande des maîtres de l'ouvrage et du refus express qu'ils ont opposé à la reprise du chantier à la suite de l'intervention de Maître [B] et de la lettre recommandée avec accusé de réception adressées par la société CCMB le 29 juin 2022.

Sur ce, la cour :

Le juge des référés a notamment indiqué dans son exposé du litige à propos du conseil de madame et monsieur [F]-[R] : « Oralement, en réponse aux moyens opposés en défense, il observe que la note technique produite par CCMB ne comporte ni de date, ni nom de rédacteur, ni signature, la société reconnaissant en être la rédactrice, que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même. Il fait valoir que le constat d'huissier produit en pièce numéro 18 ne démontre aucunement que la société n'a pas abandonné le chantier, que 1'huissier de justice a outrepassé ses fonctions et a établi un constat entaché de nullité. Il met en exergue l'absence de caractère contradictoire des avis émis et le caractère tout à fait subjectif du constat. Enfin, il souligne que la pièce numéro 12 est un excellent exemple de la façon dont la société dénigre ses clients et s'en désintéresse au point de déléguer à des tiers les discussions qu'elle devrait pourtant avoir personnellement avec les maîtres de l'ouvrage, qu'il n'y a plus aucun dialogue »

Ces deux points rappelés permettent d'écarter les reproches faits par les époux [F]-[R], notamment sur l'absence de prise en compte de leurs observations orales venant en critique du constat d'huissier et celle portant sur l'application erronée de l'article 834 du code de procédure civile. En ce qui concerne le constat d'huissier, le juge des référés a bien noté les observations des époux [F]-[R] mais a estimé qu'elles étaient insuffisantes pour aller à l'encontre du constat d'huissier de Me [B], notamment car monsieur [F]- [R] était présent lors de ce constat, et ensuite parce que ses observations ont été notées par l'officier ministériel.

Le constat d'huissier de Me [S] produit en appel date du 16 novembre 2022 et ne pouvait donc être pris en compte par le juge des référés dans son ordonnance rendue le 25 août 2022.

En ce qui concerne l'application de l'article 834 du code de procédure civile, il ne peut être fait grief au juge des référés d'avoir appliqué un article dont les défendeurs sollicitaient l'application. En procédant ainsi, le juge n'a pas irrégulièrement motivé sa décision ni utilisé un fondement juridique non soulevé dans les débats et conclusions.

Sur le point concernant le fait que le juge des référés n'a fait aucune référence et procéder à aucun examen en ce qui concerne « les interruptions du chantier et les refus et fausses promesses de revenir travailler sur le chantier émis par la société CCMB, pourtant fondamentaux dans le cadre de ce litige », la cour estime que le juge des référés avait bien indiqué dans l'exposé du litige les moyens et arguments des parties mais a estimé qu'il n'y avait pas eu d'abandon de chantier de la part des intimées. Le juge a notamment retenu que devant huissier de justice, les maître d'ouvrage avaient convenus de donner une date pour la reprise des désordres, une fois reçues les photographies des blocs d'enrochement, que la proposition de date faite par les entreprises n'a pas été suivie d'effet. La cour retient pareillement que les dates proposées par les époux [F]-[R] ne permettaient pas la reprise du chantier puisqu'elles étaient faussées dès le départ ( le courrier du 4 octobre proposant la date du 3 octobre ne peut être considéré comme étant de nature à permettre la reprise des travaux).

Sur le point concernant le reproche fait au juge des référés de n'avoir réellement examiné que le problème de l'évacuation des terres, du choix contesté des pierres pour le muret , de la conséquence pour le déroulement du chantier de la présence de celui-ci et de la demande de réunion de reprise de chantier. Selon les appelants, ces points étaient ceux évoqués par les intimés et de ne pas avoir tenu compte de l'urgence et du péril imminent existant pour le bâtiment en construction et donc de la nécessité de prise de mesures conservatoires, alors pourtant que l'autorisation d'assigner à heure indiquée avait été donnée en raison de cette urgence, la cour estime que le juge des référés a motivé sa décision en s'appuyant sur les points principaux qui ont causé le blocage, à savoir la nécessité de procéder à un enrochement après l'enlèvement de la terre , pour pouvoir procéder aux enduits de façade et soutenir les terres.

La cour constate que ces points sont abordés dans le constat d'huissier de Maître [B] et qu'ils ont entraîné la dégradation des relations entre les parties. Ces points étaient donc cruciaux à l'analyse et à la compréhension du litige. Le juge des référés a donc parfaitement analysé les points clés du dossier n sans qu'il puisse être considéré qu'il ne s'agissait que des arguments des intimées, et il ne saurait lui en être fait grief .

Sur la critique faite par les appelants envers l'ordonnance pour ne pas avoir tenu compte de leurs arguments démontrant le lien entre les deux sociétés et d'avoir donné plus de crédit à la parole des intimées, alors qu'elles n'ont même pas rapporté la preuve de leur dénégation, en produisant un registre du personnel par exemple. Ils rappellent qu'en terme de charge de la preuve, même si elle appartient à celui qui invoque un fait, le code de la consommation est plus protecteur pour le profane. La cour observe que le juge des référés a motivé ainsi son ordonnance «  Le fait que le gérant de la société PROVENCE ECO LOGIS soit l'épouse de celui de la société CCMB et que les ouvriers de ces deux sociétés soient les mêmes, à supposer que cela soit établi, est sans conséquence. Les deux sociétés constituent deux entités juridiques distinctes, dotées de la personnalité morale, liées aux maîtres de l'ouvrage par des devis acceptés distincts. » .

La cour relève donc que le juge des référés a bien tenu compte des arguments qui étaient soulevés par les appelants mais les a écarté. Cette appréciation parfaitement motivée du premier juge ne peut donc donner lieu à infirmation. La cour ajoute que les époux [F]-[R] ne démontrent pas en quoi les liens entre les deux sociétés ont pu influer sur le litige.

Sur le grief formé par les époux [F]-[R] contre la décision attaquée de leur avoir reproché de ne pas avoir proposé de date de réunion de chantier qui entraînerait le fait pour l'ordonnance de présenter un caractère abusif et une déformation des faits, la cour souligne que l'ordonnance de référé a indiqué que les époux [F]-[R] «  ne peuvent disconvenir que, par mail du 9 juin 2022, ils ont fait interdiction à la société, qui avait amené sur le chantier une pelle et du matériel, de reprendre les travaux tant qu'une réunion de chantier préalable à la reprise n'aura pas eu lieu, ce qu'ils ont confirmé dans un mail du 10 juin 2022, exigeant en outre un accord écrit à l'amiable sur la fin des travaux, en réponse au mail de la société. Ils n'ont pas donné suite à la mise en demeure adressée le 29 juin par le gérant de la société, particulièrement explicite et n'ont pas davantage envisagé de fixer un rendez-vous en vue d'une réunion de chantier, parfaitement aisée à organiser au regard de la seule intervention sur le chantier des sociétés défenderesses » . Cette motivation ne peut donc présenter un caractère abusif dans la mesure où elle se fonde sur les écrits échangés entre les parties et remis au juge, que cela résulte par ailleurs du constat d'huissier qui note bien que les parties conviendront d'un rendez-vous après présentation de photographie des blocs de soutènement. Le juge des référés a donc utilisé des éléments objectifs et écrits échangés entre les parties pour motiver sa décision, sans déformation des faits.

Ensuite, sur la critique faite au juge des référés sur l'analyse des factures d'enlèvement des terres et du carrelage en faisant une totale abstraction des critiques orales du constat d'huissier, la cour rappelle que le juge des référés a parfaitement noté les critiques du constat d'huissier de Maître [B] qui ont été faites oralement mais a choisi de les écarter en motivant sa décision sur le fait que les époux [F]-[R] ne contestaient pas avoir demandé l'enlèvement des terres et devaient s'acquitter de la facture afférente et que sur le carrelage, les photographies montrant qu'il a été posé et que l'huissier a noté «  les travaux intérieurs commandés sont achevés sans-malfaçons relevées par Monsieur [F], présent". Dans ces conditions, le juge des référés a non seulement écarté de façon circonstanciée les griefs formés mais a motivé sa décision.

Tous ces éléments indiqués ci-dessus écartent tout défaut de motivation constitué par un défaut de prise en compte ou dénaturation des arguments déterminants et des éléments de preuve présentés par les appelants.

Enfin, sur la contradiction de motifs tirée du fait que le juge constate l'existence d'une contestation sérieuse et que le juge des référés a estimé qu'il n'y avait pas lieu à référé. Sur ce point, il convient de rappeler les termes de l'article 835 du code de procédure civile qui circonscrivent la compétence du juge des référés : «  Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »

Le juge des référés était saisi notamment des demandes suivantes :

- prononcer l'abandon par la Société CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS du chantier sis [Adresse 7] ;

- ordonner à la société PROVENCE ECO LOGIS de cesser tous travaux sur le chantier;

- 'prononcer l'autorisation pour eux" à faire effectuer la reprise des travaux des deux sociétés par une entreprise tierce choisie par leurs soins ;

- condamné la société CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS au paiement d'une provision à valoir sur la reprise des travaux par cette société tierce choisie, selon devis produit à l'audience

Dans le cadre des abandons de chantier, il est admis que si l'entreprise persiste et refuse de reprendre les travaux, le juge des référés dispose d'un éventail de mesures :

- Il peut enjoindre l'entreprise, sous astreinte, à reprendre les travaux dans les meilleurs délais,

- Il peut désigner une autre entreprise afin de terminer les travaux conformément à l'article 1222 du Code civil qui énonce que " Après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l'obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin ".

Cela suppose que l'entreprise ait été mise en demeure de reprendre les travaux dans le délai imparti ou ne répond pas à la lettre de mise en demeure.

Il est exact, comme le soulignent les appelants, que même en présence d'une contestation sérieuse, le juge des référés peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Toutefois, ces mesures ne peuvent être ordonnées que si le juge estime que l'abandon de chantier est caractérisé. En l'espèce, le juge a, à plusieurs reprises, indiqué que l'abandon de chantier était prétendu, n'était pas caractérisé et n'était pas démontré. Il en a déduit qu'il n'y avait pas lieu à référé.

Cette formulation correspond à celle de l'article 834 du code de procédure civile, soulevé par les intimées. Contrairement à qu'écrivent les appelants dans leurs conclusions, le texte sur lequel il fonde sa décision n'a pas été choisi par le juge des référés seul.

Le fait d'avoir été autorisé à assigner à jour fixe n'empêche pas le juge des référés de s'assurer que les critères de compétence justifiant sa saisine soient réunis.

En l'absence de démonstration de l'urgence et de l'absence de contestations sérieuses, le juge a donc motivé sa décision et celle-ci sera confirmée et l'intégralité des demandes des époux [F]- [R] tendant à voir constater l'abandon de chantier, d'ordonner la cessation des travaux par les entreprises CCMB et PROVENCE ECO-LOGIS et d'autorisation de faire intervenir une société tierce et en indemnité provisionnelle de 68.176, 80 euros au regard du devis de la société BEN RENOV seront rejetées.

Sur le paiement d'une provision de 24 605 € au titre des factures n° 02.04.2022 C et n° 03.04.2022 C

Dans l'instance en référé , la société CCMB avait réclamé à titre de demande reconventionnelle le paiement de deux factures, auquel le juge a fait droit.

En cause d'appel, les époux [F]-[R] demandent l'infirmation de cette disposition les condamnant en soutenant que le juge n'avait pas tenu compte du fait qu'ils affirmaient ne jamais avoir été destinataires de ces deux factures avant d'en avoir connaissance par lettre du 29 juin 2022, que le constat d'huissier du 18 mai 2022 montre que plusieurs postes des travaux n'ont pas été achevés, que le rapport de monsieur [P] montre que de nombreux postes n'ont pas été entamés. Ils ajoutent que si la provision réclamée par la facture n° 03.04.2022 C, pour un montant de 20.000 euros correspondait à l'acompte prévu «à la pose du carrelage », il était destiné à payer un autre poste. Selon eux, les évènements servant de date de règlement des différents acomptes ne correspondent pas à l'avancement des travaux, puisque les montants sont fixés à des valeurs identiques, quels que soient les travaux servant de référence à leur date d'exigibilité.

Ils ajoutent avoir versé 5.000 euros en espèces le 16 juillet 2021 en plus des provisions contractuelles pour 293.715, 76 euros. Selon le devis 05.03 C du 12 avril 2022, ils devaient, hors facture litigieuse, la somme de 287.449, 73 euros, soit un crédit de 6.266,03 euros. Ils estiment ne pouvoir être condamnés à payer une facture dépassant le montant restant dû.

Ils font valoir également que l'usage est de payer le solde des travaux à réception de la construction, notamment le solde de 5%, sinon, une fois les travaux payés, l'entreprise peut prendre ses aises. Or, la note technique de monsieur [P] montre qu'il existe un fort décalage entre les différents acomptes versés et la quantité de travaux restant à réaliser. L'évaluation des travaux restant est de 95.047, 34 euros pour les lots partiellement réalisés ou nécessitant des travaux de reprises, auxquels s'ajoutent 42.208, 80 euros pour les lots non encore réalisés, soit un montant total de 137.256, 14 euros.

Les appelants estiment donc avoir réglé la quasi-totalité des travaux sans que ceux-ci ne soient effectués en ce qui concerne la facture n° 03.04.2022 C.

Enfin, le juge n'aurait pas dû fixer le montant de la provision au montant correspondant à la totalité de la facture, au regard des contestations.

Sur la facture n° 02.04.2022 C pour un montant de 4605 euros correspondant à la location de la pelle destinée à déplacer l'excédent de terre, il s'agit d'une prestation n'ayant fait l'objet d'aucun devis et dont le montant n'a jamais été discuté et accepté. Les époux [F]-[R] font état d'une jurisprudence de la cour de cassation selon laquelle «  la preuve de l'acceptation des travaux réalisés ne fait pas la preuve du consentement au prix, lequel ne peut résulter du seul silence gardé à réception d'une facture ni du paiement partiel de travaux dont la facturation litigieuse ne constitue pas la suite nécessaire» (Cass. civ. 3Ème, 9/07/20, n° 19-16371).

De plus, ces travaux n'étaient pas nécessaires aux opérations de construction et surtout les travaux de terrassement avaient été payés.

Pour soutenir la confirmation de la décision sur ce point, les intimées exposent que l'avancement et la réalisation des travaux sont démontrés par le constat d'huissier de Maître [B] en présence de monsieur [F]-[R], que l'opposition de monsieur [F]-[R] à l'utilisation des blocs de soutènement proposés par la société CCMB pour préférer des pierres issues de son terrain est techniquement irréaliste, qu'elle ne nécessite aucune autorisation d'urbanisme. Elles estiment qu'il est de leur devoir en qualité de professionnelles de ne pas répondre aux demandes du client mais de réaliser des ouvrages pérennes et conformes aux règles de l'art, notamment pour un ouvrage de soutènement.

Elle ajoute que les devis sont le fruit d'une rencontre de volontés, notamment pour permettre aux époux [F]-[R] de respecter le budget initialement fixé, que certaines prestations du devis du 12 avril 2022 ( VRD, fourniture carrelage, peinture) ont été retirées pour compenser financièrement l'aménagement de l'arrière de la villa avec réalisation d'un enrochement pour soutenir le talus Nord , la création d'un escalier en pierres, la fourniture et la pose de gravillons concassés et l'aménagement des terrasses Est, Sud et Ouest de la villa.

Le juge des référés a considéré qu'il n'existait pas de contestations sérieuses au regard des devis, acomptes et constat d'huissier sur le fait que les sommes réclamées par mise en demeure étaient dues et qu'il lui appartenait de fixer discrétionnairement le montant de la provision.

Sur ce, la cour : en application de l'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile ci-dessus rappelé, le juge des référés peut fixer une indemnité provisionnelle lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats, que deux devis ont été émis par la société CCMB, qu'ils ont été acceptés par les époux [F]-[R] et qu'ils prévoyaient des acomptes en fonction de l'avancement du chantier. La cour admet que les acomptes à verser ne correspondent pas forcément aux prestations effectués. Ils rythment le temps du chantier en fonction des postes réalisés. Ainsi, le versement d'une somme après la pose du carrelage n'est pas la même chose que le somme due au titre de la pose du carrelage. Nonobstant cette précision, le juge des référés a justement apprécié le fait que l'acompte était dû puisque le constat d'huissier de Me [B] réalisé en présence de monsieur [F]-[R] constatait que le carrelage avait été posé. Le fait qu'une somme de 5000 euros ait été versée en espèces doit être justifiée par les époux [F]-[R]. Enfin, les dissensions sur le mur du soutènement et l'enrochement, qui ont entraîné la cristallisation des relations entre les maître d'ouvrage et les entreprises, ne suffit pas à écarter l'obligation de régler les factures.

En estimant que l'obligation de payer la facture était incontestable pour les maîtres d'ouvrage qui reconnaissaient avoir bénéficié de mini-pelles pour évacuer leurs terres avec l'aide des salariés de l'entreprise, en s'appuyant sur le constat d'huissier et les devis et factures, le juge a écarté toute contestation sérieuse de façon motivée et argumentée.

La cour fait la même analyse au regard des pièces produites au débat. En effet, il résulte des conclusions des appelants qu'ils reconnaissent avoir mis des annonces pour évacuer les terres sur le bon coin et que pour y procéder, ils ont bénéficié de l'appui de la société CCMB et de la location de deux pelles mécaniques par cette dernière. Cette prestation a été facturée le 15 avril 2022 pour un montant de 4605 euros. Cette somme est donc due, puisque aucune contestation sérieuse ou exception d'inexécution n'est démontrée.

Ensuite, concernant le devis du 12 avril 2022, celui-ci prévoyait le paiement des travaux au moyen de sept acomptes et d'un règlement du solde. Le litige porte sur l'acompte n°7 qui devait être versé à la pose du carrelage pour un montant de 20.000 euros. Comme l'a observé le juge des référés, le constat d'huissier de Maître [B] indique que les travaux intérieurs sont achevés sans malfaçons et que le carrelage a été posé. Si les époux [F]-[R] contestent que certaines pièces de la villa ont été meublées, cela ne remet pas en question la pose du carrelage et le fait que les travaux intérieurs ont été réalisés. Le fait que sur les photographies du constat d'huissier, on aperçoive des fissures qui seraient causées par des infiltrations liées à la mauvaise exécution des travaux n'est pas une contestation sérieuse mais une hypothèse. Le fait que ce sont les époux [F]-[R] qui ont dû fournir et faire livrer le carrelage n'est pas non plus de nature à contrevenir au paiement de la facture , puisqu'il est constant que le carrelage a été posé.

Enfin, sur le reproche des époux [F]-[R] lié à une multiplication des devis, il ne permet pas de justifier d'une contestation sérieuse sur un devis accepté.

En conséquence, la décision sera confirmée.

Sur la demande reconventionnelle de laisser libre accès au chantier

Le juge des référés a estime que « Dès lors que les maîtres de l'ouvrage n'ont pas entendu user de la faculté de résilier le contrat les liant aux deux sociétés défenderesses, préférant invoquer un prétendu abandon de chantier non établi, que, dans le cadre des pourparlers engagés après le 24 mai 2022, ils conditionnaient l'autorisation de reprise des travaux à la tenue d'une réunion préalable de chantier qu'ils n'ont pas fixée, la demande de ces sociétés à être autorisées à accéder au chantier sur lequel sont entreposés les matériaux nécessaires à la poursuite des travaux ne se heurte à aucune contestation sérieuse et est parfaitement justifiée.

Il convient seulement de prévoir que 1'accès au chantier sera précédé d'une visite contradictoire,en présence d'un huissier de justice; aux frais des sociétés, qui devra convenir d'un rendez-vous avec [G] [F]-[R] et [Y] [O] épouse [F]-[R], afin de la description des lieux et de 1'état d'avancement des travaux et de la détermination des travaux devant être terminés sur la base des devis acceptés ».

Les appelants reprochent à cette décision d'avoir statué ultra petita en prévoyant le concours d'un huissier justice. Ils estiment que la demande de réformation partielle est irrecevable en appel car nouvelle.

Les intimées demandent sa réformation partielle en demandant que la reprise du chantier soit subordonnée simplement à l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception 15 jours avant la date fixée et l'autorisation donnée à la SARL CCMB de faire constater par huissier l'état des lieux.

Les parties s'accordent sur la nécessité et l'urgence à reprendre les travaux mais s'opposent sur l'identité du repreneur.

En application de l'article 565 du code de procédure civile « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent », la demande tendant à la modification du libellé d'un dispositif n'est pas nouvelle puisqu'elle constitue simplement une demande de réformation des modalités d'exécution de la décision ayant ordonné la reprise des travaux.

La demande des intimées est donc recevable.

Par ailleurs, les modalités encadrant les reprises de chantier, telles que fixées par le juge des référés ne peuvent être considérées comme ultra petita, la demande de désignation d'un huissier ayant été formée par les intimées en première instance

Il résulte de la combinaison des articles 834 du code de procédure civile et 1222 du code civil que le juge des référés peut prendre toute mesure que justifient l'urgence ou un différend et ordonner la reprise des travaux. En l'espèce, si l'urgence à reprendre les travaux est alléguée par les appelants au motif que la construction bois ne peut rester en l'état car elle risque des infiltrations, il apparaît que c'est surtout l'existence d'un différend qui justifie le prononcé de mesures dans le cadre de ce litige.

Il a été rappelé, et cela découle par nature de la procédure, que les parties sont opposées sur plusieurs points et notamment sur le prix et la nature des travaux, ainsi que sur la réalité de leur exécution , voire de l'existence de malfaçons selon les appelants. La relation de confiance a donc disparu, caractérisant donc un différent. La reprise des travaux est justifiée par le fait que le chantier pourrait subir des avaries.

Quant à l'identité de la société pouvant reprendre les travaux, en l'absence de démonstration d'abandon de chantier, ou de malfaçons, au regard de la responsabilité décennale qui peut être engagée, il apparaît de bonne justice de laisser l'entreprise CCMB et l'entreprise PROVENCE ECO-LOGIS reprendre les travaux. Cette reprise ne pourra avoir lieu qu'après établissement d'un constat d'huissier contradictoire , aux frais des sociétés intimées afin de description des lieux et de l'état d'avancement des travaux et de la détermination des travaux devant être terminés sur la base des devis acceptés . La date de cette visite sera fixée en accord entre les parties et au plus tard, dans les deux mois qui suivront l'envoi d'une lettre recommandée proposant trois dates de visite. La date de reprise devra être fixée à l'issue de la visite contradictoire et la reprise devra intervenir dans les 15 jours qui suivront la visite .

En conséquence, la décision sera réformée partiellement sur ce point.

Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile

L'article 700 du code de procédure civile dispose que «  Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat. »

En l'espèce, monsieur et madame [F]-[R] seront condamnés in solidum à payer la somme de 2000 euros à la SARL CCMB et à la SARL PROVENCE ECO-LOGIS chacune, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Sur les dépens.

Parties perdantes à la présente instance, monsieur et madame [F]-[R] seront condamnés in solidum à payer les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME partiellement la décision sur les modalités de reprise du chantier

CONFIRME pour le surplus

et STATUANT A NOUVEAU

AUTORISE les sociétés CONCEPTION CONSTRUCTION MAISON BOIS (CCMB) et PROVENCE ECO LOGIS à accéder au chantier sis [Adresse 7] afin de poursuite des travaux

DIT que cette reprise ne pourra avoir lieu qu'après établissement d'un constat d'huissier contradictoire , aux frais des sociétés intimées afin de description des lieux et de l'état d'avancement des travaux et de la détermination des travaux devant être terminés sur la base des devis acceptés .

DIT que la date de cette visite sera fixée en accord entre les parties et au plus tard, dans les deux mois qui suivront l'envoi d'une lettre recommandée proposant trois dates de visite. La date de reprise devra être fixée à l'issue de la visite contradictoire et la reprise devra intervenir dans les 15 jours qui suivront la visite .

REJETTE les autres demandes

CONDAMNE monsieur et madame [F]-[R] in solidum à payer la somme de 2000 euros à la SARL CCMB et à la SARL PROVENCE ECO-LOGIS chacune, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE monsieur et madame [F]-[R] in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 22/13625
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;22.13625 ?
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