La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2023 | FRANCE | N°22/11586

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 23 mars 2023, 22/11586


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 22/11586 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4XH







S.A.S. RGB FRANCE BTP





C/



S.A.S. VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Frédéric BERGANT



Me Patrick CAGNOL









Décision déférée à la

Cour :



Ordonnance du Tribunal de Commerce de SALON DE PROVENCE en date du 08 Août 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 2022003771.





APPELANTE



S.A.S. RGB FRANCE BTP

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric BERGANT de la SELARL PHARE AVOCATS, avocat au barr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 22/11586 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4XH

S.A.S. RGB FRANCE BTP

C/

S.A.S. VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Frédéric BERGANT

Me Patrick CAGNOL

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de SALON DE PROVENCE en date du 08 Août 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 2022003771.

APPELANTE

S.A.S. RGB FRANCE BTP

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric BERGANT de la SELARL PHARE AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.S. VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Patrick CAGNOL de l'ASSOCIATION CM AVOCATS MARSEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE substituée à l'audience par Me Richard DAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

Dans le cadre d'un projet de construction d'une résidence de tourisme de 129 logements, de 6 chalets (54 logements) et 3 commerces, un marché de travaux a été signé le 20 décembre 2021 entre la SAS VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT et la société RGB FRANCE BTP pour un prix global et forfaitaire de 6.474.249,97 € HT assorti d'options pour un montant complémentaire de 1 234 616,73 € HT.

Un différend est né entre les parties, la société VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT, reprochant à la société RGB un défaut de cohérence entre l'avancement insuffisant des travaux et les règlements opérés et les situations facturées.

La société VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT a fait établir un constat d'abandon de chantier par Monsieur [F], (société JBR INGENIERIE) OPC de l'opération, le 23 mai 2022 puis par huissier de justice a le 31 mai 2022.

La société VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT a, par voie de requête, sollicité et obtenu une ordonnance du président du Tribunal de commerce de Salon de Provence, l'autorisant à saisir à titre conservatoire le compte bancaire N° [XXXXXXXXXX03] de la société RGB ouvert en les livres de la société Marseille de Crédit Marseille Est pour avoir sureté et conservation de la somme de 252 000 € TTC, outre les frais intérêts et accessoires évalués provisoirement à la somme de 20 000 €.

La saisie pratiquée le 29 juin 2022 s'est révélée infructueuse.

Une tentative de médiation a échoué suivant courrier en date du 18 juillet 2022.

Par acte d'huissier du 21 Juillet 2022, la société VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT a assigné la société RGB devant le Juge des référés du Tribunal de commerce de Salon-de-Provence en vue de solliciter la désignation d'un expert judiciaire.

Dans le cadre de cette instance, la société RGB France a demandé à titre reconventionnel et au visa de l'article 1799-1 du Code civil la condamnation sous astreinte de 500€ par jour de retard la société VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT à fournir la garantie de paiement prévue par les dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du Code Civil.

Par décision du 08/08/2022, le Juge des référés du tribunal de commerce de Salon de Provence a notamment rejeté la demande reconventionnelle de la société RGB.

Par déclaration du 12 août 2022, la société RGB a fait appel de cette décision en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de condamner sous astreinte, la société VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT à lui fournir une garantie de paiement et de sa demande au titre de l'article 700 du CPC.

Par conclusions notifiées au RPVA le 07/09/2022, la SAS RGB France BTP fait valoir que des différends d'ordre technique mais également d'ordre financier sont intervenus entre les parties en cours de chantier, qu'elle a dû faire face à une contestation, voire à un non-paiement de ses factures de travaux et qu'en application de l'article 1799-1 du Code Civil, repris aux termes des engagements du maitre d'ouvrage selon article 4.5 de la Norme AFNOR P03.001, elle a demandé à celui-ci par courrier RAR en date du 18 mars 2022 de lui fournir la garantie de paiement, qu'en l'absence de réponse favorable, le 19 mai 2022 elle a pris la décision de suspendre l'exécution des travaux comme l'y autorise la loi, qu'alors qu'une procédure de médiation était en cours, elle a reçu un courrier RAR portant résiliation du marché de travaux selon décision prise le 29 juin 2022 (courrier reçu le 1 er juillet 2022) , que saisi d'une demande reconventionnelle afin d'obtenir la garantie de paiement des travaux sollicitée sous astreinte , le premier juge a rejeté sa demande sur la base de documents versés via une note en délibéré non préalablement autorisée en violation du principe du contradictoire et alors qu'il n'appartient pas au juge des référés mais au juge du fond d'apprécier le décompte des sommes dues alors que les parties ont des positions divergentes sur ce sujet , que subordonner l'octroi de la garantie à la preuve d'un impayé est contraire au texte de l'article 1799-1 CC, puisque la garantie est due au jour de la signature du contrat et que ledit texte ne conditionne aucunement celle-ci à l'existence d'un quelconque impayé, qu'il importe peu que le marché de l'entreprise RGB ait été récemment résilié par le maitre d'ouvrage, ce dernier demeure tenu de fournir la garantie de paiement à hauteur du montant des travaux (cf Cass Civ 3 ème 18 mai 2017 n°16-16.795).

L'appelante conclut à la condamnation de la société VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT à remettre, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, la garantie de paiement prévues par les dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du Code Civil pour garantir le montant du marché de travaux et à verser à la société RGB la somme de 2.500 euros, conformément à l'article 700 du Code de procédure civile outre aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées au RPVA le 03 octobre 2022, la société VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT, intimée, fait valoir qu'elle a saisi en urgence le juge des référés du Tribunal de commerce de Salon de Provence d'une demande tendant à la désignation d'un expert, afin que celui-ci puisse très rapidement faire toutes constatations utiles sur l'état réel du chantier au moment de son abandon par la Société RGB ainsi que sur la concordance de l'état d'avancement réel de celui-ci avec les situations de travaux réglées par la requérante au contradictoire de son cocontractant aux fins d'établir et de conserver les éléments de faits et de preuve dont il sera par la suite débattu ; en effet, le chantier devait impérativement être rapidement repris par une autre entreprise pour ne pas accroitre davantage le retard pris sur la livraison des immeubles, que dans le cadre de cette instance, la Société RGB a formé une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la concluante à fournir et communiquer sous astreinte de 500 € par jour de retard la garantie de paiement prévues par les dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du Code Civil , que par ordonnance du 8 août 2022, le juge des référés écartait les exceptions d'incompétence territoriale et de litispendance soulevées par la Société RGB, désignait un expert en la personne de Mr [S] [L], et déboutait l'appelante de sa demande reconventionnelle relative à la fourniture de la garantie de paiement , que la note en délibéré litigieuse se bornait à corriger un fait avéré, non contesté mais imprécis, une somme de 1 694 583.41 € ayant été versée et non 900 000€, que cette note a été communiquée à la partie adverse, que l'affirmation de la Société RGB que « Des différends d'ordre technique mais également d'ordre financier ont surgi en cours d'exécution des travaux, exposant la société RGB FRANCE BTP à une contestation, voire à un non-paiement de ses factures de travaux . est ainsi considérablement éloignée de la réalité objective telle qu'elle résulte de l'analyse des éléments des comptes entre les parties communiqués, que le « différent de facturation » invoqué par RGB au 18 mars 2022 se limitait donc à la somme HT de 24.834,03 € sur un marché de 6.474.249,97 € HT assorti d'options pour un montant complémentaire de 1 234 616.73 € HT, et concernait, encore une fois non pas la facturation de travaux supplémentaires , que la position adoptée par la Société RGB consistant à accuser son cocontractant « de ne pas respecter ses engagements contractuels de délai de règlement » n'est ni plus ni moins qu'une posture destinée à masquer ses propres manquements, lesquels commençaient à s'accumuler notamment en termes de retard de livraison , que la demande de garantie au visa de l'article 1799-1 du code civil n'a pas été faite conformément aux dispositions applicables, qu'avant de surseoir à l'exécution du marché, l'entrepreneur doit adresser au maître d'ouvrage une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et lui laisser quinze jours pour réagir, qu'elle ne produit pas l'accusé de réception du courrier du 18 mars 2022, que la garantie de paiement prend ici la forme d'un versement direct par la banque auprès de laquelle la Société VARS ID a souscrit un prêt bancaire couvrant l'intégralité de l'opération de promotion, et donc le montant total du marché confié à la Société RGB , que le coût du marché de la Société RGB étant entièrement financé, et les règlements ayant été effectués par virement directs du compte VARSID, que l'article 1799-1 du code civil se borne en effet à édicter la possibilité pour le bénéficiaire de ce type de garantie de suspendre ses obligations contractuelles , que rien ne permet à la Société RGB de solliciter une condamnation sous astreinte de son cocontractant , que la Société VARS ID a résilié le marché par courrier recommandé AR du 29 juin 2022 ;

L'intimée conclut à la confirmation de la décision entreprise en sa disposition objet de l'appel et à la condamnation n de l'appelante au paiement de la somme de 5000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

L'article 834 du code de procédure civil dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Il n'est pas contesté que le marché de travaux privé conclu entre les parties relève par nature et par son montant de la garantie de paiement des sommes dues à l'entrepreneur par le maître d'ouvrage et que le litige porte sur l'absence de fourniture de cette garantie à la SAS RGB France BTP, entrepreneur, par la société VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT maître d'ouvrage.

L'article 1799-1 du code civil dispose que le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l'article 1779 doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat.

Lorsque le maître de l'ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l'établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3° de l'article 1779 tant que celles-ci n'ont pas reçu le paiement de l'intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font sur l'ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l'ouvrage entre les mains de la personne ou d'un mandataire désigné à cet effet.

Lorsque le maître de l'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d'une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours.

Il résulte des dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du code civil, auxquelles les parties ne peuvent déroger, que le maître de l'ouvrage est débiteur de l'obligation de garantie dès la signature du marché et doit satisfaire à cette obligation lorsque l'exécution lui est demandée par l'entrepreneur, qu'elles sont applicables indépendamment du conflit relatif au retard et à la qualité des travaux facturés par RGB.

En l'espèce la SAS RGB France BTP a par courrier adressé au maître d'ouvrage le 19 mai 2022 mis en demeure celui-ci de fournir la garantie de paiement ;

Ce courrier a été reçu, une réponse ayant été adressée à l'entrepreneur dès le 20/05/2022.

Le maître d'ouvrage ne conteste pas qu'il n'a pas satisfait cette demande dans le délai de 15 jours.

Celui-ci ne peut se prévaloir de l'absence de sanction du texte permettant le prononcé d'une astreinte alors que par arrêts du 07/11/ 2006 n° 06-11.288 et du 13 /10/2016 n°15-14445 la cour de cassation a jugé que n'est pas entachée d'excès de pouvoir la condamnation à fournir la garantie de paiement sous astreinte tant que le marché n'est pas soldé.

L'intimée se prévaut des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1799-1 du code civil précité qui prévoient que dans le cas où le maître de l'ouvrage recourt à un crédit spécifique affecté au paiement des travaux, celui-ci n'est pas tenu de garantir l'entrepreneur général du paiement des travaux, notamment par un cautionnement bancaire.

Le maître d'ouvrage produit à cet effet une lettre du Crédit Agricole confirmant un courrier de notification du 30 mars 2021 acceptée le 02 avril 2021.

Un simple courrier faisant état d'une ouverture de crédit en compte courant et de garantie d'achèvement des collectifs ne constitue pas une obligation de garantie des paiements de l'entrepreneur.

Le maître de l'ouvrage est donc débiteur de l'obligation de délivrer une garantie de paiement, laquelle peut être sollicitée à tout moment, même après la résiliation du contrat dès lors que le montant des travaux n'a pas été intégralement réglé.

Toutefois, il ressort de la situation 6 en date du 31/03/2022 produite par le maître d'ouvrage que le total TTC est de 1 498 300,10 € hors retenues de garantie et compte prorata.

Le maître d'ouvrage justifie de virements à concurrence de 1 619 895,04 € à la date du 1er mars 2022.

Il résulte d'une photocopie de la situation 8 du 31/05/2022 produite par le maître d'ouvrage que le total TTC est de 1 689 959,86€ hors retenues de garantie et compte prorata.

Il est justifié par le maître d'ouvrage de règlements à concurrence de 1 694 583,41€ à la date du 12 avril 2022.

La demande de condamnation sous astreinte du maître d'ouvrage à constituer une garantie de paiement est dès lors sérieusement contestable en l'absence de défaut de règlement et dans la mesure où les travaux ont été suspendu le 19 mai 2022 et le contrat résilié le 1er juillet 2022.

Par voie de conséquence la décision du premier juge sera confirmée dans toutes ses dispositions dont la cour a été saisie.

Partie perdante la SAS RGB France BTP paiera les dépens outre une somme de 2000 euros à la société VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Salon-de-Provence du 08/08/2022 dans toutes ses dispositions déférées à la Cour,

Y ajoutant,

Condamne la SAS RGB France BTP à payer la somme de 2000 euros à la société VARS IMMOBILIER DEVELOPPEMENT en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS RGB France BTP aux entiers dépens.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 22/11586
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;22.11586 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award