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23/03/2023 | FRANCE | N°22/06833

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 23 mars 2023, 22/06833


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 22/06833 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJMFW







Syndic. de copro. SDC [Adresse 6]





C/



S.A. ALLIANZ

SCI [Adresse 6]











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Philippe CORNET



Me Chrystelle ARNAULT



Me Pascale PENARROYA-LATIL






Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Président du TJ de MARSEILLE en date du 18 Mars 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/04901.





APPELANTE



Syndic. de copro. SDC [Adresse 6]

, demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Philippe CORNET de la SEL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 22/06833 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJMFW

Syndic. de copro. SDC [Adresse 6]

C/

S.A. ALLIANZ

SCI [Adresse 6]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe CORNET

Me Chrystelle ARNAULT

Me Pascale PENARROYA-LATIL

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Président du TJ de MARSEILLE en date du 18 Mars 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/04901.

APPELANTE

Syndic. de copro. SDC [Adresse 6]

, demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Philippe CORNET de la SELARL C.L.G., avocat au barreau de MARSEILLE substituée à l'audience par Me Lionel CHARBONNEL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

S.A. ALLIANZ

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Chrystelle ARNAULT, avocat au barreau de TOULON

SCI [Adresse 6]

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée à l'audience par Me Jérôme LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Stéphane BONNET, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023, puis avisées par message le 23 Février 2023, que la décision était prorogée au 23 Mars 2023.

ARRÊT

I. FAITS. PROCÉDURE.PRÉTENTIONS DES PARTIES.

La SCI [Adresse 6] a fait édifier un immeuble sis [Adresse 6] cadastré [Cadastre 5] D [Cadastre 3] et [Adresse 4], consistant en un bâtiment à usage d'habitation élevé de 5 étages sur rez-de-chaussée, composant notamment de 69 logements vendus dans le cadre d'une opération VEFA. La Compagnie ALLIANZ IARD est l'assureur dommage-ouvrage.

La livraison est intervenue en juillet 2013. L'immeuble était divisé en lots de copropriété et un règlement de copropriété a été rédigé à cet effet.

Le projet de construction était réalisé par les intervenants suivants :

- la SCCV [Adresse 6] en qualité de promoteur du projet immobilier

- Madame [B] [E] et Monsieur [H] [Z] en qualité de maîtres d''uvre de conception

- la SOCIETE D'ETUDES DE PROMOTION DE COORDINATION ET D'INGENIERIE (SEPROCI) en qualité de Maître d''uvre, titulaire d'une mission de « conception (rédaction de pièces écrites et DCE), exécution et OPC » ; assurée auprès des compagnies MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la société MMA IARD, puis des SOUSCRIPTEURS DU LLOYDS DE LONDRES à compter du 1er janvier 2017

- la société BE BLATRIX, intervenue en qualité de sous-traitant de la SAS SEPROCI ; assurée auprès des compagnies ALLIANZ IARD et EUROMAF

- la société BUREAU VERITAS CONSTRUCTION SAS en qualité de Contrôleur technique, selon contrat en date du 14 octobre 2011

- la société CHAUFFAGE CLIMATISATION SANITAIRE (titulaire des lots n°11 et 12 « plomberie-sanitaires-VMC extracteur sous-sol » « production eau chaude solaire collective »), selon contrat en date du 20 février 2012, assurée auprès de AXA FRANCE IARD selon police n° 3618370604

- la société GCS CONSULT, en qualité de sous-traitant de la société CHAUFFAGE CLIMATISATION SANITAIRE

- la société IDEX et la société MTMS, toutes deux intervenues pour la maintenance et l'entretien du réseau

- la société BENEFICIENCE a réalisé une étude thermique, en date du 18 février 2011, selon la norme RT 2005, en vue de la construction de l'immeuble lui permettant ainsi de bénéficier du Label BBC

- HELIOPAC est le fournisseur du système de chauffage.

Une étude thermique, en date du 18 février 2011, selon la norme RT 2005, a été réalisée par la société BENEFFICIENCE sise à [Localité 8] en vue de la construction de cet immeuble lui permettant ainsi de bénéficier du Label BBC. Sa mission était la suivante : « Le présent rapport a pour objet de définir les éléments nécessaires pour que le bâtiment de 69 logements situé à [Localité 9] (13) soit conforme à la réglementation thermique version 2005 en vigueur et au label Bâtiment Basse Consommation énergétique, BBC 2005 défini par l'arrêté du 3 mai 2007 et rectificatif du 8 septembre 2007 relatif au contenu et aux conditions d'attribution du label ' haute performance énergétique ».

Cet immeuble édifié est constitué d'un système de production d'eau chaude collectif sanitaire utilisant l'énergie du soleil et la chaleur de l'atmosphère, association de deux technologies : le solaire thermique et la thermodynamique munie d'une installation HELIOPAC utilisant l'énergie solaire associée à un système de pompe à chaleur (PAC) réchauffant l'eau de ville dans des ballons équipés d'appoint électrique direct lorsque nécessaire.

Les copropriétaires ont dû faire face à des absences prolongées d'eau chaude ainsi qu'à la casse de composants dans la machinerie des pompes à chaleur. Ils ont été contraints de demander au promoteur la mise en place d'une pompe à chaleur supplémentaire non initialement livrée avec le programme ainsi que la mise en place de calorifuges sur les tuyauteries apparentes elles aussi inexistantes à la livraison.

En dépit de ces aménagements, les copropriétaires persistaient à subir des désordres, et en particulier :

- une consommation anormale du système de production sanitaire collective

- un manque d'eau chaude en fin de journée

- pour certains, un temps de puisage relativement long avant d'obtenir de l'eau très chaude

- des pannes à répétition de la machinerie des pompes à chaleur dès l'arrivée des périodes hivernales, probablement liées à une trop grande utilisation des systèmes électriques des pompes à chaleur.

Le syndicat des copropriétaires a alors fait réaliser un audit par un ingénieur conseil en études thermiques et acoustiques, Monsieur [O].

Ce dernier a remis un rapport d'audit au mois de mai 2017 qui constatait que : « L'installation classique consomme quasiment autant que l'installation Héliopac, ce qui est absolument anormal et qui est très loin de la prédiction de la RT2005' et du résultat prévisible annoncé par la méthode de calcul du constructeur HELIOPAC' ».

L'expert préconisait plusieurs solutions.

Le syndicat des copropriétaires a assigné devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Marseille statuant en référé : par exploit en date du 9 avril 2018 : la SCI [Adresse 6] ; Madame [B] [E] et Monsieur [H] [Z] ; la SARL BENEFFICIENCE ; Par exploit du 16 mai 2018 : la Compagnie ALLIANZ IARD, en qualité d'assureur dommage-ouvrage ; par exploit en date du 3 septembre 2018 : la SAS HELIOPAC, afin de solliciter la désignation d'un expert thermicien.

Au cours de cette procédure, la SCI [Adresse 6] a appelé en cause par exploit du 15.05.2018: - La SOCIETE D'ETUDES DE PROMOTION DE COORDINATION ET D'INGENIERIE (SEPROCI) ; - La compagnie MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la société MMA IARD, es qualité d'assureur de la SAS SEPROCI ; - La société BUREAU VERITAS CONSTRUCTION SAS ; - La société CHAUFFAGE CLIMATISATION SANITAIRE ; - La société AXA FRANCE IARD, es qualité d'assureur de la SARL CHAUFFAGE CLIMATISATION SANITAIRE ;

Par ordonnance de référé en date du 12 octobre 2018, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur [D] [W] ,

Au cours des opérations d'expertise, à la requête de SEPROCI, MMA ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD, les opérations d'expertise étaient déclarées communes et opposables, par ordonnance du 26 avril 2019, aux SOUSCRIPTEURS DU LLOYDS DE LONDRES, assureur de la société SEPROCI à compter du 1er janvier 2017.

En outre le syndicat des copropriétaires a attrait à la procédure : - la société BE BLATRIX, intervenue en qualité de sous-traitant de la SAS SEPROCI ; - la société IDEX et la société MTMS, toutes deux intervenues pour la maintenance et l'entretien du réseau ; - la société GCS CONSULT, intervenue en qualité de sous-traitant de la société CHAUFFAGE CLIMATISATION SANITAIRE ;

Par ordonnance du 10.05.2019, les opérations d'expertise étaient étendues à ces parties.

Enfin, de nouveau à la requête de SEPROCI, MMA ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD, les opérations d'expertise étaient déclarées communes et opposables par ordonnance du 13 septembre 19 aux sociétés d'assurance ALLIANZ IARD et EUROMAF, assureurs de la société BE BLATRIX.

Au cours des opérations d'expertise de Monsieur [W], il est apparu que la température de l'eau chaude sanitaire n'était pas conforme au minimum règlementaire. Il a été procédé à des prélèvements par un laboratoire d'analyse qui ont révélé la présence de légionelles en sortie du réseau d'eau chaude sanitaire. Il a donc été établi une nouvelle déclaration de sinistre dommage-ouvrage, et une solution de reprise a été proposée par l'assureur dommage ouvrage. Or, le Conseil technique du syndicat des copropriétaires, la société VITAECO a émis des doutes sur la mise en 'uvre de cette solution. En effet, les réseaux encastrés d'eau chaude et froide sont particulièrement proches les uns des autres, et il était à craindre qu'en augmentant la température de l'eau chaude sanitaire, celle de l'eau froide soit également impactée. C'est la raison pour laquelle le syndicat des copropriétaires a fait procéder à des analyses de la température d'eau froide et de la présence de légionelles dans ces réseaux, et il a été constaté que :

- la température d'eau froide au niveau du réseau public est de 25° et exempte de toute contaminations ;

- elle est en sortie d'une température supérieure à 25°C et il est constaté une importante concentration de légionelles ;

Ainsi, malgré une température d'eau chaude inférieure aux normes réglementaires, la proximité des réseaux d'eau chaude et d'eau froide engendre un réchauffement de l'eau froide suffisant pour permettre une prolifération de la légionellose.

En conséquence, le syndicat des copropriétaires a saisi le juge des référés aux fins d'extension de la mission d'expertise aux désordres affectant le réseau d'eau froide sanitaire.

Par Ordonnance en date du 18 mars 2022, le Président du Tribunal judiciaire de Marseille faisait droit à la demande d'extension de mission et rejetait la demande de provision et laissait les dépens à la charge du syndic des copropriétaires de la résidence Mauriac.

Le syndicat des copropriétaires a relevé appel de cette décision, par déclaration en date du 12 mai 2022, en ce que cette décision a : - « DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de la Résidence MAURIAC représenté par son syndic en exercice COULANGE IMMOBILIER de sa demande provisionnelle de dommages-intérêts et de provision ad litem; - LAISSE les dépens de référé à la charge du syndicat des copropriétaires de la Résidence MAURIAC »

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Dans ses conclusions d'appelant n° 2 notifiées par RPVA le 02 septembre 2022, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 6] demande à la cour de :

REFORMER la décision dont appel en ce qu'elle a :

- «  DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de la Résidence MAURIAC représenté par son syndic en exercice COULANGE IMMOBILIER de sa demande provisionnelle de dommages-intérêts et de provision ad litem;

- LAISSE les dépens de référé à la charge du syndicat des copropriétaires de la Résidence MAURIAC »

Il demande également à la cour de :

- CONDAMNER la Compagnie ALLIANZ IARD, en sa qualité d'assureur dommage-ouvrage et la SCI [Adresse 6], in solidum, au paiement de la somme de 33.434 € à titre de provision sur dommages et intérêts ; outre 5.000 € de provision ad litem ;

- REJETER toutes les demandes formulées contre le SDC [Adresse 6] ;

- DIRE que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance

- CONDAMNER la SCI [Adresse 6] et la Compagnie ALLIANZ au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens d'appel

Par conclusions d'intimés n° 2 notifiées le 09 Septembre 2022 par RPVA, la SCI [Adresse 6] demande à la cour de :

Sur appel principal,

- REJETER purement et simplement toute demande de provision comme se heurtant à des

contestations sérieuses ;

- CONFIRMER l'ordonnance de référé rendue le 18 mars 2022 par le Président du tribunal judiciaire de Marseille en ce qu'elle a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande provisionnelle de dommages-intérêts et de provision ad litem ;

- REJETER la demande du syndicat visant à voir dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance;

- CONFIRMER l'ordonnance de référé du 18 mars 2022 en ce qu'elle a laissé les dépens de référé à la charge du syndicat des copropriétaires

- Subsidiairement, dans l'hypothèse où une condamnation viendrait à être prononcée à l'encontre de la SCI [Adresse 6] au bénéfice du syndicat des copropriétaires,

- CONDAMNER la compagnie ALLIANZ IARD , assureur dommages-ouvrage, à l'en relever et garantir;

En tout état de cause,

- DEBOUTER purement et simplement le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- CONDAMNER le syndicat des copropriétaires ou qui mieux le devra à payer à la société SCI [Adresse 6] la somme de 3 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- CONDAMNER la même aux dépens.

La SCI [Adresse 6] soutient que la demande de provision est prématurée et que la preuve de l'obligation est sérieusement contestable. Selon elle, même si le syndicat des copropriétaires fait valoir qu'il est acquis que le réseau d'eau chaude est affecté de la présence de légionelles et que cela le rend impropre a sa destination: même s' il ressort du rapport d'expertise Saretec du 14 février 2021 que les analyses en laboratoire de l'eau chaude sanitaire d'un appartement ont révélé la présence de légionelles dans des concentrations supérieures aux seuils tolérés, pour autant, l'expert judiciaire ne l'a pas constatée. Il a simplement relevé un risque (et non une certitude) plus important de prolifération de légionelles .

Enfin, la SCI [Adresse 6] soutient que ce risque  a été constaté uniquement dans le réseau d'eau chaude et non dans le réseau d'eau froide. Le Président du tribunal dans son ordonnance de référé du 18 mars 2022 a d'ailleurs retenu «  que pour autant il s'agit de l'analyse de l'eau chaude sanitaire et non de l'analyse de l'eau froide provenant du réseau d'eau froide ''.

Le juge des référés a également relevé que si l'expert a relevé un risque important de prolifération de légionelles dans le réseau d'eau chaude, il ne s'est pas prononcé sur l'imputabilité de la cause de ce désordre ni de l'existence d'un risque de légionelles affectant le réseau d'eau froide dont il n'était pas saisi .

Par conclusions d'intimée n°2, signifiées par RPVA le 25 novembre 2022 , la compagnie d'assurance SA ALLIANZ demande à la cour de :

- CONFIRMER l'ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE le 18 mars 2022 en ce qu'elle a débouté le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] de sa demande de dommages et intérêts et de provision ad litem,

- DEBOUTER en conséquence le Syndicat des Copropriétaires [Adresse 6] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- CONDAMNER le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] à payer à la compagnie ALLIANZ la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.

La SA ALLIANZ estime que c'est à bon droit que le Président du Tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts et de provision, les demandes formées par le syndicat des copropriétaires se heurtant à des contestations sérieuses pour les motifs suivants :

1/ que les dommages et intérêts sollicités ont vocation à mettre à la charge de la compagnie ALLIANZ les frais d'expertise qui relèvent des dépens, demande évidemment prématurée à ce stade,

2/ que la réalité de désordres à caractère décennal s'agissant de la conformité du bâtiment, objet initial de l'expertise, n'est pas démontrée,

3/ que pour l'heure, l'existence d'une contamination du réseau d'eau froide par les légionelles n'est pas démontrée sur l'ensemble du réseau, de sorte qu'aucun désordre à caractère décennal n'est établi,

4/ que le syndicat des copropriétaires n'a pas fait réaliser les travaux de nature à mettre fin aux dysfonctionnements du réseau d'eau chaude, alors qu'il a pourtant été indemnisé de ce chef, cette défaillance ayant au surplus pour conséquence de fausser les analyses en cours.

L'ordonnance de clôture intervenait le 28 novembre 2022 pour l'affaire être appelée le 06 décembre 2022, date à laquelle elle était retenue.

II. MOTIVATION

Sur la demande de provision au titre des dommages et intérêts

Selon l'article 835 du code de procédure civile , « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »

Le juge des référés a rejeté la demande de provision formée par le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] estimant qu'elle se heurtait à des contestations sérieuses et apparaissaient prématurées. Le juge des référés a estimé que s'il ressort du rapport d'expertise SARETEC du 14 février 2021 que les analyses en laboratoire de l'eau chaude sanitaire d'un appartement ont révélé la présence de legionella pneumophilia dans des concentrations supérieures aux seuils tolérés; mais que cela concerne l'analyse de l'eau chaude sanitaire et non de l'analyse provenant du réseau d'eau froide .

Par ailleurs, même si l'expert a relevé un risque important de prolifération de légionelles dans le réseau d'eau chaude, il ne s'est pas prononcé sur l'imputabilité de la cause de ce désordre ni l'existence d'un risque de légionelles affectant le réseau d'eau froide dont il n'était pas saisi.

Or, dans la même ordonnance, le juge des référés a accepté d'étendre la mission de l'expert judiciaire au réseau d'eau froide, fondant sa décision sur le rapport d'analyse du laboratoire CERES du 08 juillet 2021 et du rapport d'expertise du cabinet SARETEC CONSTRUCTION mandaté par la société ALLIANZ dont il s'évince la preuve d'éventuels désordres affectant le réseau d'eau froide avec un risque de légionelles.

L'octroi d'une indemnité provisionnelle peut-être accordé dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

En l'espèce, les parties s'accordent toutes sur la présence de légionelles dans le réseau d'eau chaude sanitaire de l'immeuble situé [Adresse 6]. A ce sujet , dans son courrier adressé au syndic de copropriété ( COULANGE IMMOBILIER), en date du 17 février 2021, ALLIANZ IARD indique que suite à l'intervention de l'expert missionné sur le chantier, il a été constaté les désordres suivants : «1- risque de légionnelles entraînant la mise en danger des résidents ». L'assureur dommage-ouvrage ajoute que « les dommages portent atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à sa destination; ils sont donc de nature de ceux dont sont responsables les constructeurs, au sens de l'article 1792-1 du code civil »

Sur l'eau froide sanitaire, le rapport d'analyses de CERES LABORATOIRE en date du 08 juillet 2021 établit la présence de « LEGIONELLA SPP dont LEGIONELLA PNEUMOPHILIA à un taux de

Aucun désordre n'est donc caractérisé dans la chaufferie de l'immeuble/

Or, à cette même date, l'analyse de l'eau froide sanitaire établie par le même laboratoire pour un prélèvement effectué dans la douche de l'appartement 152 située au 5è étage du bâtiment 1 établit la présence de « LEGIONELLA SPP dont LEGIONELLA PNEUMOPHILIA à un taux de

Ces analyses du laboratoire CERES démontrent que loin d'être hypothétique, le risque est avéré, au moins pour un appartement de la résidence.

En outre, le diagnostic préalable pour travaux des installations de production d'eau chaude sanitaire dressé par la SARL VITAECO le 16 mars 2021 mentionne en page 17 «  nous rappelons sur la température de l'eau froide doit être inférieure à 25 ° C ( référence de qualité mentionnée dans l'arrêtée ministériel du 11 janvier 2007 relatif aux limites et aux références de qualité des eaux brutes et des EDCH)/ de fait, nous pouvons constater (') la température retrouvée est supérieure à 25 ° C, les tests ont été effectués en hiver, il est évident que ces températures augmenteront si les tests sont réalisés en été. ».

Les éléments ci-dessus rappelés concourent à démontrer l'existence d'une obligation qui n'est pas sérieusement contestable. La réalité de la présence de légionelles , au moins dans un appartement, la non-conformité de la température de l'eau froide sanitaire en sortie , la proximité des tuyaux d'eau chaude et d'eau froide ayant pour conséquence d'entraîner un réchauffement de l'eau froide sanitaire et un risque de prolifération des légionelles sont démontrés. Seul le risque de prolifération n'est, à ce jour, qu'un aléa alors que la présence de la bactérie est bel et bien réelle.

Ces éléments ( température élevée et présence de légionelles) rendent l'ouvrage impropre à sa destination, cela ayant déjà été qualifié pour les désordres sur le réseau d'eau chaude sanitaire.

Le fait que le syndicat de copropriétaires n'aie pas fait effectué les travaux de reprise avec la provision qui lui a été versée dans les instances précédentes s'explique par le fait que sur conseil de son ingénieur conseil en études thermiques et acoustiques, Monsieur [O], repris par l'expert judiciaire, le syndicat a évité la solution de reprise, en en privilégiant une a minima, car le risque de prolifération et contamination de l'eau froide par les légionelles en cas de travaux sur l'eau chaude était avéré.

La SA ALLIANZ IARD oppose le fait que cette provision est demandée pour payer les frais d'expertise, ce qui relève des dépens et donc du juge du fond. Si ce point est exact, il n'est pas suffisant pour écarter la mise à la charge d'ALLIANZ IARD de l'indemnité provisionnelle.

La détermination de l'imputabilité des désordres ne relève pas de la compétence du juge des référés, mais du juge du fond. Néanmoins, la reconnaissance par l'assureur dommage-ouvrage ALLIANZ du caractère décennal des désordres sur l'eau chaude sanitaire et son acceptation à garantir le sinistre permet de mettre à sa charge la provision dans le présent litige relatif à l'eau froide sanitaire, sans que cela ne consiste en une déclaration de responsabilité par la cour, une telle appréciation relevant des juges de fond.

Par ailleurs, les désordres étant de nature décennale, le promoteur SCI [Adresse 6] sera également tenu in solidum , au titre de sa responsabilité de plein droit, de la provision dans le présent litige relatif à l'eau froide sanitaire, sans que cela ne consiste en une déclaration de responsabilité par la cour, une telle appréciation relevant des juges de fond.

Il ressort de ce qui précède que l'indemnité provisionnelle sollicitée par le syndicat de copropriétaires est justifiée dans son principe, due in solidum par la SA ALLIANZ IARD et la SCI [Adresse 6] , et ne se heurte pas à l'existence de contestations sérieuses.

L'ordonnance sera donc infirmée sur ce point.

Sur le quantum de l'indemnité provisionnelle, le syndicat de copropriétaires demande une somme de 33.434 euros, indiquant qu'il a déjà engager la somme de 21.497 euros et que l'expert sollicite une consignation complémentaire de 11.937 euros.

L'indemnité provisionnelle ne pouvant consister à réparer l'intégralité du préjudice, elle sera fixée à la somme de 15.000 euros par la cour et la SA ALLIANZ IARD en sa qualité d'assureur dommage-ouvrage et la SCI [Adresse 6] seront condamnées in solidum à verser cette somme au syndicat des copropriétaires.

Sur la demande de provision ad litem

La présence de légionelles dans le système d'eau froide sanitaire, au moins dans l'un des appartements de la résidence [Adresse 6] nécessite un complément d'expertise qui a été ordonné par le juge des référés. Les frais inhérents à cette extension de mission et l'impact sur la longueur de la procédure justifie l'octroi d'une procédure ad litem à hauteur de 5.000 euros.

En conséquence, la décision sera infirmée sur ce point et la SA ALLIANZ IARD en sa qualité d'assureur dommage-ouvrage et la SCI [Adresse 6] seront condamnées in solidum à verser cette somme au syndicat des copropriétaires.

Sur la garantie de la SA ALLIANZ IARD

La société ALLIANZ IARD intervenant en qualité d'assureur dommage-ouvrage de la SCI [Adresse 6] sera tenue de relever et garantir la SCI [Adresse 6] des condamnations prononcées contre elle.

Sur les dépens de première instance

L'article 696 du code de procédure civile prévoit que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Les conditions dans lesquelles il peut être mis à la charge d'une partie qui bénéficie de l'aide juridictionnelle tout ou partie des dépens de l'instance sont fixées par les dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991. »

L'ordonnance de référé contestée a mis les dépens à la charge du syndicat des copropriétaires, alors même qu'elle faisait partiellement droit à ses demandes puisque le juge des référés a ordonné l'extension de la mission d'expertise mais rejeté la demande d'indemnité provisionnelle.

En appel, le syndicat des copropriétaires demande un partage des dépens de première instance afin que chaque partie conserve la charge de ses dépens. Il précise qu'il s'agit des dépens de la procédure de référé provision et non de ceux de la procédure d'expertise comme le soutient la SCI [Adresse 6].

La SCI [Adresse 6] et l'assureur s'opposent à ce partage.

En l'espèce, l'ordonnance ayant été réformée et la cour ayant fait droit aux prétentions du syndicat des copropriétaires, il convient de dire que chaque partie conservera la charge des ses dépens .

La décision sera infirmée sur ce point.

Sur l'article 700

En application de l'article 700 du code de procédure civile , la SCI [Adresse 6] et la SA ALLIANZ IARD seront condamnées in solidum à payer la somme de 2.000 euros au syndicat des copropriétaires.

La demande de la SCI [Adresse 6] formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Sur les dépens en cause d'appel

La SCI [Adresse 6] et la SA ALLIANZ IARD seront condamnées in solidum aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME l'ordonnance de référé en ce qu'elle a :

- rejeté la demande d'indemnité provisionnelle et de provision ad litem formée par le syndicat des copropriétaires RESIDENCE [Adresse 6]

- mis les dépens à la charge du syndicat des copropriétaires RESIDENCE [Adresse 6]

STATUANT A NOUVEAU

CONDAMNE in solidum La SCI [Adresse 6] et la SA ALLIANZ IARD à payer au syndicat des copropriétaires RESIDENCE [Adresse 6] la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité provisionnelle

CONDAMNE in solidum La SCI [Adresse 6] et la SA ALLIANZ IARD à payer au syndicat des copropriétaires RESIDENCE [Adresse 6] la somme de 5.000 euros à titre de provision ad litem

DIT que la SA ALLIANZ IARD sera tenue de relever et garantir la SCI [Adresse 6] des condamnations prononcées contre elle.

CONDAMNE chaque partie à conserver la charge de ses dépens de première instance.

CONDAMNE in solidum la SCI [Adresse 6] et la SA ALLIANZ IARD à payer au syndicat des copropriétaires RESIDENCE [Adresse 6] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum La SCI [Adresse 6] et la SA ALLIANZ IARD aux entiers dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 22/06833
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;22.06833 ?
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