COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 23 MARS 2023
N° 2023/ 264
N° RG 22/05511 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJHGJ
[Z] [M] ÉPOUSE [O]
C/
[L] [F]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me RODRIGUEZ
Me ASSUS-JUTTNER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de NICE en date du 29 Novembre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/02491.
APPELANTE
Madame [Z] [M] épouse [O]
née le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 6] (MAROC), demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/3746 du 29/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représentée par Me Caroline RODRIGUEZ, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [L] [F]
né le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
conclusions déclarées irrecevables par ordonnance d'incident du 17/01/23
représenté par Me Françoise ASSUS-JUTTNER de la SCP ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Daniel TAMISIER, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
Par jugement du 17 mai 2016, le tribunal d'instance de Nice a constaté l'occupation sans droit ni titre de M. [I] [O] et de son épouse, Mme [Z] [M], du logement donné à bail par M. [L] [F] selon contrat du 10 juillet 2006, les locataires n'ayant pas quitté les lieux après un congé pour reprise qui leur avait été délivré, il a ordonné leur expulsion.
Une première demande de sursis à l'expulsion présentée par les époux [O] a été rejetée par jugement rendu le 14 septembre 2020 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice.
A la suite de la séparation du couple, l'épouse a occupé seule le logement, et s'est vu signifier le 19 juillet 2021, l'octroi du concours de la force publique délivré par le préfet des Alpes Maritimes le 20 mai 2021 en vue de l'expulsion à partir du 10 juillet 2021.
Par requête datée du 23 juin 2021 elle a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice d'une nouvelle demande de délais pour quitter les lieux.
Convoquée à l'audience du 6 septembre 2021, par lettre recommandée dont l' avis de réception a été signé, elle n'a pas comparu et n'était pas représentée.
A ladite audience M. [F] a fait connaître que l'expulsion avait été réalisée et a sollicité par conclusions développées oralement, condamnation de Mme [O] au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, ainsi que la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus du droit d'agir en justice et une indemnité de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par jugement du 29 novembre 2021, le juge de l'exécution a condamné Mme [O] :
' au paiement d'une amende civile de 1000 euros ;
' à payer à M. [F] les sommes de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' aux dépens de l'instance.
La lettre recommandée avec avis de réception de notification de cette décision à Mme [O] ayant été retournée au greffe avec la mention « pli avisé, non réclamé », M. [F] lui a fait signifier ledit jugement par acte du 30 mars 2022.
Dans les quinze jours de cette signification, Mme [O] a interjeté appel de la décision par déclaration du 13 avril 2022.
Aux termes de ses écritures notifiées le 23 juin 2022, dans le mois de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, elle demande à la cour, au visa des articles 16 et 32-1 du code de procédure civile et de l'article 1240 du code civil :
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau,
- de juger qu'il n'a pas été fait application du principe du respect du contradictoire par la juridiction de première instance ;
- de juger que la procédure intentée par Mme[O] n'est ni dilatoire, ni abusive.
- de juger mal fondé M. [F] dans sa demande de dommages et intérêts ;
Par conséquent,
- de le débouter de l'ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause,
- de condamner M. [F] à la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu' aux entiers dépens de l'instance, étant précisé que Mme [O] est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente procédure.
Au soutien de ses demandes elle explique qu'à la suite de son expulsion, dans le courant du mois de juillet 2021, n'ayant reçu ni constitution d'avocat de la partie adverse, ni écritures en défense, elle a cru que la procédure qu'elle avait introduite devant le juge de l'exécution ne connaîtrait pas de suite en sorte qu'elle s'en est désintéressée.
Elle fait grief au premier juge d'avoir méconnu le principe du contradictoire en s'abstenant de solliciter lors de son audience, la preuve de la notification à la partie adverse non comparante, des écritures du défendeur, dont elle indique ne pas avoir été destinataire, ajoutant que ce n'est que lors de la signification du jugement querellé qu'elle a pris connaissance des demandes reconventionnelles formulées par M. [F] , auxquelles elle n'a pu répondre.
A titre subsidiaire, elle conteste tout abus ou intention dilatoire de sa part et fait état en substance, de sa situation financière précaire que les condamnations prononcées à son encontre vont encore aggraver et des conditions dans lesquelles elle a été conduite à solliciter un sursis à l'expulsion afin de lui permettre de déménager pour occuper un nouveau logement. Elle ajoute que M. [F] n'a subi aucun préjudice lié à l'occupation de son bien puisque les loyers et les indemnités d'occupation lui ont toujours été réglés.
Les écritures de M. [F] notifiées le 19 août 2022 ont été déclarées irrecevables comme tardives, en application de l'article 905-2 alinéa 2 du code de procédure civile, par ordonnance d'incident du 17 janvier 2023.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close par ordonnance du 7 février 2023.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
Le premier juge a condamné Mme [O], demanderesse non comparante, à une amende civile et à des dommages et intérêts et frais irrépétibles réclamés par M. [F] ;
Or, selon l'article 16 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui même le principe de la contradiction et il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
L'article 15 du même code dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
Par ailleurs en vertu de l'article R121-8 du code des procédures civiles d'exécution, la procédure devant le juge de l'exécution est orale.
En l'espèce il ne ressort ni du jugement attaqué ni des pièces de la procédure de première instance que Mme [O] ait été destinataire des demandes reconventionnelles formées par conclusions de M. [F] et qui ont été développées oralement à l'audience ;
Par lettre du 24 août 2021, soit antérieurement à l'audience qui s'est tenue le 6 septembre suivant, le conseil de M. [F] informait le juge de l'exécution en joignant ses conclusions, que l'expulsion étant intervenue, l'audience n'avait plus lieu d'être, précisant qu'il ne disposait pas de la nouvelle adresse de Mme [O] pour lui adresser copie dudit courrier et des conclusions annexées ;
Il est ainsi acquis que le principe du contradictoire n'a pas été respecté, et qu'il appartenait au premier juge de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour régularisation de la procédure.
Il s'ensuit à défaut de demande de nullité du jugement entrepris, sa réformation et le rejet des demandes présentées par M. [F] ;
La carence de Mme [O] en première instance qui indique s'être désintéressée de la procédure qu'elle avait pourtant initiée dans son intérêt exclusif, sans toutefois en informer la juridiction saisie et la partie adverse, justifie qu'elle conserve à sa charge ses frais irrépétibles de procédure et ses dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
STATUANT à nouveau ;
DIT n'y avoir lieu à amende civile ;
DEBOUTE M. [L] [F] de l'ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant,
DEBOUTE Mme [Z] [M] épouse [O] de sa demande au titre des frais irrépétibles;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel, ces derniers recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle .
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE