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23/03/2023 | FRANCE | N°22/05224

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 23 mars 2023, 22/05224


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 22/05224 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJGGX







[P] [C]

[S] [T] épouse [C]





C/



SNC SHOW ROOM

SNC KAUFMAN & BROAD PROMOTION 1

S.C.P BTSG

S.A.R.L. M.C. MENUISERIE

S.A.R.L. AGENCEMENT CUISINE N°1

S.A.R.L. GIE KAUFMAN & BROAD





Copie exécutoire délivrée

le :

à

:



Me Jean-françois JOURDAN



Me Agnès ERMENEUX



Me Laure ATIAS



Me Jean luc BOUCHARD





Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DRAGUIGNAN en date du 28 Mars 2022 enregistrée au répertoire général s...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 22/05224 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJGGX

[P] [C]

[S] [T] épouse [C]

C/

SNC SHOW ROOM

SNC KAUFMAN & BROAD PROMOTION 1

S.C.P BTSG

S.A.R.L. M.C. MENUISERIE

S.A.R.L. AGENCEMENT CUISINE N°1

S.A.R.L. GIE KAUFMAN & BROAD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-françois JOURDAN

Me Agnès ERMENEUX

Me Laure ATIAS

Me Jean luc BOUCHARD

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DRAGUIGNAN en date du 28 Mars 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/02767.

APPELANTS

Monsieur [P] [C]

, demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Didier COLLIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [S] [T] épouse [C]

, demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Didier COLLIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEES

SNC SHOW ROOM

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée à l'audience par Me Alexia FARRUGGIO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Stéphane ENGELHARD de la SELARL BLUM-ENGELHARD-DE CAZALET, avocat au barreau de MARSEILLE substituée à l'audience par Me Bastien BOUILLON, avocat au barreau de MARSEILLE,

SNC KAUFMAN & BROAD PROMOTION 1

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée à l'audience par Me Alexia FARRUGGIO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Stéphane ENGELHARD de la SELARL BLUM-ENGELHARD-DE CAZALET, avocat au barreau de MARSEILLE substituée à l'audience par Me Bastien BOUILLON, avocat au barreau de MARSEILLE,

S.C.P BTSG représentée par Maître [M] [J] ès qualités de LIQUIDATEUR de la SA MARBRERIE AZUREENNE

, demeurant [Adresse 2]

défaillante

S.A.R.L. M.C. MENUISERIE

, demeurant [Adresse 7]

représentée à l'audience par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Laurent VILLEGAS de la SELARL ACT AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE,

S.A.R.L. AGENCEMENT CUISINE N°1

, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Jean luc BOUCHARD, avocat au barreau de GRASSE

S.A.R.L. GIE KAUFMAN & BROAD

, demeurant [Adresse 8]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023, puis avisées par message le 23 Février 2023, que la décision était prorogée au 23 Mars 2023.

ARRÊT

FAITS. PROCÉDURE.PRÉTENTIONS DES PARTIES.

Par acte authentique du 4 février 2016, était conclue entre la société SNC KAUFMAN ET BROAD PROMOTION 1, vendeur, et Monsieur et Madame [C], acquéreurs, une vente en état futur d'achèvement des lots n° 48, 97 et 159 faisant partie d'un ensemble immobilier dénommé « GOLFE HORIZON » situé [Adresse 3] à [Localité 5], pour un prix total de 555.000 € .

Les lots étaient constitués par : - un appartement de 4 pièces principales d'une surface de 91 m² environ outre la jouissance privative de deux terrasses de 30 m² au total, et d'un solarium de 95 m² environ ; - une place de parking double de 30m² ; - une place de parking simple de 17 m². Le marché était complété le 12 mai 2017 par un avenant augmentant le prix du marché de 42.151,09 € puis le 24 juillet 2017 (acceptation du 2 août) par un avenant TMA de 549,65 €.

Pour les besoins de la construction, la société KAUFMAN & BROAD PROMOTION 1 a fait appel à plusieurs entreprises intervenant en corps d'état séparés, notamment :

- La société MARBRERIE AZUREENNE pour la réalisation du lot n°9 « CARRELAGE - FAIENCE » aujourd'hui placée en liquidation judiciaire suite à jugement publié le 21 mars 2019 et désignant .Maître [M] [J] qualité de liquidateur judiciaire

- La société MC MENUISERIE pour la réalisation du lot n°7 « MENUISERIES INTERIEURES»

Parallèlement à leur achat, les acquéreurs ont eu la possibilité de commander des travaux modificatifs auprès de la SNC SHOW ROOM afin de personnaliser leur logement.

Dans ce cadre, la société SNC SHOW ROOM a commandé auprès de la société AGENCEMENT CUISINE 1 la fourniture et la pose de portes et de portes des meubles de la salle de bains

La réception des ouvrages est intervenue le 20 décembre 2017 .

La livraison effective est intervenue, après report en raison d'intempéries, le 25 janvier 2018.

Lors de cette réception, un premier relevé de 39 réserves était acté par procès-verbal. Le 2 février 2018 une première liste de réserves complémentaires était adressée au constructeur, accompagnée d'un calcul des indemnités de retard pour 3.342 €. D'autres courriers recommandés étaient ensuite adressés par Monsieur et Madame [C] concernant d'autres réserves et les pénalités de retard.

Estimant que des désordres subsistaient, les époux [C] saisissaient le juge des référés de Draguignan en date du 8 novembre 2018 et ce dernier ordonnait le 20 février 2019 une expertise confiée à Madame [W].

Le 18 février 2020, l'expert déposait son rapport , concluant que :

- suite à la première réunion d'accédit, il a été remédié de manière satisfaisante aux seules imperfections sur la porte meuble de salle de bains et sur la porte d'accès salle de bains;

- mosaïques salle d'eau réalisées sans soin : désordre esthétique inadmissible pour un logement de standing ;

- trappe de climatisation : matériau inadapté ; ouvrage non pérenne qui risque à terme de s'effondrer ;

- évacuation des condensats de climatisation : un tuyau aurait pu être posé afin de reporter les condensats sous les dalles ;

- salle d'eau à l'arrière de la cuisine : la configuration de cette douche demande la mise en place d'un pare-douche en angle (') ;

- salle d'eau près du couloir : les dimensions de la porte de douche ne correspondent pas à l'ouverture laissée par le plaquiste (')

L'expert imputait les responsabilités des désordres subsistants au promoteur et à ses sous-traitants, l'entreprise Marbrerie azuréenne, la SARL Agencement cuisine 1 et la SARL MC menuiserie.

Les époux [C] ont produit en cours d'expertise un devis de réparation établi le 4 octobre 2019 par la société MGB pour un montant total de 13.086 € TTC , montant qui sera alloué par le Juge du fond au titre des travaux de reprise.

Par assignation du 29 avril 2020, les époux [C] saisissaient le Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN d'une action visant à l'homologation d'un rapport d'expertise déposé le 18 février 2020 par Madame [W]. En exécution de ce rapport, ils sollicitaient la condamnation du débiteur principal SNC KAUFMAN & BROAD PROMOTION 1 au paiement des sommes suivantes :

- travaux de reprise selon devis validé par expert : 13.086 € ;

- préjudice locatif : 65.150 €.

La SNC SHOW ROOM intervenait volontairement dans la procédure.

La SNC KAUFMAN & BROAD PROMOTION 1 et la SNC SHOW ROOM ont saisi le Juge de la mise en état de conclusions d'incident visant à faire déclarer forclose l'assignation au fond du 29 avril 2020.

Par ordonnance du 28 mars 2022, le juge de la mise en état de Draguignan a :

-DECLARE [P] [C] et [S] [T] épouse [C] irrecevables en leur action

- CONDAMNE [P] [C] et [S] [T] épouse [C] à verser à la SNC KAUFMAN & BROAD PROMOTION 1 et la SNC SHOW ROOM la somme de 1.500€ (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- CONDAMNE [P] [C] et [S] [T] épouse [C] aux entiers dépens

- REJETE le surplus des demandes ;

Par déclaration d'appel du 07 avril 2022 enregistrée au greffe le 08 avril 2022 , Monsieur et Madame [C] ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

-DECLARE [P] [C] et [S] [T] épouse [C] irrecevables en leur action

- CONDAMNE [P] [C] et [S] [T] épouse [C] à verser à la SNC KAUFMAN & BROAD PROMOTION 1 et la SNC SHOW ROOM la somme de 1.500€ (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- CONDAMNE [P] [C] et [S] [T] épouse [C] aux entiers dépens

- REJETE le surplus des demandes ;

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Dans leurs conclusions en appel notifiées par RPVA le 4 mai 2022 , les époux [C] reprochent notamment au juge de la mise en état d'avoir déclaré leur action au fond irrecevable en jugeant que le délai d'action pour vice apparent de l'article 1648 alinéa 2 du Code civil serait un délai de forclusion d'un an à compter de l'ordonnance de référé du 20 février 2019. L'action au fond serait donc forclose, selon le Premier Juge, depuis le 20 février 2020.

Ils font remarquer que si la date du 20 février 2020 était retenue, alors même que la date de dépôt du rapport d'expertise était le 18 février 2020, ils n'auraient alors disposé que de deux jours pour assigner.

Ensuite, les époux [C] soulignent que certains défauts ne peuvent être considérés comme apparents (trappe de climatisation : matériau inadapté ; ouvrage non pérenne qui risque à terme de s'effondrer ; évacuation des condensats de climatisation ; ') selon les conclusions de l'expert de sorte que à tout le moins certains vices sont régis par les dispositions relatives aux vices rédhibitoires.

En statuant comme il l'a fait, le Juge de la mise en état a méconnu un arrêt prononcé le 5 janvier 2022 par la Cour de cassation (pourvoi n° 20'22.670) qui énonce : « le délai de deux ans dans lequel doit être intentée l'action résultant des vices rédhibitoires, prévue par l'article 1648 du Code civil, est un délai de forclusion qui n'est pas susceptible de suspension mais qui, en application de l'article 2242 du même code, peut-être interrompu par une demande en justice jusqu'à l'extinction de l'instance ».

Ils demandent à la cour au visa des articles 1648 et 2242 du Code Civil de :

- Réformer l'ordonnance d'incident de la mise en état du 28 mars 2022

- Statuant à nouveau, dire n'y avoir pas lieu à déclarer irrecevable l'action au fond introduite par assignation des 29 avril et 22 mai 2020 ;

- Renvoyer le dossier à la mise en état de la 3e chambre du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN

- Condamner les intimés au paiement d'une somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel

Par conclusions notifiées par RPVA le 3 juin 2022, KAUFMAN et SNC SHOW ROOM demandent à la cour au visa des articles 1642-1 et 1648 du Code Civil, de :

- CONFIRMER l'ordonnance rendue le 28 mars 2022 par le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de Draguignan en toutes ses dispositions,

- DECLARER IRRECEVABLES les demandes formulées par Monsieur et Madame [C] pour cause de forclusion,

-CONDAMNER Monsieur et Madame [C] au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Le constructeur rappelle que l'action des époux [C] concerne des réserves émises lors de la livraison de leur appartement, et non levées depuis.

Ces réserves relèvent nécessairement du régime d'ordre public propre à la vente en l'état futur d'achèvement édicté par le Code Civil.

Ainsi, l'article 1642-1 du Code Civil dispose que : «  Le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents ''.

L'article 1648 du même Code énonce que : «  Dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents ».

Ces dispositions sont d'ordre public. La Cour de Cassation confirme que ce régime est exclusif de la responsabilité contractuelle de droit commun, et que le vendeur d'immeuble à construire ne peut être tenu à garantie des vices apparents au-delà des limites résultant des dispositions d'ordre public des articles 1642-1 et 1648 du code civil (Civ. 3è, 3juin 2015, n° 14-15.796 P . 3 juin 2015, n'-1° 14-14.706 P).

Ce régime s'applique en outre à tous les désordres dénoncés à la livraison ou postérieurement à celle-ci avant l'expiration du délai prévu à l'article 1642-1 du Code Civil (Civ. 3ème, 6 avril 2022, n°21-13.179).

En l'espèce, la livraison est intervenue le 25 janvier 2018 . L'ensemble des désordres allégués par Monsieur et Madame [C] ont été dénoncés à la livraison ou par deux courriers émis dans le mois suivant celle-ci, les 2 et 19 février 2018 . Le régime des articles 1642-1 et 1648 du Code Civil est donc exclusivement applicable. Monsieur et Madame [C] ont fait délivrer leur assignation en référé-expertise dans le délai d'un an prescrit par l'article 1648 du Code Civil.

Conformément aux dispositions de l'article 2241 du Code Civil, cette assignation a interrompu le délai de forclusion : « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».

Selon l'article 2242 du Code Civil : « L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ''.

L'effet interruptif cesse donc dès que l'ordonnance de référé est rendue (voir notamment : Civ. 2ème , 18 sept. 2003: D. 2003. IR 2548, Civ. 3ème , 11 mai 1994, n° 92-19. 747 P, Civ. 3ème, 11 janv. 1995, n° 93-10.327 P; Civ. 3ème, 4 juin 1997, n° 95-18.845 P; Civ. 3ème, 7 juillet 1999, n° 92-19.747 P.)

A compter du prononcé de l'ordonnance de référé désignant l'expert, un nouveau délai de forclusion d'un an a donc commencé à courir.

En effet, si l'article 2239 du Code Civil prévoit une suspension du délai de prescription lorsque le juge fait droit à une mesure d'instruction, cette suspension n'est pas applicable au délai de forclusion (Civ. 39, 3 juin 2015, n°14-15. 796, Civ. 3ème , 2 juin 2016, n° 15-16.967).

L'ordonnance de référé ayant été rendue le 20 février 2019, ce délai expirait au 20 février 2020.

L'assignation des époux [C] aurait donc dû être signifiée avant cette date. L'assignation délivrée le 29 avril 2020 est donc incontestablement tardive.

Sur l'arrêt de la Cour de Cassation du 5 janvier 2022 cité par les époux [C], les intimées objectent que les appelants en font une lecture erronée. Selon elles, cet arrêt confirme en tous points que le délai de l'article 1648 est un délai de forclusion et qu'il n'est pas susceptible d'être suspendu du fait de l'expertise et l'ordonnance du juge de la mise en état devra être confirmée.

La SARL AGENCEMENT CUISINE n°1 dans ses conclusions en date du 19 mai 2022, demande à la cour , au visa des articles 1642-1 et 1648 du code civil de :

- Confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état en date du 28 mars 2022.

En conséquence,

- Déclarer irrecevables les demandes formulées par Madame [S] [C] et Monsieur [P] [C] par acte en date du 29 avril 2020

- En conséquence, Déclarer que les demandes en garantie formulées par acte en date du 20 juillet 2020 à l'encontre de la SARL AGENCEMENT CUISINE n°1 par SNC SHOW ROOM et SNC KAUFMAN BROAD PROMOTION 1 sont devenues sans objet

- Condamner Madame [S] [C] et Monsieur [P] [C] aux entiers dépens

Au soutien de sa demande de confirmation, la SARL AGENCEMENT CUISINE n°1 soutient que le point de départ du délai est le 20 février 2019, date de l'ordonnance de référé désignant l'expert judiciaire. Il reste que pour Madame [S] [C] et Monsieur [P] [C], le nouveau délai qui court est un délai de deux ans puisque les demandes formulées concernent des vices rédhibitoires ce qui rend recevable l'assignation délivrée le 29 avril 2020. En revanche pour SNC SHOW ROOM, SNC KAUFMAN BROAD PROMOTION 1 , le nouveau délai qui court est un délai d'un an puisque les demandes formulées concernent des vices apparents ce qui rend irrecevable l'assignation délivrée le 29 avril 2020. Seul un débat sur la nature des vices permettra donc de résoudre la question de la recevabilité des demandes formulées par Madame [S] [C] et Monsieur [P] [C] .

Or, les vices sont apparents puisque les époux [C] font bien état d'un acte authentique constatant une vente en état futur d'achèvement, de réserves (39) non levées à la réception, puis de réserves complémentaires. En outre, les difficultés que Madame et Monsieur [C] ont connu sont relatives à des vices apparents, la liste des vices étant insérée dans l'acte introductif d'instance .

Dès lors, l'action aurait dû être engagée avant le 20 février 2020.

La Société M.C. MENUISERIE dans ses conclusions notifiées par voie de RPVA le 03 juin 2022 , demande à la cour de :

Vu les articles 1642-1, 1648, 2239, 2241 et 2242 du code civil,

CONFIRMER l'ordonnance d'incident rendue le 28 mars 2022 par Madame la Juge de la Mise en Etat près le Tribunal Judiciaire de Draguignan,

Y rajoutant,

CONDAMNER Monsieur et Madame [P] et [S] [C] à payer à la SARL MC MENUISERIE la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

MC MENUISERIES rappelle les dispositions de l'article 1642-1 et 1648 du code civil et souligne que la Cour de Cassation, saisie de la question de savoir si le régime du vendeur d'un immeuble à construire est exclusif de la responsabilité contractuelle de droit commun, s'est prononcée en ces termes : Mais attendu que la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil n'est pas applicable au délai de forclusion ; qu'ayant relevé que l'assignation en référé du 6 décembre 2008 avait interrompu le délai de forclusion et qu'un expert avait été désigné par une ordonnance du 7 avril 2009 et exactement retenu que l'acquéreur ne pouvait pas invoquer la responsabilité contractuelle de droit commun du vendeur d'immeuble à construire qui ne peut être tenu à garantie des vices apparents au-delà des limites résultant des dispositions d'ordre public des articles 1642-1 et 1648 du code civil, la cour d'appel en a déduit à bon droit que Mme X... était forclose quand elle a assigné au fond la SCI le 10 décembre 2010;

L'article 2239 du code civil dispose : La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. La Cour de Cassation a rappelé, à de multiples reprises, que cette suspension n'est pas applicable au délai de forclusion : Mais attendu qu'ayant exactement retenu que le délai d'un an prévu par le dernier alinéa de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 est un délai de forclusion et que la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil n'est pas applicable au délai de forclusion, la cour d'appel en a déduit à bon droit que Mme Y... était forclose en son action en diminution du prix ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 3 juin 2015, 14-15.796, Publié au bulletin , Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 2 juin 2016, 15-16.967, Publié au bulletin

L'article 2241 du code civil dispose : La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. L'article 2242 du code civil dispose : L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

En l'espèce les époux [C] ont pris livraison de l'appartement le 25 janvier 2018, ils ont saisi la juridiction des référés aux fins de désignation d'un expert par actes des 9 et 18 novembre 2018. L'ordonnance de référé a été rendue le 20 février 2019 et donc à compter de cette date un nouveau délai d'un an était imparti aux époux [C] pour saisir le juge du fonds des demandes relatives aux désordres apparents. Monsieur et Madame [C] ont assigné la société KAUFMAN & BROAD PROMOTION devant le Tribunal Judiciaire le 29 avril 2020 de sorte que leurs demandes sont irrecevables pour cause de forclusion. Les époux [C] indiquent que le rapport d'expertise a été déposé le 18 février 2020 mais pour autant rien ne les empêchait d'agir pour interrompre la prescription et de modifier par la suite leurs prétentions .

Dès lors, leur action est forclose.

L'ordonnance de clôture intervenait le 28 novembre 2022 pour l'affaire être plaidée et retenue le 06 décembre 2022 .

MOTIVATION

Selon l'article 1648 du code civil «  l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents. »

Ce délai biennal est un délai de forclusion puisqu'il est exclu du titre XX du code civil relatif à la prescription extinctive (article 2220 du code civil). Ainsi, l'interruption du délai par l'introduction d'une demande en justice demeure commune aux délais de prescription et aux délais de forclusion (article  2241 du code civil). L'effet interruptif se prolonge jusqu'à l'extinction de l'instance (article  2242 du code civil). Le délai de forclusion demeure insusceptible de suspension ( article  2239 du code civil).

Il est admis de façon constante, que si ce délai de forclusion a pu être interrompu par l'assignation en référé-expertise jusqu'à l'ordonnance de désignation d'un expert judiciaire, la forclusion sur le fondement de la garantie des vices cachés est acquise si aucun nouvel acte interruptif n'est intervenu dans le délai de deux ans. Le délai à agir n'est donc pas suspendu pendant les opérations d'expertise. Il convient donc d' assigner au fond dans les deux ans suivant l'ordonnance de référé, sans attendre la fin des opérations d'expertise, pour interrompre le délai . Il en va de même pour la garantie des vices apparents.

La chronologie procédurale est la suivante :

- 4 février 2016 vente par acte authentique entre la société SNC KAUFMAN ET BROAD PROMOTION 1 et monsieur et madame [C]

- 25 janvier 2018 : livraison et réception du bien avec réserves

- 8 novembre 2018 : assignation délivrée par les époux [C] en référé-expertise au visa des articles 1103 et 1104 du code civil

- 20 février 2019 : ordonnance de référé désignant un expert

- 18 février 2020 : dépôt du rapport d'expert

- 29 avril 2020 et 22 mai 2020 : assignations au fond délivrées par les époux [C] au visa des articles 1103 et 1104 du code civil

L'action était fondée sur la responsabilité contractuelle des intimés, sans référence à l'article 1648 du code civil. Les époux [C] avancent que c'est grâce au rapport d'expertise qu'ils ont pu déterminer si des vices étant apparents ou rédhibitoires. Pourtant, ils ont fait délivrer une assignation au fond, sans viser ce fondement.

Dès lors qu'une partie des désordres était connue puisque ayant fait l'objet de plus de 40 réserves lors de la réception, l'action devait être introduite dans un délai d'un an pour les vices apparents. Le délai partant au jour de l'ordonnance de référé, soit le 20 février 2019, l'assignation au fond devait être délivrée avant le 20 mars 2020. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

La cour confirmera donc l'ordonnance du juge de la mise en état.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

Les époux [C], succombant en la présente instance, seront tenus in solidum des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan rendue le 28 mars 2022 dans toutes ses dispositions

REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [P] [C] et Madame [S] [T] épouse [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 22/05224
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;22.05224 ?
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