COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 23 MARS 2023
N° 2023/ 253
Rôle N° RG 21/13313 N° Portalis DBVB-V-B7F-BIDBE
[H] [O]
C/
[P], [C] [S]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Corinne DE ROMILLY
Me Caroline FONTAINE-BERIOT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution d'AIX EN PROVENCE en date du 02 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 21/00926.
APPELANT
Monsieur [H] [O]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 5]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]
représenté et plaidant par Me Corinne DE ROMILLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Madame [P], [C] [S]
née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 4]
représentée et plaidant par Me Caroline FONTAINE-BERIOT de la SELEURL FB AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Février 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [H] [O] et madame [P] [S] ont divorcé par consentement mutuel le 18 décembre 2012. Aux termes de la convention homologuée, outre le paiement par monsieur [O] d'une contribution de 100 euros par mois aux frais d'entretien et d'éducation des enfants communs, [X] et [I], il s'engageait à prendre en charge directement les frais de cantine.
Par acte du 11 février 2021, madame [S] lui a fait délivrer un commandement aux fins de saisie vente pour la somme de 8 447.44 euros pour la période de mars 2016 à février 2021 que celui ci a contesté devant le juge de l'exécution d'Aix en Provence.
Par jugement du 2 septembre 2021, ce magistrat a :
- cantonné les causes du commandement en ce qu'entre le mois de novembre 2018 et juin 2019 inclus, monsieur [O] avait versé 250 euros au lieu de 200 euros par mois indexés, de sorte qu'il revenait à madame [S] de recalculer les sommes dues,
- débouté monsieur [O] de sa demande en dommages et intérêts et frais irrépétibles,
- rejeté les autres demandes,
- dit que chacune des parties conserverait la charge de ses dépens.
Monsieur [O] a fait appel de la décision par déclaration du 16 septembre 2021.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 15 novembre 2021 auxquelles il est renvoyé, il demande à la cour de :
- Recevoir le concluant en ses écritures et les disant bien fondées,
- Réformer la décision entreprise en son entier,
- Déclarer infondé le commandement aux fins de saisie-vente opéré le 11 Février 2021,
En conséquence,
- Ordonner la nullité du commandement aux fins de saisie-vente opéré le 11 Février 2021,
- Constater que M. [O] a réglé la somme de 12 664 € entre les mains de madame [S],
- Condamner madame [S] au paiement d'une somme de 5 000 € en réparation du préjudice moral subi,
- La condamner au remboursement des frais imputés à M. [O] figurant sur le commandement aux fins de saisie vente soit au total 265,51 €.
- La condamner au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ceux d'appel distraits au profit de maître de Romilly, avocat sous son affirmation de droit.
Sur la période visée par le commandement, monsieur [O] soutient qu'il a payé bien au delà de ce dont il était débiteur, une somme de 12 664 €. Il est fait grief au juge d'avoir retenu les mentions apposées par monsieur [O] sur ses propres relevés bancaires, pour considérer que les versements correspondaient à l'école ou à la cantine de sorte que la pension alimentaire elle même n'avait pas été payée. Il est indéniable que chaque mois, la mère a perçu plus que la pension fixée. Le père a également souscrit des prêts pour financer les études de [X] pour un montant de 30 000 €. Il demande que soit sanctionné l'abus de droit de son ex femme par l'allocation de dommages et intérêts pour préjudice moral, cette démarche l'ayant affecté émotionnellement alors qu'il s'est toujours préoccupé du bien être de ses enfants.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 14 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé, madame [S] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du juge de l'exécution d'Aix en Provence du 2 septembre 2021 en ce qu'il a validé le commandement aux fins de saisie vente du 11 février 2021 et débouté Monsieur [O] de sa demande de dommages et intérêts et d'indemnité fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a cantonné le commandement de payer aux fins de saisie vente en ce qu'il appartiendra à Madame [S] de recalculer les sommes dues en tenant compte du fait qu'entre novembre 2018 et juin 2019 inclus, Monsieur [O] a versé une somme de 250 € par mois au titre de sa contribution au lieu de la somme de 200 € indexée, ainsi que les intérêts et les frais d'huissier en conséquence et débouté Mme [S] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- valider le commandement aux fins de saisie vente délivré le 11 février 2021 pour la somme de 8 447,44 € comprenant le coût du commandement,
- débouter monsieur [O] de toutes ses demandes et écritures,
- condamner monsieur [O] à lui payer une somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance outre 3 000 euros au titre de l'appel et les dépens de première instance et d'appel.
Elle souligne que le faible montant de la pension alimentaire avait été convenu en raison des situtations professionnelles respectives des parties qui ont été sensiblement modifiées depuis, puisqu'elle a perdu son emploi de directrice commerciale à la suite d'une procédure collective et connait le chomage depuis le mois de janvier 2021. Monsieur [O] s'est abstenu durant de nombreuses années de verser la pension alimentaire entre les mains maternelles, préférant à son choix faire des cadeaux ou des versements sur le compte des enfants communs. Il s'agit d'une obligation naturelle, mais il reste que de mars 2016 à février 2021, elle devait percevoir la somme de 12 220.20 euros de pension alimentaire indexée pour ses enfants, et elle n'a eu que 4 900 €. Monsieur [O] ne rembourse pas le prêt étudiant de [X] il en est seulement caution.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2022.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
La convention de divorce, homologuée lors de la rupture de leur lien matrimonial le 18 décembre 2012, expose que monsieur [O] était alors responsable logistique avec un revenu de 2500 euros par mois, tandis que madame [S] avait un poste de directrice générale rémunéré à hauteur de 8 000 euros mensuels. Compte tenu de leurs situations financières respectives, les parties avaient convenu que la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation des enfants communs, [X] et [I] serait de 100 euros par mois, indexée sur l'indice Insee ménages urbains, France entière, le premier janvier de chaque année à l'initiative du parent débiteur et qu'à titre de complément, monsieur [O] prendrait 'directement' en charge les frais exposés au profit des deux enfants et relatifs à la cantine scolaire.
Comme habituellement, cette contribution mensuelle est une évaluation forfaitaire du parent aux besoins de ses enfants, en considération, au moment où le juge statue, de ses capacités financières.
Le commandement de payer aux fins de saisie vente porte sur la période de mars 2016 à février 2021, l'huissier de justice a appliqué une indexation qui fait progresser la contribution de 200 euros par mois en 2016 à 207.88 € en 2021. Ces modalités de calcul n'ont pas été contestées et les parties dans leurs conclusions, globalisent leurs calculs sur la période d'arriérés évoquée de mars 2016 à février 2021. Ainsi, madame [S] prétend au versement de 12 220.20 €, monsieur [O] affirme avoir versé 12 664 euros à son ex-épouse.
Il n'est pas davantage contesté que la situation des parties s'est inversée puisque madame [S] a perdu son emploi de directrice générale. Il n'en demeure pas moins qu'elle n'a pas sollicité la modification de la pension alimentaire devant le juge aux affaires familiales, de sorte que celle-ci, certes n'a pas été supprimée, mais n'a pas été augmentée, seul le titre judiciaire exécutoire permettant de calculer les sommes dues par le père en vertu de la décision de divorce. On doit admettre que les versements qu'il a éffectués au delà du montant mensuel directement entre les mains de ses enfants constituent une obligation naturelle, mais également que monsieur [O] n'est tenu que dans la limite du montant de la pension alimentaire fixée vis à vis de madame [S], lorsqu'il paye entre ses mains, une contribution aux besoins de leurs enfants communs.
A cet égard, les documents très complets communiqués, permettent de vérifier mois après mois, les sommes versées sur le compte de madame [S] et elle ne sera pas suivie lorsqu'elle exploite le libellé des versements portés sur son compte par monsieur [O], pour prétendre à une affectation différente des paiements qu'il a faits. Elle soutient en effet qu'il ne s'agit pas de la pension alimentaire, mais comme les mentions qui y figurent de chaussures, école, cadeaux etc...Mais ces paiements ont été faits sur le compte maternel. Madame [S] en a donc eu la libre disposition et il convient d'abord de les imputer sur la pension alimentaire. Concernant la cantine, le jugement de divorce indique que ce paiement doit être 'directement' fait, ce qui exclut l'intermédiaire de madame [S], qui n'est pas créancière de ces montants, sauf à démontrer qu'elle a du régulariser des impayés paternels, ce que les pièces du dossier ne permettent pas de retenir.
Le tableau établi par monsieur [O], sur les versements qu'il a opérés, correspondent presque exactement aux relevés bancaires de madame [S] qui a bien été la destinataire des montants invoqués, lesquels sont visibles sur ses relevés bancaires. Madame [S] ne peut être suivie lorsqu'elle affirme n'avoir reçu que 4900 euros de pension alimentaire pour ses enfants exploitant la mention 'pension alimentaire' à l'exclusion de tout autre intitulé sur les relevés paternels, alors que leur père établit au total sur la période avoir payé directement sur le compte de leur mère, une somme de 12 664 euros selon un tableau détaillé. A ces montants, et qu'il n'a pas répertoriés comme pension alimentaire s'ajoutent des versements réguliers d'argent de poche sur les comptes des enfants, des frais de train, de boxe, et d'études à [Localité 7] pour environ 6 000 €, visibles sur ses relevés en débit.
Il convient également de remarquer que madame [S] n'a protesté quant au non versement des sommes versées qu'à partir du mois d'avril 2020, et déposé plainte en mai 2020, tandis que monsieur [O] explique des versements irréguliers en particulier de 2015 à 2017 par une situation de chômage dont il justifie. Avec l'indexation calculée par l'officier de justice et sur la période les montants exigibles étaient de 12 200.32 euros et la somme versée par monsieur [O] directement à madame [S] est de 12 664 euros sur la même période, globalisée comme l'ont admis les parties, qui ne se sont pas livrées à un détail d'exigibilité mois par mois.
En conséquence de quoi le commandement de saisie vente, ne peut être validé et ses frais resteront à la charge de madame [S].
Aucun élément probatoire ne permet d'admettre l'existence d'un préjudice indemnisable, il ne sera pas fait droit de ce chef.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de monsieur [O] les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 1 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La partie perdante supporte les dépens, ils seront donc à la charge de madame [S] qui succombe pour l'essentiel de ses prétentions.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
INFIRME la décision déférée,
Statuant à nouveau,
PRONONCE la nullité du commandement aux fins de saisie-vente opéré le 11 Février 2021 à défaut de créance,
DIT QUE les frais d'actes resteront à la charge de madame [S] soit 265.51 €,
REJETTE la demande de dommages et intérêts présentée par monsieur [O],
CONDAMNE madame [S] à payer à monsieur [O] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE madame [S] aux entiers depens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct des frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision préalable au profit de Me de Romilly en application de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE