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23/03/2023 | FRANCE | N°19/11555

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 23 mars 2023, 19/11555


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023



N° 2023/ 64













Rôle N° RG 19/11555 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BETVL







SASU SOGELEASE FRANCE





C/



[R] [Y] épouse [H]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Marion MASSONG





Me Matthieu JOUSSET




















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 17 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/02325.





APPELANTE



SASU SOGELEASE FRANCE représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 2]

rep...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023

N° 2023/ 64

Rôle N° RG 19/11555 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BETVL

SASU SOGELEASE FRANCE

C/

[R] [Y] épouse [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Marion MASSONG

Me Matthieu JOUSSET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 17 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/02325.

APPELANTE

SASU SOGELEASE FRANCE représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée par Me Marion MASSONG, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [R] [Y] épouse [H]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6] (13), demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Matthieu JOUSSET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me JORIS Raffy, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties :

Suivant offre acceptée 19 juillet 2010, la SASU Sogelease France a consenti à Monsieur [I] [H] un contrat de crédit bail portant sur machine Commachio Modèle 900 PX d'une valeur de 246 622euros HT moyennant le paiement de 60 loyers mensuels de 5 425euros TTC et une option d'achat égale à 1%.

Madame [R] [Y] épouse [H], épouse de Monsieur [H] s'est portée caution solidaire à cet engagement à hauteur de 393 678,60euros pour une durée de 72 mois par acte sous seing privé du 21 juillet 2010.

Par jugement du 1er octobre 2012, le tribunal de commerce de Salon de Provence a prononcé le redressement judiciaire de Monsieur [I] [H], converti en liquidation judiciaire le 11 février 2013, Maître [X] étant désigné en qualité de liquidateur.

Le contrat a été résilié le 11 février 2013 et la société Sogelease a déclaré sa créance le 25 mars 2013 et a adressé le 8 novembre 2013 une mise en demeure à Madame [Y].

Le 19 juin 2015, le tribunal de commerce de Salon de Provence a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de liquidation judiciaire de Monsieur [H].

Le 24 août 2015, une mise en demeure a été adressée par la société Sogelease à Madame [Y].

Par acte du 21 mars 2016, la société Sogelease a assigné Madame [Y] en sa qualité de caution.

Par jugement du 17 juin 2019, le tribunal de grande instance d'Aix en Provence a débouté Madame [Y] de sa demande d'inopposabilité de l'acte de cautionnement du 21 juillet 2010, dit que la société Sogelease France ne pouvait se prévaloir du cautionnement du 21 juillet 2019 et a débouté la société Sogelease de ses demandes et l'a condamné à payer la somme de 3 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La juridiction a retenu que l'engagement de caution de l'intéressée était disproportionné à ses revenus et son patrimoine.

Le 16 juillet 2019, la société Sogelease a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 15 octobre 2019 et tenues pour intégralement reprises, la société Sogelease demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et 2288 du code civil

Réformer le jugement sauf en ce qu'il a débouté Madame [Y] de sa demande d'inopposabilité de l'acte de cautionnement,

Débouter Madame [Y] de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner Madame [Y] à payer à la société Sogelease les sommes suivantes majorées des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013 :

54 700,83euros TTC au titre des loyers impayés,

136 653,84euros TTC au titre de l'indemnité contractuelles de résiliation,

A titre subsidiaire :

Condamner Madame [Y] en sa qualité de codébitrice principale à payer à la société Sogelease les sommes suivantes majorées des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013 :

54 700,83euros TTC au titre des loyers impayés,

136 653,84euros TTC au titre de l'indemnité contractuelles de résiliation,

En tout état de cause :

Condamner Madame [Y] à payer à la société Sogelease la somme de 4 500euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Massong, avocat sur son affirmation de droit.

Dans ses dernières écritures déposées et notifiées le 21 juin 2022 et tenues pour intégralement reprises, Madame [Y] demande à la cour de :

Confirmer le jugement du 17 juin 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Madame [Y] de sa demande d'inopposabilité du cautionnement souscrit le 21 juillet 2010,

Juger que le cautionnement souscrit le 21 juillet 2010 lui est inopposable et que la SAS Sogelease France ne pourra pas s'en prévaloir,

A défaut :

Juger que le cautionnement souscrit par Madame [Y] lui est inopposable et que la SAS Sogelease France ne pourra pas s'en prévaloir,

A titre subsidiaire :

Juger que la SAS Sogelease France ne peut se prévaloir du cautionnement souscrit le 21 juillet 2010,

Juger qu'en l'absence de résiliation conventionnelle du contrat de crédit bail, l'indemnité de résiliation conventionnelle est inapplicable et que la SAS Sogelease ne peut s'en prévaloir,

Juger que la clause stipulée à l'article 11 revêt la nature d'une clause pénale manifestement excessive qui sera réduite à néant en l'absence de préjudice démontré du fait de la carence probatoire de la SAS Sogelease France au regard des circonstances de l'espèce,

Juger que la clause pénale stipulée à l'article 3.6 des conditions générales fait double emploi avec l'indemnité de résiliation stipulée à l'article 11 des conditions générales, laquelle revêt la nature de clause pénale de sorte que la clause pénale stipulée à l'article 3.6 des conditions générales sera réduite à néant,

Prononcer la déchéance du droit aux accessoires à l'encontre de la société Sogelease France cette dernière n'apportant pas la preuve de l'envoi et de la réception ni de l'information du premier incident de paiement ni de l'information annuelle,

A titre reconventionnel :

Condamner la SAS Sogelease à payer à madame [Y] des dommages et intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde d'un montant égal à la créance de la Sogelease arrêté par la Cour d'appel d'Aix en Provence, le caractère disproportionné d'un cautionnement au sens de l'article L 341-4 du code de la consommation ne libérant pas l'établissement de crédit de son devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie,

Ordonner la compensation entre le montant de la créance de dommages et intérêts de Madame [Y] envers la SAS Sogelease et le montant de la dette de cautionnement qui serait mis à la charge de Madame [Y] par la Cour d'appel d'Aix en Provence dans l'hypothèse où le caractère disproportionné du cautionnement ne serait pas retenu,

Déclarer irrecevable car prescrite la demande de paiement par la société Sogelease à titre subsidiaire contre Madame [Y] en qualité de débiteur principal,

Condamner la SAS Sogelease France à payer à Madame [Y] des dommages et intérêts d'un montant égal à la créance de la Sogelease arrêté par la Cour d'appel d'Aix en Provence,

Ordonner la compensation entre le montant de la créance de dommages et intérêts de Madame [Y] envers la SAS Sogelease et le montant de la dette qui serait mis à la charge de Madame [Y] par la Cour d'appel d'Aix en Provence,

Déclarer Madame [Y] recevable en son appel incident,

Débouter la SAS Sogelease de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la SAS Sogelease à payer à madame [Y] la somme de 5 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 janvier 2023.

Motifs :

Sur l'opposabilité de l'engagement de caution :

Les parties sont en l'état d'un engagement de cautionnement souscrit le 21 juillet 2010 pour un montant de 393 678,60euros.

Madame [Y] se prévaut de l'inopposabilité de l'engagement souscrit au motif qu'en application des dispositions de l'article 2011 du code civil, celui qui est débiteur d'une obligation à titre principal ne peut être tenu de la même obligation comme caution.

Toutefois, le contrat de crédit bail daté du 19 juillet 2010 est établi entre la société Sogelease en qualité de bailleresse et Monsieur [I] [H] en qualité de locataire, ainsi que le mentionne la première page du dit contrat sous l'intitulé ' conditions particulières'. Le contrat comporte la signature du locataire et mentionne au titre des conditions suspensives 'caution de Madame [H]'. Il est acquis que Madame [H] a également apposé sa signature au terme du contrat mais cette intervention répond aux exigences de l'article 1415 du code civil qui énonce que ' chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres'.

Force est de constater que dans l'esprit des parties, Monsieur [H] s'engageait seul en qualité de débiteur et que Madame [H] n'intervenait sur le contrat qu'en qualité de caution, nonobstant la mention erronée la qualifiant de cocontractante. Les modalités d'exécution du contrat confirment cette analyse, Madame [H] n'a jamais payé de mensualités et aucune somme ne lui a été réclamée à ce titre.

Il convient de déclarer l'acte de caution opposable et de confirmer à ce titre le jugement de première instance.

Sur le caractère disproportionné de l'engagement :

En vertu de l'ancien article L341-4 du code de la consommation applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de la caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'une part, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution et, d'autre part, de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l'opération garantie.

L'ancien article L341-4 précité devenu L 332-1 et L 343-3 du code de la consommation n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement. C'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Madame [Y] se prévaut du caractère disproportionné de l'engagement souscrit en soutenant qu'au jour de l'engagement, elle ne disposait d'aucun revenu professionnel puisque dépourvue d'emploi et qu'elle n'était propriétaire d'aucun bien immobilier saisissable en raison d'une déclaration d'insaisissabilité établie le 26 janvier 2007 et que de surcroît, le bien immobilier situé à [Localité 4] appartient pour partie en propre à son époux et enfin qu'elle avait souscrit en 2005, deux délégations de paiement de 10 000 et 15 000euros. Elle mentionne quatre crédits en cours souscrits antérieurement à l'engagement de caution avec son époux pour un montant cumulé de 104 104euros.

Une fiche patrimoniale n'étant pas obligatoire, l'existence d'un tel document certifié exact par son signataire permet simplement à la banque, sauf anomalies apparentes, de s'y fier et la dispense de vérifier l'exactitude des déclarations de son client, lequel ne peut ensuite se prévaloir de leur fausseté pour échapper à ses obligations.

En l'espèce, la SAS Sogelease ne produit pas de fiche de renseignement établie par Madame [Y] lors de son engagement de caution, dès lors, la preuve de la disproportion peut être apportée par tous moyens par Madame [Y].

Il est établi et non contesté qu'au jour de l'engagement litigieux, Madame [Y] était dépourvue de ressources, mais Monsieur [H], son époux, ayant donné son consentement exprès au cautionnement consenti par son épouse en apposant sa signature sous la mention

' Bon pour consentement' sur l'acte, la proportionnalité de l'engagement de caution doit s'apprécier en tenant compte des biens communs du couple dont notamment les salaires de Monsieur [H].

Il résulte de l'avis de l'impôt sur le revenu que Monsieur [H] a perçu en 2009 la somme annuelle de 19 304euros et en 2010 de 25 057euros.

En application des dispositions de l'article L526-1 du code de commerce, le 26 janvier 2007 et le 23 décembre 2008, les époux [H] ont fait des déclarations d'insaisissabilité pour respectivement leur maison à usage d'habitation situé à [Localité 4] et des terrains situés également à [Localité 4] et un appartement situé à [Localité 3]. Toutefois, le fait qu'un bien ne puisse faire l'objet d'une mesure d'exécution ne permet pas de l'exclure du périmètre du patrimoine de l'intéressée.

Madame [Y] évalue elle-même le bien immobilier situé à [Localité 4] à la somme de

400 000euros et l'appartement situé à [Localité 3] à la somme de 120 000euros. Toutefois, il résulte de l'acte d'insaisissabilité établi le 26 janvier 2007 que celui situé à [Localité 4] appartient en propre à 61% à Monsieur [H], seul 39% dépend de la communauté soit la somme de 156 000euros. Au jour de l'engagement, Madame [Y] disposait d'un patrimoine immobilier d'une valeur de 276 000euros au titre des biens communs du couple.

Madame [Y] dispose également d'un contrat d'assurance vie ouvert en 2003 qui au 13 mai 2005 présentait une valeur de rachat de 49 658,90euros.

Elle a souscrit en 25 mai 2005 une délégation de paiement pour un montant de 15 000euros pour une durée de 10 ans au profit de l'entreprise [I] [H] et le même jour une seconde d'un montant de 10 000euros au profit de la société Espace bleue pour la même durée.

La société Sogelease soutient, sans être démentie qu'au jour de l'engagement de caution, la société Espace bleue était en cessation d'activité depuis 2006 de sorte que la délégation était éteinte.

Madame [H] ne peut être tenue au paiement des crédits baux professionnels consentis en 2010 par la société Franfinance à son époux. En revanche, elle est engagée par deux prêts consentis par la Société Générale le 11 février 2004 pour un montant de 15 500euros pendant une durée de 84 mois et remboursable par mensualité de 249euros et le 8 décembre 2008 pour un montant 30 000euros remboursable en 84 mensualités de 475,96euros soit une échéance annuelle de

8 699,52euros

Lors de l'engagement de caution, le 21 juillet 2010, le solde de prêt de 30 000euros est de

24 476,72euros et celui du prêt souscrit le 11 février 2004 est de 1 920 euros soit un endettement de 26 396,72euros

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments qu'une disproportion manifeste peut être retenue entre d'une part, un cautionnement de 393 678 euros et un passif de 26 396,72euros et d'autre part, un revenu annuel disponible constant de 22 180euros et un patrimoine mobilier et immobilier de 325 658,89euros.

Sur la situation au jour où la caution est appelée

En application des dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il convient de relever que conformément aux dispositions légales sus visées, seul le patrimoine de l'intéressée doit être pris en considération.

La société Sogelease sollicite le paiement de 54 700,83 euros et 136 653,84 euros.

Madame [Y], à la date de l'assignation soit le 21 mars 2016, disposait de 39% d'un bien immobilier commun évalué à 270 000euros selon l'estimation produite par elle-même datée du 12 septembre 2019 soit la somme de 105 300euros à laquelle il convient de rajouter la somme de 120 000euros correspond à la valeur du second bien immobilier commun soit un total de

225 000euros en commun avec son époux, sachant que ces biens ne sont grevés d'aucun prêt.

L'engagement souscrit par la caution était disproportionné au moment de sa conclusion, mais la capacité de la caution à faire face à l'engagement au moment où elle a été appelée en paiement résulte de la possession de bien immobilier d'une valeur supérieure à la somme appelée. La caution est donc tenue au paiement.

Il convient d'infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.

Sur l'indemnité de résiliation :

En application des dispositions de l'article L 641-11-1 du code de commerce, ' ...les contrats sont résiliés de plein droit 1°après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite des contrats adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d'un mois sans réponse ...2°A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles ; 3° Lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent, au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat.'

Madame [Y] s'oppose au paiement de l'indemnité de résiliation au motif que la rupture du contrat n'est pas intervenue en raison de la volonté du bailleur mais de par la loi.

Le crédit bail prévoit en son article 11 sous l'intitulé 'résiliation'. 'Le présent contrat sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur sans que celui ci ait à remplir de formalités préalables ou adresser de mise en demeure en cas de non-paiement de loyers à échéance ou non-exécution d'une seule des conditions générales ou particulières de l'un quelconque des contrats conclus avec le bailleur ...La résiliation peut également intervenir à la demande du bailleur, en cas de cession de fonds de commerce du locataire, amiable ou forcée, de décès, de cessation de son activité pendant trois mois, de dissolution ou de la cessation de la société locataire, de changement d'actionnariat, ainsi que dans les cas prévus par les dispositions légales et réglementaires applicables aux entreprises en difficulté ....la résiliation impose au locataire l'obligation ... de verser outre les loyers échus impayés TTC et leurs accessoires, en réparation du préjudice subi une indemnité égale la totalités de loyers HT restant à échoir postérieurement à la résiliation majorée de l'option d'achat prévue contractuellement, augmenter d'une peine égale à 10%de la totalité de loyers restant à échoir ....';

En l'espèce, la résiliation n'est pas intervenue du fait du bailleur mais par la volonté de Maître [X] en qualité de liquidateur qui, par courrier du 2 mai 2013, a acquiescé à la demande la restitution du matériel loué démontrant une résiliation implicite du contrat.

Il résulte toutefois de la rédaction claire et précise de la clause 11 du bail sus visé que le locataire était redevable de l'indemnité de résiliation prévue que la résiliation résulte de la décision du bailleur ou 'dans les cas prévus par les dispositions légales ' excluant de facto une intervention du bailleur. De sorte que l'article 11 doit recevoir application en cas de résiliation selon les cas énumérés limitativement dont la résiliation consécutive à la décision d'un liquidateur dans les cas prévus par l'article L641-11-1 du code de commerce.

Il convient de débouter Madame [Y] de sa demande à ce titre.

Madame [Y] s'oppose au quantum de cette somme en estimant qu'elle s'agit d'une clause pénale excessive qui doit être réduite, argument auquel s'oppose la société Sogelease en arguant qu'elle vise à réparer de façon forfaitaire le préjudice effectivement subi par le bailleur du fait de la résiliation anticipée de la convention, le privant de la contrepartie attendue de son engagement.

La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution. Elle est aussi «la compensation des dommages-intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale » Elle est stipulée à la fois comme moyen de contraindre le débiteur à l'exécution de ses obligations et comme évaluation forfaitaire et conventionnelle du préjudice futur du crédit-bailleur en cas d'inexécution de la convention.

L'indemnité de résiliation prévue au contrat de location du matériel, composée des loyers restant à courir, constitue une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice résultant pour le bailleur de l'inexécution et qui s'applique du seul fait de celle-ci, En raison de son caractère forfaitaire et de son but comminatoire, elle doit s'analyser en une clause pénale susceptible de modération.

En application des dispositions de l'article 1152 du code civil, le juge peut réviser le montant de la clause pénale s'il est manifestement excessif, cette disproportion s'apprécie au jour où le juge statue au regard du préjudice subi par le bénéficiaire de la clause.

En l'espèce, le contrat conclu le 19 juillet 2010 pour une durée de 60 mois (5 ans) et des loyers mensuels de 4 413,92euros a été résilié le 2 mai 2013. Le matériel avait été acquis par la société Sogelease auprès du fournisseur le 7 septembre 2010 pour une somme de 246 622 euros et elle

devait percevoir la somme de 264 835euros. Elle a perçu ou va percevoir au titre des loyers payés ou échus la somme de 145 659,36 euros. La perte subie est de 100 962,64euros d'où il convient de déduire le prix de revente du matériel de 53 888euros soit un préjudice évalué à

42 074,64euros.

L'indemnité de résiliation fixée au montant égal aux loyers restant à échoir est disproportionnée au regard du préjudice effectivement subi par le crédit bailleur, les conditions financières du contrat établies en tenant compte de la valeur vénale des biens et d'un taux d'intérêt permettent au bailleur d'amortir le coût financier de l'opération sur la durée de l'opération. Monsieur [H] ayant réglé pendant plus de deux ans les loyers, la clause d'indemnisation, en ce y compris la clause de 10 %, doit être réduite à la somme de 42 074,64euros à laquelle s'ajoute la créance de loyers échus et impayés réclamée par la société Sogelease soit la somme de 54 700,83 euros.

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Madame [Y] invoque les dispositions des articles L341-1 et L 341- 6 du code de commerce pour solliciter la déchéance du droit aux intérêts pour défaut d'information.

Toutefois, s'agissant d'un contrat de crédit bail, la société Sogelease ne réclame pas d'intérêt à un taux contractuel, mais uniquement des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, les dispositions légales sus visées n'ayant pas vocation à s'appliquer aux crédits baux.

Sur le devoir de mise en garde :

Madame [Y] sollicite l'octroi de dommages et intérêts pour l'indemniser du préjudice découlant du défaut de mise en garde par la société Sogelease

La Sogelease est tenue, au moment de la souscription du contrat litigieux, d'un devoir, non pas de conseil, mais uniquement de mise en garde, qu'à la double condition que son cocontractant soit une personne non avertie et qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du crédit bail.

S'il appartient, à la société Sogelease de prouver qu'elle a rempli son devoir de mise en garde, il faut cependant que la caution établisse au préalable qu'à l'époque de la souscription du crédit bail litigieux, la situation financière de l'emprunteur justifiait l'accomplissement d'un tel devoir, et donc du risque d'endettement né de l'octroi du crédit bail.

En l'espèce, la qualité d'emprunteur non averti de Madame [Y] n'est pas contestable, au regard de son absence d'activité professionnelle ou de formation dans le domaine de la gestion d'une société ou toute activité à caractère économique.

En revanche, Monsieur [H] exerçait son activité professionnelle depuis 10 ans. De sorte qu'il était un dirigeant expérimenté connaissant bien son entreprise ainsi que ses facultés de remboursement.

Il était donc un emprunteur averti, disposant d'une expérience en matière économique lui permettant d'apprécier la pertinence du crédit bail, comme la capacité de son entreprise à générer des revenus nécessaires à son remboursement et de mesurer les risques attachés au contrat de crédit bail, opération dépourvue de tout élément de complexité. Aucun devoir de mise en garde n'est dû à son égard.

De surcroît, les échéances de loyer ont été réglées pendant 2 ans, démontrant que le bail était adapté à la situation financière de l'entreprise, étant au surplus observé que son redressement judiciaire prononcé le 1er octobre 2012 n'est intervenu deux ans après le bail. Il n'est dès lors pas démontré que la location litigieuse ait été inadaptée aux besoins et à la situation financière de l'entreprise, sachant que les prêts, dont il est fait état, arrivaient à échéance en 2011 pour deux d'entre eux et que le solde du capital dû pour le troisième était de 24 476,72euros et que l'activité professionnelle de Monsieur [H] présentait pour l'exercice clos au 31 décembre 2009 un solde bénéficiaire de 19 304euros.

Enfin, la lecture de l'acte de cautionnement signé par l'intéressée révèle qu'il comporte toutes les informations utiles sur la nature et la portée de ses engagements.

Il convient de débouter Madame [Y] de sa demande reconventionnelle.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Madame [Y], succombant, doit supporter les dépens de l'instance, sans qu'il soit nécessaire de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs la cour statuant par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement du 17 juin 2019 uniquement en ce qu'il a débouté Madame [Y] [R] épouse [H] de sa demande d'inopposabilité de l'acte de cautionnement,

Infirme pour le surplus :

Statuant à nouveau sur les points réformés :

Condamne Madame [Y] [R] épouse [H] à payer à la société Sogelease les sommes de :

42 074,64euros,

54 700,83 euros,

avec intérêt au taux légal à compter du 8 novembre 2013,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [Y] [R] épouse [H] aux entiers dépens y compris ceux de première instance .

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 19/11555
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;19.11555 ?
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