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23/03/2023 | FRANCE | N°18/07296

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 23 mars 2023, 18/07296


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 18/07296 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCLJ5







Compagnie d'assurances MONCEAU GENERALE ASSURANCES





C/



[P] [R]

[Z] [E]

SARL ETABLISSEMENTS LENFANT











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Eric TARLET



Me Laurent MARTIN









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 22 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/04231.





APPELANTE



Société MONCEAU GENERALE ASSURANCES

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Eric TARLET...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 18/07296 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCLJ5

Compagnie d'assurances MONCEAU GENERALE ASSURANCES

C/

[P] [R]

[Z] [E]

SARL ETABLISSEMENTS LENFANT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Eric TARLET

Me Laurent MARTIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 22 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/04231.

APPELANTE

Société MONCEAU GENERALE ASSURANCES

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Eric TARLET de la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Emeric DESNOIX de la SCP CABINET LEXLIGER, avocat au barreau de TOURS substituée à l'audience par Me Aurélie AUROUET-HIMEUR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [P] [R]

né le 16 Avril 1970 à usingen, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Laurent MARTIN de la SCP AIXCELSIOR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [Z] [E]

née le 31 Janvier 1972 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laurent MARTIN de la SCP AIXCELSIOR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SARL ETABLISSEMENTS LENFANT

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurent MARTIN de la SCP AIXCELSIOR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

Le 11 mars 2010, monsieur [P] [R] et madame [Z] [E] ont souscrit une police d'assurance multirisque habitation auprès de la SA MONCEAU GENERALE ASSURANCES.

Le 10 juin 2010, la SARL LENFANT dont le gérant est monsieur [R], a souscrit une police d'assurance automobile auprès de la SA MONCEAU GENERALE ASSURANCES pour un véhicule de marque Renault modèle Master immatriculé AS 032 MS.

Le 27 octobre 2014, monsieur [R] et madame [E] ont régularisé un avenant à leur contrat d'assurance multirisque habitation.

Le 16 décembre 2014, monsieur [P] [R] et madame [E] ont été victimes d'un vol avec arme et séquestration à leur domicile.

Le véhicule de la SARL Etablissements LENFANT de marque Renault modèle Master immatriculé AS 032 MS a été entièrement brûlé.

A l'intérieur, se trouvaient les quatre jantes et pneus été du véhicule de marque PORSCHE de monsieur [R].

Divers fonds et effets ont également été dérobés.

Monsieur [R] a déposé plainte auprès de la brigade de recherches de la gendarmerie de [Localité 4].

Monsieur [R] a effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES. Cette dernière a mandaté un expert, qui dans son rapport en date du 16 Février 2015 a estimé la valeur de remplacement du véhicule à la somme de 7604 euros HT. Les assurés se sont opposés à cette proposition d'indemnisation.

Par ordonnance de référé en date du 15 Mars 2016, la société MONCEAU GENERALE ASSURANCES a été condamnée à verser à la SARL LENFANT la somme de 7604,00 euros HT à titre de provision à valoir sur l'indemnisation due au titre du coût de remplacement du véhicule Renault Master incendié, a ordonné une expertise du véhicule Renault Master et dit n'y avoir lieu à référé au surplus.

Par acte d'huissier de justice en date du 9 Juin 2016, monsieur [R], madame [E] et la SARL LENFANT ont fait citer devant le Tribunal de Grande Instance d'Aix en Provence la SA MONCEAU GENERALE ASSURANCES aux fins de la voir condamner au visa de l'article 1124 et suivants du Code civil à lui verser la somme de 121.887,84 euros au titre des dommages subis du fait du vol dont ils auraient été victimes.

Par jugement en date du 22 mars 2018, le Tribunal de Grande instance d'Aix-en-Provence a :

DIT n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente du rapport TRACFIN ;

DÉBOUTE la SARL LENFANT de ses demandes afférentes à la recette du jour, au coût de remplacement des verrous et de la pompe de coffre ainsi qu'aux factures de location d'un véhicule de remplacement ;

CONDAMNE la MONCEAU GENERALE ASSURANCES à verser aux consorts [R]/[E] la somme de 88.590,00 euros au titre des bijoux dérobés

CONDAMNE-la SA MONCEAU GENERALE ASSURANCES à verser aux consorts [R]/[E] la somme de 20.473,00 euros au titre des Napoléons en or dérobés ;

DÉBOUTE les [R]/[E] de leur demande d'indemnisation des jantes et pneus du véhicule PORSCHE

DÉBOUTE les consorts [R]/[E] de leur demande d'indemnisation du système de télésurveillance ;

CONDAMNE la SA MONCEAU GENERALE ASSURANCES à verser aux consorts [R]/[E] la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

CONDAMNE la SA MONCEAU GENERALE ASSURANCES aux dépens

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 26 Avril 2018, la Compagnie d'assurances MONCEAU GENERALE ASSURANCES a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

DIT n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente du rapport TRACFIN ;

CONDAMNE la SA MONCEAU GENERALE ASSURANCES à verser aux consorts [R]/[E] la somme de 88.590,00 euros au titre des bijoux dérobés ;

CONDAMNE la SA MONCEAU GENERALE ASSURANCES à verser aux consorts [R]/[E] la somme de 20.473,00 euros au titre des Napoléons en or dérobés ;

CONDAMNE la SA MONCEAU GENERALE ASSURANCES à verser aux consorts [R]/ [E] la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la SA MONCEAU GENERALE ASSURANCES aux dépens

Par conclusions du 7 Décembre 2022 la société MONCEAU GENERAL ASSURANCES sollicite voir :

A TITRE LIMINAIRE

PRONONCER LA NULLITE DU JUGEMENT ENTREPRIS pour défaut de motivation

A TITRE PRINCIPAL

INFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS, sauf en ce qu'il a débouté la SARL LENFANT de ses demandes, fins et prétentions, ainsi que les Consorts [R] de leurs demandes d'indemnisation des jantes et pneus du véhicule PORSCHE et du système de télésurveillance

STATUANT A NOUVEAU

CONFIRMER la recevabilité, la régularité et le bien-fondé du refus de garantie opposé par la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES à :

Monsieur [P] [R] et madame [Z] [E] sur la base de la police d'assurance multirisques habitation souscrite auprès de la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES sous le numéro de contrat 1873385T/2

La Société ETABLISSEMENTS LENFANT sur la base de la police d'assurance automobile n° 4444468F/4 souscrite auprès de la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES pour un véhicule de marque RENAULT modèle MASTER immatriculé AS 032 MS

DÉBOUTER, en conséquence, monsieur [P] [R], madame [Z] [E] et la Société ETABLISSEMENTS LENFANT de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires aux présentes écritures

Elle expose concernant la police d'assurance multirisques habitation que selon une jurisprudence bien établi fondée sur les articles L561-1 et suivants du Code Monétaire et financier, une compagnie d'assurances peut être amenée à refuser légitimement la mobilisation d'une police en application des dispositions en matière de lutte contre le blanchiment, dès lors que l'assuré ne rapporte pas la preuve de l'origine des fonds ayant servi l'acquisition des biens dérobés.

Cette obligation de justifier de l'importance du dommage pesant sur l'assuré est par ailleurs prévue dans les conditions générales du contrat d'assurance signées par les époux [R] (article 7.10.1 et 7.11)

Or en l'espèce, les époux [R], après avoir fait l'objet de multiples relances de la part de la concluante sur les documents à lui fournir attestant de la valeur des biens dérobés, ainsi que de la provenance des fonds ayant servis à acquérir ces biens, n'ont JAMAIS apporté de preuves suffisamment sérieuses et détaillées permettant à la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES de leur accorder une garantie au titre du sinistre déclaré.

Concernant les bijoux : les consorts [R] versent aux débats certains justificatifs d'achat dont rien ne prouve qu'ils correspondent aux bijoux dérobés, et un rapport d'expertise en valeur agrée fait unilatéralement. Par ailleurs les bijoux ont pour la plupart été réglés en espèce dont les époux ne justifient pas la provenance

Concernant les Napoléons d'or : les époux [R] versent aux débats, des factures non précises et dont certaines sont libellés au nom de « ANONYME ».

Concernant les jantes et pneus du véhicule Porsche : l'indemnisation est plafonnée à 1000 euros par le contrat d'assurance

Concernant le remplacement du système de surveillance : il n'a pas été évoqué par Monsieur [R] aux forces de gendarmerie lorsqu'il a déposé plainte. Par ailleurs les consorts [R] fournissent la facture initiale d'installation en justificatif et non pas celle de remplacement.

Concernant la recette du jour : le contrat d'assurance AUTOMOBILE n'a pas vocation à couvrir les espèces professionnelles. Par ailleurs aucune pièce comptable certifiée et probante n'est versée à l'appui d'une telle réclamation.

Par ailleurs les époux [R] se plaignent également d'un « traumatisme émotionnel et physiques importants ». Or les époux ne rapportent pas la preuve qu'ils aient souscrit une police Accident de la vie privée et ne fournissent par ailleurs aucun élément pour justifier leurs préjudices corporels et psychiques.

Si la jurisprudence fondée sur les articles L561-1 et suivants du Code Monétaire et financier ainsi que les conditions générales du contrat d'assurance devaient être écartées, à titre subsidiairement est sollicitée l'application de l'exception d'inexécution sur le fondement de l'ancien article 1134 et 1184 du Code civil, à l'encontre de l'assuré qui ne communique pas à son assureur les documents lui permettant de se positionner sur l'indemnisation de ce dernier à la suite d'une déclaration de sinistre

Concernant la police d'assurance automobile, elle fait valoir que l'indemnité n'est due par l'assureur qu'à hauteur du préjudice conformément à l'article L. 121-1 du Code des assurances, lequel a été fixé à la somme 7.604 € HT. Aussi, la concluante a rigoureusement appliqué les termes des conditions générales et particulières du contrat d'assurance souscrit par la SARL LENFANT, si bien que toute autre demande formulée par cette dernière sera nécessairement jugée excessive et hors champs d'application des relations contractuelles liant les parties.

A TITRE SUBSIDIAIRE

CONCERNANT LES PRÉJUDICES DES CONSORTS [R], calculer l'indemnisation qui pourrait être due aux au bénéfice des Consorts [R] en application des dispositions contractuelles précitées et précisément en :

Appliquant un abattement de 50 % sur les biens entrant dans la catégorie « mobilier personnel » (effets d'une valeur inférieure à 500 €)

Appliquant un abattement de 50 % sur les biens entrant dans la catégorie « objets de valeur» (en l'espèce, une montre BREITLING laquelle constitue un objet d'horlogerie d'une valeur unitaire supérieure à 1.000 €)

Rejetant toutes demandes au sujet des biens entrant dans la catégorie « objets précieux » (effets de type précieux d'une valeur supérieure à 500 €)

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

CONCERNANT LES PRÉJUDICES DES CONSORTS [R], faire application du plafond de garantie contractuelle

LIMITER en conséquence les éventuelles condamnations à venir à la somme de 75.000€ au titre du « mobilier personnel dont objets précieux » tel que prévu aux conditions particulières et donc pour les bijoux et Napoléons en or volés et DÉBOUTER les Consorts [R] et la Société ETABLISSEMENTS LENFANT de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE

SOMMER monsieur [P] [R], madame [Z] [E] et la Société ETABLISSEMENTS LENFANT d'avoir à produire les justificatifs réclamés par le Compagnie MONCEAU ASSURANCES sur le fondement de l'obligation de bonne foi entre les parties et des dispositions contractuelles applicables entre elles

DÉBOUTER monsieur [P] [R], madame [Z] [E] et la Société ETABLISSEMENTS LENFANT de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires aux présentes

CONDAMNER monsieur [P] [R], madame [Z] [E] et la Société ETABLISSEMENTS LENFANT, solidairement ou l'un à défaut des autres, à verser à la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES la somme de 3.500€ sur le fondement des dispositions issues de l'article 700 du Code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'aux entiers dépens

CONDAMNER monsieur [P] [R], madame [Z] [E] et la Société ETABLISSEMENTS LENFANT, solidairement ou l'un à défaut des autres, à verser à la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions issues de l'article 700 du Code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance

Par conclusions du 9 août 2018 monsieur [P] [C] [R] et madame [Z] [E] et la société ETABLISSEMENTS LENFANT, intimés sollicitent voir :

A TITRE LIMINAIRE :

CONSTATER que le Jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE le 22 mars 2018 satisfait aux exigences de motivation telles qu'entendues par l'article 455 du Code de Procédure Civile ;

En conséquence :

DEBOUTER la Société MONCEAU GENERALE ASSURANCES de sa demande tendant à ce que la nullité dudit Jugement soit prononcée pour défaut de motivation

ET SUR LE FOND :

CONFIRMER le Jugement rendu le 22 mars 2018 par le Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en ce qu'il a :

dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente du rapport TRACFIN ;

condamné la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES à verser aux Consorts [R] / [E] la somme de 88.590 euros au titre des bijoux dérobés ;

condamné la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES à verser aux Consorts [R] / [E] la somme de 20.473 euros au titre des Napoléons en or dérobés

condamné la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES à verser aux

Consorts [R] / [E] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

ordonné l'exécution provisoire de Jugement ;

condamné la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES aux dépens

ET :

CONSTATER que les Consorts [R] / [E] ont produit, au moyen des 102 pièces communiquées aux débats, l'ensemble des justificatifs de nature à fonder leur droit à indemnisation et attestant :

tant de la présence et de la propriété des valeurs et effets dérobés ;

que de la valeur de ces valeurs et effets dérobés ;

ainsi que de la provenance et de la légalité des fonds (en espèces notamment, ayant permis l'acquisition dedits valeurs et effets par la démonstration de leur train de vie ;

En conséquence :

DEBOUTER la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence :

CONDAMNER la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES au paiement de la somme de :

6.333,56 euros correspondant au coût de remplacement des jantes et des pneus brulés du véhicule PORSCHE modèle Cayenne de Monsieur [R] ;

88.590 euros correspondant à la valeur des effets dérobés à monsieur [R] et madame [E] ;

1.372,80 euros correspondant au coût de remplacement des verrous de la S.A.R.L. ETABLISSEMENT LENFANT et de la pompe de coffre ;

2.506,80 euros correspondant au coût de remplacement du système de surveillance du domicile ;

2.083.68 euros correspondant à la recette du jour de la S.A.R.L. ETABLISSEMENTS LENFANT ;

528 euros au titre du solde des factures de la location du véhicule de remplacement ;

20.473 euros correspondant au coût des Napoléons dérobés ;

CONDAMNER la Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que des entiers dépens.

En réponse à la Société MONCEAU GENERALE ASSURANCES qui soutient qu'ils n'ont jamais fourni les justificatifs d'achats et d'origine des fonds dont ils réclamaient l'indemnisation, les époux [R] avancent que la société de monsieur [R] est en excellente santé financière ce qui justifie le train de vie du ménage.

Le paiement de nombreux achats en espèce est justifié par les dépôts d'espèces ainsi que les relevés de compte des époux, ainsi que par le fait que la plupart des acquisitions ont été faites à l'étranger à l'occasion de déplacements professionnels.

Par ailleurs les Consorts [R] / [E] ont produit, au moyen des 102 pièces communiquées aux débats, l'ensemble des justificatifs de nature à fonder leur droit à indemnisation et attestant de la réalité de leur préjudice.

L'affaire a été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 Décembre 2022 et fixée à l'audience des plaidoiries du 17 janvier 2023 à laquelle elle a été retenue.

MOTIVATION

*Sur la nullité du jugement :

La Compagnie MONCEAU GENERALE ASSURANCES fait valoir que le Tribunal de première instance l'a condamné à verser aux époux [R] les sommes de 88 590 euros au titre des bijoux dérobés et 20 473 euros s'agissant des Napoléons en OR en indiquant que la police d'assurance n°1873385 T/2 était applicable en cas d'espèce. Or cette seule indication ne saurait constituer une motivation au sens de l'article 455 du Code de procédure civile, dans un dossier nécessitant l'examen de la mise en jeu d'une garantie contractuelle.

Le tribunal se réfère à la police applicable au titre de la garantie multirisque habitation visée dans ses propres écritures de première instance de mai 2017 par l'assureur où il indique « c'est donc bien la police d'assurance n°1873385 T/2 » et dans ses écritures produites devant la Cour d'appel;

Ensuite le juge de première instance mentionne dans le paragraphe suivant les effets mobiliers pour lesquels l'indemnisation est retenue en précisant s'agissant des bijoux se référer à une expertise réalisée en 2014 par un expert ayant déjà procédé à une évaluation en 2008 et concernant les Napoléons Or aux factures produites bien que les paiements aient été effectués en espèces.

Il précise que la situation patrimoniale de monsieur [R] lui permet d'avoir un train de vie très confortable visant le chiffre d'affaire de l'entreprise qu'il dirige.

La décision est ainsi suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

*sur la demande de sursis à statuer de l'assureur :

La déclaration effectuée auprès de TRACFIN par l'assureur en 2016 ne justifie pas à elle seule de prononcer un sursis à statuer en 2023 et alors que cet organisme saisit s'il y a lieu le Procureur de la République compétent.

*Sur les demandes de monsieur [R] et madame [E]

-concernant les bijoux et les objets de valeurs

L'assureur se prévaut des dispositions des articles L561-1 et suivants du code monétaire et financier pour opposer le refus de garantie motif pris de l'insuffisance de justification des fonds ayant servi à l'acquisition des biens.

Il se réfère également à la prohibition des paiements en espèces à partir d'un certain montant de transaction prévue par les dispositions des articles L112-6, D112-3 du code monétaire et financier.

Ces textes ont été modifiés à plusieurs reprises.

Les versions applicables à la date de la clôture des débats résultent d'une loi du 11 décembre 2016 et d'un décret du 18 avril 2018 ;

Jusqu'au 1er septembre 2015, le plafond des paiements en espèces était fixé à 3000€

Ensuite, il est produit l'avis d'imposition des revenus fonciers et totaux des intimés pour les années 2010 (24504 et 48 868) , 2012 (26 657 et 139 799) et 2013 (33 974 et 109 779) , des justificatifs de perceptions d'espèces dans le cadre de l'activité des établissements LENFANT et des revenus fonciers ( loyers différentiels CAF) qui sont de nature à établir des revenus permettant aux intimés d'acquérir ces biens et l'origine des espèces.

Ces éléments sont corroborés par les déclarations de monsieur [R] lors de son audition par les gendarmes dans le cadre de l'enquête dont a fait l'objet le vol avec violences.

Par voie de conséquence, l'assureur n'établit pas que les acquisitions de napoléons Or auprès de la SA IDSUD dont les factures d'achat mentionnent expressément la qualité de la marchandise vendue et un montant inférieur au montant du paiement en espèces maximum autorisé peuvent justifier un refus de garantie au visa des article L561-1 et suivants du code monétaire et financier.

En ce qui concerne les bijoux et les montres, les intimés se prévalent d'un rapport d'expertise de monsieur [Y] [T], notamment expert auprès de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence qui évalue la valeur des bijoux dérobés à la somme de 84 990€ et celle des montres à 3600€.

Cette expertise en date d'avril 2014 réalisée afin de mettre à jour les capitaux assurés est antérieure de plusieurs mois au vol avec violences commis chez monsieur [R] et madame [E] et est en cohérence quant à la description des effets volés avec la liste des objets volés fournie aux enquêteurs.

S'agissant des diamants dont l'assureur invoque que leur importation régulière en France n'est pas établie, ils ne figurent pas sur la liste établie par monsieur [Y] [T], expert auprès de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence évaluant la valeur des bijoux dérobés à la somme de 84 990€.

De plus, le simple fait de ne pas produire de facture d'achat pour des acquisitions de bijoux inférieurs à mille euros et/ou parfois ancienne est insuffisant à établir la mauvaise foi de l'assuré, ces documents pouvant avoir été égarés, dès lors qu'il est justifié que le train de vie de l'assuré lui permettait de telles acquisitions.

Par voie de conséquence, l'assureur n'établit pas que les acquisitions de bijoux dont les factures d'un montant inférieur au montant du paiement en espèces maximum autorisé peuvent justifier un refus de garantie au visa des article L561-1 et suivants du code monétaire et financier.

Enfin, l'assureur a saisi le service TRACFIN en 2016 d'un signalement et il n'est pas justifié de suites données.

Les conditions du contrat d'assurance n°1873385T/2 multirisque habitation ayant pris effet le 22 octobre 2014 garantissent le vol et le vandalisme par effraction, escalade, par introductions clandestines, par forcément des serrures ou fausses clés, par l'usage des propres clés de l'assuré lorsqu'elles lui ont été volées, avec violences.

Le contrat précise que les conditions d'assurance spécifiques supposent que le souscripteur installe une alarme avec vidéo et appel sur portable et que celle-ci soit mise en 'uvre lorsqu'il est absent du domicile.

La société d'assurance est autorisée à faire vérifier à tout instant la conformité de l'installation par la personne déléguée de son choix.

Lorsque le sinistre est dû à l'inutilisation de l'un de ces moyens de fermeture et de protection, la sanction est la perte du droit à indemnisation à hauteur de 50%.

La garantie reste acquise lorsque l'introduction n'est pas en relation avec l'inutilisation des moyens de fermeture et de protection.

Il ressort de la déclaration faite par monsieur [R] à la gendarmerie le 17 décembre 2014 que le jour des faits alors qu'il rentrait à son domicile il a été intercepté sur la route par des individus, conduit à son domicile sous la menace et que lorsqu'ils ont pénétré dans la maison son épouse et ses enfants étaient présents ; selon monsieur [R] , les auteurs ont été surpris par la présence des caméras de surveillance ; lorsqu'ils ont quitté les lieux ils l'ont amené avec eux puis relâché.

Au vu des circonstances du vol avec violences, l'assureur ne démontre pas que les conditions de l'indemnisation ne soient pas acquises.

En revanche, c'est à juste titre que l'assureur indique que les conditions particulières de la police d'assurance prévoient que le montant garanti dans le cadre du sinistre « vol et vandalisme » comporte un plafond.

Si l'on se réfère à la première page des conditions particulières l'indemnisation est limitée à 80.000 euros.

Il ne peut donc être alloué aux intimés une somme supérieure.

De plus page 53, le paragraphe relatif au vol et vandalisme mentionne que le mobilier personnel est indemnisé à concurrence du montant indiqué aux conditions particulières dont objets de valeur et objets précieux 50% avec un maximum de 20% sur objets précieux.

Par voie de conséquence l'assureur est redevable de la somme de 16 000 euros au titre des objets précieux (bijoux d'une valeur supérieur à 500€ dans la limite du plafond de 20%), de la somme de 2000 € au titre des objets de valeur (montre Breitling), de la somme de 20 473 euros au titre des Napoléons et de la somme de 9924,18 euros au titre des objets mobiliers d'une valeur inférieur ou égale à 500€.

Il est ainsi dû hors la valeur des Napoléons Or la somme de 27924,18 euros.

-Sur les jantes et pneus Porsche

C'est à juste titre que le juge de première instance retient comme l'assureur que le contrat d'assurance du véhicule RENAULT dans lequel étaient transportés les pneus et jantes du véhicule Porsche prévoit un double plafonds d'indemnisation 1000€ s'agissant des effets personnels et 3000€ s'agissant des marchandises.

L'assureur produit la quittance du versement de cette somme aux intimés.

Par voie de conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.

-Sur le remplacement du dispositif de télésurveillance :

La présence de ce dispositif est une des conditions du contrat d'assurance multirisques 'Habitation qui n'a pas joué en l'espèce compte tenu des circonstances du vol avec violences.

Toutefois, il appartient à monsieur [R] et madame [E] de justifier de ce préjudice par une facture d'acquisition du système d'alarme mise en place au moment des faits.

Or ils versent aux débats non la facture initiale correspondant au système d'alarme installé au moment du vol mais un document en date du 17 décembre 2014, intitulé facture sans adresse précise du client, sans référence à un bon de commande précis, dépourvu de tout délai de livraison, de tout cachet d'entreprise malgré la durée de la procédure.

Par voie de conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a débouté les intimés de cette demande.

*Sur les demandes de la SARL LENFANT

La police d'assurance automobile n°4444468F/4 portant sur le véhicule Renault appartenant à la société LENFANT garantit le vol avec franchise

La recette du jour

Le premier juge a rejeté cette demande indiquant que le contrat d'assurance automobile n'a pas vocation à garantir des espèces professionnelles et qu'il n'est produit aucune pièce comptable certifiée et probante à l'appui.

En fait la SARL LENFANT ne produit toujours pas de pièce comptable de nature à certifier le montant de la recette du jour.

Par voie de conséquence la décision du premier juge sera confirmée de ce chef

Le vol des clés de la société et du coffre

L'assurée demande le remboursement de frais de remplacement des verrous et de la pompe du coffre suite au vol de clés.

La facture produite d'un montant de 784€ de la SARL AZUR ALARME ne comporte pas de cachet d'entreprise et mention de son paiement.

S'il est produit une facture Descamps Protection du 26 janvier 2015 d'un montant de 588 euros pour le remplacement d'une pompe monopole de coffre fichet bauche livré avec 2 clés mentionnant le paiement, il n'est pas justifié que le vol de ces clés ait été mentionné sur la déclaration de sinistre.

C'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté cette demande.

-Les factures de location de véhicule :

La convention d'assistance à l'assuré prévoit en son article 10-3 que Monceau Assistance met à la disposition de l'assuré un véhicule de remplacement pour une durée maximale de trente jours consécutifs en cas de vol

Le fait que l'assureur ait dérogé à la condition de non séquençage du prêt de véhicule, n'en fait pas un droit acquis pour le bénéficiaire.

Par voie de conséquence, c'est de manière fondée que le premier juge a rejeté la demande en paiement de la somme de 528€ au titre de factures supplémentaires de location

*Sur les autres demandes

Le premier juge qui a alloué la somme de 2500 euros aux intimés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la société MONCEAU ASSURANCES, partie perdante, aux dépens a fait une application de la loi sur laquelle il n'y a pas lieu de revenir.

En ce qui concerne la procédure d'appel, la société MONCEAU ASSURANCES a obtenu la réduction des sommes allouées par le premier juge du fait d'une application erronée des clauses du contrat d'assurance mais reste redevable de son assuré à l'issue du litige

Par voie de conséquence, les dépens seront à la charge des intimés mais l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'appelante.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,  

 

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 22 mars 2018 en ce qu'il condamne la société MONCEAU ASSURANCES à verser aux consorts [R]/[E] la somme de 88 590 euros au titre des bijoux dérobés.

Statuant à nouveau de ce chef

Condamne la société MONCEAU ASSURANCES à verser monsieur [P] [R] et madame [Z] [E] la somme de 27924,18 euros au titre des objets précieux, objet de valeur et objets mobiliers dérobés.

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 22 mars 2018 pour le surplus,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

CONDAMNE monsieur [P] [R] et madame [Z] [E] aux entiers dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/07296
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;18.07296 ?
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