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21/03/2023 | FRANCE | N°19/14713

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 21 mars 2023, 19/14713


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2023



N° 2023/ 114













Rôle N° RG 19/14713 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE44I







[W] [I]

[R] [I]





C/



Société CARLTON DANUBE [Localité 6]

Société INTERCONTINENTAL HOTEL GROUP (HG)





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-marc FARNETI


Me Françoise ASSUS-JUTTNER













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 06 Mai 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/03306.





APPELANTS



Madame [W] [I]

née le 29 Juillet 1971 à [Localité 7]

de nationalité...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2023

N° 2023/ 114

Rôle N° RG 19/14713 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE44I

[W] [I]

[R] [I]

C/

Société CARLTON DANUBE [Localité 6]

Société INTERCONTINENTAL HOTEL GROUP (HG)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-marc FARNETI

Me Françoise ASSUS-JUTTNER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 06 Mai 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/03306.

APPELANTS

Madame [W] [I]

née le 29 Juillet 1971 à [Localité 7]

de nationalité Britannique, demeurant [Adresse 4]

Monsieur [R] [I]

né le 08 Novembre 1941 à [Localité 5] (INDE)

de nationalité Britannique, demeurant [Adresse 1]

Tous deux représentés par Me Jean-marc FARNETI, avocat au barreau de GRASSE et ayant pour avocat Me Jean-Jacques TRINQUET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

Société CARLTON DANUBE [Localité 6] prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège,

demeurant [Adresse 3]

Société INTERCONTINENTAL HOTEL GROUP (HG) prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

Toute deux représentées par Me Françoise ASSUS-JUTTNER de la SCP ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de NICE, et ayant pour avocat plaidant Me Firas RABHI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Benjamin CHARLIER, avocat au barreau de NICE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Février 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme DEMONT, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2023,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Du 14 au 18 mai 2014, M. [R] [I] et sa fille [W] [I] ont séjourné à l'hôtel Carlton à [Localité 6], occupant les chambres 651 et 636, avant d'être installés l'après-midi même de leur arrivée dans les chambres 760 et 762, transformées en suite.

Le 14 mai 2014 en fin de soirée, Mme [W] [I] a constaté la disparition de plusieurs bijoux d'une valeur totale de 1'200'000 €.

Une plainte a été déposée pour vol et une enquête pénale a été diligentée.

Les bijoux ont été retrouvés le 20 mai 2014 dans le coffre de la chambre 636 précédemment occupée par M. [R] [I] lequel était reparti à [Localité 7] avec sa fille le 18 mai .

Par exploits des 12 et 13 mai 2016, M. [R] [I] et sa fille [W] [I] ont assigné la

société Carlton Danube [Localité 6] et la société Intercontinental hotels group pour manquement à l'obligation d'assurer la sécurité de leurs biens, aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 50'000 € à titre de dommages-intérêts

Par jugement en date du 6 mai 2019 le tribunal de grande instance de Grasse a déclaré irrecevable la demande de nullité de l'assignation, faute d'avoir été soulevée devant le juge de la mise en état, débouté les consorts [I] de toutes leurs demandes, et les a condamnés à payer à la société Carlton Danube [Localité 6] et à la société Intercontinental hotels group, la somme de 2 000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le 19 septembre 2019, M. [R] [I] et sa fille [W] [I] ont relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 18 décembre 2019, ils demandent à la cour, au visa des articles 1382 et 1952 du code civil, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en nullité de leur assignation, l'infirmant pour le surplus, de condamner solidairement les sociétés intimées à leur payer la somme de 50'000 €, au titre de leur préjudice moral et d'agrément et la somme de 12'500 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions du 16 mars 2020, la société Carlton Danube [Localité 6] et la société Intercontinental hotels group demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter les appelants de toutes leurs demandes, et de les condamner à leur payer la somme de 5000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

Attendu que les appelants font valoir au soutien de leur appel que les bijoux de la chambre 651 ont été déplacés le 14 mai 2014 en milieu d'après-midi et placés dans le coffre de la chambre 762 de la suite qui leur avait été attribuée et les bijoux qui étaient dans le coffre de la chambre 636 ont été transférés dans le coffre de la chambre 760 de la suite ; que les consorts [I] se sont aperçus qu'il manquait certains bijoux d'une valeur de plus de 1,2 millions USD, dont certains avaient une forte valeur affective, ayant appartenu à la mère décédée de Mme [I] ; que la direction de l'hôtel a été informée et un dépôt de plainte a été effectué le 17 mai 2014 pour le vol des bijoux intervenu soit au cours du 'délogement' réalisé avec l'aide du personnel de l'hôtel, soit ultérieurement dans le coffre de la chambre 760 de la suite ; qu'ils ont subi les soupçons vexatoires de l'hôtelier ; que le 18 mai 2014, ils sont repartis pour [Localité 7], après avoir acquitté une facture d'un montant de plus de 40'000 € pour leur séjour ; que tous les bijoux, y compris une bague, dont ils n'avaient pas déclaré le vol ont subitement réapparu le 20 mai en milieu de journée, les deux étuis contenant les bijoux ayant été retrouvés dans le coffre de la chambre 636 qui était initialement occupée par M. [I] à leur arrivée à l'hôtel ; que la femme de chambre les a retrouvés en faisant la chambre alors que celle-ci avait été relouée deux fois depuis le début du relogement de M. [I] ; et que l'hôtel a manqué à ses obligations d'assurer une jouissance paisible, et de surveiller les effets des clients ;

Attendu que l'hôtelier répond qu'il doit être démontré un manquement contractuel de sa part, l'existence d'un préjudice et le lien de causalité ; que le prétendu vol n'a pu être commis pendant le transfert des bijoux qui a été opéré par les clients eux-mêmes, et qu'il a donc été commis directement dans le coffre de la chambre n°760 ; que l'hôtel décline par affichette toute responsabilité des objets et valeurs laissées dans les chambres ou dans le coffre de la chambre ; et que le préjudice d'agrément et moral prétendu ne peut être évalué forfaitairement, alors même que Mme [I] a pu récupérer tous les bijoux et que les appelants n'ont subi aucun préjudice ;

Mais attendu que les articles 1952 et 1953 du code civil instituent une responsabilité de plein droit de l'hôtelier pour le vol des objets et effets personnels appartenant aux clients commis dans ses chambres d'hôtel ; qu'il s'agit d'une responsabilité sans faute, mais plafonnée à 100 fois le prix de la chambre jour, sauf si la victime démontre l'existence d'une faute de l'hôtelier, auquel cas, la responsabilité de ce dernier est alors illimitée ;

Attendu qu'étant d'ordre public l'hôtelier ne peut la décliner, sauf à démontrer l'existence d'une faute de la victime, laquelle en l'espèce n'est ni alléguée et ni, a fortiori démontrée ;

Attendu que la première audition de la femme de chambre de l'hôtel, Mme [E], le 22 mai 2014 établit que le coffre de la chambre 636 était vide le 19 mai 2014, là où elle a découvert les bijoux le lendemain 20 mai 2014 dans le coffre ouvert ;

Que ce témoignage, émanant de la préposée même des sociétés intimées, est corroboré par les déclarations de Mme [H], une cliente qui a séjourné dans la chambre 636, faisant suite à un autre client, dans la nuit du 18 au 19 mai 2014, laquelle a entreposé son porte-monnaie dans le coffre de cette chambre où elle certifie que ne se trouvaient pas les bijoux (ni dans le coffre ni au-dessus), qui y furent retrouvés le 20 mai 2014 suivant ;

Attendu qu'il est donc établi par ces témoignages, et les déclarations circonstanciées qui avaient déjà été faites par M. [I] et sa fille, que les bijoux n'étaient plus dans la chambre initiale 636, ni la chambre adjacente 651, lorsqu'ils ont déménagé pour la suite, et ce d'autant qu'entre deux clients les chambres sont faites, et surtout que les coffres sont systématiquement ouverts et leur absence de contenu, vérifié ;

Attendu qu'ayant disparu le 14 mai 2014, puis subitement réapparu le 20 mai 2014, dans la chambre 636, là où ils n'étaient plus, les bijoux ont été nécessairement dérobés entre-temps, leur restitution, imputable à un repentir tardif, soit spontané soit provoqué, étant inopérante à l'égard du délit de vol qui est constitué, contrairement à ce que soutient l'hôtelier ;

Attendu que la responsabilité de celui-ci est dès lors engagée, en application des textes susvisés ;

Attendu qu'entre-temps les clients ont subi les désagréments d'un dépôt de plainte ; qu'ils ont été privés des bijoux destinés à être portés par Mme [I] à l'occasion du festival de [Localité 6] et que ces clients sont repartis à [Localité 7], persuadés d'avoir définitivement perdu les bijoux volés ;

Que s'ils n'ont subi en définitive aucun préjudice matériel et financier, les consorts [I] ont souffert d'un préjudice d'agrément et moral qui sera entièrement réparé par la condamnation de l'hôtelier à leur verser la somme de 12 000 €, à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que le jugement qui a rejeté toutes leurs demandes sera donc reformé en ce sens ;

Attendu que l'hôtelier succombant devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, et verser en équité la somme de 4 000 € aux appelants, au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en première instance et en cause d'appel, ne pouvant lui-même prétendre au bénéfice de ce texte ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau et ajoutant

Vu les articles 1952 et 1953 du code civil,

Condamne in solidum la SNC Carlton Danube [Localité 6] et la société Intercontinental hotels group à payer à M. [R] [I] et à Mme [W] [I], ensemble, la somme de 12'000 €, à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues,

Condamne in solidum la SNC Carlton Danube [Localité 6] et la société Intercontinental hotels group à payer à M. [R] [I] et à Mme [W] [I], ensemble, la somme de 4 000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 19/14713
Date de la décision : 21/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-21;19.14713 ?
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