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17/03/2023 | FRANCE | N°19/16338

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 17 mars 2023, 19/16338


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 17 MARS 2023



N° 2023/100



Rôle N° RG 19/16338 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFBXD







[S] [M]





C/





SAS MESSIKA GROUP









Copie exécutoire délivrée le :



17 MARS 2023



à :



Me Anouck ARAGONES-BENCHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 14 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/02512.





APPELANTE



Madame [S] [M], demeurant [Ad...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 17 MARS 2023

N° 2023/100

Rôle N° RG 19/16338 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFBXD

[S] [M]

C/

SAS MESSIKA GROUP

Copie exécutoire délivrée le :

17 MARS 2023

à :

Me Anouck ARAGONES-BENCHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 14 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/02512.

APPELANTE

Madame [S] [M], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Anouck ARAGONES-BENCHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS MESSIKA GROUP, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [S] [M] a été engagée par la SAS MESSIKA GROUP suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (104 heures mensuelles) du 29 septembre 2016 - à effet du 21 octobre 2016 - en qualité de conseillère de vente, niveau III, échelon 2, de la convention collective de la bijouterie-joaillerie-orfèvrerie. Madame [M] a été affectée sur le site du magasin Printemps-les [Adresse 4] à [Localité 3].

Par courrier du 29 août 2018, Madame [M] a été convoquée à un entretien préalable et mise à pied à titre conservatoire. Madame [M] a été licenciée pour une cause réelle et sérieuse par courrier du 19 septembre 2018, pour le motif suivant :

'Nous faisons suite à notre entretien préalable du 14 septembre dernier et avons le regret de vous informer que nous avons pris la décision de vous licencier pour les motifs suivants :

Comportement inapproprié sur votre lieu de travail caractérisé par une attitude agressive et injurieuse à l'égard de vos collègues.

Vous avez été embauchée par notre société le 21/10/2016 en qualité de conseillère de vente et vous étiez affectée à notre point de vente situé au Printemps - [Adresse 4].

Vous êtes notre unique conseillère de vente sur ce corner; vous êtes donc amenée à travailler directement avec le personnel du Printemps.

La direction du Printemps nous a informés par courriers qu'à plusieurs reprises, vous avez eu une attitude inacceptable sur la surface de vente.

Elle nous a précisé que le 9 juillet 2018 et le 20 juillet 2018, vous avez été à l'origine d'altercations avec des conseillères de vente du Printemps.

Vous n'avez pas hésité à faire preuve d'agressivité devant des clients, ce qui a provoqué une gêne chez ces derniers.

L'un d'eux a même demandé à la Responsable luxe du Printemps s'il y avait un règlement de compte au Printemps.

C'est à la suite de cette remarque que Madame [V] [R] vous a demandé de baisser le ton.

Un tel comportement est inacceptable et nuit fortement à l'image de notre marque.

En outre, il a été porté à notre connaissance, qu'en plus de faire preuve d'agressivité, vos propos sont injurieux et grossiers à l'égard de vos collègues et à l'égard du Printemps.

Pour exemple, les propos rapportés ont été les suivants « Cette grosse conne de [A] » et « en plus cette conne de [R] qui l'écoute » ... Ou encore « De toute façon Printemps Joaillier j'en ai rien à foutre je leur chie à la gueule ma maison me protège ».

La Direction du Printemps nous indique que par votre comportement, vous avez instauré un véritable climat délétère sur le point de vente joaillerie.

La Direction du Printemps nous indique qu'elle ne souhaite plus votre présence au sein de son établissement.

C'est donc dans ce contexte que nous vous avons convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement et nous vous avons notifiée une mise à pied à titre conservatoire.

Lors de l'entretien qui s'est tenu le 14 septembre 2018, auquel vous étiez assistée, nous vous avons exposé les raison pour lesquelles nous envisagions de procéder à votre licenciement.

Vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Compte tenu de ce qui précède, nous vous notifions donc par la présente votre licenciement.

Nous vous précisons que nous avons envisagé dans un premier temps de vous licencier pour faute grave, privative de votre indemnité de licenciement, de votre indemnité de préavis et de votre salaire durant la période de mise à pied conservatoire du 29/08/2018 à ce jour.

Après réflexion et compte tenu de votre situation, nous avons pris la décision de vous licencier pour cause réelle et sérieuse.

Vous percevez donc les indemnité de licenciement et de préavis et la période de mise à pied conservatoire vous sera rémunérée'.

Contestant son licenciement et sollicitant la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, Madame [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille, lequel, par jugement du 14 octobre 2019, a :

- confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse.

- débouté Madame [M] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires formulées au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- débouté Madame [M] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires formulées au titre de la requalification de son contrat de travail à temps partiel à temps plein.

- débouté Madame [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté la SAS MESSIKA GROUP de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties.

Madame [M] a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 13 janvier 2020, elle demande à la cour de :

- dire et juger le licenciement de Madame [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- condamner la SAS MESSIKA GROUP au paiement de la somme de 9.490 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En outre,

- requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet.

- condamner la défenderesse au versement de la somme de la somme de 17.601 € à titre de rappel de salaire pour la période d'octobre 2016 à octobre 2018 et la somme de 1.760 € au titre des congés payés afférents.

- la condamner au versement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2020, la SAS MESSIKA GROUP demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 14 octobre 2019.

- en conséquence, dire et juger que le licenciement de Madame [M] repose sur une cause réelle et sérieuse.

- dire et juger que Madame [M] ne démontre pas avoir été contrainte de se tenir constamment à la disposition de la SAS MESSIKA GROUP.

- en conséquence, débouter Madame [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- condamner Madame [M] à régler à la SAS MESSIKA GROUP la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Madame [M] aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet

Madame [M] fait valoir que le contrat de travail ne précise pas la répartition des horaires pour chacune des périodes hebdomadaires mentionnées, ni les jours travaillés, ni le délai de communication du planning ; que l'employeur a constamment communiqué tardivement les plannings, parfois même la veille pour le lendemain ; qu'elle n'a jamais été mise en mesure de prévoir ses journées de travail de telle sorte qu'elle se tenait à la disposition de la société MESSIKA et n'avait pas la possibilité de travailler pour un autre employeur dans la mesure où ses plannings changeaient mois sur mois ; qu'elle a toujours effectué des heures complémentaires ; qu'elle invoque l'article 32 de la convention collective.

La SAS MESSIKA GROUP réplique que le contrat de travail de Madame [M] est parfaitement conforme aux dispositions légales puisqu'il prévoit, notamment, une durée mensuelle de travail ainsi que la répartition des heures de travail entre les semaines du mois (la répartition des horaires pour chacune des périodes en cas de durée du travail mensuelle et le délai de communication des plannings ne sont pas des mentions obligatoires du contrat de travail à temps partiel) ; que Madame [M] invoque les dispositions de la convention collective applicables en cas de modulation du temps de travail, ce qui n'est pas le cas d'espèce et la salariée ne présente donc pas de fondement juridique à ses prétentions ; que Madame [M] ne prouve pas qu'elle devait constamment se tenir à la disposition de l'employeur ; que les plannings de Madame [M] étaient établis en concertation entre le magasin Printemps et Madame [M], en tenant compte des souhaits de la salariée ; que Madame [M] reconnaît dans ses conclusions avoir toujours eu ses plannings avant le début du mois concerné, comme le prévoit son contrat de travail et elle omet de mentionner qu'elle s'était vu remettre des plannings annuels prévisionnels, en plus de ses plannings mensuels, et ainsi l'argument tenant à une prétendue remise tardive de ses plannings mensuels n'a aucune pertinence ; que la cour constatera que l'ensemble des plannings produits sont identiques aux plannings prévisionnels annuels remis à Madame [M], sauf deux modifications ; que le rythme de travail était parfaitement connu par la salariée, qu'il était stable et régulier, ce qui fait obstacle à toute requalification en temps complet ; que les heures présentées comme complémentaires par Madame [M] sont en fait des heures de travail majorées à 50% au titre du travail le dimanche et le travail du dimanche n'a jamais eu pour effet d'augmenter la durée de travail contractuelle de 104 heures mensuelles, soit 24 heures de travail par semaine ; que pour la période de septembre 2017 à octobre 20128, elle n'a effectué d'une seule heure complémentaire.

Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner :

- la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

- les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification.

- les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.

- les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

La non-conformité du contrat de travail à temps partiel avec ces dispositions fait présumer de l'existence d'un travail à temps complet. Il appartient alors à l'employeur de prouver cumulativement la durée exacte de travail mensuelle ou hebdomadaire et sa répartition, que le salarié n'avait pas été placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Il ressort du contrat de travail, les stipulations suivantes :

'4. Durée de travail

Madame [M] [S] effectuera 104 heures de travail mensuelles réparties comme suit :

- 24 heures par semaine, la 1ère semaine

- 24 heures par semaine, la 2ème semaine

- 24 heures par semaine, la 3ème semaine

- 24 heures par semaine, la 4ème semaine

Les plannings lui sont remis à chaque fin de mois pour le mois suivant.

Cette répartition de l'horaire de travail pourra éventuellement être modifiée sous les conditions suivantes :

- travaux à accomplir dans un délai déterminé.

- absence des salariés.

- surcroît temporaire d'activité lié notamment aux opérations commerciales.

- réorganisation de l'horaire collectif.

Ces modifications pourront conduire à une répartition de l'horaire sur tous les jours ouvrables et toutes les plages horaires sans restriction.

Une telle modification sera notifiée avec un délai de prévenance de 7 jours, pouvant être réduit à 3 jours si le bon fonctionnement de l'entreprise l'exige.

Madame [M] [S] déclare par ailleurs expressément accepter si nécessaire, d'effectuer des heures supplémentaires, des heures de travail de nuit ou des heures de travail le dimanche en fonction des besoins de l'entreprise et de la législation en vigueur.

5. Heures complémentaires

En fonction des besoins de l'entreprise, le salarié pourra être conduit à effectuer des heures complémentaires au-delà de 24 heures de travail par semaine dans la limite de 6 heures par semaine.

Les heures complémentaires effectuées seront majorées conformément aux dispositions conventionnelles'.

Il en résulte que le contrat de travail mentionne bien la durée mensuelle 104 heures et la répartition des heures de travail entre les semaines du mois.

Le contrat de travail prévoit également les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, la nature de cette modification ainsi que les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Il indique les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

Le contrat de travail est donc conforme aux dispositions légales et la présomption de l'existence d'un travail à temps complet n'a pas lieu d'être mise en oeuvre.

Il appartient donc à Madame [M] de rapporter la preuve de ce qu'elle a été placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle avait à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

L'article 32 de la convention collective invoqué par la salariée concerne les règles applicables en cas de modulation du temps de travail et ne concerne donc pas le contrat de travail de Madame [M].

Madame [M] produit des échanges de mails relatifs à la communication de ses plannings par l'employeur. La lecture de ces pièces démontre que les plannings lui ont toujours été remis à chaque fin de mois pour le mois suivant.

Par ailleurs, la SAS MESSIKA GROUP produit le planning prévisionnel annuel 2017 concernant Madame [M] ainsi que le mail du 22 décembre 2017 adressé à Madame [M], comportant le planning prévisionnel annuel 2018 de la salariée. La cour constate effectivement que les plannings mensuels de la salariée sont conformes aux plannings prévisionnels annuels, sauf deux modifications, le 2 juillet 2017 (changement effectué à la demande de la salariée selon la fiche renseignée par elle) et le 30 octobre 2017 (la modification ayant été notifiée à la salariée par mail du 25 septembre 2017).

De plus, l'examen attentif des bulletins de salaire permet de constater que Madame [M] n'a pas 'toujours effectué des heures complémentaires' comme elle le prétend, la mention 'heures supplémentaires 50%' correspondant à la majoration des heures effectuées les dimanches, selon les jours précis mentionnés (qui correspondent à des dimanches) sur chaque bulletin de salaire. Madame [M] a effectué des heures complémentaires uniquement les 23 décembre 2017, 6 avril 2018 et 20 avril 2018.

Il en résulte que Madame [M] n'a pas été dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et elle n'a pas été tenue de rester constamment à la disposition de son employeur.

La demande de requalification du contrat de travail à temps complet sera donc rejetée ainsi que celle de rappel de salaire.

Sur le licenciement

Selon l'article L1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l'espèce, l'employeur pour étayer les faits produit :

- le courrier du 22 août 2018 que la société Printemps a adressé à la SAS MESSIKA GROUP qui indique : 'Par ce courrier, nous souhaitons vous confirmer les points abordés lors de notre échange téléphonique de la semaine dernière concernant les incidents survenus en juillet dernier impliquant Madame [S] [M], votre démonstratrice sur votre espace de vente.

Votre collaboratrice a eu une attitude inacceptable à deux reprises entre le 9 juillet et le 20 juillet dernier.

En effet, faisant état de son mécontentement et de son agacement sur la surface de vente sans retenue et directement au vu et su de la clientèle, Madame [M] a provoqué une altercation avec les autres conseillères de l'espace joaillerie.

Le ton était agressif envers les autres collaboratrices, provoquant une gêne pour nos clients et symbolique d'un manque évident de professionnalisme.

Un client s'en est même exprimé en disant: 'il y a règlement de compte au Printemps''.

Vous comprendrez que nous ne pouvons tolérer une telle attitude, en totale discordance avec le positionnement haut de gamme et la qualité de service que nous souhaitons véhiculer de notre Maison.

Compte tenu des éléments relatés ci-dessus, vous comprendrez que nous ne pouvons plus accepter la présence de Madame [M] au sein de notre établissement, et que par conséquent nous la remettons à votre disposition.

Il nous parait essentiel de vous informer de ces faits afin que vous puissiez prendre toutes les mesures que vous jugerez nécessaires'.

- le mail de Madame [V] du 25 juillet 2018, adressé à la SAS MESSIKA GROUP, qui indique : 'Je reviens vers vous pour un problème récurrent ET persistant.

Etant en déplacement la semaine dernière j'ai demandé à [D] [G] (Responsable PJ la Valentine) d'aller passer une journée à TDP afin de soutenir l'équipe : [U] engagée depuis 2 mois et [Y] en intérim avec nous pour la période des vacances.

La semaine du 9 Juillet il y avait déjà eu une altercation avec [S] et [U] où j'ai du intervenir et apaiser la situation. Un client de [S] l'a demandé au téléphone [U] souhaitait lui passer car le client l'a demandé en personne. [S] n'a pas souhaité prendre l'appel puisqu'un client arrivait au même moment mais devant le client elle a dit à [U] « me dérange pas quand je suis avec un client ».

[S] par la suite est revenue voir [U] le ton est tout de suite monté. [U] lui a répondu que certes elle pouvait prendre les messages qu'elle n'avait pas vu qu'un client arrivait mais qu'en revanche il était hors de question qu'on lui parle de cette façon devant un client. J'étais là quand l'altercation a eu lieu, [S] m'a demandé d'intervenir, et j'ai demandé à [S], toutefois, de baisser le ton que tout le magasin n'était pas obligé de participer. Je leur ai demandé de rester chacune dans leur espace, de ne prendre les messages quand il le faut et si il y a un impair de rester courtoise et cela surtout en présence d'un client.

La semaine du 16 Juillet, nouvelle altercation le vendredi 20 Juillet que relate ici [D] [G] puisque j'étais en déplacement ce jour.

Au cours de l'altercation [S] ayant laissé sous-entendre que [U] ne disait pas la vérité concernant des insultes qu'elle avait proféré à un vendeur à l'encontre de l'équipe, [U] étant là au moment de la discussion [S] ne l'avait pas vu. Elles sont donc allés chercher ce vendeur afin qu'il témoigne et celui-ci a confirmé les propos en la défaveur de [S]. Je ne ferais aucun commentaire concernant ces insultes peu élogieuses (...) à l'encontre de l'équipe et moi-même.

Ce n'est pas la première fois que ce type d'altercation arrive avec [S] ni qu'elle hausse le ton tellement fort sur la surface que les clients en sont dérangés. Notre expert luxe ce jour (20 Juillet) a demandé à [S] de baisser le ton, son client lui en ayant fait la remarque.

Le manager junior de Monsieur [J] a lui-même aussi déjà assisté à ce type de scène. [S] avait eu une altercation avec un de ses clients au téléphone, et il lui a demandé de changer de ton avec les clients en leur parlant correctement.

Nous ne pouvons accepter ce genre d'attitude sur la surface de vente qui est un manque de professionnalisme et qui de surcroît gêne nos clients. Ce type d'attitude ne correspond pas au cérémonial de vente du luxe et altère l'image du Printemps et de Messika. Par ailleurs il est aussi interdit par le règlement intérieur que nous tenons à disposition si besoin est.

Afin que la situation s'apaise suite aux derniers incidents qu'il y avait déjà eu avec [S], j'ai essayé au maximum de faire en sorte que cela se passe au mieux et pour cela nous faisons beaucoup de concessions.

[S] n'a que de la vente et la tenue de ses vitrines à faire, elle ne fait aucun administratif, nous gérons tout pour elle. La moindre remontrance fait un conflit avec les équipes et moi-même.

II n'est pas tolérable que le personnel de vente vienne angoissé les jours où [S] soit là et que cela aille même jusqu'aux pleurs et de surcroît que les clients s'en plaignent.

Je vous demanderai de prendre ce mail en considération'.

- un mail que Madame [E] a adressé à Madame [V] le 24 juillet 2018 qui indique :

'Vendredi, comme convenu ensemble, j'étais à TDP en renfort de l'équipe PJ. A mon arrivée à 11h j'ai remarqué une vive tension entre les filles de l'équipe. Peu avant mon arrivée [U] de PJ avait eu une altercation avec [S] de Messika. [U] pour clore le sujet est allée calmement sur le corner Messika. Malheureusement [S] a haussé le ton je suis donc allée chercher [U].

Un client qui était chez Mont Blanc a même eu un commentaire «il y a un règlement de compte chez Printemps'».

Après interrogation de [U] cela arrive souvent.

Le comportement de [S] et le ton qu'elle utilise sont agressifs et directifs envers les filles de l'équipe.

J'ai senti un mal- être et un découragement général.

[S] s'est empressée de prévenir [W] [X] de l'événement, c'est dans ce sens que je me permets de t'en parler. Je reste à ta dispo si besoin'.

- l'attestation de Madame [U] [T] dans laquelle elle relate ses altercations avec Madame [M] survenues le 13 juillet et le 20 juillet 2018 ainsi que les propos qu'elle a entendus de Madame [M] : 'de toute façon l'autre conne de [A] elle met encore de l'huile sur le feu, la conasse de [R] l'écoute comme si ses paroles sortaient de la bouche du messie, mais moi PJ je leur chie à la gueule, ma maison est avec moi, je dis tout à [W]. Je n'ai pas peur d'eux'.

- l'attestation de Madame [B] [A] qui indique : '[S] [M] nous sollicitait systématiquement avec insistance sur un ton agressif pour nous demander des 'comptes'. Ces interruptions se faisaient sur la surface de vente, si nous étions en clientèle', relate que suite à une altercation avec Madame [K], cette dernière s'est mise à pleurer et précise que 'pour (sa) part il est très difficile de venir travailler les jours où [S] [M] était là. Il régnait une tension palpable. L'ensemble de l'équipe était stressée, nous ne savions pas comment la journée allait se dérouler et ce nous allions encore devoir subir. Conflits, agressions verbales, cris et pleurs étaient devenus notre quotidien. A cause de son attitude, aller travailler était devenu un véritable calvaire'.

- l'attestation de Monsieur [P], qui indique 'je confirme que j'ai assisté Madame [M] lors de l'entretien préalable du 14 septembre 2018 en ma qualité de représentant du personnel. Madame [M] a bien reconnu les faits dont le Printemps s'est plaint et qui ont conduit à son licenciement. Elle a tenté de les expliquer en faisant référence à un management défavorable de la part du Printemps des [Adresse 4] à [Localité 3]'.

A l'appui de sa contestation, Madame [M] fait valoir que c'est la direction du printemps qui n'a plus souhaité sa présence au sein de son établissement et la SA MESSIKA GROUP a fait droit à cette demande sans prendre le soin de vérifier les accusations fausses et mensongères portées contre elle ; que les faits sont faux puisqu'elle n'était pas présente le 9 juillet 2018 et aucune altercation n'a pu avoir lieu ce jour-là ; qu'en réalité les faits ont eu lieu le 13 juillet ; que concernant l'altercation du 20 juillet 2018, il est difficile de croire que le responsable Luxe Printemps a été alerté par l'altercation puisqu'il n'était pas présent le 20 juillet.

Elle produit :

- l'attestation de Madame [I] qui indique : 'Le 13 Juillet 2018, je me trouvais dans le magasin Printemps des [Adresse 4], au stand Messika, Mme [M] était en train de procéder à l'encaissement de mes achats. Une autre vendeuse est arrivée en tendant le téléphone à Mme [M], et lui a dit qu'une cliente voulait lui parler. Elle a répondu en lui demandant de prendre les coordonnées de la cliente et lui a précisé qu'elle la rappellerait plus tard. J'affirme qu'à aucun moment Mme [M] n'a été agressive envers sa collègue, le ton de sa réponse était parfaitement neutre. J'ajoute qu'elle n'a proféré aucune injure, ni insulte contre qui que ce soit'.

- l'attestation de Monsieur [Z], ancien salarié du Printemps, qui atteste que Madame [M] 'est une personne correcte, polie, courtoise et serviable (...). Le 20 juillet, j'étais présent lors de cette altercation et je peux vous certifier que les faits qui lui sont reprochés sont inexacts à savoir que Madame [M] aurait proféré des injures ou des insultes. Elle a été très correcte envers Mme [T] et que bien au contraire elle a essayé d'apaiser la situation. Mme [T] affirme que Madame [M] aurait traité Mme [V] de 'conne' ainsi que [A] [C] en ma présence. Je peux témoigner que Madame [M] n'a jamais insulté qui que ce soit en ma présence et encore moins le Printemps'.

- les attestations de Monsieur [F], agent de sécurité au sein du magasin Printemps, qui atteste des qualités humaines et professionnelles de Madame [M] et du fait que Madame [V] lui avait demandé de surveiller Madame [M], de Monsieur [N] qui fait état d'un harcèlement subi par Madame [M] (humiliations, réflexions méprisantes, provocations et du fait qu'il lui a été interdit tout contact avec Madame [M]) et de Madame [O] qui indique que Madame [M] a été 'victime d'une animosité permanente de la part de l'équipe depuis plusieurs mois'.

*

Si la lettre de licenciement mentionne des faits du 9 juillet 2018, il ressort des éléments du dossier qu'il s'agit bien de faits qui se sont déroulés le 13 juillet, comme le confirme Madame [T] dans son attestation. Le mail du 25 juillet et le courrier du 22 août 2018 évoquent la 'semaine du 9 juillet'. Madame [M] reconnaît que les faits se sont déroulés le 13 juillet 2018.

Madame [I], cliente, atteste de ce qu'elle a vu et entendu au cours de la première partie des faits. Les éléments du dossier permettent d'établir que l'altercation a eu lieu après, que c'est Madame [M] qui est allée provoquer Madame [T] et que Madame [V] a été contrainte d'intervenir et de demander à Madame [M] de 'baisser le ton'.

Madame [E] confirme la nouvelle altercation du 20 juillet suivant, le fait que Madame [T] s'est mise de côté et que c'est encore Madame [M] qui a haussé le ton provoquant une réflexion d'un client (« il y a un règlement de compte chez Printemps '».).

Enfin, Madame [T] atteste des propos qu'elle a entendus de Madame [M] lors d'une conversation avec Monsieur [Z]. Madame [M] produit une attestation de Monsieur [Z] qui indique que Madame [M] n'aurait proféré aucune insulte et grossièreté à l'encontre de l'équipe du magasin Printemps. Cependant, la cour constate, d'une part l'ambiguïté des propos de Monsieur [Z] qui rapporte les faits qu'il a constatés le 20 juillet 2018 alors que les insultes n'ont pas été proférées par Madame [M] ce jour-là. D'autre part, l'attestation de Monsieur [Z] ne respecte pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile (absence de copie de la carte d'identité de l'attestant) de sorte que ses garanties probatoires sont très contestables.

Madame [M] produit les attestations de Monsieur [N] et de Madame [O] qui mentionnent un harcèlement ou une animosité permanente qui auraient été subis par Madame [M], sans toutefois présenter les faits précis auxquels ils auraient assistés.

Il en résulte que les faits reprochés à Madame [M] sont établis et sont suffisamment sérieux pour constituer une cause de licenciement.

Madame [M] sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

La disposition du jugement relative aux frais irrépétibles sera confirmée et il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La disposition du jugement relative au dépens sera infirmée. Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de Madame [M], partie succombante, par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré sauf en sa disposition relative aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne Madame [S] [M] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 19/16338
Date de la décision : 17/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-17;19.16338 ?
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