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16/03/2023 | FRANCE | N°22/13138

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 16 mars 2023, 22/13138


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 22/13138 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDOJ







S.A. GMF ASSURANCES





C/



[V] [B]











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Véronique DEMICHELIS



Me Jean-Christophe SERVANT













Décision déférée à l

a Cour :



Ordonnance du Juge de la mise en état d'AIX EN PROVENCE en date du 19 Septembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/02169.





APPELANTE



S.A. GMF ASSURANCES

[Adresse 3]



représentée et assistée par Me Véronique DEMICHELIS de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au b...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 22/13138 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDOJ

S.A. GMF ASSURANCES

C/

[V] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Véronique DEMICHELIS

Me Jean-Christophe SERVANT

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état d'AIX EN PROVENCE en date du 19 Septembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/02169.

APPELANTE

S.A. GMF ASSURANCES

[Adresse 3]

représentée et assistée par Me Véronique DEMICHELIS de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

Madame [V] [B]

née le 30 Octobre 1967 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Jean-Christophe SERVANT de la SELARL OMNIAJURIS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère (rédactrice)

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023.

ARRÊT

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [V] [B] est propriétaire depuis le 04 novembre 2004 d'une maison

d'habitation située [Adresse 2], assurée auprès de la société GMF ASSURANCES.

Par LRAR du 13 juin 2008, Madame [B] a déclaré la survenance d'un sinistre dans son habitation consistant en l'apparition d'une grande fente en travers du sol de la salle à manger sur une largeur de 1m50 et une longueur de 3 mètres environ accompagnés d'un soulèvement du sol et du carrelage.

Par courrier du 16 juillet 2008, l'assureur lui indiquait que, suite aux conclusions de son expert du 09 juillet 2008 jointes en copie, les dommages n'étaient pas garantis par le contrat.

Par courrier du 25 août 2016, Madame [B] sollicitait la réouverture de son dossier auprès de son assureur, en se fondant notamment sur les conclusions d'un rapport de diagnostic géotechnique réalisé par la société ERG le 25 avril 2016, et faisant valoir qu'en 2008 sa déclaration de sinistre avait été mal examinée au seul titre de la garantie 'dégâts des eaux', alors qu'elle aurait dûe être mobilisée au titre de la garantie catastrophe naturelle de 2008.

Par courrier du 31 aout 2016, l'assureur lui indiquait que son dossier était archivé dans la mesure où l'arrêté de catastrophe naturelle de 2008 invoqué concernait des événements de 2007, et l'invitait 'au mieux à faire une nouvelle déclaration de sinistre sous réserve de prise en charge car le délai de déclaration de 10 jours après la parution de l'arrêté était largement dépassé'.

Par LRAR du 21 septembre 2016, Madame [B] adressait à la GMF une nouvelle déclaration de sinistre consistant en un soulèvement du sol de la terrasse/véranda s'étant produit le jour même entraînant un décollement du carrelage, outre diverses fissures au sol, ainsi que sur les murs intérieurs et extérieurs de la maison.

Par LRAR datée du 05 juillet 2018, Madame [B] a transmis à la GMF un arrêté du 10 juillet 2018 publié au JO le 27 juillet 2018 portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur la commune de [Localité 4] en lui demandant de prendre en charge le sinistre et de procéder à l'indemnisation des dégâts consécutifs.

Dans son rapport du 19 décembre 2018, l'expert mandaté par la GMF concluait que les désordres étaient consécutifs à un mouvement au niveau du sol d'assise et proposait le classement du dossier au motif que les désordres constituaient une aggravation des désordres antérieurs lesquels nécessitaient une reprise non réalisée par Madame [B].

Contestant ces conclusions et l'absence de prise en charge du sinistre, Madame [B] a fait assigner la société GMF en référé, par acte du 18 septembre 2019, en vue d'obtenir la désignation d'un expert.

Par ordonnance de référé du 05 novembre 2019, une expertise était confiée à Monsieur [K] [I].

L'expert a déposé son rapport le 16 janvier 2021, concluant notamment que l'ensemble des dégâts constatés, en aggravation d'un phénomène originel remontant à l'année 2008 sur l'habitation, sont la somme d'épisodes successifs de 'sécheresse et réhydratation des sols' ayant fait l'objet des divers arrêtés préfectoraux en la matière sur la commune du THOLONET.

Par acte du 31 mai 2021, Madame [B] a fait assigner la GMF devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence aux fins de prendre en charge l'entier sinistre au titre de la garantie catastrophe naturelle.

Par conclusions d'incident du 4 juillet 2022, l'assureur a soulevé devant le juge de la mise en état, une fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale de l'action engagée contre elle par son assurée.

Par ordonnance du 19 septembre 2022, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la GMF et condamné cette dernière aux dépens et à payer à Madame [B] une indemnité de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 04 octobre 2022, la SA GMF ASSURANCES a interjeté appel de toutes les dispositions de cette décision.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 17 novembre 2022, l'appelante demande à la cour:

Vu les articles L114-1 et L114-2 du code des assurances,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

RECEVOIR la GMF en son appel,

INFIRMER l'ordonnance du 19 septembre 2022 en ce qu'elle a débouté la GMF de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action,

En conséquence,

JUGER que l'action est prescrite au visa des articles L114-1 et suivants du code des assurances,

DEBOUTER Madame [B] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la GMF ASSURANCES,

Mettre en conséquence la GMF ASSURANCES purement et simplement hors de cause,

CONDAMNER Madame [B] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 18/11/2022, l'intimée demande à la cour:

' Confirmer l'ordonnance dont appel dans toutes ses dispositions,

' Débouter la GMF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' Condamner la GMF à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner le GMF aux entiers dépens de l'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 09 janvier 2023.

MOTIFS

Comme l'a exactement relevé le premier juge, le point de départ du délai de prescription biennale est repoussé au jour où l'arrêté qui constate l'état de catastrophe naturelle a été publié au JO car cet arrêté conditionne la garantie de l'assureur.

En l'espèce, il résulte des pièces régulièrement produites par les parties et des conclusions de l'expert judiciaire:

- que la maison construite en 1965 n'a pas connu de problème de stabilité structurelle pendant 35 ans environ (de 1965 à 2000) et qu'un phénomène de dégradation est apparu progressivement, en s'aggravant au fil du temps, pour prendre l'importance qui a été relevée lors des constatations réalisées en février 2020 (nombreuses fissurations sur les ouvrages de soubassement (murs enterrés ou refends) et notamment dans le garage et les caves adjacentes, des fissures traversantes en intérieur au RDC et à l'étage,

- que la maison présente des troubles structurels très importants liés à des problèmes d'instabilité des infra-structures de l'habitation, consécutifs à un épisode météorologique exceptionnel initial, et probablement aggravé par d'autres phénomènes identiques et successifs, ayant donné suite à différents arrêtés de catastrophe naturelle sur le secteur géographique,

- que les dégâts constatés en aggravation du phénomène originel de 2008 sont la somme d'épisodes successifs de 'sécheresse et réhydratation des sols' ayant fait l'objet de divers arrêtés préfectoraux de catastrophe naturelle concernant la commune du THOLONET,

- que l'arrêté ministériel du 07 octobre 2008 touche les période de sécheresse de janvier 2006 à mars 2006, mais également de janvier à mars 2007 et de juillet à septembre 2007, soit trois épisodes de mouvements différentiels des sols sur une période de 24 mois précédant la déclaration initiale de sinistre de Madame [B] (page 45 du rapport de l'expert),

- que par LRAR datée manifestement par erreur du 05 juillet 2018 mais dont il n'est pas contesté qu'elle aurait été envoyée le 05 septembre 2018, Madame [B] a transmis à la GMF un arrêté du 10 juillet 2018 publié au JO le 27 juillet 2018 portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur la commune de [Localité 4] en lui demandant de prendre en charge le sinistre et de procéder à l'indemnisation des dégâts consécutifs (pièce 18),

- que cet arrêté du 10 juillet 2018 portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur la commune de [Localité 4] vise des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse du 1er avril 2017 au 31 décembre 2017 (pièce 19).

Contrairement à ce que soutient l'appelante, seule l'action fondée sur l'arrêté du 7 octobre 2008 publié au JO le 10 octobre 2008, interrompue par la désignation par ses soins d'un expert le 04 juillet 2008 est prescrite depuis le 04 juillet 2010, ce que l'intimée ne conteste pas véritablement puisqu'elle soutient principalement que sa dernière déclaration de sinistre du 5 septembre 2018 faisant suite à un nouvel événement de retrait-gonflement des argiles reconnus par arrêté de catastrophe naturelle publié au JO le 27 juillet 2018 constitue un sinistre distinct sur lequel elle fonde son action (page 6 de ses écritures faisant référence à ses pièces 18 et 19).

L'assureur n'est pas fondé à soutenir que le point de départ du délai de prescription biennale doit s'entendre comme la date d'origine du sinistre, soit en l'espèce l'arrêté CATNAT du 7 octobre 2008, et ce même si l'expert a chronologiquement rappelé l'origine des désordres et leur première apparition à compter de 2008, en faisant référence à un épisode météorologique exceptionnel inital, probablement aggravé par d'autres phénomènes identiques et successifs, puisque comme l'a exactement relevé le premier juge chaque événement reconnu comme catastrophe naturelle donnant lieu à un arrêté CATNAT doit être examiné de manière spécifique, indépendamment des éventuels dommages déjà occasionnés par des événements antérieurs, de sorte qu'il appartiendra au seul juge du fond d'examiner si les dommages dont l'assurée sollicite l'indemnisation sont considérés comme les effets de la catastrophe naturelle relative aux des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse du 1er avril 2017 au 31 décembre 2017 visés par l'arrêté du 10 juillet 2018 susvisé.

En l'espèce, le point de départ du délai de prescription de l'action fondée sur l'arrêté de catastrophe naturelle du 10 juillet 2018 doit être fixé à la date de sa publication au JO, soit le 27 juillet 2018.

Le délai de deux ans a ensuite été interrompu par l'assignation en référé délivrée le 18 septembre 2019 et un nouveau délai de deux ans a commencé à courir à compter de l'ordonnance de référé rendue le 5 novembre 2019.

L'assignation au fond ayant été délivrée par acte du 31 mai 2021, l'action de Madame [B] fondée sur l'arrêté de catastrophe naturelle du 10 juillet 2018 a été engagée avant l'expiration du délai de prescription biennale et elle est donc recevable.

En conséquence, l'ordonnance déférée doit être confirmée, sauf à préciser que seule l'action de Madame [B] fondée sur l'arrêté de catastrophe naturelle du 10 juillet 2018 est recevable.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'ordonnance entreprise doit être ici confirmée.

Succombant, la société GMF doit être condamnée à régler à Madame [B] une indemnité de 2 500 euros au titre des frais qu'elle a été contrainte d'exposer en appel, outre aux entiers dépens.

Et, aucune considération d'équité ne justifie d'allouer aux autres parties une quelconque indemnité au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME l'ordonnance entreprise, sauf à préciser que seule l'action de Madame [V] [B] fondée sur l'arrêté de catastrophe naturelle du 10 juillet 2018 est recevable,

REJETTE la demande formée par la GMF au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE la société GMF à régler à Madame [V] [B] une indemnité de

2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

CONDAMNE la société GMF aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 22/13138
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;22.13138 ?
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