La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2023 | FRANCE | N°22/12876

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 16 mars 2023, 22/12876


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 22/12876 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKCPZ







[Y] [O]





C/



S.C.I. LES HAUTS DE L'ESTAQUE



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Maud DAVAL-GUEDJ



Me Edouard BAFFERT


>

















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 25 Novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/01745.





APPELANT



Monsieur [Y] [O]

né le 09 Septembre 1939 à MARSEILLE, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Maud DAVA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 22/12876 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKCPZ

[Y] [O]

C/

S.C.I. LES HAUTS DE L'ESTAQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Edouard BAFFERT

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 25 Novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/01745.

APPELANT

Monsieur [Y] [O]

né le 09 Septembre 1939 à MARSEILLE, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Carine ROGER de la SELARL PACTA JURIS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.C.I. LES HAUTS DE L'ESTAQUE

, demeurant [Adresse 2]

représentée à l'audience par Me Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie LEYDIER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023.

ARRÊT

I. FAITS. PROCÉDURE.PRÉTENTIONS DES PARTIES.

Monsieur [O] [Y] est propriétaire par suite d'une donation de son père en 1974, d' un terrain situé à [Adresse 3] ; terrain sur lequel est notamment édifiée une maison d'habitation.

A compter de 2010, la SCI Les Hauts de l'Estaque, sous l'égide de la société PROGEREAL (également le représentant légal de la SCI), a fait ériger en contrebas de la propriété [O] un projet de construction comportant plusieurs immeubles de logements collectifs.

Concomitamment à ce projet de construction et de promotion immobilière, la SCI Les Hauts de l'Estaque a procédé à la vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) de ces parcelles à la société ERILIA par acte du 19 mai 2010.

Après réception des constructions, courant 2013 et le transfert de propriété à ERILIA, un sinistre est survenu relatif au mur séparatif entre le fonds [O] et celui de la société ERILIA.

Saisi à la requête de la société ERILIA, le Président du Tribunal de Grande Instance de Marseille, par ordonnance sur requête du 19 février 2014, a désigné Monsieur [F] en qualité d'expert avec pour mission :

- de décrire l'état du mur de clôture entre les 2 tènements fonciers appartenant aux parties

- et de dire les préconisations urgentes à la sécurisation de la propriété de la société ERILIA et de ses occupants.

Monsieur [F] a déposé son rapport le 19 février 2014.

Par assignation en référé d'heure à heure du 20 février 2014, la société ERILIA a fait citer Monsieur [O] devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Marseille aux fins de solliciter la désignation d'un expert.

Le Président du Tribunal de Grande Instance a ainsi nommé Monsieur [J] [N] en qualité d'expert par ordonnance du 21 février 2014.

Les opérations d'expertise ont été déclarées communes et opposables à la SCI Les Hauts de l'Estaque par ordonnance du Tribunal de Grande Instance de Marseille du 28 mai 2014.

Les opérations d'expertise se sont déroulées entre le 28 février 2014 et le 15 juillet 2014.

Monsieur [J] [N] a déposé son rapport le 22 décembre 2014.

Par exploit d'huissier en date du 3 août 2015 (RG N° 15/09923), la SA ERILIA a assigné M. [O] devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE en lecture du rapport d'expertise judiciaire de M. [N] du 22 décembre 2014 et en responsabilité au visa de l'article 544 du code civil et en application de la théorie des troubles anormaux de voisinage, aux fins d'obtenir diverses obligations de faire, outre le paiement d'indemnisations.

C'est ainsi que par actes extrajudiciaires en date des 28 et 29 janvier 2020 (RG N° 20/01745), cette procédure a été dénoncée :

- à la SCI les Hauts de l'Estaque à la requête de M. [O] sur le fondement de la responsabilité délictuelle, en sa qualité de constructeur et vendeur en l'état de futur achèvement en raison de préjudices subis suite à cette opération de promotion immobilière

- ainsi qu'à Me [Z] es-qualité de mandataire judiciaire puisque la SCI Les Hauts de l'Estaque avait été placée en redressement judiciaire suivant jugement de la 9ème Chambre civile de Marseille du 10 décembre 2019 (RG N°19/07559) ;

La SCI est redevenue in bonis de sorte que par jugement du 23/03/2021, le Tribunal a mis fin à cette procédure, avec le désistement partiel de l'appelant à son égard.

La jonction des deux procédures, sollicitée par M. [O], était refusée suivant ordonnance du juge de la mise en état du 22 octobre 2020.

Par conclusions d'incident du 27 mai 2021 (RG N° 20/01745), la SCI les Hauts de l'Estaque a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir statuer sur deux fins de non-recevoir au visa des dispositions des articles 122 et 789 du code de procédure civile tendant à faire déclarer l'assignation en intervention forcée de M. [O] irrecevable au moyen :

- du défaut de qualité pour agir de M. [O] contre la SCI Les Hauts de l'Estaque

- d'une prescription de la demande de M. [O] (article 2224 du code civil)

Par ordonnance d'incident du 25 novembre 2021 (grosse intervenue le 07 septembre 2022), signifiée à Monsieur [O] le 22 septembre 2022, le juge de la mise en état a déclaré l'action de Monsieur [O] irrecevable car prescrite.

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 27 septembre 2022, Monsieur [Y] [O] a interjeté appel de l'ordonnance du 25 novembre 2021 sous le n° RG 20/01745 par le tribunal judiciaire de Marseille cette décision en ce qu'elle a statué comme suit :

- DECLARONS irrecevable l'action de Monsieur [O] car prescrite

- DISONS n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile

- CONDAMNONS Monsieur [O] aux entiers dépens.

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Dans ses conclusions en réplique devant la cour déposées et notifiées le 06 janvier 2023 par RPVA, Monsieur [O] demande à la cour :

Vu l'assignation délivrée à Monsieur [Y] [O] en date du 3 août 2015 à la requête de la SA ERILIA (instance enregistrée sous le N° 15/09923 et distribuée à la 3ème chambre cabinet 1)

Vu le jugement rendu le 24/06/2021 (RG retenu N° 15/09923)

Vu l'assignation délivrée à la SC1 les Hauts de l'Estaque en date des 28 et 29 janvier 2020 à la requête de Monsieur [Y] [O] (instance enregistrée sous le N° 20/01745)

Vu l'ordonnance du Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille du 25 novembre 2021 (grosse intervenue le 07 septembre 2022), signifiée à Monsieur [O] le 22 septembre 2022,

Vu, les articles 122, 331 et suivants et 789 du code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 1199, 1240, 2224 et 2233 et 2234 du code civil

DECLARER RECEVABLE l'appel de M. [O]

DECLARER IRRECEVABLE l'appel incident de la SCI les Hauts de l'Estaque pour défaut de critique de la décision déférée au visa de l'article 542 du code de procédure civile

DEBOUTER en tout état de cause la SCI les Hauts de l'Estaque de son appel incident, ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

CONFIRMER l'ordonnance d'incident du 25 novembre 2021 en ce qu'elle a statué comme suit :

- DISONS que Monsieur [O] a bien qualité pour agir

REFORMER l'ordonnance d'incident du 25 Novembre 2021, en ce qu'elle a statué comme suit :

- DECLARONS irrecevable l'action de Monsieur [O] car prescrite

- DISONS n'y avoir lieu à article 700 du CPC

- CONDAMNONS Monsieur [O] aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

REJETER les fins de non-recevoir soulevées par la SCI les Hauts de l'Estaque et tous les moyens tendant à faire déclarer irrecevables les demandes de M. [O]

ACCUEILLIR l'action de M. [O] contre la SCI les Hauts de l'Estaque et la déclarer recevable

RENVOYER les parties devant les juges du fond pour statuer au fond sur les demandes de M. [O] et l'action en responsabilité diligentée à l'encontre de la SCI Les hauts de l'Estaque

CONDAMNER la SCI les Hauts de l'Estaque aux entiers dépens et la condamner à verser la somme de 4000 € à Monsieur [O] au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Au soutien de ses conclusions, Monsieur [O] rappelle que le juge de la mise en état a statué en ces termes :

« La demanderesse à l'incident considère au visa de l'article 2224 du code civil qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour ou le titulaire d 'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, que l'action de Monsieur [O] est prescrite.

Considérant que l'action de Monsieur [O] est une action en recherche de responsabilité délictuelle, la SCI LES HAUTS DE L 'ESTAQUE expose que le point de départ de l'action en responsabilité est la manifestation du dommage.

En réponse Monsieur [O] justifie son action par l'assignation au fond en date du 3 août 2015 de la société ERILIA à son encontre et les demandes de cette dernière. Il considère que la prescription quinquennale ne peut commencer à courir qu'a compter du jour ou le titulaire d 'un droit a connu les faits lui permettant de l'exercer, en l'espèce l'action au fond engagée par ERILIA et ses demandes au titre de la réparation du préjudice.

L'interprétation des dispositions de l'article 2224 du code civil, revient à rappeler que le point de départ de la prescription quinquennale ne saurait être la date à laquelle Monsieur [O] a reçu connaissance des demandes indemnitaires de la société ERILIA, en effet, dès l'assignation en référé dirigée contre lui par cette dernière le 20 février 2014, ce dernier ne pouvait ignorer que sa responsabilité allait être recherchée, pas plus qu'il n'ignorait à compter de cette date que le c'ur du litige portait sur l'état du mur et sur l'origine des désordres l'affectant.

Ce dernier a d'ailleurs attrait à l'expertise la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE pour qu'elle lui soit contradictoire.

Par conséquent et en vertu d'une jurisprudence constante en la matière, il sera rappelé que le point de départ de la prescription quinquennale est la date de l'assignation en référé expertise, qui ouvre droit à agir à l'encontre d'un tiers ou d'un cocontractant pour formuler les demandes de relever et garantir.

L 'assignation du 10 avril 2014 délivrée à la SCI LES HAUTS DE L 'ESTAQUE pour l'attraire à la procédure d'expertise judiciaire, a interrompu la prescription, et ce jusqu'au dépôt du rapport de Monsieur [N] le 22 décembre 2014.

Dès lors Monsieur [O] avait jusqu'au 4 novembre 2019 pour assigner au fond la SCI LES HAUTS DE L 'ESTAQUE.

Son assignation ayant été délivrée le 28 janvier 2020, elle l'a bien été hors délai, et se trouve donc irrecevable car prescrite. ''

L'objet de la contestation porte donc sur le point de départ de la prescription quinquennale : le juge de la mise en état a jugé qu'il avait commencé à courir à compter de l'assignation en référé expertise à la requête d'ERILIA tandis que l'appelant estime que ce point de départ ne peut être que l'assignation au fond en responsabilité et en indemnisation suite au dépôt du rapport d'expertise, destinée justement à éclairer les parties et les juges du fond sur la réalité et la nature des désordres et sur les imputabilités.

Monsieur [O] estime que donc bien la formulation des demandes d'ERILIA aux termes de son assignation de 2015 qui a constitué le dommage pour M. [O] et créé la nécessité d'appeler en cause et de dénoncer cette procédure à la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE.

Dans ses conclusions d'intimée et appel incident n°2 notifiées le 09 janvier 2023 par RPVA, la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE demande à la cour de :

Vu les Articles 789 et 122 du Code de procédure civile

Vu les Articles 2224 et 2239 du Code civil

CONFIRMER l'ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 25 novembre 2021 en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Monsieur [O] à l'encontre de la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE;

INFIRMER l'ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 25 novembre 2021 en ce qu'elle a déclaré recevable Monsieur [O] en sa demande de voir la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE déclarer responsable des préjudices de jouissance de la société ERILIA

Et, statuant à nouveau sur ce point,

DECLARER irrecevable Monsieur [O] en sa demande de voir la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE déclarer responsable des préjudices de jouissance de la société ERILIA

En tout état,

DEBOUTER Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

CONDAMNER Monsieur [O] au paiement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel

Au soutien de ses conclusions, la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE estime que la problématique est simple :

1. ERILIA subissant les éboulements du mur situé sur la propriété de Monsieur [O] a assigné ce dernier dans un premier temps pour faire désigner un expert judiciaire pour déterminer les causes des désordres et les mesures propres à y remédier ;

2. Monsieur [O] estimant que l'état dégradé de son mur provient des constructions réalisées par la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE entend agir en responsabilité à l'encontre de la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE.

Dès lors que Monsieur [O] a eu connaissance des désordres affectant le mur situé sur sa propriété, il disposait des éléments lui permettant d'agir contre la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE.

En matière délictuelle, la Cour de cassation a rappelé que le point de départ de l'action en responsabilité était la manifestation du dommage. Or, Monsieur [O] connaissait parfaitement l'état du mur de sa propriété et, en tout état, ne peut l'ignorer a compter du 20 février 2014, date à laquelle il est assigné en référé par ERILIA.

Dès qu'il a eu connaissance de l'état du mur et du recours d'ERILIA à son encontre sur le fondement de trouble anormal de voisinage, Monsieur [O] connaissait les faits lui permettant de former ses demandes à l'encontre de la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE.

Ainsi, le 10 avril 2014, Monsieur [O] assignait la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE pour voir l'expertise de Monsieur [N] commune et opposable.

Il s'agit là du dernier acte interruptif de prescription effectué par Monsieur [O] a l'encontre de la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE ; la prescription de son action devant intervenir normalement le 10 avril 2019.

Par la suite, en application de l'article 2239 du Code civil, la prescription a été suspendue à compter de l'ordonnance du 28 mai 2014 jusqu'au dépôt de son rapport de Monsieur [N] le 22 décembre 2014 ; soit pendant 208 jours.

Le délai de prescription de l'action de Monsieur [O] a l'encontre de la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE est donc expiré le 4 novembre 2019 (10 avril 2019 + 208 jours).

Monsieur [O] ayant assigné la SCI LES HAUTS DE L'ESTAOUE par assignation en date du 28 janvier 2020, cette dernière estime que son action est aujourd'hui prescrite.

Dans ces conclusions de désistement partiel déposées et notifiées le 24 octobre 2022, Monsieur [O] s'est désisté de son action à l'encontre de Maître [M] [Z], Mandataire judiciaire de la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE.

L'affaire était fixée à l'audience du 11 janvier 2023, date à laquelle la clôture intervenait.

II. MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel incident

Monsieur [O] demande que soit déclaré irrecevable l'appel incident de la SCI DE L'ESTAQUE tendant à voir déclarer qu'il n'avait pas d'intérêt à agir formé aux termes de ses conclusions d'intimé du 09 décembre 2022.

La cour constate que la demande portant sur le défaut d'intérêt à agir de Monsieur [O] n'est plus soutenue dans les dernières conclusions de la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE du 09 janvier 2023 et que la demande de monsieur [O] est donc sans objet.

Sur la prescription

L'article 2224 du code civil, en vigueur depuis le 19 juin 2008, prévoit que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

L'article 2239 du même code prévoit quant à lui que « la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.

Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. »

Le juge de la mise en état a notamment estimé que l'action de monsieur [O] était prescrite, dans la mesure où il avait nécessairement eu connaissance dès l'assignation en référé dirigée contre lui le 20 février 2014, que sa responsabilité allait être recherchée, pas plus qu'il n'ignorait à compter de cette date que le c'ur du litige portait sur l'état du mur et sur l'origine des désordres l'affectant. Monsieur [O] a d'ailleurs attrait à l'expertise la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE pour qu'elle lui soit contradictoire.

L 'assignation du 10 avril 2014 délivrée à la SCI LES HAUTS DE L 'ESTAQUE pour l'attraire à la procédure d'expertise judiciaire, a interrompu la prescription, et ce jusqu'au dépôt du rapport de Monsieur [N] le 22 décembre 2014.

Dès lors Monsieur [O] avait jusqu'au 4 novembre 2019 pour assigner au fond la SCI LES HAUTS DE L 'ESTAQUE. L' assignation ayant été délivrée le 28 janvier 2020, elle l'a bien été hors délai, et se trouve donc irrecevable car prescrite.

Monsieur [O] soutient qu'en application des articles 2233 et 2234 du code civil, la prescription ne serait pas acquise à son encontre. Il estime que le point de départ de son action à l'encontre de la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE n'est pas l'état dégradé du mur mais les demandes indemnitaires formées par la société ERILIA à son encontre par acte du 03 août 2015 ayant abouti au jugement du 24 juin 2021, sans que la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE ne soit partie à la procédure. Selon lui, c'est la formulation des demandes d'ERILIA dans son assignation du 03 août 2015 qui a constitué un dommage et a entraîné la nécessité d'appeler en cause la SCI DE L'ESTAQUE. Dès lors, en application de l'article 2233 du code civil, la prescription ne court pas à l'égard d'une créance qui dépens d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive . Quant à l'article 2234 du code civil, il prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendu contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par la suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

En l'espèce, il convient de se référer à l'assignation qui a été délivrée le 28 janvier 2020 par monsieur [O] à la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE aux fins de la voir déclarer responsable des préjudices de jouissance subis par la société ERILIA et à voir la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE condamnée à le relever et garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées contre lui. L'action a été formée suite aux désordres survenus sur le mur séparatif de la propriété de monsieur [O] avec la propriété ERILIA. En l'absence de démonstration d'un lien contractuel entre monsieur [O] et la société ERILIA ou la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE, l'action est par nature une action en responsabilité délictuelle, qui se prescrit pas cinq ans à compter de l'évènement qui lui a donné naissance, conformément à l'article 2224 du code civil.

Il convient dès lors de déterminer l'évènement qui a donné naissance à l'action et de rechercher si le délai pour agir a été entrecoupé de suspension ou interruption. C'est à cet exercice que s'est soumis le juge de la mise en état. Il a parfaitement analysé que l'évènement fondateur de l'action est bien la connaissance qu'avait monsieur [O] des désordres affectant le mur situé sur sa propriété , suite aux constructions édifiées par la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE. Le point de départ est, de façon constante, déterminé par la manifestation du dommage, ou son aggravation. En ce sens, l'assignation délivrée aux fins d'expertise par ERILIA le 20 février 2014 est un élément déterminant et de nature à porter sans équivoque aucune, à la connaissance de monsieur [O] que l'état du mur séparatif des propriétés était dégradé et de nature à causer des dommages.
Le 10 avril 2014, monsieur [O] a assigné la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE afin de voir les opérations d'expertise lui être déclarées communes et opposables; démontrant indubitablement qu'il avait connaissance des dommages.

Le 10 avril 2014 sera donc la date retenue comme point de départ du délai de prescription. Ce délai a été interrompu, conformément à l'article 2239 du code civil , du 28 mai 2014 , date de l'ordonnance de référé, jusqu'au dépôt du rapport d'expertise de monsieur [N], le 22 décembre 2014, soit pendant 208 jours ( délai sur lequel les parties s'accordent).

Ainsi, si le point de départ était le 10 avril 2014, la prescription devait être acquise le 10 avril 2019, 5 ans plus tard. Le délai étant été suspendu pendant 208 jours, le nouveau terme est donc au 4 novembre 2019.

En faisant délivrer une assignation à l'encontre de la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE le 28 janvier 2020, monsieur [O] a introduit son action postérieurement à l'acquisition du délai de prescription et il est donc irrecevable à agir.

La décision sera donc confirmée en son intégralité.

Sur l'article 700

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Sur les dépens

Partie perdante, monsieur [O] sera condamné à payer les dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état dans toutes ses dispositions

REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE monsieur [Y] [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 22/12876
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;22.12876 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award