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16/03/2023 | FRANCE | N°22/11865

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 16 mars 2023, 22/11865


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 22/11865 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ54R







Société [Adresse 3]





C/



[L] [V]







Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Philippe PARISI



Me François COUTELIER













Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Juge de la mise en état de TOULON en date du 21 Juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/03519.





APPELANTE



Société [Adresse 3]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]



représentée par Me Philippe PARISI de l...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 22/11865 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ54R

Société [Adresse 3]

C/

[L] [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe PARISI

Me François COUTELIER

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état de TOULON en date du 21 Juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/03519.

APPELANTE

Société [Adresse 3]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Me Philippe PARISI de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON,

plaidant par Me Chloé GILLI CANAL de la SELARL BPG AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée par Me Nicolas QUEROL PALOMO, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME

Monsieur [L] [V]

né le 04 Mai 1956 à PARIS,

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté par Me François COUTELIER de l'ASSOCIATION COUTELIER, avocat au barreau de TOULON, substitué par Me Alexia FARRUGGIO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Angélique NAKHLEH, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023.

ARRÊT

I. FAITS. PROCÉDURE.PRÉTENTIONS DES PARTIES.

La SCCV [Adresse 3] a procédé à une opération immobilière, construisant plusieurs bâtiments sur un terrain sis lieudit [Adresse 4].

L'ensemble a été placé sous le régime de la copropriété, sous la dénomination [Adresse 3].

Par acte notarié du 8 septembre 2017, Monsieur [L] [V] a acquis en l'état futur d'achèvement les lots de copropriété n°40 66 et 324 situés dans le bâtiment L'ASTROLABE constitués d'un appartement portant le numéro 11R, d'un parking en rez-de-chaussée et d'un parking extérieur.

Le procès-verbal de livraison et de remise des clés a été signé le 30 juillet 2019 avec réserves dont la réserve 14 relative au remplacement des mains-courantes de la loggia.

Un litige s'est élevé, lors de la prise de possession au sujet de la conformité contractuelle de la cloison séparative de la loggia.

Suivant exploit d'huissier du 27 juillet 2020, Monsieur [L] [V] a fait assigner devant le Tribunal judiciaire de TOULON la SCCV [Adresse 3].

Par ordonnance du 21 juin 2022, le Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de TOULON a rendu une décision dont le dispositif est le suivant :

DÉCLARONS recevable l'ensemble des demandes de Monsieur [L] [V],

DISONS n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

DISONS que les dépens de l'incident suivront le sort de l'affaire au fond,

RENVOYONS les parties à l'audience de mise en état électronique du 17 janvier 2023 pour conclusions en réplique et clôture compte tenu de l'ancienneté du litige qui ne présente aucune complexité particulière.

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 25 août 2022 , la société [Adresse 3] interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

« 1er chef critiqué :

Déclaré recevables les demandes de Monsieur [L] [V] et par conséquent le Juge de la mise en état a débouté la société civile de Construction Vente [Adresse 3] de ses demandes qui étaient de : DIRE et JUGER que la non- conformité de la cloison séparative de la loggia dont se prévaut Monsieur [V] était apparente à la livraison et n'a pas fait l'objet d'une réserve à la livraison. DIRE et JUGER que la réception sans réserve en présence de vices apparents fait obstacle à toute procédure. EN CONSEQUENCE, DECLARER Monsieur [L] [V] forclos et le DEBOUTER de sa demande de condamnation sous astreinte à réaliser sous astreinte de 300 euros par jour à intervenir des travaux de mise en conformité de la cloison séparative de la loggia. DIRE ET JUGER que Monsieur [V] n'a pas qualité pour agir concernant le remplacement des mains courantes demande de condamnation à réaliser sous astreinte de 300 euros par jour à intervenir des travaux de mise en conformité de remplacement des mains courantes de la loggia. CONDAMNER Monsieur [L] [V], à payer à la Société Civile de Construction Vente [Adresse 3], la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance avec droit pour l'avocat soussigné, conformément à l'article 699 du même Code de recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

2ème chef de l'ordonnance critiqué : Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile »

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Dans ses conclusions notifiées par RPVA en date du 11 octobre 2022, la SCCV [Adresse 3] , l'appelante rappelle que :

Vu l'article 789 du code de procédure civile qui donne pouvoir au juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Vu les articles 1604, 1616 et 1642-1 du code civil

Elle demande à la cour de :

REFORMER l'ordonnance du Juge de la Mise en état du Tribunal judiciaire de Toulon en date du 21 juin 2022

DECLARER Monsieur [L] [V] forclos dans son action, faute d'avoir mentionné une quelconque non-conformité de la cloison séparative de la loggia de l'appartement lors de la livraison,

En conséquence :

DEBOUTER Monsieur [L] [V] de sa demande de condamnation à réaliser, sous astreinte de 300 euros par jour à compter d'un délai de 30 jours suivant la signification du jugement à intervenir des travaux de mise en conformité de la cloison séparative de la loggia

CONDAMNER Monsieur [L] [V], à payer à la Société Civile de Construction Vente [Adresse 3], la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

ainsi qu'aux entiers dépens.

La Société Civile de Construction Vente [Adresse 3] estime que Monsieur [V] est forclos en son action dans la mesure où il n'a pas émis de réserves lors de la réception sur la cloison séparative. En effet, lors de la livraison de l'appartement le 30 juillet 2019, un procès-verbal de livraison a été dressé entre l'acquéreur Monsieur [V] et le vendeur incluant 16 réserves .

Aux termes de l'article 1642-1 du code civil: « le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents.''

En l'espèce, aucune réserve ne mentionne une quelconque non-conformité de la cloison séparative de la loggia de l'appartement.

Selon la concluante, la cour de cassation selon jurisprudence constante rappelle que le défaut de réserve purge l'ensemble des vices apparents (Cass., 3ème civ, n° 28 juin 1995 ; Cass 3ème 17 novembre 2009 n°0818843, Cass 3ème 27 avril 2011 n°10.10180 ; Cass 3ème 16 avril 2013 n°12-14.663 ; Cass 3ème 10 juillet 2013 n°12-19.131 CA Paris pôle 4, 17 Avril 2013).

Ce raisonnement est également valable pour les simples non conformités contractuelles.

Ainsi, Monsieur [V], qui n'a pas apposé de réserve relative à la prétendue non-conformité de la cloison séparative de la loggia n'est donc plus fondé à agir à quelque titre que ce soit.

La sanction est que l'acquéreur ne peut plus agir en justice pour demander la réparation des désordres apparents et non réservés et ce quel que soit le fondement envisagé de leur action. ( Cass 3ème 20 oct 1993 n°91-11059 ; Cass 3ème 3 juillet 1996 n°9417890; Cass 3ème 10 juillet 2013 n°12-19.131 ; Cass 3ème 8 décembre 2016 n°1517022).

La livraison sans réserve d'un désordre apparent fait échec à toute procédure.

Il est inopérant d'indiquer que le maître d'ouvrage aurait refusé « de noter comme réserve la non-

conformité de la cloison séparative de la loggia ».

En tout état de cause, Monsieur [V] aurait dû user des facultés offertes par l'article 1642-1 du Code civil en dénonçant au maitre de l'ouvrage dans le délai d'un mois suivant la livraison soit avant le 30 août 2019 ce qu'il considère comme une non-conformité.

La société appelante oppose à Monsieur [V] qui soutient que selon la Cour de Cassation, « l'acquéreur est recevable pendant un an à compter de la réception des travaux ou de l'expiration du délai d'un mois après la prise de possession des ouvrages à intenter contre le vendeur l'action en garantie des vices apparents, même dénoncés postérieurement à l'écoulement de ce délai d'un mois Cass., 3ème Chambre Civile 76 déc. 2009, n °08-79. 672)» que cette décision n'est en aucun cas transposable au cas d'espèce, en effet, la Cour de Cassation rappelle simplement que le délai d'action est d'une année dans le cadre d'un désordre qui serait apparu dans le cadre de l'année de parfait achèvement, ce qui ne peut être confondu avec un un désordre apparent non réserve a la livraison.

La SCCV [Adresse 3] soutient également au titre de la fin de non-recevoir, que Monsieur [V] n'a pas de qualité à agir. Elle rappelle que selon l'article 32 du code de procédure civile est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

En l'espèce, Monsieur [V] est dépourvu de ce droit d'agir dans la mesure où les demandes qu'il formule concernant les mains courantes ne concernent pas la partie privative de son appartement mais une partie commune.

Elle produit à ce titre le règlement de copropriété de la [Adresse 3] aux termes duquel il est clairement établi selon elle que les mains-courantes n'appartiennent pas à Monsieur [V].

L'article 33 du règlement précise que les parties communes comprennent :« les ornements de façade, le gros 'uvre des terrasses, loggias et balcons même pour les ouvrages affectés à l'usage exclusif d'un propriétaire déterminé y compris les balustrades et barres d'appui mais non le revêtement décoratif du sol. ''

La qualité à agir revenait au syndicat de copropriétaires, en application de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose que : « le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant même contre certains des copropriétaires , il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble ''

L'appelante analyse que s'il est de jurisprudence bien établie que chaque copropriétaire, pris individuellement, est en droit d'exiger le respect du règlement de copropriété pour faire cesser toute atteinte aux parties communes, sans avoir à justifier de l'existence d'un préjudice personnel (Cass, 3ème civ, 14 février 2016, n°14-25538) ; cela ne signifie nullement qu'un copropriétaire peut valablement se substituer au syndicat des copropriétaires pour engager la responsabilité d'un promoteur sur le fondement de l'article1642-1 du Code Civil en ses lieux et place.

Dans ses conclusions d'intimé, signifiées par RPVA en date du 08 novembre 2022, Monsieur [L] [V], rappelle que lors de la prise de possession, la SCCV [Adresse 3] a refusé de noter comme réserve la non-conformité de la cloison séparative de la loggia au motif que celle-ci était conforme à la notice descriptive de vente annexée au contrat de réservation qui prévoyait à son article 2.7.1 la mise en place d'un «  Séparatif balcon ossature en acier galvanisé ou en aluminium avec remplissage verre sablé ou matériau synthétique selon plans architecte du Permis de Construire '' .

Il ressort toutefois du plan annexé à l'acte de vente que la loggia du logement l1R acquis par Monsieur [V] devait être séparée de la loggia voisine par une cloison pleine et non par une cloison vitrée séparative. Selon le dossier DCE remis par la SCCV [Adresse 3], il est bien précisé que la cloison séparative de la loggia serait pleine et d'une épaisseur de 20 cm sur toute sa hauteur. La cloison basse en verre sablée qui a été mise en 'uvre par la SCCV [Adresse 3] n'est donc pas conforme aux documents contractuels.

Monsieur [V] ajoute , au surplus, que cette cloison en verre sablée est à l'origine pour lui d'un trouble de jouissance puisqu'elle empêche le requérant de jouir pleinement de sa loggia faute d'isolation phonique avec la loggia du logement voisin 12R .

Sur la fin de non-recevoir de la SCCV [Adresse 3], il soulève que l'article 1648, alinéa 2 du Code Civil dispose que le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou défauts de conformités alors apparents, l'action devant être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou défauts de conformités apparents.

Or selon la Cour de Cassation «  l'acquéreur est recevable pendant un an à compter de la réception des travaux ou de l'expiration du délai d'un mois après la prise de possession des ouvrages ci intenter contre le vendeur l'action en garantie des vices apparents, même dénoncés postérieurement à l'écoulement de ce délai d'un mois '' (Voir en ce sens : Cass., 31°m° Chambre Civile 16 déc. 2009, n°08-19.612).

La Cour de Cassation ne fait pas de distinction sur le délai à agir dont bénéficie l'acquéreur contre le vendeur en fonction que le désordre soit apparent à la livraison ou apparu postérieurement «  dans le cadre de l'année de parfait achèvement ''.

En ce qui concerne la main-courante, Monsieur [V] estime que la SCCV [Adresse 3] tente donc de faire primer le règlement de copropriété à la Notice Descriptive de vente de l'appartement acquis par lui qui précisait bien à l'article 2.7.1 qu'il avait acquis un bien immobilier qui comporterait un garde-corps et une barre d'appuis.

Monsieur [V] entend rappeler à la SCCV [Adresse 3] son obligation de délivrance sur la base d'un référentiel contractuel qui lui est parfaitement opposable et qui n'a pas été respecté.

En tout état de cause, Monsieur [V] estime être effectivement recevable à agir contre la SCCV [Adresse 3] en raison d'une atteinte à une partie commune qui lui cause un préjudice personnel.

Il rappelle que la jurisprudence estime a contrario qu'un copropriétaire peut se substituer au Syndicat des copropriétaires pour agir contre un tiers en raison d'une atteinte à une partie commune qui lui cause un préjudice propre (Voir en ce sens: 3ème Chambre civile, 22 septembre 2004 (Bull. n° 155), permettant ainsi contrairement aux affirmations du promoteur à un copropriétaire de se substituer au Syndicat des Copropriétaires.

L'action appartient au copropriétaire à l'exclusion du Syndicat des Copropriétaires lorsqu'il s'agit d'obtenir réparation d'un préjudice causé aux parties privatives et lorsque les parties communes générales de l'immeuble n'ont pas été aménagées conformément à la notice descriptive visée dans l'acte d'achat, le copropriétaire peut demander seul réparation du préjudice qui lui est causé, tout comme il a qualité pour demander l'achèvement des parties communes acquises en état futur d'achèvement, et ce en application de l'article 16-2 de la loi du 10 juillet 1965.

Monsieur [V] demande donc à la cour de :

- CONFIRMER l'ordonnance du Juge de la Mise en état du 21 juin 2022 ;

En conséquence,

- REJETER l'ensemble des moyens, fins et prétentions soulevés par la SCCV [Adresse 3] par voie d'incident ;

- le DECLARER recevable en son action tendant à la condamnation de la SCCV [Adresse 3] à réaliser les travaux de mise en conformité aux documents contractuels de la cloison séparative de la loggia et de remplacement de mains courantes de la loggia de son logement

En conséquence,

- RENVOYER les parties à conclure au fond devant le Tribunal;

Et y ajoutant,

- CONDAMNER la SCCV [Adresse 3] à payer une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure d'appel ;

L'affaire était fixée à l'audience du 10 janvier 2023, date à laquelle la clôture des débats était prononcée et l'affaire retenue.

II. MOTIVATION

Sur la recevabilité

L'article 1642-1 du Code civil énonce que « le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents, il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer. »

L'article 1648 du Code civil dispose que « l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents. »

Pour déclarer les demandes de monsieur [V] recevables, le premier juge a estimé que celui-ci était recevable à agir en garantie pour ce vice apparent aux motifs suivants :

- la livraison est intervenue par procès-verbal du 30 juillet 2019

- Monsieur [L] [V] ne conteste pas que la question de la conformité contractuelle de la paroi séparative de la loggia n'a pas été inscrite au rang des réserves

- cette paroi de vitre sablée était existante au jour de la livraison le 30 juillet 2019 , soit dans le délai d'un mois de l'article 1642-1 du Code civil

- l'assignation a été délivrée par monsieur [V] le 27 juillet 2020,

En l'espèce, la conformité se mesure au regard de tous les documents contractuels fournis à l'acquéreur. Il ressort de ceux-ci que le bien de monsieur [V] devait être équipé d'une loggia avec une cloison séparative pleine et non d'une loggia en verre sablé, telle celle qui a été livrée. Toutefois, le régime spécifique de l'article 1642-1 du code civil, dans le cadre des ventes d'immeubles à construire offre une garantie qui exclut le recours à la responsabilité de droit commun. Monsieur [V] ne peut donc solliciter à la fois le bénéfice des dispositions de l'article 1642-1 et se prévaloir de la non conformité de droit commun. Son action est alors circonscrite dans des délais fixés par la loi pour les vices apparents dans le cadre des articles 1642-1 et 1648 du code civil.

Ces vices apparents se définissent comme ceux qui sont non seulement ostensibles ou révélés par un examen superficiel mais aussi découverts par un homme de diligence moyenne procédant à des vérifications élémentaires. Il est également établi que ces vices apparents n'ont pas à rendre l'immeuble non conforme à sa destination.

Le particularisme de la garantie des vices ou défauts de conformité apparents prévue à l'article 1642-1 du code civil réside dans le délai pour agir, puisque l'article 1648 du même code prévoit un point de départ alternatif :

- soit la réception des travaux assortis ou non de réserves, intervenue entre les locateurs d'ouvrage et le vendeurs, mais cela ne concerne pas les rapports entre vendeurs et les acquéreurs

- soit l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession de l'immeuble par l'acquéreur , celle-ci étant démontrée par la remise des clés .

C'est la plus tardive des dates qui est retenue, dans la mesure où elle est plus favorable à l'acquéreur.

Dans l'hypothèse où ces défauts apparaitraient dans le délai d'un an, l'acquéreur reste cependant recevable pendant un an à compter de la réception des travaux ou de la prise de possession des ouvrages à intenter contre le vendeur l'action en garantie des vices apparents, « même dénoncés postérieurement à l'écoulement du délai d'un mois après la prise de possession »( Cass. 3ème civ., 22 mars 2000) .

Dans le cas de monsieur [V], le défaut affectant la cloison séparative n'est pas apparu, ni après la réception, ni après le délai d'un mois puisque cette cloison était bien présente au jour de la réception. Le vice était présent dès la livraison / réception et n'est pas apparu par la suite. Monsieur [V] soutient que le désordre provient surtout du défaut d'isolation phonique, mais même si ce défaut d'isolation phonique ne pouvait être certain lors de la réception, le simple fait que la cloison séparative soit en verre sablé et non en cloison pleine, comme cela prévu au contrat, était un vice apparent.

En outre, il convient de rappeler que dans le cas d'espèce, la SCCV [Adresse 3] possède la double qualité de vendeur et de constructeur du bien et monsieur [V] a la qualité d'acquéreur, ce qui entraîne que l'absence de réserves couvre alors les défauts de conformité apparents ( Cass. 3è civ. 26 septembre 2007) . Le vice affectant la cloison séparative de la loggia ne figurait pas dans les réserves. La loggia ne correspondant pas aux dispositions contractuelles, il s'agit d'un vice apparent, qu'un non professionnel pouvait déceler. Selon une jurisprudence constante, le défaut de réserve purge l'ensemble des vices apparents, y compris pour les non-conformités contractuelles.

Dans le cas précis souligné par monsieur [V] concernant le refus de la SCCV [Adresse 3] de noter la réserve concernant la cloison séparative de la loggia, il avait encore la possibilité de faire connaître ce vice apparent dans le délai d'un mois après la réception, soit avant le 30 août 2019.

Dès lors, considérant que la non-conformité de la cloison séparative de la loggia, dressée en verre plutôt en béton est un vice apparent qui pouvait être décelé par monsieur [V], et en l'absence de réserve sur ce point lors de la réception, ce dernier ne peut plus agir passé le délai prévu par l'article 1642-1 du code civil et demander la réparation des désordres apparents et non réservés, et cela, quelque soit le fondement de l'action. Il est constant que la livraison sans réserve d'un désordre apparent fait échec à toute procédure ultérieure.

Ainsi, en application de l'article 1648 du code civil, l'action en garantie contre le vendeur pour vices apparents doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents. La SCCV [Adresse 3], en qualité de vendeur, pouvait être déchargée à compter d'un mois après la réception, soit à compter du 30 août 2019, la réception ayant eu lieu le 30 juillet 2019. Monsieur [V] a fait délivrer une assignation le 27 juillet 2020 pour des vices apparents ne figurant pas au titre des réserves sur le procès-verbal de réception et qui n'ont pas été portés à la connaissance du vendeur dans le délai d'un mois , ce délai ne pouvant être d'une année puisque le vice était apparent dès réception et non apparu dans l'année suivant cette dernière.

Dès lors, monsieur [V] se trouve forclos à agir et la décision sera infirmée sur ce point.

Sur l'intérêt à agir

L'article 32 du Code de procédure civile dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

L'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble.

Tout copropriétaire peut néanmoins exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d'en informer le syndic. »

Après avoir rappelé que :

- la main courante litigieuse est une partie commune mais elle se trouve sur le balcon de la loggia et une réserve a été inscrite à son sujet dans le procès-verbal du 30 juillet 2019

- la notice descriptive du contrat préliminaire pour l'appartement 11R de Monsieur [L] [V] stipule dans son article 2.7.1 'garde corps et barre d'appui: ensemble en acier galvanisé ou en aluminium laqué suivant plan architecte...'

- si le règlement de copropriété stipule en son article 33 que les balustrades et barres d'appuis sont des parties communes, il n'en demeure pas moins qu'el1es sont réservées à l'usage exclusif du lot de Monsieur [L] [V]

le premier juge a estimé que monsieur [V] avait bien intérêt à agir à l'encontre de la SCCV [Adresse 3].

Or, même si un copropriétaire peut se substituer au Syndicat des copropriétaires pour agir contre un tiers en raison d'une atteinte à une partie commune qui lui cause un préjudice propre et qu'en l'espèce, le syndicat des copropriétaires n'ayant pas été appelé dans la cause, - d'autant qu'en l'espèce, monsieur [V] a fait inscrire la réserve ( numéro 14) concernant la main-courante du balcon dans le procès-verbal de réception des travaux du 30 juillet 2019, cependant, conformément à l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965, il appartient au copropriétaire d'informer le syndicat de copropriétaires, ce que monsieur [V] ne justifie pas.

Dès lors, la recevabilité de l'action, qui était conditionnée par l'information donnée au syndicat de copropriétaires, se trouve compromise.

En conséquence, la décision sera infirmée sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'article 700 du code de procédure civile dispose que «  Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat. »

En l'espèce, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Monsieur [V] succombant en la présente instance, il sera condamné aux dépens

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME la décision dans toutes ses dispositions

REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE monsieur [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 22/11865
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;22.11865 ?
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