COUR D'APPEL
D'AIX-EN-PROVENCE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Chambre 3-3
N° RG 22/03978 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJCEB
Ordonnance n° 2023/M53
Mme [B] [F] [P] épouse [X]
Représentée par Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE
Appelante et défenderesse à l'incident
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
Représentée et assistée de Me Marc DUCRAY de la SELARL HAUTECOEUR - DUCRAY, avocat au barreau de NICE, plaidant
Intimée et demanderesse à l'incident
ORDONNANCE D'INCIDENT
du 16 mars 2023
Nous, Philippe DELMOTTE, magistrat de la mise en état de la Chambre 3-3 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, assisté de Laure METGE, Greffier,
Après débats à l'audience du 15 Février 2023, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré, avons rendu le 16 mars 2023, l'ordonnance suivante :
Exposé du litige
Par jugement réputé contradictoire du 23 février 2021, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Nice a condamné Mme [P] épouse [X] à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence-Cote d'Azur (la banque) la somme de 115 043,02€ , au titre d'un contrat de prêt, avec intérêts au taux contractuel 'à compter de cette date', outre la somme de 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens et a débouté la banque de ses autres demandes.
Ce jugement a été signifié le 9 mars 2021 à Madame [X].
Par ordonnance de référé du 5 novembre 2021, le magistrat délégué du Premier président de cette cour a, notamment, écarté la demande de Mme [X] tendant à être relevée de la forclusion en application de l'article 540 du code de procédure civile.
Par ordonnance de référé du 28 février 2022, le magistrat délégué du Premier président de cette cour a, notamment, écarté la demande de Mme [X] tendant à être relevée de la forclusion en application de l'article 540 du code de procédure civile et l'a condamnée au paiement d'une amende civile.
Par déclaration du 17 mars 2022, Mme [X] a formé un appel-nullité contre le jugement du 23 février 2021 dont l'objet est le suivant : 'annulation de la signification du jugement n'ayant en tout cas fait courir aucun délai d'appel. Annulation du jugement'.
Le 31 mars 2022, Mme [X] a notifié des conclusions au fond en demandant à la cour
- de dire que la signification du jugement invoquée par la banque n'a fait courir aucun délai d'appel faute de notifier à la destinataire le délai pendant lequel elle pouvait exercer son recours au titre de la période d'urgence sanitaire
- de déclarer en conséquence son appel recevable
- d'annuler le jugement du 23 février 2021
- de dire, sans préjudice de la nullité de l'assignation introductive d'instance, que la banque a exécuté de mauvaise foi le contrat en ne l'informant pas de la procédure mise en oeuvre à son endroit en période d'urgence sanitaire
- à titre subsidiaire, de dire que le recouvrement de la créance alléguée n'a pas donné lieu à mise en demeure et déchéance du terme et qu'elle est prescrite outre 'infondée en son quantum'
- de débouter la banque de ses prétentions
- de condamner la banque à lui payer la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens
Par conclusions d'incident du 30 mai 2022, la banque a demandé au conseiller de la mise en état de déclarer l'appel irrecevable.
Vu les conclusions d'incident du 15 février 2023 de la banque demandant au conseiller de la mise en état
- de déclarer irrecevable l'appel formé par Mme [X]
- de condamner celle-ci à lui payer la somme de 2500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions d'incident en réponse du 15 février 2023 de Mme [X] demandant au conseiller de la mise en état
- de juger que la signification du jugement invoquée par la banque n'a fait courir aucun délai d'appel faute de notifier à la destinataire le délai pendant lequel elle pouvait exercer son recours au titre de la période d'urgence sanitaire et, en outre, en l'absence délibérée de la recherche du destinataire dont la banque disposait de l'adresse mail
- de déclarer en conséquence son appel recevable
- de condamner la banque à lui payer la somme de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'incident
Motifs
1. Il convient d'observer, en liminaire, que le rejet d'une demande de relevé de forclusion de l'appel n'interdit pas à la cour et, partant au conseiller de la mise en état, d'examiner la recevabilité du recours.
2. L'appel-nullité, ouvert en cas d'excès de pouvoir, ne constitue pas une voie de recours autonome et, comme tel, est donc soumis aux délais et règles de procédure de l'appel de droit commun.
A cet égard, à l'appui de sa demande en irrecevabilité de l'appel, la banque expose, en invoquant l'arrêt du 10 décembre 2020 prononcé par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n° 1922609) qu'il résulte des articles 74 et 914 du code de procédure civile que les exceptions de nullité d'actes de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond, dans des conclusions spécialement adressées au conseiller de la mise en état, seul compétent pour statuer sur l'irrecevabilité de l'appel et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel.
Elle en déduit que Mme [X], ayant conclu au fond devant la cour en soulevant la nullité de la signification du 9 mars 2021 sans saisir initialement le conseiller de la mise en état de conclusions spéciales tendant à voir déclarer nulle cette même signification, est désormais irrecevable à soulever la nullité de la signification.
Cependant, si les exceptions de nullité d'actes de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond, elles peuvent être soulevées après une demande au fond, en réponse à un moyen de défense soulevé par le défendeur. Ainsi, l'appelant auquel est opposé la tardiveté de son appel, peut opposer l'irrégularité de la signification qui a fait courir le délai d'appel, quand bien même il aurait auparavant conclu sur le fond.
En l'espèce, comme le fait observer Mme [X], celle-ci n'a pas demandé à la cour de déclarer nulle la signification dans ses conclusions au fond mais de juger que la signification du jugement invoquée par la banque n'a fait courir aucun délai d'appel . De sorte, qu'une exception de nullité n'ayant pas été soulevée par l'appelante dans ses conclusions au fond, la solution dégagée par l'arrêt précité du 10 décembre 2020 n'est pas transposable en l'espèce.
Ainsi, Mme [X] est recevable à opposer en défense, à la fin de non-recevoir soulevée par la banque tirée de la tardiveté de son appel, le moyen tiré de ce que la signification litigieuse n'a pas fait courir le délai d'appel.
3. Il convient de constater que, contrairement aux affirmations de l'appelante, la signification litigieuse a été effectuée postérieurement à la période juridiquement protégée définie par l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020, prise pendant la pandémie de Covid 19 , et prorogeant certains délais de recours ; la signification porte la mention expresse du délai de recours.
4. Il résulte en revanche de l'article 654 du code de procédure civile que le commissaire de justice doit tenter, par priorité, de signifier un acte à personne ; l'article 655 du même code prévoit que le commissaire de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destintaire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.
Ce n'est qu'en cas d'imposibilité de signification à personne que les autres modes de signification sont possibles.
En l'espèce, la signification a été délivrée au domicile de Mme [X], sis à [Localité 3] (06) sans que l'huissier de justice précise en quoi les circonstances rendaient impossible la signification à personne, la seule mention portée sur l'acte, constituée par une formule stéréotypée selon laquelle la signification à personne est impossible, étant insuffisante pour préciser les motifs rendant impossible une signification à personne.
Cette absence de diligences fait d'autant plus grief à Mme [X], privée de la chance d'exercer un recours dans le délai, que celle-ci précise, sans être contredite par la banque, que la banque disposait de son adresse courriel et que l'huissier pouvait, avant de délivrer la signification à domicile, se renseigner auprès de son mandant sur les coordonnées de la destinataire, ce qu'il n'a pas fait.
Ainsi, la signification opérée au domicile de Mme [X], qui n'est pas régulière, n'a pas fait courir le délai de recours.
L'appel de Mme [X] est donc recevable.
PAR CES MOTIFS
Dit que la signification du jugement du 23 février 2021, opérée le 9 mars 2021, n'a pas fait courir le délai d'appel ;
Déclare en conséquence recevable l'appel de Mme [X] ;
Déboute la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Provence Cote d'Azur de sa demande en irrecevabilité de l'appel ;
Condamne la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Provence Cote d'Azur aux dépens de l'incident ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de Mme [X] et de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence-Cote d'Azur.
Fait à Aix-en-Provence, le 16 mars 2023
Le greffier Le magistrat de la mise en état
Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.
Le greffier