COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 16 MARS 2023
N° 2023/217
Rôle N° RG 22/00767 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIWOJ
[B] [A]
[T] [A]
C/
Syndic. de copro. PANORAMER
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Charles TOLLINCHI
Me Gilbert UGO
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 06 janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/01257.
APPELANTS
Monsieur [B] [A]
Né le 18 février 1957 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]
Monsieur [T] [A]
Né le 15 août 1995 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]
représentés par Me Charles TOLLINCHI substitué par Me Karine TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistés de Me Henri ROBERTY, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Syndicat des copropriétaires de la résidence 'LE PANORAMER' sis [Adresse 4] représenté par son syndic en exercice, la SARL cabinet immobilier Jérôme Combet (Cabinet JEC IMMO),
dont le siège social est situé [Adresse 1]
représenté par Me Gilbert UGO, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 février 2023 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur
Madame Myriam GINOUX, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
L'ensemble immobilier en copropriété dénommée Le Panoramer, situé [Adresse 5] à [Localité 7] comprend :
- un bâtiment principal, élevé sur 4 étages, comportant les lots n° 28 à 54 (appartements);
- un bâtiment secondaire dite 'annexe', à savoir une villa élevée d'un étage sur rez-de-chaussée, constituant le lot n° 27.
M. [T] [A], venant aux droits de sa mère décédée le 12 octobre 2014, feu [Y] [X], et M. [B] [A] ont acquis des époux [O], suivant acte notarié en date du 29 juin 2001, le lot n° 27, lequel bénéficie de la jouissance exclusive et particulière d'un terrain d'une surface de 250 m² environ, telle qu'elle figure en vert sur le plan de masse annexé à l'acte.
Il est précisé que l'ensemble immobilier est régi par un état descriptif de division et règlement de copropriété en date du 31 janvier 1955 et par différents modificatifs ultérieurs, notamment le modificatif établi le 23 septembre 1994, aux termes desquels le lot n° 27 est constitué par la totalité du bâtiment II et qu'il a la jouissance exclusive et particulière d'un terrain de 250 m² tandis que les lot n° 28 à 54, anciennement le lot n° 26, du bâtiment principal, bénéficient de la jouissance exclusive et particulière d'un terrain de 1 700 m².
Depuis de nombreuses années, un litige oppose les parties concernant les limites séparatives entre le lot n° 27, d'une part, et les lots n° 28 à 54, d'autre part.
L'assemblée générale des copropriétaires, en date du 7 septembre 2002, a accepté la demande des consorts [A] de se séparer du syndicat des copropriétaires, à la condition toutefois d'en déterminer les conditions précises et de fixer les limites séparatives des terrains respectifs du lot n° 27 et des lots n° 28 à 54.
C'est ainsi que l'assemblée mandatait un géomètre expert, en la personne de M. [L], pour fixer les limites séparatives des terrains respectifs des lots susvisés.
Le 20 décembre 2012, M. [L] a remis son rapport. Il a procédé à une délimitation qui se situait, pour le lot n° 27, en deçà d'un muret surmonté d'un grillage.
Contestant le rapport de M. [L], les consorts [A] ont obtenu, par ordonnance en date du 3 septembre 2003, la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire. M. [P] a été désigné avec pour mission d'indiquer les limites séparatives entre les lots susvisés.
Cet expert a déposé son rapport le 3 juin 2004 en établissant un plan en annexe 1 faisant apparaître que les consorts [A] jouissaient, en plus de la partie de terrain de 250 m2 qui leur était réservée aux termes de leur acte d'acquisition, une bande de terrain de plus de 200 m².
Le syndicat des copropriétaires a initié une procédure, le 14 février 2005, aux fins notamment de contraindre les consorts [A] à passer l'acte consécutif à l'assemblée générale du 7 septembre 2002 relativement à la scission de la copropriété. Les consorts [A] ont formé des demandes reconventionnelles portant notamment sur la délimitation des lots susvisés.
Par jugement en date du 21 décembre 2006, le tribunal de grande instance de Grasse a rejeté l'ensemble des demandes présentées par le syndicat des copropriétaires, dit que les consorts [A] étaient fondés à opposer au syndicat des copropriétaires leur titre de propriété et à réclamer, sur cette base, que la limite respective des lots n° 27 et 28 à 54 soit établie sur la base du plan de masse annexé à la minute de l'acte reçu par Me [W], notaire, le 23 septembre1994 et a rejeté le surplus des demandes.
Par arrêt en date du 6 avril 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé le jugement susvisé et rejeté tant les demandes du syndicat des copropriétaires que celles des consorts [A].
Se prévalant d'un trouble manifestement illicite qui perdure résultant de l'appropriation par les consorts [A] de la partie commune constituée par la bande de terrain de 200 m² située au-delà du terrain affecté à la jouissance privative de leur lot n° 27 avec le maintien d'une clôture et d'un portail, le syndicat des copropriétaires a assigné M. [B] [A] et M. [T] [A], par acte d'huissier en date du 22 juillet 2021, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse aux fins de les voir condamner à libérer la bande de terrain de plus de 200 m² qu'ils occupent, en sus de la partie de terrain qui leur est réservée à titre de jouissance privative aux termes de leur acte d'acquisition, à supprimer une clôture et un portail, le tout sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, les condamner à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par ordonnance de référé du 6 janvier 2022, ce magistrat a :
- condamné les consorts [A] à libérer la bande de terrain de plus de 200 m2 qu'ils occupent, en sus de la partie de terrain qui leur est réservée à titre de jouissance privative aux termes de leur acte d'acquisition, en supprimant la clôture et le portail, en se conformant au plan dressé par M. [P] et annexé à son rapport, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de 20 jours à compter de la signification de l'ordonnance ;
- les a condamnés à verser au syndicat des copropriétaires le Panoramer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les a condamnés aux dépens.
Ce magistrat a estimé que :
- les consorts [A] ne contestent pas continuer à bénéficier de la bande de terrain litigieuse, de sorte que la matérialité de l'emprise ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;
- les moyens soutenus par les époux [A] sont les mêmes que ceux ayant donné lieu au jugement du 21 décembre 2006 et à l'arrêt de la cour d'appel du 6 avril 2012 ;
- la cour d'appel a rejeté les demandes du syndicat des copropriétaires tendant à voir régulariser l'acte authentique consécutif à leur sortie de la copropriété, et ce, dans les limites de pleine propriété respective du syndicat des copropriétaires et des consorts [A], telle que fixée par le rapport d'expertise judiciaire de M. [P] ;
- elle a également rejeté les demandes des consorts [A] tendant à juger que la limite respective des lots 28 à 54 et du lot 27 leur appartenant doit être établie sur la base du muret surmonté d'un grillage et qu'ils sont fondés à se prévaloir de la prescription abrégée voire trentenaire sur la bande de terrain de 250 m2 revendiquée par le syndicat des copropriétaires ;
- cette décision a, dès son prononcé, autorité de la chose jugée entre les parties ;
- la persistance de l'occupation des consorts [A] de la bande de terrain litigieuse constitue un trouble manifestement illicite qu'il y a lieu de faire cesser.
Suivant déclaration transmise au greffe le 18 janvier 2022, les consorts [A] ont interjeté appel de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions dûment reprises.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 18 janvier 2023, auxquels il convient de renvoyer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, les consorts [A] sollicitent de la cour qu'elle:
- infirme l'ordonnance entreprise ;
- juge que le syndicat de la copropriété n'a jamais justifié de la signification régulière de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 6 avril 2012 ;
- juge en conséquence qu'il y a lieu de faire application de la prescription extinctive décennale de cette décision et que c'est le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 21 décembre 2006 qui reprend ses pleins et entiers effets ;
- juge qu'il existe une contestation plus que sérieuse sur la recevabilité même de l'action introduite par le syndicat de copropriété à leur encontre ;
- juge que le syndicat de la copropriété est hors d'état de se prévaloir d'un trouble illicite ou d'un dommage imminent ;
- juge qu'il n'appartient pas au juge des référés d'interpréter les dispositions d'un arrêt rendu par la cour d'appel ;
- juge que le juges des référés est incompétent pour statuer sur une difficulté d'exécution ;
- déboute le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes ;
- le condamne à leur verser la somme de 6 000 euros pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens ;
- le condamne aux dépens.
Ils exposent que l'intimé ne peut se prévaloir de l'arrêt de la cour d'appel du 6 avril 2012 dès lors que la preuve de sa signification n'est pas rapportée et, partant, son caractère définitif, les délais pour former un pourvoi en cassation n'ayant pas couru. Ils estiment par ailleurs qu'il y a lieu de faire application de la prescription extinctive décennale de cette décision, de sorte que c'est le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 21 décembre 2006 qui reprend ses pleins et entiers effets. Sur la base de ce jugement, ils indiquent être fondés à opposer au syndicat des copropriétaires leur titre de propriété et à réclamer sur cette base que la limite respective des lots litigieux soit établie sur la base du plan de masse annexé à la minute de l'acte reçue par Me [W] le 23 septembre 1994. Ils considèrent que le premier juge aurait dû faire application du seul jugement du 21 décembre 2006 pour se prononcer.
Dans tous les cas, ils affirment être propriétaires de la bande de terre revendiquée, de sorte qu'aucun trouble manifestement illicite n'est caractérisé. Sur ce point, ils relèvent n'avoir jamais été condamnés par la cour d'appel, dans le dispositif de son arrêt du 6 avril 2012, à libérer la bande de terrain revendiquée par la copropriété, alors même que seul le dispositif de l'arrêt a autorité de la chose jugée. Ils estiment qu'il n'appartient pas au juge des référés d'interpréter un arrêt qui n'a nullement fait droit à l'action en revendication exercée par le syndicat des copropriétaires et qui n'a nullement statué d'une manière expresse sur la délimitation des propriétés respectives.
Ils remettent en cause le rapport de l'expert judiciaire qui n'a pas pris la précaution de se prononcer sur la ligne divisoire mentionnée dans le règlement de copropriété, et en particulier dans le cahier des charges du 23 septembre 1994, laquelle a été reprise par Me [S] dans le cadre du plan certifié conforme par les époux [O]. Ils considèrent que le plan topographique établi par M. [L], et repris par l'expert judiciaire, est en totale contradiction avec le plan de masse annexé au règlement de copropriété et opposable au syndicat des copropriétaires. Selon ce plan de masse, ils relèvent que la jouissance du terrain qui leur a été attribué correspond bien à une parcelle de terre se trouvant entre le bâtiment II et le mur de séparation de clôture avec grillage édifié bien avant qu'ils aient acquis le lot n° 27, à savoir à l'époque où le constructeur, M. [C], envisageait d'édifier l'immeuble, tel que cela résulte de la convention du 11 mars 1991 signée entre ce dernier et les consorts [O].
Enfin, ils discutent la valeur probante du constat d'huissier produit par l'intimé au motif que l'huissier de justice n'est nullement habilité pour déterminer les lots respectifs.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 2 mars 2022, auxquels il convient de renvoyer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, le syndicat des copropriétaires sollicite de la cour qu'elle:
- confirme l'ordonnance entreprise ;
- condamne les consorts [A] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamne aux dépens.
Il expose qu'en l'état du non-respect par les appelants des limites du terrain affecté en jouissance privative, de l'empiètement et annexion de la bande de terrain au-delà sus de la partie de terrain qui leur est réservée aux termes de leur acte d'acquisition, situation qui perdure, nonobstant les termes de l'arrêt de la cour d'appel en date du 6 avril 2012, il y a lieu de mettre fin à ce trouble manifestement illicite. Il fait valoir que les appelants opposent les mêmes moyens que ceux soutenus dans l'affaire ayant donné à l'arrêt de la cour en contestant le rapport d'expertise judiciaire de M. [P], qui a validé le plan topographique établi par M. [L], au motif qu'il serait en contradiction avec le plan de masse annexé au règlement de copropriété et persistent à se prévaloir du plan de M. [S], architecte, annexé à une simple promesse sous seing privé établie le 11 mars 1991 entre leur auteur, les époux [O], et M. [C], promoteur,en vue de la construction du bâtiment principal, qui n'est qu'un « projet» qui devait servir de support à un acte authentique qui n'a jamais été régularisé. Sur la base de ce projet, il relève que les consorts [A] ont procédé à l'édification d'un mur surmonté d'un grillage et d'un portail à deux vantaux.
Il indique que leur argumentaire a été rejeté par la cour d'appel le 6 avril 2012, qui par des motifs décisoires, a indiqué : 'Attendu que la question du « plan de masse » à prendre en considération pour fixer les limites respectives des parties à l'usage exclusif des lots 27 d'une part et 28 à 54 d'autre part est résolu par les diligences pertinentes de l'expert [P] qui reproduit en annexe de son rapport, après s'être rendu en l'Etude de Maître [W] pour vérifier ce plan auquel les différents actes (règlement de copropriété modificatif de 1994 et acte d'acquisition des consorts [A]) font référence. Et attendu que ce plan fait apparaître la partie à la jouissance privative du lot 27 et une bande de terrain extérieure de 200 m2 selon le plan, étant observé que la clôture dont il est fait état et qui n'est pas contestée se trouve au-delà de la délimitation du terrain dont la jouissance privative est affectée au lot N° 27 en sorte que, de fait, les consorts [A] / [X] jouissaient également de cette bande de terrain en sus de la partie qui leur était réservée aux termes des actes », avant d'infirmer le jugement qui avait fait droit à la demande des consorts [A]. Il relève que cet arrêt a l'autorité de la chose jugée. Il indique qu'il n'est pas demandé au juge des référés d'interpréter cet arrêt qui est parfaitement clair et qui n'a pas été contesté par les appelants. Il expose par ailleurs qu'il ne s'agit pas davantage d'une difficulté d'exécution à l'occasion de l'exécution forcée, qui impliquerait la compétence du juge de l'exécution. Il fait valoir que, s'il est nécessaire de justifier de la signification pour pouvoir l'opposer et s'en prévaloir, l'opposer n'est pas exécuter. Il indique que l'arrêt du 6 avril 2012 bénéficiant de l'autorité de la chose jugée, c'est cette autorité qu'il entend faire respecter à l'appui de sa demande, afin de de faire cesser un trouble illicite qui perdure depuis de nombreuses années, les copropriétaires ayant été particulièrement hésitants sur la conduite à tenir envers leurs voisins compte tenu de leur menaces et dégradations ayant fait l'objet de nombreuses plaintes. Il explique que l'autorité de la chose jugée repose sur deux fondements essentiels, la nécessité d'assurer la stabilité des rapports juridiques et de mettre fin aux contestations, outre le fait qu'elle permet de contrôler et de sanctionner la diligence des parties.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 24 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le trouble manifestement illicite
Il résulte de l'article 835 alinéa 1 que le président peut toujours, même en cas de contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
Si l'existence de contestations sérieuses n'interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, il reste qu'une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.
La cour doit apprécier l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l'exécution de l'ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.
En l'espèce, afin d'apporter la preuve d'un empiètement d'une partie du terrain à jouissance privative du lot n° 26 par les consorts [A], propriétaires du lot n° 27, le syndicat des copropriétaires Le Panoramer, représenté par son syndic en exercice, se prévaut :
- de l'acte d'acquisition des appelants qui fait référence au modificatif du cahier des charges en date du 23 septembre 1994 ;
- du rapport d'expertise dressé le 3 juin 2004 par M. [P], expert judiciaire, aux termes duquel il fixe, dans un plan topographique des lieux figurant en annexe 1, les limites séparatives des lots n° 26 et 27, en tenant compte de l'assiette des terrains attribués en jouissance privative à chacun de ces lots, telle qu'elle ressort du modificatif du cahier des charges en date du 23 septembre 1994 et du plan de division dressé par M. [L] qui y est annexé et qui figure en annexe 2 de son rapport ;
- de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 6 avril 2012 infirmant le jugement prononcé le 21 décembre 2006 par le tribunal de grande instance de Grasse et rejetant les demandes formées par le syndicat des copropriétaires ainsi que celles formées par M. [A] et Mme [X] ; ces derniers demandaient à la cour de fixer leur limite de propriété sur la base du plan de masse annexé à l'acte du 23 septembre 1994, de dire que la limite séparative devait être établie sur la base du muret surmonté d'un grillage et de dire qu'ils étaient fondés à se prévaloir de la prescription abrégée, voire trentenaire, sur la bande de terre de 200 m2 revendiquée par le syndicat des copropriétaires ; dans les motifs de sa décision, la cour a estimé que le plan à prendre en considération pour fixer les limites respectives des parties à l'usage exclusif était celui dressé par M. [P] en annexe de son rapport, et ce, alors même qu'il n'est pas contesté que la clôture dont il est fait état se trouve au-delà de la limitation du terrain dont la jouissance privative est affectée au lot n° 27, de sorte que les consorts [A] jouissent également de cette bande de terrain, en sus de la partie qui leur était réservée aux termes des actes ; elle a estimé que les consorts [A] ne pouvaient se prévaloir de la prescription trentenaire, pas plus que de la prescription acquisitive abrégée, pour justifier d'un titre sur la bande de terrain de 200 m2 dont ils jouissent, en plus de celle de 250 m2 dont ils ont la jouissance exclusive ;
- du constat d'huissier dressé le 20 avril 2020 aux termes duquel l'huissier de justice a annexé à son procès-verbal des photographies illustrant des véhicules et un bâteau situés sur une bande de terrain délimitée par un portail métallique et une clôture ainsi que le plan dressé par M. [P] matérialisant la limite séparative des terrains à jouissance exclusive et la bande de terrain litigieuse dont jouissent, en plus, les consorts [A], laquelle est délimitée par un portail et une clôture.
Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que les consorts [A] empiètent, à l'évidence, sur le terrain à usage privatif du lot n° 26 en jouissant d'une bande de terre de 200 m2, en plus de celle de 250 m2 dont ils ont la jouissance exclusive, tel que cela résulte du plan topographique figurant en annexe 1 du rapport de M. [P].
Or, l'atteinte dans une copropriété aux parties à jouissance exclusive constitue par elle-même une voie de fait et cause un trouble manifestement illicite que le juge des référés a le pouvoir de faire cesser.
Il reste que les consorts [A] discutent la valeur probante des pièces susvisées.
En premier lieu, il n'est pas contesté que l'arrêt du 6 avril 2012, qui a force de chose jugée, n'a pas été mis à exécution, faute notamment d'avoir été régulièrement signifié.
Néanmoins, l'absence de force exécutoire d'une décision de justice ne la prive pas pour autant de l'autorité de chose jugée relativement aux contestations qu'elle tranche.
De même, l'existence de voies de recours, qui n'auraient pas couru faute de signification régulière d'une décision de justice, n'a aucune incidence et ne conditionne aucunement l'autorité de la chose jugée.
Ainsi, l'arrêt du 6 avril 2012 a autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu'il tranche dès le jour où il a été rendu, peu important sa force exécutoire et l'existence de voies de recours.
Or, il résulte de ce qui précède qu'en rejetant les demandes des consorts [A] de voir fixer la limite séparative des terrains à jouissance exclusive de manière à inclure dans leur lot la bande de terre litigieuse de 200 m2, délimitée par un portail métallique et une clôture, et, à défaut, de voir dire qu'ils ont acquis cette bande de terre par prescription acquisitive, l'arrêt a autorité de chose jugée sur ces demandes, s'agissant de chefs dont il résulte de la décision qu'ils ont été examinés par la cour.
En l'état d'un arrêt infirmatif, ce dernier ne substitue au jugement du 21 décembre 2006 qui avait donné raison aux consorts [A] concernant la limite séparative des terrains à jouissance exclusive qui incluait la bande de terre litigieuse de 200 m2, de sorte que ces derniers ne peuvent valablement s'en prévaloir.
A l'inverse, le syndicat des copropriétaires le Panoramer peut parfaitement se prévaloir de l'arrêt du 6 avril 2012 pour justifier de l'atteinte, par les consorts [A], aux parties à jouissance exclusive du lot n° 26 à l'origine d'un trouble manifestement illicite en raison de la violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel ou juridique, et ce, peu important l'absence de force exécutoire et du caractère non irrévocable de cette décision.
En effet, si la cour a également rejeté les demandes formulées par ce dernier, il convient de relever que ses demandes ne portaient pas sur la limite séparative des terrains à jouissance exclusive entre les lots n° 26 et 27 mais sur la sortie des consorts [A] de la copropriété dans les limites de pleine propriété de leurs lots respectifs, telles que fixées par M. [P].
Or, le fait même pour le syndicat des copropriétaires de ne pas avoir demandé, dans le cadre de la procédure ayant conduit à l'arrêt du 6 avril 2012, à ce que les consorts [A] soient condamnés à libérer la bande de terre litigieuse ne fait pas obstacle à ce que cette demande soit présentée dans le cadre de la présente procédure. En effet, ayant un objet différent, elle ne se heurte à aucune irrecevabilité par l'effet de la chose précédemment jugée.
Ce faisant, et contrairement à ce qui est soutenu par les consorts [A], le syndicat des copropriétaires ne cherche aucunement, dans le cadre de la présente procédure, à exécuter l'arrêt du 6 avril 2012, étant observé sur ce point que la question se pose de l'intérêt de mettre à exécution un arrêt qui n'a prononcé aucune condamnation en faveur et/ou contre le syndicat du copropriétaires, excepté les dépens qui ont été mis à sa charge à raison des 3/4.
En second lieu, afin de remettre en cause les conclusions de M. [P], en ce qu'il n'a pas retenu, pour délimiter les terrains à jouissance exclusive, le plan de masse dressé par M. [S] annexé au modificatif du cahier des charges du 23 septembre 1994, les consorts [A] se fondent sur les mêmes moyens de défense que ceux présentés lors de la procédure ayant conduit à l'arrêt du 6 avril 2012 pour leur voir reconnaître un droit de jouir de la bande de terre litigieuse de 200 m2 dépendant du lot n° 26.
Or, dès lors qu'ils n'allèguent ni ne démontrent l'existence d'un fait ou acte postérieur à la décision dont l'autorité est invoquée, de nature à modifier la situation antérieurement reconnue en justice, ils ne peuvent valablement se prévaloir des mêmes moyens de défense que ceux ayant donné lieu aux contestations tranchées par la cour d'appel dans son arrêt du 6 avril 2012 en raison de son autorité de chose jugée.
Enfin, en procédant à des photographies des lieux et en matérialisant sur ces dernières ainsi que sur le plan de M. [P], qu'il a annexé à son procès-verbal, la bande de terre litigieuse, l'huissier de justice n'a procédé qu'à des constatations matérielles en les éclairant par comparaison avec les limites séparatives résultant du plan de M. [P].
Dès lors que c'est bien le plan de M. [P] qui doit être retenu pour déterminer les limites séparatives des terrains à jouissance exclusive entre les lots n° 26 et 27 pour les raisons qui précèdent, et en particulier en raison de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 6 avril 2012, l'huissier de justice n'a pas outrepassé sa mission.
De plus, les consorts [A], qui ne cessent de revendiquer un droit exclusif sur un terrain incluant la bande de terre litigieuse de 200 m2 fermée par une clôture et un portail métallique, en plus de celle de 250 m2 dont ils ont effectivement la jouissance, reconnaissent en jouir, de sorte que les constatations matérielles, éclairées à l'aide du plan de M. [P], ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.
En conséquence, c'est par des motifs pertinents, que le premier juge a ordonné les mesures sollicitées par le syndicat des copropriétaires afin de faire cesser le trouble manifestement illicite causé par les consorts [A].
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Dès lors que les consorts [A] n'obtiennent pas gain de cause à hauteur d'appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle les a condamnés aux dépens et à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils seront également condamnés in solidum aux dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande en outre de les condamner à verser in solidum la somme de 3 000 euros au syndicat des copropriétaire le Panoramer, représenté par son syndic en exercice, pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [A] seront, quant à eux, déboutés de leur demande formulée sur le même fondement, en tant que parties perdantes.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne in solidum M. [B] [A] et M. [T] [A] à verser la somme de 3 000 euros au syndicat des copropriétaire le Panoramer, représenté par son syndic en exercice, pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [B] [A] et M. [T] [A] de leur demande formulée sur le même fondement ;
Condamne in solidum M. [B] [A] et M. [T] [A] aux dépens de la procédure d'appel.
La greffière Le président