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16/03/2023 | FRANCE | N°22/00636

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 16 mars 2023, 22/00636


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 16 MARS 2023



N° 2023/216













Rôle N° RG 22/00636 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIV55







[R] [F]





C/



SNC COGEDIM PROVENCE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Fabien BOUSQUET





Me Sébastien BADIE





Décision défér

ée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 19 novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/02869.





APPELANT



Monsieur [R] [F]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]



représenté par Me Fabien BOUSQUET de...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 16 MARS 2023

N° 2023/216

Rôle N° RG 22/00636 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIV55

[R] [F]

C/

SNC COGEDIM PROVENCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Fabien BOUSQUET

Me Sébastien BADIE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 19 novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/02869.

APPELANT

Monsieur [R] [F]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Fabien BOUSQUET de la SARL ATORI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean-Alexandre COSTANTINI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SNC COGEDIM PROVENCE

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 4]

représentée par Me Sébastien BADIE substitué par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assistée de Me Grégoire ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Odile GIROD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 février 2023 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SNC COGEDIM PROVENCE a réalisé un projet immobilier dénommé 'Esprits Calanques' composé de deux bâtiments séparés par des jardins, situé [Adresse 1].

M. [R] [F] est propriétaire occupant d'une maison d'habitation édifiée sur la parcelle limitrophe, les deux nouveaux bâtiments étant implantés perpendiculairement à la limite de propriété entre les deux fonds.

Se plaignant de désordres matériels suite à ces travaux et notamment d'infiltrations et de fissures, mais également de nuisances sonores, perte d'intimité au vue de la promiscuité imposée, et de perte d'ensoleillement, M. [R] [F] a fait assigner en référé la SNC COGEDIM PROVENCE, par acte d'huissier du 18 juin 2021 devant le président du tribunal judiciaire de Marseille aux fins d'obtenir une expertise judiciaire pour évaluer ces désordres, décrire les pertes de vues, les nuisances sonores et les troubles de voisinage , outre sa condamnation à lui payer une somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

Par ordonnance contradictoire en date du 19 novembre 2021, ce magistrat a :

- ordonné une expertise judiciaire portant sur les désordres énumérés expressément dans l'assignation et les trois constats d'huissier produits, en précisant leur siège, leur gravité, leur évolution et leur date d'apparition, et ce, selon mission habituelle en pareille matière,

- rejeté la demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de M. [R] [F].

Le premier juge a considéré que les vues n'étaient pas directes sur la propriété du demandeur ; qu'antérieurement à la réalisation des travaux de construction par la SNC COGEDIM PROVENCE se trouvait sur le même emplacement un immeuble de deux étages occupé par La Poste, que les immeubles en cause sont construits dans un secteur urbanisé et que la perte d'ensoleillement est inhérente au développement urbain ; qu'il n'y avait donc pas lieu à expertise du chef des troubles du voisinage invoqués. Il a retenu l'existence d'humidité et de fissures à la lecture des procès verbaux de constats d'huissiers établis ce qui démontrait un intérêt légitime du demandeur à une mission d'expertise du chef de ces désordres.

Selon déclaration reçue au greffe le 14 janvier 2022, M. [R] [F] a interjeté appel de cette décision, ' appel total en ce que le juge des référés a limité la mission de l'expert désigné et a refusé que la mission de l'expert porte sur la perte d'intimité et d'ensoleillement, les nuisances sonores lorsque les terrasses et la perte de valeur du bien du fait de la nouvelle construction.'

Par dernières conclusions transmises le 24 février 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [R] [F] sollicite de la cour qu'elle:

- infirme l'ordonnance de référé en ce qu'elle a limité la mission de l'expert et refusé que celle-ci porte sur la perte d'intimité, d'ensoleillement, les nuisances sonores et la perte de valeur du bien,

et statuant à nouveau,

- désigne un expert avec une mission complète relative à ces troubles omis dans la première décison,

- condamne la SNC COGEDIM PROVENCE au paiement d'une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de son avocat.

M. [R] [F] estime que le premier juge a outrepassé les pouvoirs qu'il détient de l'article 145 du code de procédure civile, en procédant, pour rejeter la demande d'expertise de ces chefs, à l'appréciation du caractère normal ou anormal du trouble de voisinage, appréciation qui n'appartient qu'au juge du fond ; qu'en l'état des éléments probatoires qu'il a versés au dossier, l'existence d'un litige potentiel susceptible de l'opposer à la SNC COGEDIM PROVENCE est manifestement avéré ; que de plus, l'installation future des systèmes de ventilation des parkings en sous-sol et du système d'arrosage du jardin de la copropriété constituent des nuisances futures et effectives pour lui ; que l'ensemble de ces troubles aura nécessairement un impact sur la valeur du bien à la baisse.

Par dernières conclusions transmises le 16 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SNC COGEDIM PROVENCE sollicite de la cour qu'elle :

- confirme l'ordonnance de référé du 19 novembre 2021 en toutes ses dispositions

- déboute M. [R] [F] de l'ensemble de ses demandes,

- le condamne à lui verser une somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La SNC COGEDIM PROVENCE rappelle avoir émis protestations et réserves sur la demande d'expertise sollicitée au titre des désordres matériels allégués.

S'agissant des désordres invoqués au titre des troubles anormaux du voisinage, elle fait valoir qu'une jurisprudence constante énonce que n'excèdent pas les inconvénients anormaux du voisinage, la perte de vue et d'ensoleillement résultant de l'implantation d'un bâtiment dès lors que ces troubles sont la conséquence inévitable de l'urbanisation progressive des communes, que la victime d'un trouble anormal du voisinage ne peut prétendre à l'immuabilité de ses avantages individuels dans une zone constructible.

Elle expose que M. [R] [F] avait contesté la légalité du permis de construire devant la juridcition administrataive et en a été débouté définitivement par arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 19 juillet 2017 ; qu'enfin son projet immobilier s'insère à la place d'un bâtiment massif de trois étages occupé par La Poste antérieurement, en limite de propriété, et a amélioré au contraire l'environnement en créant un espace dégagé qui n'existait pas.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 24 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mission d'expertise critiquée :

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Pour que le motif de l'action soit légitime, la demande de mesure d'instruction doit reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables qui permettent de projeter un litige futur, qui peut n'être qu'éventuel, comme plausible et crédible. Il appartient donc à l'appelante de rapporter la preuve d'éléments suffisants à rendre crédibles ses allégations et démontrer que le résultat de l'expertise à ordonner présente un intérêt probatoire, dans la perspective d'un procès au fond susceptible d'être engagé ultérieurement.

Pour rejeter la demande d'expertise formulée par M. [F], le premier juge a considéré que les troubles invoqués par ce dernier, consistant en une perte d'intimité et d'ensoleillement, de nuisances sonores et de la perte de valeur de son bien, ne sauraient caractériser un trouble anormal du voisinage.

Le premier juge a ainsi estimé que l'action au fond, que pourrait engager le demandeur-appelant basée sur la théorie des troubles anormaux du voisinage ne pouvait prospérer.

Il a effectivement procédé à l'appréciation du caractère normal ou anormal du trouble du voisinage invoqué par M. [R] [F] et a outrepassé, ce faisant, les pouvoirs du juge des référés .

Au regard des pièces versées par M. [R] [F] au dossier, il résulte :

- que les fenêtres et terrasses privatives des appartements en cours de construction ont une vue sur la maison de l'appelante et sur son jardin,

- que cette promiscuité est susceptible d'engendrer des nuisances sonores,

- qu'un mur séparant les deux propriétés, a été considérablement surélevé,

- que s'il n'est pas contesté qu'un bâtiment occupé par la Poste s'implantait antérieurement sur cette parcelle, les nuisances éventuelles de vues, d'intimité ou sonores étaient limitées aux heures d'ouverture de cet établissement.

Il existe en conséquence un motif légitime à ordonner une mesure d'expertise étendue aux troubles subis du fait de ce voisinage, et ce, selon modalités fixées au dispositif. Il sera sollicité de l'expert de donner toute information sur l'existence antérieurement aux constructions réalisées par la SNC COGEDIM PROVENCE, du bâtiment occupé par la Poste, son emplacement et l'impact de ce bâtiment sur la maison de M. [R] [F], relativement à des troubles de voisinage; impact à comparer aux constructions actuelles.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il n'a pas été formé d'appel de ce chef.

Les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [R] [F], demandeur à l'expertise.

L'équité ne justifie pas l'application des dispositions de l'article 700 au bénéfice de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a limité la mission de l'expert ;

Et, statuant de nouveau, et y ajoutant,

' Complète la mission de l'expert désigné par l'ordonnance de référé rendu par le président du tribunal judiciaire de Marseille en date du 19 novembre 2021, avec possibilité pour ce dernier de s'adjoindre tout sapiteur qu'il appartiendra aux fins de :

- donner toute information au juge qui sera saisi de l'affaire en décrivant précisèment l'implantation de la maison de M. [R] [F] par rappport aux constructions réalisées par la SNC COGEDIM PROVENCE, et décrire également le quartier dans lequel l'ensemble de ces constructions sont édifiées,

- dire si l'ensemble immobilier édifié par la SNC COGEDIM PROVENCE a créé des vues sur le fonds de M. [R] [F] et dans l'affirmative, les décrire avec précision et évaluer leur impact en termes de troubles subi par les occupants de cette maison,

- dire si l'ensemble immobilier édifié par la SNC COGEDIM PROVENCE provoque des pertes d'ensoleillement et d'intimité sur le fonds de M. [R] [F] et dans l'affirmative, les décrire précisemment, et évaluer leur impact en termes de troubles subis par les occupants de cette maison,

- évaluer et donner son avis sur les nuisances sonores liées au chantier, alléguées par M. [R] [F], en lien avec les travaux litigieux, leur durée, leur répétition, leur intensité, leur périodicité en période diurne ou nocturne et donner son avis sur l'existence d'un trouble subi par les occupants de la maison [F] ;

- donner toute information sur l'existence, antérieurement aux constructions réalisées par la SNC COGEDIM PROVENCE, du bâtiment occupé par la Poste, son emplacement et l'impact de ce bâtiment sur la maison de M. [R] [F], relativement à des troubles de voisinage ; impact à comparer aux constructions actuelles, en cours de réalisation et telles qu'elles seront finies,

- fournir tout élément d'information en cas de trouble anormal du voisinage avéré sur le préjudice subi, et l'évaluer.

- donner son avis, dans cette hypothèse, sur la perte de la valeur vénale du bien foncier appartenant à M. [R] [F], en précisant sa valeur avant les travaux litigieux et après la réalisation de ces travaux.

' Condamne M. [R] [F] aux dépens de l'instance d'appel

' Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au bénéfice de l'une ou l'autre des parties, en cause d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 22/00636
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;22.00636 ?
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