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16/03/2023 | FRANCE | N°18/06618

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 16 mars 2023, 18/06618


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 18/06618 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCJMG







SA LEROY MERLIN FRANCE





C/



[I] [J]

[L] [S] épouse [J]

SARL MENUISERIE SERVICE

SA MAAF ASSURANCES













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Cédric CABANES



Me Karen CAYOL-

BINOT



Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 28 Février 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017F00214.





APPELANTE



SA LEROY MERLIN FRANCE

, demeurant [Adresse 5]

représ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 18/06618 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCJMG

SA LEROY MERLIN FRANCE

C/

[I] [J]

[L] [S] épouse [J]

SARL MENUISERIE SERVICE

SA MAAF ASSURANCES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Cédric CABANES

Me Karen CAYOL-BINOT

Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 28 Février 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017F00214.

APPELANTE

SA LEROY MERLIN FRANCE

, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Cédric CABANES de la SCP LECLERC CABANES CANOVAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [I] [J]

né le 27 Décembre 1959 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]

représenté à l'audience par Me Karen CAYOL-BINOT, avocat au barreau de TOULON

Madame [L] [S] épouse [J]

née le 19 Juin 1969 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représentée à l'audience par Me Karen CAYOL-BINOT, avocat au barreau de TOULON

SARL MENUISERIE SERVICE

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée à l'audience par Me Ingrid SALOMONE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SA MAAF ASSURANCES SA

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée à l'audience par Me Ingrid SALOMONE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie LEYDIER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023.

ARRÊT

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant bon de commande n°309396 du 7 mars 2015, Monsieur [I] [J] a commandé à la société LEROY MERLIN (établissement de LA VALETTE DU VAR) la fourniture et la pose de volets en aluminium pour équiper les deux maisons appartenant aux époux [J] (l'une habitée par eux villa n°10 et l'autre divisée en deux appartements loués villa n°8), pour un coût total, après remise de 12436,91 euros TTC.

Monsieur [I] [J] a signé un document intitulé 'détail de la prestation de pose' à l'entête de la société LEROY MERLIN mentionnant que la SARL MENUISERIE SERVICE, son sous-traitant, était chargée de la dépose de 20 paires de volets battants et de la pose de 20 paires de volets battants alu sur cadre et de deux volets roulants en rénovation, auquel sont annexés les conditions générales de pose LEROY MERLIN, un contrat cadre de sous-traitance, l'attestation d'assurance responsabilité décennale de la SARL MENUISERIE SERVICE, ainsi qu'un document établi le 25 février 2015 comportant le tampon de cette société et des schémas avec prise des différentes côtes pour l'ensemble des volets.

Monsieur [I] [J] a intégralement réglé la facture n°0352315 établie le 23 avril 2015 à la livraison du matériel pour un montant total de 12436,91 euros TTC, étant précisé qu'il manquait deux volets roulants.

Les travaux ont été réalisés les 11 et 12 mai 2015.

Un bon de réception à l'entête de la société LEROY MERLIN a été signé par le représentant de la société MENUISERIE SERVICE et Monsieur [I] [J] le 12 mai 2015 avec les réserves suivantes:

« Hauteur des portes fenêtres poignée à descendre en totalité

Coup sur volet roulant 1060x1610

Manque gond et peintures sur la totalité des volets »

Le 29 mai 2015, après une nouvelle intervention de la société MENUISERIE SERVICE, Monsieur [J] signait un deuxième bon de réception à l'entête de la société LEROY MERLIN comprenant la signature du représentant de la société MENUISERIE SERVICE et les réserves suivantes: « Villa n°8: reste une porte avec serrure + volet roulant ».

Le 10 juin 2015, Monsieur [J] signait un troisième bon de réception à l'entête de la société LEROY MERLIN comprenant la signature du représentant de la société MENUISERIE SERVICE et les réserves suivantes: 'Reste en SAV: 1 volet roulant, 3 volets battants avec serrure ».

Le 10 août 2015, Monsieur [J] signait un quatrième bon de réception à l'entête de la société LEROY MERLIN comprenant la signature du représentant de la société MENUISERIE SERVICE et les réserves suivantes: 'Refus de pose du volet roulant en SAV, le nouveau est arrivés avec des chocs et des rayures sous l'emballage (carton intact) ».

Les époux [J] se sont plaints de divers désordres auprès de la société LEROY MERLIN, cette dernière ayant déclaré un sinistre auprès de son assureur responsabilité civile entreprise, qui a diligenté une mesure d'expertise amiable confiée au cabinet Cunningham Lindsey.

Par courrier du 30 novembre 2015 adressé à la MAAF, prise en sa qualité d'assureur décennal de la société MENUISERIE SERVICE, l'expert du cabinet Cunningham Lindsey indiquait avoir organisé une réunion au cours de laquelle le représentant de la société MENUISERIE SERVICE ne s'était pas présenté mais avait été contacté par téléphone et avait contesté être à l'origine des malfaçons de pose et des problèmes de côtes constatés au contradictoire, sollicitant son positionnement sur la mobilisation de sa garantie.

Se plaignant de l'absence de reprise des désordres, les époux [J] ont fait assigner la SA LEROY MERLIN, la SARL MENUISERIE SERVICE et la MAAF par acte du 19 février 2016 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de TOULON aux fins principalement d'obtenir une expertise, la condamnation de la SA LEROY MERLIN à leur communiquer sous astreinte le rapport d'expertise du cabinet Cunningham Lindsey, la condamnation de la SA LEROY MERLIN à leur payer une provision de 5 000 euros à valoir sur l'ensemble de leurs préjudices et une provision ad litem.

A l'audience du 1er avril 2016, les époux [J] ont renoncé à leurs demandes de provisions.

Par ordonnance du 20 mai 2016, le juge des référé a principalement:

- ordonné une expertise judiciaire confiée à Monsieur [C] [V],

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de production de pièce.

L'expert a déposé son rapport le 4 janvier 2017.

Par acte du 13 avril 2017, Monsieur et Madame [J] ont fait assigner les sociétés LEROY MERLIN France, MENUISERIE SERVICE et MAAF Assurances devant le Tribunal de commerce de TOULON aux fins principalement d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement contradictoire du 28 février 2018, le tribunal de commerce de TOULON:

s'est déclaré compétent pour juger du litige,

'a condamné solidairement la SA LEROY MERLIN FRANCE et la SARL MENUISERIE SERVICE in solidum avec la compagnie d'assurance la SA MAAF ASSURANCES SA à payer à Madame [L] [J] née [S] et à Monsieur [I] [J] les sommes suivantes:

- 5 243,92 € au titre des travaux de reprise à effectuer,

- 3 435,44 € à titre de remboursement des frais d'expertise,

- 350 € à titre de remboursement des frais d'huissier,

- 3 000 € à titre de dommages et intérêts,

DIT que l'ensemble des condamnations porteront intérêts et anatocisme à compter du 13 janvier 2017,

ordonné l'exécution provisoire nonobstant toutes voies de recours et sans caution,

débouté les parties du surplus et de leurs demandes contraires ou complémentaires,

condamné solidairement la SA LEROY MERLIN FRANCE et la SARL MENUISERIE SERVICE in solidum avec la compagnie d'assurance la SA MAAF ASSURANCES SA à payer à Madame [L] [J] née [S] et à Monsieur [I] [J] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné damné s MERLIN FRANCE et la SARL MENUISERIE SERVICE in solidum avec la compagnie d'assurance la SA MAAF ASSURANCES SA à payer les entiers dépens.

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 16 avril 2018, la SA LEROY MERLIN France a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a:

Condamné solidairement la société LEROY MERLIN et la SARL MENUISERIE SERVICE in solidum avec la compagnie d'assurance la SA MAAF ASSURANCES à payer à Madame [L] [J] et à Monsieur [J] les montants suivants:

5 243,92 € au titre des travaux de reprise à effectuer,

3 435,44 € au titre de remboursement des frais d'expertise,

350 € au titre de remboursement des frais d'huissier,

3 000 € au titre des dommages et intérêts.

Dit que l'ensemble des condamnations porteront intérêts et anatocisme à compter du 13 janvier 2017,

Ordonné l'exécution provisoire nonobstant toutes voies de recours et sans caution,

Débouté les parties du surplus et de leurs demandes contraires ou complémentaires,

Condamné solidairement la société LEROY MERLIN et la SARL MENUISERIE SERVICE in solidum avec la compagnie d'assurance la SA MAAF ASSURANCES à payer à Madame [L] [J] et à Monsieur [J] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné solidairement la société LEROY MERLIN et la SARL MENUISERIE SERVICE in solidum avec la compagnie d'assurance la SA MAAF ASSURANCES à payer les entiers dépens de la présente instance liquidés à la somme de 143,78 €, dont TVA 23,96 €,

en intimant:

1/ Monsieur [I] [J],

2/ Madame [S],

3/ la SARL MENUISERIE SERVICE,

4/ la SA MAAF.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 4 mai 2021, la société LEROY MERLIN France, appelante, demande à la cour:

Déclarer la société LEROY MERLIN recevable et bien fondée en son appel,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:

Condamné solidairement la société LEROY MERLIN et la SARL MENUISERIE SERVICE in solidum avec la compagnie d'assurance la SA MAAF ASSURANCES à payer à Madame [L] [J] et à Monsieur [J] les montants suivants:

5 243,92 € au titre des travaux de reprise à effectuer,

3 435,44 € au titre de remboursement des frais d'expertise,

350 € au titre de remboursement des frais d'huissier,

3 000 € au titre des dommages et intérêts.

Dit que l'ensemble des condamnations porteront intérêts et anatocisme à compter du 13 janvier 2017 ;

Débouté les parties du surplus et de leurs demandes contraires ou complémentaires,

Condamné solidairement la société LEROY MERLIN et la SARL MENUISERIE SERVICE in solidum avec la compagnie d'assurance la SA MAAF ASSURANCES à payer à Madame [L] [J] et à Monsieur [J] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné solidairement la société LEROY MERLIN et la SARL MENUISERIE SERVICE in solidum avec la compagnie d'assurance la SA MAAF ASSURANCES à payer les entiers dépens de la présente instance liquidés à la somme de 143,78 €, dont TVA 23,96 €.

STATUANT A NOUVEAU

A TITRE PRINCIPAL,

Constater le caractère mal fondé des demandes de Monsieur et Madame [J],

En toute hypothèse, constater l'absence de réserves des époux [J] lors de la réception des travaux, malgré le caractère apparent des désordres,

En conséquence,

Débouter Monsieur et Madame [J] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Condamner Monsieur et Madame [J] à payer à la société LEROY MERLIN France la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

A TITRE SUBSIDIAIRE, si par extraordinaire le 'Tribunal' décidait de faire droit en tout ou partie aux demandes de Monsieur et Madame [J], il conviendra de:

Condamner in solidum la société MENUISERIE SERVICE et son assureur, la compagnie MAAF Assurances à garantir intégralement la société LEROY MERLIN France de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre tant en principal que frais et accessoires,

Condamner in solidum la société MENUISERIE SERVICE et son assureur, la compagnie MAAF Assurances à payer à la société LEROY MERLIN France la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

EN TOUTE HYPOTHESE,

Condamner tout succombant à payer à la société LEROY MERLIN France la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamner tout succombant aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, directement recouvrés par Me Cédric CABANES sur son affirmation de droit d'y avoir pourvu.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 2 décembre 2022, la société MAAF Assurances et la SARL MENUISERIE SERVICE, intimées, demandent à la cour:

Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné in solidum la SARL MENUISERIE SERVICES et son assureur la MAAF à indemniser les époux [J] de leurs préjudices,

Sur la responsabilité de la SARL MENUISERIE SERVICES

Juger que les fautes commises par la société LEROY MERLIN exonèrent la SARL MENUISERIE SERVICES de toute responsabilité,

En conséquence débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de la SARL MENUISERIE SERVICES,

Subsidiairement,

Condamner la société LEROY MERLIN à relever et garantir la SARL MENUISERIE SERVICES à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre,

Limiter les condamnations au titre des travaux de reprise à la somme de 4 405.59 € TTC

Dire n'y avoir lieu à condamnation de SARL MENUISERIE SERVICES au titre des préjudices immatériels,

Débouter les parties de leurs plus amples demandes fins et conclusions,

Sur la garantie de la société MAAF,

Juger que les désordres litigieux étaient apparents à réception. Juger que les désordres litigieux, quelle que soit leur ampleur, affectant un élément d'équipement inerte non destiné à fonctionner, relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur.

Juger en conséquence que la garantie décennale de la MAAF n'est pas susceptible d'être mobilisée.

Débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de la MAAF.

En tout état de cause,

Juger que la garantie de la MAAF ne peut être mobilisée au titre du préjudice de jouissance,

Juger la société MAAF bien fondée à opposer la franchise contractuelle à son assuré au titre de la garantie RCD.

Juger la société MAAF bien fondée à opposer la franchise contractuelle aux tiers au titre de la garantie facultative.

Condamner la société LEROY MERLIN à payer aux concluantes la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 24 novembre 2022, Madame [L] [J] et Monsieur [I] [J], intimés, demandent à la cour:

DEBOUTER LEROY MERLIN, la MAAF et MENUISERIE SERVICE de leurs appels principal et incident à l'encontre des époux [J],

CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a CONDAMNÉ de manière solidaire LEROY MERLIN, MENUISERIE SERVICE et la MAAF à leur payer les sommes suivantes:

5 243.92 € au titre des travaux de reprise

3 435.44 € au titre des frais d'expertise

350 € au titre des frais de constat d'huissier

3 000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires

Le tout outre intérêts à compter du 13 janvier 2017 et anatocisme

STATUANT DE NOUVEAU AU SURPLUS :

DIRE ET JUGER ces condamnations in solidum entre LEROY MERLIN et MENUISERIE SERVICE solidaire avec la MAAF.

CONDAMNER LEROY MERLIN in solidum avec MENUISERIE SERVICE solidairement avec la MAAF à payer à Monsieur et Madame [J]:

1 000 € au titre de leur préjudice de jouissance,

3 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de référé, expertise et première instance outre les dépens de première instance et de référé,

3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais d'appel outre les dépens de la procédure d'appel.

La clôture de la procédure est intervenue le 5 décembre 2022.

MOTIFS

A titre liminaire la cour constate qu'elle n'est pas saisie du chef du jugement par lequel le premier juge s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige.

Sur les désordres et les responsabilités

La matérialité des désordres résulte des pièces produites (constat d'huissier du 26 janvier 2016 et constatations de l'expert) et n'est pas contestée par les parties.

Pour l'essentiel:

- les cadres des volets sont mal dimensionnés et/ou mal fixés et bougent,

- les montants des précadres ne sont pas stabilisés et pour certains basculent vers l'extérieur du fait de l'absence des vis de fixations sur la traverse haute,

- la visserie mise en oeuvre est inadaptée et trop courte,

- les gonds ne sont pas correctement et/ou complètement fixés,

- certaines tringles de l'espagnolette vibrent,

- des fixations sont manquantes,

- les seuils d'appuis sont mal fixés ou mal positionnés,

- certains dormants n'adhèrent pas à la façade de l'immeuble (l'expert ayant constaté un espace important laissé en périphérie avec des morceaux de polystyrène blancs rapportés et insérés photo 18).

Il résulte des conclusions de l'expert:

- que la SARL MENUISERIES SERVICE, prestataire choisi par LEROY MERLIN, a réalisé une mise en oeuvre à minima avec des omissions diverses, l'ensemble de la visserie et des chevilles utilisées étant inadaptée, courte et inappropriée, de sorte qu'à chaque manoeuvre d'ouverture et de fermeture des battants des volets, l'encadrement non stabilisé bascule vers l'extérieur, créant un risque d'accident,

- que la responsabilité de la SARL MENUISERIES SERVICE est totalement engagée pour une pose sans soins et non conforme aux règles de l'art et au DTU applicables,

- qu'un suivi de chantier consciencieux réalisé par le maître d'oeuvre LEROY MERLIN, titulaire du marché de manière traditionnelle avec un contrôle rigoureux en cours de réalisation, ou encore avec la présence d'un responsable à la réception, aurait inévitablement et incontestablement permis au titulaire de voir et de formuler les avis de recommandations ou de rectifications nécessaires pour reprendre et effectuer les rectifications, afin de solutionner l'ensemble des désordres (page 51 du rapport).

Responsabilité de LEROY MERLIN

Les maîtres d'ouvrage recherchent la responsabilité de la société LEROY MERLIN exclusivement sur un fondement contractuel.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, ce fondement apparaît adapté au cas d'espèce puisque les conditions générales de pose LEROY MERLIN signées par Monsieur [I] [J] stipulent notamment:

- en point 5.5 'LEROY MERLIN met tout en oeuvre pour la bonne réalisation de ses travaux' de sorte que contractuellement LEROY MERLIN s'est elle-même engagée à l'égard de son client à tout mettre en oeuvre pour la bonne réalisation des travaux.

- en point 9.2 'annulation par le magasin LEROY MERLIN' 'à tout moment, LEROY MERLIN se réserve le droit de suspendre ou d'annuler une prestation dont l'exécution ne pourrait être menée dans des conditions de qualité, de sécurité, de conformité aux normes, aux DTU (Documents Techniques Unifiés) et plus généralement aux règles de l'art' (pièce 7 des maîtres d'ouvrage).

S'il est exact que LEROY MERLIN ne peut être qualifié de 'maître d'oeuvre', contrairement à ce qu'a indiqué l'expert, il résulte des pièces produites et des explications des parties que dès le 12 mai 2015 (premier bon de réception des travaux), LEROY MERLIN a été informé des réserves mentionnées par Monsieur [J], et n'a fait que mandater à plusieurs reprises la même entreprise en mai, en juin et en août suivant, laquelle n'a jamais repris les malfaçons, de sorte qu'elle a manifestement manqué à son obligation contractuelle tendant à tout mettre en oeuvre pour la bonne réalisation des travaux.

Alors que les photographies prises par l'expert mettent en évidence une pose manifestement très grossièrement réalisée, LEROY MERLIN, prise en sa qualité d'entreprise principale, ne peut utilement se prévaloir de ce qu'en tant que non sachante, il ne peut lui être imputé aucune faute, alors qu'en l'état des multiples réclamations réitérées de ses clients, il lui appartenait à minima de suspendre ou d'annuler la prestation de sa sous-traitante dont même un profane pouvait constater l'incompétence, et de sous-traiter à une autre entreprise la reprise des malfaçons et la levée des réserves.

Il s'ensuit que sa responsabilité contractuelle est engagée à l'égard des époux [J].

Responsabilité du sous-traitant

Il résulte des conclusions de l'expert, non contredites par des éléments émanant d'un professionnel de la menuiserie, que la SARL MENUISERIES SERVICE a manqué à son obligation de résultat d'exécuter des travaux exempts de vice, en déposant les anciens volets sans aucun soin et en posant les nouveaux volets avec une visserie inadaptée et sans respecter les règles de l'art et les DTU applicables.

Contrairement à ce qu'elle soutient et dans la mesure où comme indiqué précédemment, la société LEROY MERLIN n'est pas intervenue en tant que maître d'oeuvre, ni au stade de la conception, ni au stade de l'exécution des travaux, la SARL MENUISERIES SERVICE n'est pas fondée à soutenir que les fautes commises par LEROY MERLIN l'exonéreraient de sa responsabilité de réaliser des travaux exempts de vice, étant observé qu'il résulte de l'annexe 4.4 du rapport d'expertise que c'est elle qui a procédé aux prises de côtes des menuiseries.

Et, les maîtres d'ouvrage établissent suffisamment les fautes commises par la SARL MENUISERIES SERVICE, consistant dans la pose sans soins des volets et l'absence de respect des règles de l'art et des DTU applicables, de sorte qu'ils sont parfaitement fondés à rechercher sur le fondement délictuel qu'ils invoquent, la responsabilité de la SARL MENUISERIES SERVICE.

Les fautes de la SARL MENUISERIES SERVICE et de la SA LEROY MERLIN ayant concouru aux entiers dommages subis par les époux [J], c'est à juste titre que le premier juge a prononcé des condamnations in solidum à l'encontre de ces deux sociétés.

En revanche, dans la mesure où la responsabilité de la SARL MENUISERIES SERVICE est prépondérante, il y a lieu de dire que dans leurs rapports entre elles, la SARL MENUISERIES SERVICE devra supporter in fine 80% du montant des réparations et la SA LEROY MERLIN 20%.

Sur la garantie de la MAAF ASSURANCES

Le premier juge a omis d'examiner les moyens soulevés par l'assureur tendant à voir écarter sa garantie.

Comme le fait exactement valoir la MAAF, alors que la responsabilité de la SARL MENUISERIES SERVICE est retenue à l'égard des maîtres d'ouvrage sur un fondement délictuel, et à l'égard de la SA LEROY MERLIN sur un fondement contractuel, sa garantie décennale n'est pas mobilisable.

En conséquence, le jugement entrepris doit être ici infirmé et les demandes formées contre la société MAAF ASSURANCES par la SA LEROY MERLIN et par les époux [J] doivent être rejetées.

Sur les préjudices

Préjudice matériel

Alors que l'expert a constaté au cours de ses opérations l'instabilité des volets et mentionné le risque d'une chute de l'un d'eux, la SARL MENUISERIES SERVICE, à l'origine de cette situation, est particulièrement mal fondée à soutenir que les époux [J] ne peuvent réclamer les frais de réparation liés à la chute de deux volets de l'étage après le dépôt du rapport de l'expert, au seul motif que l'aggravation des désordres n'a pas été constaté contradictoirement alors que les photographies produites en pièces 21 et 22 ne laissent aucun doute sur la véracité des faits invoqués par les époux [J].

C'est donc avec raison que le premier juge a ajouté aux travaux de reprise préconisés par l'expert et considéré qu'il fallait déposer et reposer 17 volets sur 19 et remplacer deux volets inutilisables, de sorte que le coût des travaux de reprise s'élève en définitive à la somme totale de 5243,92 euros.

La cour constate que la SARL MENUISERIES SERVICE et la SA LEROY MERLIN n'invoquent aucun moyen ni aucune critique s'agissant de leurs condamnations à rembourser aux époux [J] 3 435,44 euros au titre des frais d'expertise et 350 euros au titre des frais d'huissier, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris de ces chefs.

Préjudice immatériel:

En l'état de la nature des désordres atteignant tous les volets de leurs deux maisons, non réparés depuis près de 8 ans, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a alloué aux époux [J] la somme de 3 000 euros, sauf à préciser que cette somme ne correspond pas à un préjudice complémentaire comme le soutiennent les époux [J], mais qu'elle est destinée à réparer leur préjudice de jouissance caractérisé par l'impossibilité de jouir normalement de leurs menuiseries, par la dangerosité des installations et par les désagréments consécutifs aux travaux de reprise sur l'ensemble des volets.

Il s'ensuit que la demande des époux [J] tendant à obtenir en appel en sus une somme de 1 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance doit être rejetée, cette demande faisant doublon avec la somme qui leur a été allouée par le premier juge.

Sur les dépens et les frais irrépétibles:

Le jugement doit être infirmé, en l'état du rejet des demandes formées contre la société MAAF ASSURANCES.

Succombant, la SARL MENUISERIES SERVICE et la SA LEROY MERLIN seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel et à régler aux époux [J] les sommes de 2 500 euros pour les frais irrépétibles exposés en première instance et de 3 000 euros pour ceux qu'ils ont été contraints d'exposer en appel.

Les autres demandes au titre des frais irrépétibles doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dans les limites de l'appel,

CONFIRME partiellement le jugement entrepris en ce que le premier juge a dit que l'ensemble des condamnations porteront intérêts et anatocisme à compter du 13 janvier 2017,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Et, y ajoutant,

DIT que la garantie de la société MAAF ASSURANCES n'est pas mobilisable,

REJETTE en conséquence, les demandes formées à l'encontre de la société MAAF ASSURANCES,

CONDAMNE in solidum la SA LEROY MERLIN FRANCE et la SARL MENUISERIE SERVICE à payer à Madame [L] [J], née [S], et à Monsieur [I] [J], pris ensemble, les sommes suivantes:

- 5 243,92 euros au titre des travaux de reprise,

- 3 435,44 euros au titre du remboursement des frais d'expertise,

- 3 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

Dit que dans leurs rapports, la SA LEROY MERLIN FRANCE supportera 20 % de la charge finale de ces condamnations et la SARL MENUISERIE SERVICE 80 %,

REJETTE les autres demandes,

CONDAMNE in solidum la SA LEROY MERLIN FRANCE et la SARL MENUISERIE SERVICE à payer à Madame [L] [J], née [S], et à Monsieur [I] [J]T FROID les sommes de 2 500 euros et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel,

CONDAMNE in solidum la SA LEROY MERLIN FRANCE et la SARL MENUISERIE SERVICE BAFM, aux dépens de première instance et d'appel et en ordonne la distraction.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/06618
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;18.06618 ?
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