COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 14 MARS 2023
N° 2023/ 101
Rôle N° RG 19/13743 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEZZZ
[H] [G]
[K] [L] épouse [G]
C/
[Y] [T] épouse [D]
SARL ANALYSES ET PERFORMANCES EXPERTISES
Société AIG EUROPE SA
SA GENERALI ASSURANCES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Eric TARLET
Me Françoise BOULAN
Me Alain DE ANGELIS
Me Pierre-yves IMPERATORE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 21 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/03138.
APPELANTS
Monsieur [H] [G]
né le 26 Juin 1940 à [Localité 7] (ALLEMAGNE)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
Madame [K] [L] épouse [G]
née le 09 Décembre 1958 à [Localité 9]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
Tous deux représentés par Me Eric TARLET de la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat Me Anouk DELMAR, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉES
Madame [Y] [X] [B] [T] épouse [D] en sa qualité d'héritière de Monsieur [E] [T] décédé
née le 11 octobre 1966 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Jean-louis RAMPONNEAU, avocat au barreau de GRASSE
Société AIG EUROPE SA venant aux droits de la Société CHARTIS EUROPE,
demeurant [Adresse 10]
représentée par Me Alain DE ANGELIS de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocat au barreau de MARSEILLE
SA GENERALI ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Michel BELLAICHEn avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Caroline ALTEIRAC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SARL ANALYSES ET PERFORMANCES EXPERTISES, demeurant [Adresse 4]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Février 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme DEMONT, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Mme Danielle DEMONT, Conseiller
Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2023.
ARRÊT
Par défaut
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2023,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique en date du 2 avril 2007, M. [E] [T] a vendu à M. [H] [G] et à Mme [G] née [K] [L] une maison d'habitation sise [Adresse 3] à [Localité 8] (06).
Exposant avoir découvert, postérieurement à la vente, des fibres d'amiante sur le support en fibrociment du toit de d'habitation, les acquéreurs ont obtenu en référé, le 15 juillet 2009, la désignation d'un expert judiciaire.
M. [W] a déposé son rapport le 22 juin 2010.
Par exploits des 10,18 et 24 novembre 2010, les époux [G] ont assigné M. [E] [T], la société Analyses et performance expertise (AP Expertise), la société Chartis Europe ( AIG Europe SA) et la société Generali assurances, au visa des articles 1141 et suivants, 1134 et 1147 du code civil et des articles L 1334-24 du code de la santé publique en paiement des frais de désamiantage et de divers dommages-intérêts.
Par jugement en date du 21 juin 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a débouté les époux [G] de toutes leurs demandes dirigées contre Mme [Y] [D] et contre les sociétés AIG Europe Ltd et Generali IARD, les a condamnés aux dépens, et dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 23 juin 2019 M. [H] [G] et Mme [G] née [K] [L] ont relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 6 janvier 2023, ils demandent à la cour :
' d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau
' de débouter les intimés de toutes leurs demandes reconventionnelles ;
' de dire que la responsabilité de [E] [T], aux droits duquel vient son héritière Mme [Y] [D], est engagée sur le fondement des articles 1641, 1134 et 1147 du code civil et de l'article L 1334-13 du code de la santé publique ;
' de dire et juger que la société AP Expertise a engagé sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 du code civil, L 1134-7 et suivants du code de la santé publique, R 1134-24 du code de la santé publique, et de l'annexe 13. 9 du code de la santé publique ;
' de dire que la Generali est venue aux droits de la société Chartis, qu'elle ne dénie pas sa garantie en qualité d'assureur d'AP Expertise, et qu'elle leur doit la réparation intégrale du préjudice subi ;
' de condamner solidairement Mme [Y] [D] ès qualités, la société AIG Europe SA et la société Generali IARD venant à ses droits, ou la Generali seule en qualité d'assureur de la société AP Expertise, au paiement des sommes suivantes :
- 34'230 € au titre des travaux de désamiantage correspondant à la facture des travaux de remise en état et subsidiairement au paiement de la somme de 32'627 € selon le chiffrage retenu par l'expert judiciaire ;
- 6 000 € au titre du préjudice de jouissance pendant les travaux évalués à 15 semaines ;
- 10'000 € à titre de dommages-intérêts en l'état du préjudice de jouissance subi du fait de l'impossibilité de réaliser les travaux nécessaires pour remédier aux dégâts des eaux à l'origine d'infiltration d'eau jusqu'au 22 septembre 2011,
le tout avec anatocisme à compter de la date de délivrance de l'assignation jusqu'à parfait paiement ;
' et de les condamner in solidum à leur payer la somme de 3000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en première instance et la même somme en cause d'appel ainsi qu'aux dépens avec distraction.
Par conclusions du 7 février 2023, Mme [Y] [T] épouse [D] demande à la cour :
' de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
À titre subsidiaire
' de rejeter l'appel en garantie formé par les sociétés AIG et Generali IARD ;
' de dire que la société AP Expertise, son assureur AIG, ou la Generali devront la relever et garantir du montant des condamnations prononcées contre elle ès qualités ;
À titre très subsidiaire
' de fixer le montant des travaux de désamiantage à 7092 € tel que fixés par le rapport de l'expert et à la somme de 610 € le préjudice de jouissance subi du fait de la dépose des plaques amiantées ;
' de rejeter toute demande d'intérêts et de capitalisation des intérêts présentée par les époux [G] ;
' et de condamner tout succombant à lui payer la somme de 5000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.
Par conclusions du 5 février 2020, la société de droit luxembourgeois AIG Europe SA, venant aux droits de la société AIG Europe Ltd, elle-même venant aux droits de la société Chartiste Europe demande à la cour :
' de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner les appelants à lui payer la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
À titre subsidiaire, au visa de l'article 1382 du code civil,
' de condamner Mme [Y] [D] née [T] en sa qualité d'héritière de feu [E] [T] et la société Generali à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées contre elle ;
' de condamner in solidum Mme [Y] [D] née [T] ès qualités et la société Generali assurances IARD à lui payer la somme de 6000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' et de condamner tout succombant aux dépens.
Par conclusions du 5 mai 2020, la SA Generali assurances demande à la cour :
À titre principal
' de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de débouter en conséquence les époux [G] et toute autre partie de toutes leurs demandes dirigées contre elle ;
À titre subsidiaire
' de débouter les époux [G] ou tout autres parties de leurs demandes dirigées contre elle en application de l'article L 124-5 alinéa 4 du code des assurances, eu égard à l'existence d'un fait dommageable connu avant la souscription de la police ;
À titre très subsidiaire
' de débouter les époux de toutes leurs demandes indemnité injustifiées ;
' de juger que seul le surcoût de désamiantage en cas de travaux à hauteur de 7494 € pourrait être indemnisé, ou subsidiairement de 23 820 € ;
' de limiter la part de responsabilité imputable à la société AP Expertise à une perte de chance d'éviter de supporter les préjudices éventuellement subis ;
' de déclarer applicables les plafonds et limites de garantie prévus dans la police d'assurance Generali et notamment la franchise à hauteur de 3000 €
' de déduire en conséquence la somme de 3000 € du montant des condamnations prononcées à l'encontre de Generali ;
' et de condamner Mme [Y] [T] épouse [D] venant aux droits de feu
[T] à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son
encontre
' en toutes hypothèse, de condamner les époux [G] ou tout succombant, au paiement de la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens;
' de déclarer irrecevable ou à tout le moins mal fondée la demande en garantie AIG Europe contre la Generali ;
' de déclarer ma fondée la demande de garantie de Mme [T] épouse [D] ;
' et de les débouter en conséquence de leurs demandes de garantie dirigées contre elle.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
Motifs
Attendu que les époux [G] reproche utilement au jugement déféré d'avoir retenu que feu [E] [T] pouvait être considéré comme un vendeur profane ;
Attendu qu'en effet le vendeur constructeur se voit étendre la présomption de connaissance des vices applicable à un professionnel de la vente ;
Attendu qu'en l'espèce, feu [E] [T] qui a lui-même approvisionné les matériaux depuis l'entreprise Costamagna à [Localité 6] a vendu le bien immobilier litigieux après l'avoir « fait édifier en vertu des permis de construire précitées sans avoir conféré de privilège d'entrepreneur, d'architecte ou d'ouvrier » comme il est dit à l'acte authentique de vente ; qu'il est dès lors présumé connaître les vices affectant le bien vendu, et qu'il ne peut prétendre bénéficier de la clause de non garantie figurant à cet acte ;
Attendu que le vendeur et Mme [D], en sa qualité d'héritière de ce dernier, sont donc redevables de la garantie des défauts cachés affectant l'immeuble qui sont antérieurs à la vente et le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou en affectent tellement celui-ci que les époux [G] ne l'auraient pas acquis, ou n'en auraient donné qu'un moindre prix, s'ils les avaient connus, d'où il suit la réformation du jugement déféré sur ce point ;
Attendu que le rapport d'expertise judiciaire décrit de la manière suivante les désordres affectant le bien vendu :
« En façade nord : la présence d'une plaque en fibrociment en bordure de toiture. Cette plaque était visible à l''il nu.
Grenier : la dernière partie de la toiture de faible hauteur est constituée de plaques situées en fibrociment. Ces plaques sont apparentes à l''il nu. » ;
Attendu que l'expert judiciaire a chiffré les travaux de « dépose des plaques en fibrociment contenant de l'amiante à la somme de 7 494,72 €, correspondant au surcoût des travaux dus à la présence d'amiante.
Nous précisons que d'autres travaux sont nécessaires pour évacuer les plaques amiantées (') pour un montant de 21'900 € et 1920 €.
Ce chiffre correspond au surcoût des travaux de désamiantage.
Concernant la durée prévisionnelle travaux, après consultation des entreprises, il convient de prévoir quatre à six semaines pour la réfection de la couverture dans sa totalité et 3 à 5 jours pour la dépose des seules plaques amiantées » ;
Attendu que Mme [D], en sa qualité d'héritière de [E] [T], sera donc condamnée à payer aux époux [G] la somme de 31 314,72 € (7494,72 + 21 900 + 1920€), au titre de leur préjudice matériel, et celle de 500 €, au titre leur préjudice de jouissance en lien de causalité avec les travaux de désamiantage eux-mêmes, dans la mesure où le surcoût du désamiantage, et la durée de ce dernier, se greffent sur des travaux de réfection de la toiture qui devaient quoi qu'il en soit être diligentés, la présence d'amiante, tant qu'elle n'est pas dégradée, ne nécessitant pas de procéder à une rénovation de la toiture ;
Que les acquéreurs ont subi divers tracas du fait de l'impossibilité de réaliser les travaux nécessaires pour remédier aux dégâts des eaux à l'origine d'infiltrations d'eau jusqu'au 22 septembre 2011 ; que ce préjudice d'agrément et moral sera entièrement réparé par l'octroi de la somme de 2000 €, à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que ces montants qui revêtent un caractère indemnitaire, ne peuvent porter intérêts qu'à compter de l'arrêt qui en fixe le principe et le montant, d'où il suit le rejet de la demande de capitalisation annuelle des intérêts à compter de la date de délivrance de l'assignation ;
Attendu, s'agissant de la responsabilité de la société AP Expertise, que les acquéreurs et l'héritière qui recherchent sa garantie, soutiennent que « si tant est que la réglementation à l'époque n'implique pas effectivement un contrôle (visuel) des toitures, il n'en demeure pas moins qu'en tant que professionnel du diagnostic, il ne pouvait pas échapper au technicien que les sous-tuiles étaient en fibrociment contenant de l'amiante, parce que visibles à l''il nu ; que celui-ci est tenu d'une obligation de conseil et d'une obligation de recherche ; que l'expert judiciaire souligne que « la société AP Expertise a procédé à la visite de tous les locaux concernés par les prélèvements, aucune réserve n'ayant été indiquée pour les locaux qui n'auraient pas été visités. » ; et que le grenier est parfaitement accessible ;
Mais attendu que la mission confiée à la société AP Expertise est définie par les dispositions du code de la santé publique ;
Attendu que le cadre réglementaire du repérage est fixé par l'annexe 13.9 du code de la santé publique, précisé par l'article R1334-24 de ce code ; que l'annexe 13. 9, dans sa rédaction en vigueur entre le 27 mai 2003 et le 1er février 2012, prévoit la liste des composants de la construction et les parties du composant à vérifier ou à sonder ; qu'elle n'inclut pas les toitures et leurs éléments ;
Attendu que la société AP expertise n'était donc pas tenue d'examiner la toiture, fût-elle bien visible, dès lors que les plaques sous tuiles de la toiture du grenier n'entraient pas dans sa mission réglementaire et que sa mission n'avait fait l'objet d'aucune extension au profit d'un examen général du bien immobilier en vente ;
Attendu que le rapport de diagnostic amiante établi à la demande de feu [E] [T] par la société AP Expertise, annexé à l'acte de vente du 2 avril 2007, conclut ainsi qu'« Il n'a pas été repéré de matériaux et produits susceptibles de contenir de l'amiante (au sens de l'article 13. 9 du code de la santé publique) », après avoir expressément expressément averti les parties, en page 2 de son rapport, que « Ce diagnostic n'implique pas que l'immeuble est exempt d'amiante » .
Attendu que les acquéreurs, et le vendeur au titre d'une demande d'être relevé et garanti, ne peuvent donc reprocher au technicien de ne pas avoir repéré la présence d'amiante en toiture ; que le tribunal dès lors a justement écarté la responsabilité d'AP Expertise et la garantie des assureurs, d'où il suit la confirmation du jugement déféré ayant rejeté toutes les demandes dirigées contre eux ;
Attendu que Mme [D] ès qualités succombant, devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, et verser en équité aux époux [G] la somme de 4000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant elle-même, ni davantage les assureurs, prétendre au bénéfice de ce texte ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées contre les sociétés d'assurance AIG Europe Ltd et Generali IARD,
L'Infirmant pour le surplus, statuant à nouveau, et y ajoutant
Condamne in solidum Mme [Y] [T] épouse [D], venant aux droits de feu [E] [T], à payer à M. [H] [G] et à Mme [G] née [K] [L], ensemble, la somme de 33'814,72 €, à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et anatocisme,
Rejette les appels en garantie,
Condamne in solidum Mme [Y] [T] épouse [D], venant aux droits de feu [E] [T], à payer à M. [H] [G] et Mme [G] née [K] [L], ensemble, la somme de 4 000 € de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT