COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 10 MARS 2023
N° 2023/85
Rôle N° RG 19/15487 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE7LM
[E] [G] épouse [H]
Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHO NE
C/
S.A.S. ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE
Copie exécutoire délivrée le :
10 MARS 2023
à :
Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 30 Septembre 2019 enregistré au répertoire général.
APPELANTES
Madame [E] [G] épouse [H], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.S. ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE société par actions simplifiée, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social , demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Grégory CHASTAGNOL, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023 et prorogé au 10 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023,
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [E] [H] a été employée en qualité d'agent de service du 28 octobre 2011 au 31 août 2013 dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE (ESPS), puis en qualité d'agent de service AS3B dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2013. Elle était affectée sur le site de la Clinique [5] à [Localité 6].
Par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en date du 10 avril 2017, Madame [E] [H] a été employée en qualité de Chef d'équipe, niveau CE1.
Elle a saisi la juridiction prud'homale le 15 mai 2018 de demandes en paiement d'un rappel de la prime de 13èmee mois et d'un rappel de la prime d'assiduité sur le fondement du principe d'égalité de traitement.
Par jugement du 30 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Marseille a dit que l'intervention volontaire du syndicat CGT des Entreprises de Propreté des Bouches-du-Rhône était recevable, débouté Madame [E] [G] épouse [H] de toutes ses demandes, débouté le Syndicat CGT des Entreprises de Propreté des Bouches-du-Rhône de ses demandes, indiqué que, conformément à la loi entrée en vigueur le 17 juin 2013, l'article L.3245-1 du code du travail s'appliquait s'agissant du délai de prescription relatif aux demandes de Madame [E] [G] épouse [H] et condamné Madame [E] [G] épouse [H] aux entiers dépens.
Madame [E] [G] épouse [H] et le Syndicat CGT des Entreprises de Propreté des Bouches-du-Rhône ont interjeté appel du jugement prud'homal par déclaration d'appel en date du 7 octobre 2019.
Madame [E] [G] épouse [H] et le Syndicat CGT des Entreprises de Propreté des Bouches-du-Rhône demandent à la Cour, aux termes de leurs conclusions n° 4 notifiées par voie électronique le 21 octobre 2022, de :
RECEVOIR l'appel et le dire bien fondé
INFIRMER les jugements déférés en ce que Mesdames [H] et [R] épouse [O] ont été déboutées de leurs demandes de rappel de prime de 13e mois et d'article 700 du CPC ;
Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés
Sur l'indemnisation au titre du 13e mois :
Vu le principe d'égalité de traitement
CONSTATER que les appelantes se sont placées sur le terrain de la discrimination salariale à raison de l'atteinte à l'égalité de traitement dont elles ont été l'objet en étant privées de la prime de 13e mois ;
Vu les arrêts rendus par la Cour de cassation les 10 octobre 2023, n° 11-15.608, et 6 octobre 2015, n°14-16.667 ;
Juger que la prescription applicable à la demande indemnitaire formulée par les appelantes n'est pas la prescription salariale de trois ans mais quinquennale.
CONDAMNER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Madame [E] [H] la somme de 10.375,45 euros NET à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'atteinte à l'inégalité de traitement dont elle a été l'objet en étant privée de la prime de 13e mois pour la période non prescrite courant de l'année 2013 à 2014 et 2017 à mai 2021
CONDAMNER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Madame [A] [R] épouse [O] la somme de 7052,93 euros NET à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'atteinte à l'inégalité de traitement dont elle a été l'objet en étant privée de la prime de 13e mois pour la période non prescrite courant de l'année 2015 à 2018
2 - Sur l'article 700 du CPC
CONDAMNER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Madame [E] [H] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.
CONDAMNER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Madame [A] [R] épouse [O] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.
3 - Sur l'intervention du syndicat CGT des entreprises de propreté
Vu les articles 324 du code de procédure civile, L.2132-3 du code du travail.
DIRE ET JUGER recevable l'intervention volontaire du Syndicat CGT des Entreprises de Propreté des Bouches-du-Rhône.
CONDAMNER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer au syndicat la somme de 200 euros par salarié de dommages et intérêts pour le préjudice lié à l'atteinte collective des intérêts des salariés qu'ils défendent dans le cadre de l'atteinte à l'inégalité de traitement et de la discrimination dont ils font l'objet.
CONDAMNER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône pour chaque salarié(e) requérant(e) 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
REJETER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE de ses demandes fins et conclusions.
CONDAMNER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE aux entiers dépens d'instance.
La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE (ESPS) demande à la Cour, aux termes de ses conclusions d'intimée n° 2 notifiées par voie électronique le 24 octobre 2022, de :
A titre principal
CONFIRMER le jugement rendu le 30 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Marseille
En conséquence :
DÉBOUTER Madame [H] de l'intégralité de ses demandes
DÉBOUTER le syndicat CGT de ses demandes.
A titre subsidiaire
JUGER partiellement irrecevables les demandes financières de Madame [H]
En conséquence :
JUGER prescrites les demandes de Madame [H] antérieures au Les demandes invoquées par les salariés sont donc irrecevables depuis le 15 mai 2016, et subsidiairement antérieures au 15 mai 2015 ;
RÉDUIRE leur demande au titre du 13e mois, déduction faite de la prime annuelle qu'elles ont perçue ;
En tout état de cause
INFIRMER le jugement rendu le 30 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Marseille en ce qu'il a débouté la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure ;
CONDAMNER Madame [H] à verser à la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNER Madame [H] aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 3 novembre 2022.
Madame [E] [G] épouse [H] a notifié des conclusions n° 5 par RPVA le 4 novembre 2022.
La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE a notifié des conclusions n° 3 par RPVA le 8 novembre 2022.
SUR CE :
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :
Aux termes de ses conclusions n° 5 notifiées par RPVA le 4 novembre 2022, postérieurement à l'ordonnance de clôture en date du 3 novembre 2022, Madame [E] [G] épouse [H] demande à la Cour de :
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 3 novembre 2022
Vu les conclusions n° 2 de la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE communiquées par RPVA le 28 octobre 2022 ;
RABATTRE l'ordonnance de clôture prise le 3 novembre 2022
ADMETTRE au débat les présentes conclusions
CLÔTURER de nouveau,
puis elle a maintenu toutes les autres prétentions présentées dans le dispositif de ses conclusions n° 4 notifiées par RPVA le 21 octobre 2022.
Madame [E] [H] a ajouté, dans le corps de ses conclusions (pages 20 et 21), un paragraphe "Sur les prescriptions soulevées" et demande que "la société ESP (soit) déboutée de ses arguments tendant à voir les demandes prescrites".
La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, dans ses conclusions n° 3 notifiées par RPVA le 8 novembre 2022, maintient dans des termes identiques le dispositif de ses conclusions en date du 24 octobre 2022. Elle a ajouté des développements et des références jurisprudentielles sur la prescription des demandes de dommages et intérêts résultant du non versement de la prime de 13ème mois (pages 7 et 8 de ses écritures).
En application de l'article 802 du code de procédure civile, "Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Sont cependant recevables' ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture'".
Selon l'article 803 du même code, "L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue'".
Madame [E] [H] n'invoque, dans le corps de ses conclusions n° 5 ni dans le dispositif, aucune cause grave. Elle ne présente aucun moyen de fait et de droit à l'appui de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture, alors que la cour n'examine que les moyens invoqués au soutien d'une prétention, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.
Madame [H], si elle présente dans ses conclusions n° 5 un nouveau paragraphe relatif à la prescription en réponse aux écritures de son adversaire notifiées le 24 octobre 2022, ne prétend pas ni ne démontre qu'elle n'aurait pas bénéficié d'un délai suffisant (délai de 10 jours) pour répliquer avant l'ordonnance de clôture notifiée le 3 novembre 2022 (à 14h34).
À défaut d'alléguer et de justifier d'une cause grave, qui se serait révélée postérieurement à l'ordonnance de clôture, la Cour rejette la demande de Madame [E] [H] de révocation de l'ordonnance de clôture.
En conséquence, la Cour déclare irrecevables les conclusions n° 5 de Madame [E] [H], ainsi que les conclusions n° 3 notifiées par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, qui ne sollicite pas même dans ses nouvelles conclusions la révocation de l'ordonnance de clôture.
Seront retenues en la cause les écritures notifiées par Madame [H] le 21 octobre 2022 et les écritures notifiées par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE le 24 octobre 2022.
Sur la prescription :
Moyens des parties
La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE invoque l'irrecevabilité des demandes de Madame [H] en raison de la prescription des demandes de dommages-intérêts résultant du non versement de la prime de 13ème mois et relève que, les demandes d'attribution de la prime de 13ème mois étant partiellement prescrites, l'appelante tente de contourner l'irrecevabilité de ses demandes en déguisant celles-ci en demandes de dommages et intérêts.
Elle soutient que, dès lors, la demande de Madame [H] relève de l'exécution du contrat de travail et qu'il y a lieu d'appliquer le délai de prescription biennal prévu par l'article L.1471-1 du code du travail ; que toutes les demandes antérieures au 15 mai 2016 sont donc irrecevables.
Elle fait valoir que la demande de rappel de prime, n'étant que l'accessoire de la demande de reconnaissance d'une situation d'inégalité relative à l'exécution du contrat de travail, est donc soumise au délai de prescription de deux ans et que les demandes de Madame [H] sont irrecevables depuis le 15 mai 2016.
Subsidiairement, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE fait valoir que s'il s'agit, en tout état de cause, de demandes fondées sur le non versement de la prime de 13ème mois et qui ont donc un caractère salarial, elles sont alors soumises à la prescription triennale en application de l'article L.3245-1 du code du travail ; que les demandes antérieures au 15 mai 2015 sont irrecevables.
Madame [E] [G] épouse [H] demande à la Cour de juger que la prescription applicable à la demande indemnitaire formulée par l'appelante n'est pas la prescription salariale de trois ans, mais la prescription quinquennale ; qu'elle entend se placer sur le terrain de la discrimination salariale pour obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi par l'atteinte à l'inégalité de traitement, et qu'elle n'entend pas obtenir un rappel de salaire ; qu'elle est donc en droit de prétendre au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'atteinte à l'inégalité de traitement dont elle a été l'objet en étant privée de la prime de 13ème mois pour la période non prescrite courant de l'année 2015 à 2018 (sur 5 ans de 2015 à 2020, mais aucune prime sollicitée sur les années 2019 et 2020).
Réponse de la cour
Il convient d'observer que Madame [E] [H] avait présenté, devant les premiers juges, une demande en paiement d'une prime de 13ème mois. De même, dans le cadre de ses premières conclusions d'appelante notifiées par voie électronique le 13 décembre 2019, Madame [H] a présenté la même demande de condamnation de la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à lui payer la somme de 1217,38 euros à titre de rappel de la prime de 13ème mois.
Dans le cadre de ses conclusions d'appelante n° 2 notifiées par RPVA le 28 juin 2022, Madame [E] [H] n'a plus présenté de demande de rappel de prime de 13ème mois mais a présenté une nouvelle demande d'indemnisation, demandant à la cour de "CONSTATER que les appelantes se sont placées sur le terrain de la discrimination salariale à raison de l'atteinte à l'égalité de traitement dont elles ont été l'objet en étant privées de la prime de 13e mois", de "Juger que la prescription applicable à la demande indemnitaire formulée par les appelantes n'est pas la prescription salariale de trois ans mais quinquennale" et de "CONDAMNER la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à verser à Madame [E] [H] la somme de 10 375,45 euros NET à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'atteinte à l'inégalité de traitement dont elle a été l'objet en étant privée de la prime de 13e mois pour la période non prescrite courant de l'année 2013 à 2014 et 2017 à mai 2021".
Il n'est pas discuté que cette demande indemnitaire fondée sur l'inégalité de traitement est recevable en cause d'appel.
Alors que la salariée invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement, qui n'est pas une action fondée sur une discrimination, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de la demande.
La demande de Madame [H] est une demande indemnitaire, et non une demande de rappel de salaire, et comme la salariée le revendique elle-même, ce n'est pas la prescription salariale de trois ans qui s'applique en l'espèce.
L'appelante ne peut toutefois revendiquer l'application de la prescription quinquennale propre aux actions en discrimination compte tenu que sa demande d'indemnisation est fondée non sur une discrimination mais sur une atteinte au principe d'égalité de traitement.
En conséquence, c'est la prescription biennale prévue par l'article L.1471-1, qui prévoit que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans, qui s'applique en l'espèce.
Ainsi, est prescrite l'action de Madame [E] [H] au titre d'une indemnisation en réparation de faits d'atteinte au principe d'égalité de traitement antérieurs au 15 mai 2016.
Sur l'inégalité de traitement :
Moyens des parties
Madame [E] [H] fait valoir que la direction de la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE a mis en place depuis plusieurs années une politique salariale qui consiste à diviser ses propres salariés en deux catégories, à savoir le personnel de structure et le personnel de site ; que le personnel de structure est composé des employés administratifs, agents de maîtrise et cadres travaillant dans les bureaux et locaux ou établissements de l'entreprise, percevant, sans considération d'appartenance à une catégorie professionnelle particulière ou des responsabilités diverses, une prime de 13ème mois ; que le personnel de site, regroupant les agents de service, même s'ils sont qualifiés voire très qualifiés, comme les chefs d'équipe et les agents de maîtrise, qui travaille hors de l'entreprise, au sein des locaux du client, n'a pas droit à la prime de 13ème mois ; que la concluante entend solliciter des dommages et intérêts pour le préjudice économique résultant de la discrimination salariale pratiquée par l'employeur en la privant du 13ème mois durant de nombreuses années ; que le fondement juridique justifiant cette demande d'indemnisation repose sur la comparaison avec le personnel de structure qui bénéficie par contrat de travail d'une prime de 13ème mois lors de leur embauche par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE ; que l'on constate notamment, à la lecture du procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 14 novembre 2014 comme des contrats de travail de Madame [N] [U] (recrutée le 15 septembre 2014 en qualité d'employée administrative niveau 3) et de Madame [C] [I] (recrutée en qualité d'employée administrative niveau 4, et désormais agent de maîtrise), que le 13ème mois est attribué sans critère, contrairement à ce qu'exige pourtant la Cour de Cassation qui rappelle que ces critères doivent être " préalablement définis et contrôlables " (Soc. 10 octobre 2013, n° 12-21167) ; qu'à défaut d'avoir fixé de tels critères, la société ESPS se voit contrainte de procéder par voie d'allégations pour justifier du bien fondé d'exclure les agents d'exploitation comme la concluante du bénéfice des avantages qu'elle sollicite ; que la concluante se compare, non pas seulement aux agents de maîtrise ou aux cadres, mais surtout aux employés administratifs dont Madame [N] [U] et Madame [I] qui toutes deux avaient le statut d'employées lors de leur embauche et ont bénéficié par contrat de la prime de 13ème mois en sus de la rémunération liée à leur classification ; que pour juger de la valeur du travail accompli et des responsabilités des employés administratifs par rapport à la filière d'exploitation, il convient d'examiner la grille de classification de la convention collective des entreprises de propreté au regard du niveau de responsabilité, d'autonomie et de technicité des tâches que chaque salarié accomplit dans l'exercice de ses fonctions pour juger si ces fonctions ont une valeur égale ou supérieure de l'une à l'autre ; qu'il convient de rappeler que Madame [E] [H] a occupé les fonctions de chef d'équipe et a été nommée agent de maîtrise, depuis l'année 2021 ; qu'à la lecture comparée de la grille de classification d'un chef d'équipe et de la grille de classification d'un employé administratif, il apparaît que le chef d'équipe a plus de responsabilités que l'employé administratif ; que d'après ces grilles, la valeur ou l'égalité d'un travail ou les responsabilités dévolues ne sont pas définies par l'appartenance à une filière mais par rapport à la technicité requise pour exercer telle ou telle fonction au regard du niveau de celle-ci ; que la prime de 13ème mois, qui n'est pas versée en contrepartie d'une sujétion particulière, ni ne compense un préjudice spécifique non indemnisé par le salaire de base, n'est qu'un supplément de salaire, versé en sus de la rémunération de base, sans que cette attribution ne soit justifiée par la moindre raison objective et matériellement vérifiable; que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE est donc tenue d'étendre au personnel de site et à la concluante la prime de 13ème mois ; que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, qui soutient que les fonctions exercées ou responsabilités confiées au personnel de structure seraient différentes, voire supérieures, ne démontre pas, par la production de preuves matériellement vérifiables, que la rémunération conventionnelle ou contractuelle attribuée aux employés administratifs, agents de maîtrise et cadres ne tiendrait pas compte de ces responsabilités qui leur sont attribuées ; que dès lors, l'employeur ne saurait exclure la requérante de l'attribution du 13ème mois et qu'il convient de faire droit à la demande de dommages et intérêts pour le préjudice économique résultant de la privation de la prime de 13ème mois.
Madame [E] [H] soutient que l'atteinte au principe d'égalité de traitement peut être réparée par l'octroi à la salariée de l'avantage dont elle a été irrégulièrement privée, soit un total de 10.375,45 euros net à titre de dommages et intérêts, correspondant au calcul cumulé de la prime de 13ème mois sur les années 2015 et 2021, période non prescrite.
La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE réplique tout d'abord que les salariés non cadres ne peuvent pas valablement prétendre à l'avantage d'une prime de 13ème mois réservée aux salariés cadres dans la mesure où ces salariés ne sont pas placés dans une situation identique ; que le principe d'égalité salariale suppose ue les salariés effectuent un travail de valeur égale, étant précisé que l'appartenance à la même catégorie professionnelle prévue au sein de la convention collective ne suffit pas à justifier l'application de ce principe ; que la salariée doit soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une différence de rémunération injustifiée ; qu'il convient de souligner que Madame [H] a abandonné, dans le cadre de ses dernières écritures d'appel, sa demande de versement de prime de 13ème mois au titre de la comparaison avec les salariés affectés au site de la Polyclinique de Narbonne ; que Madame [H] fonde désormais sa demande de dommages et intérêts sur la non attribution de la prime de 13ème mois au titre de la comparaison avec le personnel administratif ; qu'elle ne craint pas d'invoquer une "discrimination salariale" au soutien de sa demande de dommages et intérêts, sans mentionner toutefois l'un des motifs discriminatoires limitativement énumérés à l'article L.1132-1 du code du travail ; qu'elle n'a jamais été victime de discrimination et que ce seul constat justifie le débouté de l'intégralité de ses demandes financières ; que Madame [H] ne peut comparer sa situation à celle de Monsieur [B] [L], bénéficiaire du statut cadre ; qu'elle ne se trouve pas plus dans une situation comparable avec le personnel administratif non cadre, lequel exerce des responsabilités plus importantes que celles confiées à la salariée, qui relevait de la catégorie des agents qualifiés de service, et est en outre soumis à des niveaux de compétence, d'autonomie et de polyvalence sensiblement supérieurs ; qu'au vu des fiches de poste versées par la société concluante, il est établi que Madame [I] dispose d'une technicité, d'un niveau de formation et d'expertise supérieur à l'ensemble du personnel d'exploitation, et que Madame [U] bénéficie d'un niveau d'autonomie, de technicité, de compétence supérieur, de telle sorte que le principe d'égalité de traitement n'est valablement pas applicable ; que l'analyse de la classification conventionnelle suffit à démontrer la différence de niveau de responsabilité et de mission entre l'agent de service niveau 3 et l'employé administratif EA3 ; que le personnel administratif, cadres, agents de maîtrise ou employés bénéficient d'un niveau de technicité, d'autonomie et de compétence supérieur ; que le procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 14 novembre 2014 et le procès-verbal du comité d'entreprise de l'établissement Sud-Est, versés par la salariée, n'ont aucune force probante (non signés par la Direction) ; qu'à supposer, en méconnaissance de l'ensemble des développements précédents, que le personnel administratif exercerait des missions comparables à celles réalisées par le personnel d'exploitation, ce dernier est soumis à des contraintes particulières, aux aléas des gains et pertes de marchés ; que le personnel de la filière d'exploitation, confronté à des changements successifs d'employeurs, bénéficie d'un maintien de son niveau de rémunération et, en cas d'harmonisation à l'occasion des transferts successifs de son contrat de travail, peut bénéficier d'un cumul de primes ; que le personnel administratif ne bénéficie pas de tels avantages dans la mesure où il n'est jamais transféré légalement ou conventionnellement auprès de l'entreprise nouvellement titulaire du marché ; que dès lors, le personnel administratif bénéficie d'une prime de 13ème mois leur permettant de maintenir un niveau de rémunération proportionnel à leur niveau de responsabilité afin de combler le non bénéfice des avantages salariaux acquis par le personnel d'exploitation dans le cadre des différents transferts des contrats de travail ; qu'en d'autres termes, le personnel administratif et le personnel d'exploitation ne se trouvent pas dans une situation comparable au regard dudit avantage, à savoir le versement de la prime de 13ème mois ; que la Cour déboutera l'appelante de ses demandes infondées.
Réponse de la cour
Si Madame [E] [H] invoque que sa demande est fondée sur une discrimination salariale, il s'agit en réalité non d'une discrimination mais d'une violation du principe "à travail égal, salaire égal", telle qu'elle la développe dans ses écritures.
Madame [E] [G] épouse [H] produit les éléments suivants :
-ses bulletins de paie de janvier 2013 à novembre 2014 et d'avril 2017 à mai 2021, mentionnant son emploi d'agent de service hospitalier (AS3B jusqu'en décembre 2013), de Chef d'équipe à partir de janvier 2014 (CE1 jusqu'en janvier 2018, CE2 à partir de février 2018 jusqu'en février 2020, CE3 à partir de mars 2020) ;
-les bulletins de paie de décembre 2014, décembre 2018, décembre 2019 et décembre 2020 de Madame [N] [U], employée administrative niveau 3 (EA3) en décembre 2014 et EA4 à partir de décembre 2018, indiquant le paiement d'un "13ème mois" ;
-les bulletins de paie de décembre 2017, décembre 2018, juillet 2019 et décembre 2019 de Madame [C] [I], agent de maîtrise (MA1), et indiquant le paiement d'un "13ème mois" ;
-les bulletins de paie de janvier 2018 et décembre 2018 de Monsieur [B] [L], Responsable de secteur, cadre niveau 2 (CA2), le bulletin de décembre 2018 mentionnant le paiement d'un "13ème mois" ;
-les bulletins de paie de mai et juin 2017 de Monsieur [K] [Y], cadre de niveau 3 (CA3) ;
-le contrat de travail du 15 septembre 2014 de Madame [N] [U], embauchée en qualité de Gestionnaire Paie, employée administrative niveau 3 (EA3), qui indique en son article 5 : "le titulaire du présent contrat bénéficie également :
- d'une prime de fin d'année versée sur la base de 1/12e du salaire de base annuel, hors primes. Elle est payée au prorata temporis avec le salaire du mois de décembre" ;
-le contrat de travail du 4 avril 2013 de Madame [C] [I], embauchée en qualité de Gestionnaire Paie, employée administrative niveau 4 (EA4), qui indique en son article 4 : "le titulaire du présent contrat bénéficie également :
-d'une prime de fin d'année versée sur la base de 1/12e du salaire de base annuel, hors primes. Elle est payée au prorata temporis avec le salaire du mois de décembre" ;
-l'attestation du 8 juillet 2021 de Madame [N] [U], gestionnaire de paie, qui déclare "avoir perçu' une prime de 13ème mois versé sur les mois de décembre et cela dès le mois de décembre 2014 (au prorata des mois de présence) et toutes les années suivantes comme l'ensemble de mes collègues de travail sur la plate-forme de [Localité 4] (69)" ;
-un procès-verbal du comité d'entreprise de l'établissement Sud-Est de [Localité 7] en date du 23 octobre 2014, signé par le Secrétaire du CE et par [X] [V], Directeur Régional Sud-Est et Président du CE, et qui indique : "Certains salariés ont un treizième mois lié aux reprises L1224-1 et certains salariés Elior tels que les agents de maîtrise et l'encadrement bénéficient également d'un treizième mois" ;
-un procès-verbal de la réunion de délégués du personnel du 14 novembre 2014, signé par Monsieur [V], Directeur (signature identique à celle figurant sur le procès verbal du 23 octobre 2014), et qui mentionne, au point 4 : "Tous le personnel d'ELIOR, maîtrises ou cadres, font partie de la structure d'encadrement de sites ont le 13ème mois sans conditions ni critère précis, c'est la politique de l'entreprise".
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Le procès-verbal du comité d'entreprise de l'établissement Sud-Est du 23 octobre 2014 et le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 14 novembre 2014, dont le signataire est parfaitement identifiable en la personne de Monsieur [X] [V], Directeur Régional, présentent des garanties suffisantes d'authenticité. Il résulte de ces deux procès-verbaux que la prime de 13ème mois est attribuée aux salariés appartenant aux catégories des agents de maîtrise et des cadres sans condition, ni critère précis d'attribution de ladite prime, en dehors de l'application de l'article L.1224-1 du code du travail.
De même, il ressort des éléments versés par la salariée que la prime de 13ème mois est également attribuée à des salariés employées de la filière administrative, aux niveaux 3 et 4.
La différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.
Par conséquent, l'invocation par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE de la seule appartenance à une catégorie professionnelle (cadres, agents de maîtrise, employés de la filière administrative) est inopérante pour exclure Madame [H] du bénéfice de cette prime de 13ème mois.
Si la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE verse aux débats un organigramme de la Direction régionale Sud-Est, des fiches de poste d'agent de services, de chef d'agence, de responsable de secteur, de gestionnaire de paie et de chef d'équipe, ces éléments reflètent les missions et responsabilités déjà prises en compte par les textes conventionnels pour la détermination de la rémunération conventionnelle applicable à chacune des catégories.
La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE invoque que les salariés de la filière exploitation bénéficient d'avantages qui ne sont pas accordés aux employés de la filière administrative ou aux cadres et agents de maîtrise et cite à ce titre uniquement la prime de transport, laquelle n'a pas le même objet que la prime de 13ème mois. Elle souligne également que les cadres et employés de la filière administrative ne bénéficient pas de la garantie conventionnelle d'emploi en cas de transfert d'un marché, sans démontrer toutefois que l'absence de garantie d'emploi pour les cadres, agents de maîtrise et employés de la filière administrative, qui ne connaissent pas de changement d'employeur au cours de l'exécution de leur contrat de travail, constituerait un critère objectif d'attribution de la prime de 13ème mois, au regard de l'avantage considéré.
La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE ne justifie pas, dans ces conditions, de l'existence de critères d'attribution objectifs de la prime de 13ème mois permettant d'en exclure les agents de service.
En conséquence, la Cour accueille la demande de Madame [H] au titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d'une inégalité de traitement, la salariée ayant été privée de la prime de 13ème mois dont elle aurait dû bénéficier sur la période non prescrite du 15 mai 2016 à 2021.
Il y a lieu d'infirmer le jugement de ce chef et d'accorder à Madame [H] la somme de 7279,13 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la privation de la prime de 13ème mois.
Sur l'intervention du syndicat CGT :
La violation par l'employeur de la règle "à travail égal, salaire égal" constitue une atteinte à l'intérêt collectif de la profession. L'action du syndicat CGT est donc recevable et la Cour lui accorde la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,
Rejette la demande de Madame [E] [G] épouse [H] de révocation de l'ordonnance de clôture,
Déclare irrecevables les conclusions n° 5 notifiées par Madame [E] [H], ainsi que les conclusions n° 3 notifiées par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, postérieurement à l'ordonnance de clôture,
Infirme le jugement du chef de la prime de 13ème mois et de la recevabilité de l'action du Syndicat CGT des Entreprises de Propreté des Bouches-du-Rhône,
Déclare prescrite l'action de Madame [E] [H] au titre d'une indemnisation en réparation de faits d'atteinte au principe d'égalité de traitement antérieurs au 15 mai 2016,
Condamne la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Madame [E] [G] épouse [H] la somme de 7279,13 euros à titre de dommages-intérêts pour privation du 13ème mois,
Déclare recevable l'action du Syndicat CGT des Entreprises de Propreté des Bouches-du-Rhône,
Condamne la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer au Syndicat CGT des Entreprises de Propreté des Bouches-du-Rhône la somme de 200 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Madame Madame [E] [G] épouse [H] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction