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10/03/2023 | FRANCE | N°19/08947

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 10 mars 2023, 19/08947


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 10 MARS 2023



N° 2023/84



Rôle N° RG 19/08947 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BELZI







SAS ELIOR RESTAURATION ET SERVICE (ELRES)





C/





[X] [J]











Copie exécutoire délivrée le :



10 MARS 2023



à :



Me Jean-claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Sarah SIAHOU, avocat au barreau de MARSEILLE
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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 10 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00750.





APPELANTE



SAS ELIOR RESTAURATION ET SERVICE (E...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 10 MARS 2023

N° 2023/84

Rôle N° RG 19/08947 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BELZI

SAS ELIOR RESTAURATION ET SERVICE (ELRES)

C/

[X] [J]

Copie exécutoire délivrée le :

10 MARS 2023

à :

Me Jean-claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Sarah SIAHOU, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 10 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00750.

APPELANTE

SAS ELIOR RESTAURATION ET SERVICE (ELRES) prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [X] [J], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sarah SIAHOU, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023 et prorogé au 10 Mars 2023

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023,

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [X] [J] a été embauchée le 6 mai 1988 par la Clinique [3] en qualité de caissière.

Suite à la reprise du marché, la société ELRES a repris le contrat de travail de Madame [J] suivant avenant du 23 décembre 2012.

La convention collective applicable est celle du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983 (IDCC 1266)

Par requête du 10 avril 2018, Madame [J] a saisi le Conseil de prud'hommes de Marseille d'une demande de reclassification conventionnelle, de diverses sommes à titre de rappel de salaires et de primes, et de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Par jugement du 10 mai 2019, le Conseil de prud'hommes de Marseille a :

-dit que Mme [J] était fondée à se prévaloir de son ancienneté initiale depuis le 6 mai 1988 pour le paiement de sa prime d'ancienneté,

-dit qu'elle était fondée à se prévaloir d'un taux de 6 % pour le paiement de sa prime d'ancienneté,

-dit qu'elle était fondée à se prévaloir de la classification niveau 3 statut employée,

-condamné la société ELRES à payer à Madame [J] les sommes suivantes :

- 1.048,58 euros au titre de rappel de prime d'ancienneté d'avril 2015 à septembre 2018,

- 104,85 euros au titre des congés payés sur rappel de prime d'ancienneté,

- 980,11 euros au titre de rappel de salaire s'agissant de la classification niveau 3 et ce, sur la période d'avril 2015 à septembre 2018 inclus,

- 98,01 euros au titre des congés payés afférents,

- 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

- 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

-dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 29 mai 2018 et ce jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation,

-dit que pour l'avenir Madame [J] est fondée à se voir reconnaitre une classification niveau 3 avec un salaire de base correspondant au minima conventionnel.

Madame [X] [J] a fait valoir ses droits à la retraite au mois de mai 2019.

Suivant déclaration du 3 juin 2019, la société ELRES a interjeté appel et demande à la Cour suivant conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2022 de :

INFIRMER la décision du Conseil de prud'hommes de Marseille,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

Dire que l'accord d'entreprise ELRES du 16 mai 2006 est opposable à la salariée,

Dire que les demandes de Madame [J] relatives à la requalification conventionnelle et au rappel de salaire sont prescrites, et en tout cas, mal fondées,

Dire infondées les demandes de Mme [J] de rappel de salaire au titre des primes d'ancienneté et de 13ème mois,

En conséquence,

Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, débouter la salariée de ses demandes,

A titre subsidiaire :

Réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts alloués au titre de l'exécution fautive du contrat de travail,

En tout état de cause :

-débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes

-la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2022, Madame [X] [J] demande à la Cour de :

CONFIRMER le Jugement rendu par le CPH de Marseille en ce qu'il a :

-Dit que Mme [J] est fondée à se prévaloir de son ancienneté initiale soit le 06.05.1988 pour le paiement de sa prime d'ancienneté

-Dit qu'elle est fondée à se voir appliquer un taux de 6 % pour le paiement de sa prime d'ancienneté

-Dit qu'elle est fondée à se prévaloir de la classification niveau 3 statut employée

-Lui donner acte de ce qu'elle a réactualisé ses demandes au mois de décembre 2018 ;

En conséquence,

-CONDAMNER la société ELRES exerçant sous l'enseigne ELIOR à lui payer les sommes suivantes :

- 1 086.20 euros au titre de rappel de prime d'anciennet d'avril 2015 à décembre 2018 inclus.

- 108.62 euros au titre des congs payés sur rappel de prime d'ancienneté

- 1 108.14 euros au titre de rappel de salaire s'agissant de la classification niveau 3 et ce, sur la période d'avril 2015 à décembre 2018 inclus.

- 110.81 euros s'agissant des congé payés afférents.

Dire que ces sommes produiront intérêts aux taux légal

-Ordonner la capitalisation des intérêts

-Condamner la Société ELRES à payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

-Condamner la Société ELRES au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens,

-Débouter la société ELRES de toutes ses demandes fins et conclusions.

La procédure a été close suivant ordonnance du 3 novembre 2022.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le rappel de prime d'ancienneté

Madame [J] sollicite un rappel de prime d'ancienneté estimant que la société ELRES aurait dû lui appliquer une prime d'ancienneté de 6 % calculée sur son ancienneté totale de reprise (soit à compter du 6 mai 1988 = 24 ans) et qu'elle n'a pas fait évoluer sa prime d'ancienneté conformément aux dispositions conventionnelles les plus favorables ; qu'en effet, l'article 3 de l'avenant n°3 du 26 février 1986 relatif au changement de prestataires de services de la convention collective applicable, prévoit une poursuite du contrat de travail des salariés employés par le prédecesseur 'dans les mêmes conditions fondamentales d'exploitation' ; que l'article 11 de la convention collective prévoit le versement d'une prime d'ancienneté tenant compte de l'ancienneté 'liée au contrat de travail' des salariés statut employés, qu'elle aurait ainsi dû bénéficier de l'accord collectif interne ELRES du 12 mai 2006 mais avec une 'ancienneté de reprise totale' conformément à la convention collective, certaines dispositions de l'accord portant sur l'ancienneté ne lui étant pas opposables. Elle rappelle que de nombreuses juridictions prud'homales se sont prononcées en ce sens.

La société ELRES soutient que, lorsqu'un salarié est intégré dans ses effectifs dans le cadre d'un transfert conventionnel à la suite d'un changement de prestataire, il bénéficie :

-d'une 'prime d'ancienneté spéciale' qui est la prime d'ancienneté dont bénéficiait le salarié transféré auprès de son ancien employeur en vertu de la convention collective applicable et reprise par ELRES dans le cadre dudit transfert au taux qui était le sien au jour de la reprise et qui restera figé au cours de la relation contractuelle,

-d'une prime d'ancienneté complémentaires ELRES, nommée 'prime d'ancienneté' sur les bulletins de salaire, prévue par l'article 3.1 du protocole d'accord du 16 mai 2006 et attribué au salarié à partie de 5 années de présence au sein de la société qui a repris le marché ; qu'il n'est pas possible comme le réclame Madame [J], de solliciter un panachage des dispositions plus favorables applicables et que soient prises en compte à la fois son ancienneté totale conformément à l'article 3 de l'avenant de 1986 à la convention collective et, d'autre part, le taux applicable suivant le barème de l'accord d'entreprise du 16 mai 2016, soit 6%. Elle indique que les décisions prud'homales communiquées par la salariée à l'appui de ses prétentions ne sont pas transposables au cas d'espèce car elles concernent des transferts de salariés en application de l'article L1224-1 du code du travail et non des transferts conventionnels de salariés.

***

Les dispositions prévues à l'article L1224-1 du code du travail disposent que 'Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise'.

Ces dispositions sont d'ordre public.

Aux termes de l'article 3 a) de l'avenant n° 3 du 26 février 1986 de la convention collective de la restauration des collectivités, relatif au changement de prestataires de services, 'Une entreprise entrant dans le champ d'application du présent avenant qui se voit attribuer un marché précédemment confié à une autre entreprise entrant également dans le champ d'application du présent avenant, est tenue de poursuivre les contrats de travail des salariés niveau I II III IV et V, employés par le prédécesseur pour l'exécution exclusive du marché concerné, dans les mêmes conditions fondamentales d'exploitation'.

Cette disposition conventionnelle est rédigée dans le même esprit que l'article L1224-1 du code du travail, selon lequel le salarié qui intégre la société attributaire du marché, doit conserver dans le cadre de son transfert, le bénéfice des dispositions contractuelles acquises au service du précédent employeur.

L'article 3.1.c) de l'avenant n° 3 précité poursuit en indiquant 'Pour l'application des dispositions légales et conventionnelles se référant à une notion d'ancienneté (notamment licenciement, départ à la retraite), l'ancienneté prise en compte sera celle liée au contrat de travail dite ancienneté de reprise'.

En l'espèce, l'avenant de reprise émanant de la société ELRES signé par Mme [J] le 23 décembre 2012 mentionne 'date d'ancienneté : 06 mai 1988'.

La société ELRES estime qu'à ces dispositions de la convention collective doivent se substituer les accords d'entreprise signés au sein de la société les 12 août 1998 et 16 mai 2006, lesquels n'ont jamais été dénoncés, et qu'elle considère plus favorables aux salariés.

Or, alors que l'article 11 de la convention collective de la restauration collective prévoit pour sa part que 'La prime d'ancienneté prend en compte l'ancienneté liée au contrat de travail des salariés de statut employé', soit l'ancienneté acquise depuis leur embauche, l'article 3 du protocole d'accord ELRES du 16 mai 2006 prévoit que 'Les salariés repris qui bénéficient d'une prime d'ancienneté la conserveront pour son montant acquis, sous la forme de la 'prime d'ancienneté spéciale' et bénéficieront de la prime d'ancienneté prévue à l'article 3.1 pour l'ancienneté acquise dans la société (hors ancienneté de reprise)'.

Il en résulte qu'en application de l'article 11 de la convention collective de la restauration des collectivités, Mme [J] ayant acquis, lors de la signature de l'avenant de reprise le 23 décembre 2012, une ancienneté de 24 ans, elle peut prétendue à une prime d'ancienneté de 6 % (selon le barème de l'accord), alors qu'aux termes des dispositions de l'article 3 de l'accord collectif ELRES, elle ne peut bénéficier que d'une prime d'ancienneté d'1% à partir de la cinquième année d'emploi dans l'entreprise, ce qui lui est défavorable.

L'acceptation par la salariée de la modification de son contrat et notamment de l'ancienneté acquise, par la signature de l'avenant de reprise, ne fait pas faire présumer qu'elle a renoncé à son droit.

Il y a lieu de dire que, par analogie à la régle édictée pour les transferts de plein droit des contrats de travail opérés en application de l'article L 1224-1 du code du travail, le salarié qui intégre une société, dans le cadre d'un transfert conventionnel, doit conserver le bénéfice de l'ancienneté acquise au service du précédent employeur.

Dès lors, l'article 3 de l'accord qui indique qu'il n'y a pas de reprise d'ancienneté acquise au service du précédent employeur n'est pas opposable à Mme [J].

Elle bénéficie par conséquent d'une reprise d'ancienneté de 24 ans.

S'agissant des taux applicables, l'accord collectif interne ELRES du 12 août 1998 prévoit un taux plus favorable (6% après 20 ans d'ancienneté) que celui prévu dans la convention collective de la restauration des collectivités (4% après 20 ans d'ancienneté). Il convient en conséquence de l'appliquer et de dire que la société ELRES sera redevable d'une prime d'ancienneté de 6% du salaire mensuel sur la période d'avril 2015 à décembre 2018.

En l'espèce, Mme [J] est en droit de prétendre à la somme de 1.086.20 euros de rappel de prime d'ancienneté sur la période d'avril 2015 à décembre 2018 inclus, outre les congés payés afférents à hauteur de 108.62 euros selon le calcul de la salariée (p 12 et 13 de ses conclusions), non contesté dans son montant par l'employeur.

Sur l'action en reclassification conventionnelle et les rappels de salaire

Sur la prescription

La société ELRES soutient, à titre principal, que la demande de rappel de salaire tirée de la reclassification conventionnelle est prescrite en application de l'article L 1471-1 du code du travail pour avoir été formée pour la première fois par conclusions du 10 avril 2018, soit plus de deux ans après la signature de l'avenant de reprise du 23 décembre 2012, date à laquelle elle a eu connaissance de son droit à reclassification, et qu'elle avait jusqu'au 17 juin 2015, compte tenu de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2013 sur la prescription biennale, pour formuler ses demandes.

Elle ajoute que la fin de non recevoir tirée de la prescription est recevable devant la cour car elle pouvait être proposée en tout état de cause.

Madame [J] estime à titre principal, qu'il s'agit d'une demande nouvelle formulée pour la première fois par conclusions du 17 octobre 2018, et partant, irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile. Elle soutient, à titre subsidiaire, que son action n'est pas prescrite conformément aux dispositions de l'article L3245-1 du code du travail seules applicables aux créances salariales et prévoyant une prescription triennale, ayant saisi le conseil de prud'hommes le 10 avril 2018 et ne réclamant que des rappels de salaires pour la période postérieure à avril 2015.

***

Si aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter des conclusions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la révélation d'un fait, la prescription étant une fin de non recevoir, elle peut être proposée en tout état de cause, conformément aux dispositions de l'article 123 du code de procédure civile.

Dès lors, le moyen tiré de la prescription soulevé par la société ELRES est recevable en cause d'appel.

La demande de rappel de salaires au titre de la reclassification, dont le paiement est réclamé depuis le 17 octobre 2018, est une créance salariale.

Aux termes des dispositions de l'article L3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, l'action en paiement du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et s'agissant d'une créance à exécution successive, à compter du jour où les sommes que le salarié estime dues ne lui ont pas été réglées, la renonciation à ses droits ne pouvant pas se déduire du fait qu'il n'a pas émis de contestation.

Ainsi, dans la mesure où les demandes de Madame [J] portent sur un rappel de salaires dûs depuis avril 2015 et qu'elle a saisi la juridiction prud'homale en avril 2018, ces demandes sont recevables.

Il convient par conséquent de rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription.

Sur la reclassification conventionnelle

Madame [J], constatant que la société ELRES l'a reprise le 23 décembre 2012 et rémunérée au minima conventionnel de la grille de classification de la convention collective en qualité d'employée polyvalente (niveau II), sollicite l'application du minima conventionnel applicable au poste de caissière (niveau III) indiquant qu'elle a toujours occupé les fonctions de caissière à la cafétaria de la clinique de [3], que ce soit auprès des employeurs antérieurs ou pendant la période d'emploi auprès de la société ELRES.

La société ELRES soutient qu'au moment où elle a été attributaire du marché de la Polyclinique de [3] à la suite de la société DUPONT RESTAURATION, cette dernière lui a adressé la fiche personnelle de Mme [J] ainsi que ses trois bulletins de salaire sur lesquels il apparaissait qu'elle exerçait ses fonctions en qualité d'employée polycompétente de restauration (niveau II) ; qu'elle l'a donc reprise en lui appliquant ce statut.

Elle fait valoir que si la salariée démontre qu'elle a pu être employée en qualité de caissière par le passé, elle n'a jamais exercé ces fonctions lors de leurs relations contractuelles postérieures au 23 décembre 2012.

***

Il appartient au salarié qui revendique un repositionnement conventionnel d'apporter la preuve des fonctions réellement exercées à l'appui de sa demande.

En l'espèce, Madame [X] [J] verse aux débats :

-les bulletins de salaire émis par la société ELRES [autrement appelée : ELIOR (Avenance Enseignement et Santé)] des mois de mars, avril et mai 2007 sur lesquels il est indiqué :

affectation : Casamance Classification II A Emploi : caissière,

-l'Avenant au contrat de travail signé avec la société DUPONT RESTAURATION le 1er août 2008 aux termes duquel il est mentionné qu'elle a intégré ses effectifs en qualité de caissière niveau II,

-les bulletins de salaire émis par la société DUPONT RESTAURATION des mois de juin 2011, février 2012 et mars 2012 sur lesquels il est indiqué que l'emploi occupé est celui de : caissière 2A,

-l'attestation de Madame [W] [F] en date du 3 octobre 2019, qui rapporte que 'Madame [X] [J] était toujours à la caisse de la cafétaria de la Clinique [3], lorsque j'y prenais mes repas, étant employée à la boutique de journaux qui se tenait dans le hall de la clinique Casamance',

-l'attestation de Monsieur [Z] [K] qui indique 'être venu manger souvent à la cafetaria de la clinique de [3] et avoir vu Madame [J] [X] toujours à la Caisse',

-l'attestation de Monsieur [A] [U] qui confirme que 'dans la période de septembre 1998 à avril 1999, Mme [J] était en poste à la caisse de la clinique [3]',

-l'attestation de Madame [N] [M], salariée retraitée de la clinique, qui atteste 'avoir toujours vu Mme [J] à la caisse de la cafétaria',

-l'attestation de Mme [C] [I] aide cuisinière, qui confirme également que 'Mme [J] a toujours été à la caisse de la cafétaria de la clinique Casamance' et précise que 'depuis que Monsieur [D] [L] à l'époque était gérant, c'est lui qui l'avait mis poste et jusqu'à ce qu'elle parte, elle est restée à son poste',

-les attestations de Mesdames [B] [T] et [Y] [G] respectivement ancienne employée et ASH de la clinique qui confirment l'emploi de caissière occupé par Mme [J] jusqu'à son départ de la clinique.

Alors que la société ELRES soutient que la salariée n'a jamais occupé les fonctions de caissière depuis sa reprise le 23 décembre 2012 sans apporter aucun élément en ce sens, ni préciser quelles étaient ses fonctions exactes en qualité d'employée polycompétente (par exemple : planning, attestations), Mme [J] démontre au contraire, par les éléments contractuels et les attestations produites, qu'elle a toujours occupé l'emploi de caissière auprès de la cafétaria de la clinique de [3], y compris depuis le 23 décembre 2012 et jusqu'à son départ du site.

Or il résulte de la grille de classification prévue à l'Avenant 47 du 9 novembre 2011 de la Convention collective applicable que l'emploi de 'caissier' relève du statut employé niveau III, soit le niveau supérieur à celui appliqué à Mme [J].

Il convient en conséquence de confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a ordonné la reclassification conventionnelle de la salariée au statut employée caissière, niveau III.

Il résulte des pièces produites que l'avenant 51 du 27 janvier 2015 relatif aux salaires, aux primes et à la rémunération des contrats de professionnalisation prévoit un taux horaire de 9,73 euros pour le niveau II et un taux horaire de 9,89 euros pour le niveau III.

De même, l'avenant 53 du 11 mars 2016 relatif aux salaires minima fixes prévoit un taux horaire de 9,79 euros pour le niveau II et de 9,95 euros pour le niveau III.

Au vu de ces éléments, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire formée par Mme [J] sur la période d'avril 2015 à décembre 2018 à hauteur de 1.108,14 euros, outre la somme de 110,81 euros au titre des congés payés y afférents, conformément au calcul de la salariée (p14 et 15 de ses conclusions) dont le montant n'est pas contesté par l'employeur.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Madame [J] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 2.000 euros pour exécution fautive du contrat de travail, considérant que la société ELRES n'a pas exécuté le contrat de bonne foi depuis son intégration dans les effectifs.

Aux termes de l'article L1221-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi par les deux parties.

En l'espèce, alors qu'il est établi que la société ELRES a été l'employeur de Mme [J] durant la période antérieure à 2008 et la rémunérait déjà en qualité de 'caissière' (cf bulletin de paie de mars, avril et mai 2017) et qu'il est démontré qu'elle l'employait encore à compter du 23 décembre 2012 pour occuper le même poste de caissière à la cafetaria de la clinique [3], elle ne pouvait ignorer que son statut relevait désormais de la classification employée niveau III selon l'avenant 47 du 9 novembre 2011 ayant instituée la nouvelle grille de classification.

Dès lors, en continuant à la rémunérer en qualité d'employée polycompétente niveau II, elle a manqué à son obligation d'exécution du contrat de travail de bonne foi et sera condamnée à verser à Mme [J] une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manque à gagner financier imposé à la salariée durant plusieurs années.

La décision du conseil de prud'hommes ayant alloué 1.500 euros sera infirmée de ce chef.

Sur les intérêts

Il y a lieu de dire que les créances de nature salariale portertont intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et que les créances de nature indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement de conseil de prud'hommes pour les sommes qu'il a allouées et à compter du présent arrêt, pour le surplus.

Les intérêts seront capitalisés à condition qu'ils soient dus pour une année entière conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de condamner la société ELRES à payer à Madame [X] [J] une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

L'employeur qui succombe, est tenu aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Dit que la demande de rappel de salaires au titre de la reclassification conventionnelle n'est pas prescrite,

Confirme le jugement déféré sauf sur le montant des sommes allouées au titre du rappel de prime d'ancienneté, du rappel de salaires et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Condamne la société ELRES à payer à Madame [X] [J] les sommes suivantes :

-1.086.20 euros au titre de rappel de prime d'ancienneté d'avril 2015 à décembre 2018 inclus,

- 108.62 euros au titre des congés payés sur rappel de prime d'ancienneté,

- 1.108.14 euros au titre de rappel de salaire au titre de la classification niveau III et ce, sur la période d'avril 2015 à décembre 2018 inclus,

- 110.81 euros s'agissant des congé payés afférents,

-2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat,

Y Ajoutant :

Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et que les créances de nature indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement de conseil de prud'hommes pour les sommes qu'il a allouées et à compter du présent arrêt, pour le surplus,

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la société ELRES à payer à Madame [X] [J] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ELRES aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 19/08947
Date de la décision : 10/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-10;19.08947 ?
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