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10/03/2023 | FRANCE | N°19/04951

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 10 mars 2023, 19/04951


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 10 MARS 2023



N°2023/ 40



RG 19/04951

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEAKM







[L] [S]





C/



[E] [X]

Association CGEA DE [Localité 4]

























Copie exécutoire délivrée

le 10 Mars 2023 à :



- Me Marine LEFEVRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Me Stéphani

e BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 27 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00929.







APPELANT



Monsieur [L] [S], demeu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 10 MARS 2023

N°2023/ 40

RG 19/04951

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEAKM

[L] [S]

C/

[E] [X]

Association CGEA DE [Localité 4]

Copie exécutoire délivrée

le 10 Mars 2023 à :

- Me Marine LEFEVRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 27 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00929.

APPELANT

Monsieur [L] [S], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Marine LEFEVRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Maître [E] [X] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « PMS MARSEILLE », demeurant [Adresse 2]

Défaillant

Association CGEA DE [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE de la SELARL BLCA AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 10 Mars 2023.

ARRÊT

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [L] [S] était engagé à compter du 20 novembre 2012 en qualité de technicien de maintenance, niveau II, échelon 3, coefficient 230, par contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité par la SARL PMS Marseille.

Le 1er décembre 2012 les relations contractuelles se poursuivaient dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée avec une rémunération fixe mensuelle brute de 1.923,03 euros pour une durée de 151,67 heures mensuelles.

Par avenant du 1er mars 2013 il était prévu au contrat de travail, outre la rémunération fixe mensuelle brute de 1.923,03 euros, une rémunération variable annexée sur le chiffre d'affaires hors taxes de la société.

Par avenant n°2 au contrat de travail à durée indéterminée la rémunération brute mensuelle était portée à la somme mensuelle de 2 300 €.

La convention collective nationale applicable était celle des magasins prestataires de services de cuisine à usage domestique.

Le 2 décembre 2016 une procédure de sauvegarde était prononcée par le tribunal de commerce de Castres à l'encontre de la société PMS Marseille.

M. [R] [N] était désigné administrateur judiciaire et M° [X], mandataire judiciaire.

M. [S] était désigné le 20 février 2017 en qualité de représentant des salariés dans le cadre de la procédure collective.

La liquidation judiciaire a été prononcée sans poursuite d'activité par décision du 7 juillet 2017 et le même jour le salarié était convoqué par le mandataire liquidateur à un entretien préalable au licenciement pour motif économique fixé au 18 juillet 2017.

Le 19 juillet 2017, Me [X] sollicitait la DIRECCTE l'autorisation de licencier le salarié par rupture conventionnelle et adressait au salarié un contrat de sécurisation professionnelle. Par décision du du 1er août 2017, l'inspecteur du travail refusait l'autorisation faute de consultation des délégués du personnel.

Le salarié était à nouveau convoqué le 1er août 2017 par le mandataire liquidateur à un entretien préalable au licenciement pour le 10 août 2017 et l'inspecteur du travail autorisait le licenciement au visa du procès-verbal de consultation des représentants des salariés de la SARL PMS Marseille, portant sur le projet de licenciement collectif de la totalité des salariés de l'entreprise.

M. [S] était licencié par courrier du 24 août 2017.

Le salarié saisissait le 7 mai 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille de demandes en rappel de salaire pour paiement d'heures supplémentaires,en dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et pour retard de paiement de salaires.

Par jugement du 27 février 2019 le conseil de prud'hommes en sa formation de départage a statué comme suit :

«Déclare le présent jugement commun et opposable à Me [X] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société PMS Marseille, ainsi qu'au CGEA-AGS de [Localité 4],

Déboute M. [L] [S] de l'ensemble de ses demandes

Rejette toute autre demande,

Condamne M.[L] [S] aux dépens de l'instance ».

Par acte du 26 mars 2019, le conseil de M. [S] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 27 juillet 2022, M. [S] demande à la cour de :

'Dire Monsieur [S] bien fondé en son appel.

Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Constater que la société PMS s'est fautivement abstenue de verser Régulièrement les salaires, qu'au contraire le paiement des salaires a été effectué systématiquement avec retard entraînant un préjudice distinct pour le salarié

Dire que la société PMS a gravement manqué, de façon répétée, à ses obligations contractuelles

Dire et juger que Monsieur [S] a régulièrement effectué des heures supplémentaires qui n'ont jamais donné lieu à règlement

Fixer en conséquence les créances de monsieur [S] ainsi que suit :

- Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires 14.196,50 €

- Incidence congés payés sur rappel précité 1.419,65 €

- Remboursement d'une amende majorée non reversée par l'employeur au trésor public 375 €

Fixer en outre ainsi que suit les créances indemnitaires de Monsieur [S] :

Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

(Article L.1222-1 du Code du travail) 10.000 €

Dommages et intérêts pour retard dans le paiement des salaires 5.000 €

Dire le jugement à intervenir opposable en toutes ses dispositions à Me [X] es qualité et au CGEA de [Localité 4]

Débouter Me [X], es qualité, et au CGEA de [Localité 4] de toutes leurs demandes fins et prétentions

Statuer ce que de droit du chef des dépens ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique 17 novembre 2022, l'Unédic AGS CGEA de [Localité 4] demande à la cour de :

« Confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et débouter Monsieur [S] [L] de l'ensemble de ses demandes comme étant infondées et injustifiées,

Dire et juger hors de cause le CGEA concernant la demande de créance à hauteur de 375 € au titre du prétendu remboursement d'une amende majorée non reversée par l'employeur,

Déclarer irrecevable la demande nouvelle devant la Cour formulée au titre des heures supplémentaires,

Déclarer prescrites les demandes relatives aux créances salariales antérieures au 7/05/15,

Déclarer prescrites les demandes relatives à la modification du contrat de travail qui serait intervenu à compter du 16 décembre 2014,

En tout état diminuer le montant des sommes réclamées à titre de dommages et intérêts en l'état des pièces produites.

Débouter Monsieur [S] [L] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre du CGEA en qualité de gestionnaire de l'AGS pour la demande relative à la condamnation aux frais d'huissier en application de l'article L.143-11-1 du Code du Travail.

Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du Code de Commerce.

En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Monsieur [S] [L] selon les dispositions de articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253 -1 à D 3253-6 du Code du Travail.

Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du Code du Travail ».

La déclaration d'appel, les conclusions, le bordereau de communication de pièces et les pièces ont été signifiées par acte d'huissier du 17 juin 2019 à Me [X], mandataire liquidateur de la société PMS Marseille (acte remis à une personne habilitée), qui n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

A) Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail accomplies n'incombe spécialement à aucune des parties. En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de fournir des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre utilement, à charge pour ce dernier de justifier les heures de travail effectivement réalisées.

Le salarié réclame le paiement d'heures supplémentaires pour la période du mois d'août 2014 au mois de juin 2017. Il expose que le premier juge a fait une inexacte application de la loi en retenant que la période antérieure au mois de mai 2015 était prescrite.

Il produit notamment les pièces suivantes :

- les feuilles de pointage pour l'année 2015, 2016, 2017 (pièces19,20,21)

- les bulletins de salaire du mois d'août 2014 à décembre 2014, du mois de janvier 2015 à décembre 2015, du mois de février 2016 à juin 2016 et septembre 2016 à décembre 2016, du mois de janvier 2017 au 6 juillet 12017. ( pièces 22, 25 )

- une attestation de M. [P], chef d'équipe au sein de la société du 1er octobre 2012 au 30 juin 2017qui a certifié que « M. [S] [L], installateur de cuisine, dont j'étais son responsable direct faisait régulièrement des heures supplémentaires pour faire face à un planning en surcharge et pour une implication totale, voire plus, pour honorer ses chantiers et le bon optimisme de l'équipe ».

- les tableaux des heures supplémentaires du salarié en 2015, 2016, 2017 (pièce 27, 28, 29)

Les éléments apportés par le salarié sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Contestant la valeur probante des éléments produits, l'AGS CGEA fait valoir que ces derniers sont manifestement insuffisants pour fonder le principe de l'existence d'heures supplémentaires ainsi que le montant de celles réellement effectuées.

L'AGS CGEA soutient également que :

- le salarié a augmenté ses demandes qui doivent être déclarées irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile,

- les créances salariales antérieures au 7 mai 2015 sont prescrites,

- les temps de trajet pour se rendre sur les chantiers sont intégrés dans ses feuilles de pointage et sont des frais de déplacement,

- il appartient au salarié de démontrer que les éventuelles heures supplémentaires effectuées l'ont été avec l'accord au moins implicite de son employeur,

- ses feuilles de pointage ne comportent pas l'aval de l'employeur et qu'il n'a jamais fait de réclamation avant la liquidation judiciaire de la société et qu'il ne verse aucune attestation de salariés.

- Sur l'irrecevabilité pour demande nouvelle : la cour relève que l'augmentation des demandes initiales ne sauraient être considérées comme nouvelles. Ce moyen doit être rejeté.

- Sur la prescription : Aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi nº 2013-504 du 14 juin 2013 « l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.»

Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

En l'espèce, la demande du salarié introduite le 7 mai 2018 a interrompu le délai de prescription. La demande de rappel de salaires portant sur la période du 24 août 2014 au mois de 24 août 2017, date de la rupture, n'est donc pas prescrite. La fin de non-recevoir doit être rejetée pour cette période.

- Sur le temps de trajet : lorsque le salarié qui est à la disposition de l'employeur doit se transporter de son lieu habituel de travail sur le lieu d'exécution de son travail, la durée du déplacement entre ces deux points doit être comprise comme du temps de travail effectif et non comme des déplacements soumis à défraiement.

Le salarié justifie par les fiches de pointage être arrivé sur son lieu de travail entre 7H et 8h15 selon les jours et s'être rendu sur les chantiers. Il a ainsi comptabilisé les temps de trajet et les heures travaillées au delà de son temps de travail contractuel.

La cour constate par ailleurs au vu des bulletins de paie que la société n'a jamais indemnisé le salarié de ses déplacements ou sous forme de repos ou de compensation pécuniaire.

En conséquence, M. [S] doit être indemnisé de ce chef.

- Sur l'accord de l'employeur : le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

En l'espèce, les trajets effectués par le salarié pour se rendre sur les chantiers étaient nécessaires à la réalisation des tâches confiées. De même, au vu du témoignage de son supérieur hiérarchique, M. [P], les heures supplémentaires effectuées par le salarié au-delà du temps légal étaient essentielles pour honorer les chantiers.

Dans ces conditions, les feuilles de pointage n'ont jamais été contestées par l'employeur et les heures suplémentaires ne nécessitaient pas son aval comme allégué par l'intimée.

Les pièces produites et en particulier les plannings de travail détaillés et écrits de la main du salarié sur la période du 29 décembre 2014 au 7 juillet 2017 attestent de l'existence d'heures supplémentaires, soit :

224 heures de la dernière semaine du mois de décembre 2014 jusqu'à décembre 2015,

199 heures pour l'année 2016

141 heures pour l'année 2017.

Soit un total de 564 heures.

La cour constate que le tableau des heures supplémentaires produit en complément n'est pas détaillé et fixe de manière arbitraire à 8 heures le nombre d'heures supplémentaires pour la majorité des semaines, et ce, en contradiction avec les plannings de travail. Il est également mentionné un taux horaire à 16.9 euros ne correspondant pas au taux horaire indiqué dans les bulletins de salaire du salarié.

Dès lors, confrontant les éléments produits de part et d'autre, la cour a la conviction que le salarié a accompli des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées mais pas dans la proportion réclamée par l'appelant.

La cour fixe le volume d'heures à 564 sur la période justifiée de fin décembre 2014 à juillet 2017 et la créance salariale à la somme de 10.690,97 euros bruts ( taux horaire 15,1645 x 125% x 564 heures) outre la somme de 1.069,09 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

B) Sur le retard dans le paiement des salaires

Le salarié soutient que l'employeur a entendu faire supporter au salarié les difficultés de trésorerie de sa société et qu'il a subi un préjudice indépendant de la rupture de son contrat de travail dans la mesure où le retard de paiement des salaires lui a occasionné un préjudice.

L'AGS CGEA soutient qu'aucune mauvaise foi ne peut être reprochée à l'employeur qui face à des difficultés économiques et financières a été dans l'obligation de déposer le bilan.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

Le salarié justifie par la production de ses relevés de comptes Société Générale ainsi que par les différents mails adressés à la comptabilité de la société qu'entre le mois de novembre 2016 et le mois juillet 2017 l'employeur a versé les salaires en retard et n'a pas fait droit à ses demandes d'avance de salaire.

Le salarié établit de ce fait l'existence d'un préjudice ,le salarié ayant été placé en position de précarité. En effet, son compte bancaire comporte des frais de prélèvements impayés ou de commissions d'intervention sur la période considérée et le règlement de ses charges fixes a dû être différé (pièce 35 à 54).

La cour fixe la réparation du préjudice à la somme de 2.000 €.

C) Sur l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail

Le salarié fait valoir :

- la privation de sa rémunération variable du 1er mars 2013 au 1er mai 2015, l'employeur ayant toujours refusé de communiquer à ses salariés le récapitulatif des chiffres,

- la modification du contrat de travail qui lui a été imposé avec la baisse de l'avantage en nature des tickets restaurants.

- le non-respect des délais de prévenance pour ses déplacements à l'extérieur,

- des congés imposés en fonction des difficultés économiques de l'entreprise,

- le prélèvement de saisies pour amendes majorées sans communication du montant initial de la contravention, de sorte qu'elles n'ont pas été payées dans le délai fixé et sans contrepartie au trésor public, celui ci continuant à le poursuivre en saisissant ses comptes bancaires.

L'AGS CGEA réplique que l'appelant ne peut sous couvert de dommages-intérêts demander le paiement de créances salariales prescrites.

L'AGS CGEA soutient également que la mention manuscrite apposée sur le courrier en pièce 33 n'est pas une preuve de la date à laquelle la note a été remise, que pour les congés l'employeur peut décider de la fermeture de son entreprise pour une période au plus égale à 24 jours ouvrables, que le salarié ne justifie pas d'un préjudice et a perçu une indemnité à ce titre.

Concernant l'avis à tiers détenteur, l'AGS CGEA souligne que ce n'est pas la société qui opère des saisies sur salaire, que l'employeur doit verser au comptable du trésor la somme réclamée dans la limite de la quotité saisissable et que le salarié ne verse aucune pièce.

En application des dispositions de L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, c'est à celui qui invoque une exécution déloyale d'établir le manquement de l'autre partie à l'exécution de bonne foi du contrat de travail.

À titre liminaire, il y a lieu de considérer que la privation de rémunération variable relative à la période du 24 août 2014 au 1er mai 2015 n'est pas prescrite conformément aux dispositions des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail.

- Sur le premier grief : nonobstant l'absence de communication par la société du récapitulatif du chiffre d'affaires mensuel, le salarié ne produit aucun élément permettant d'établir que la société était en mesure sur la période retenue de verser la part de rémunération variable en raison de son chiffre d'affaires mensuel, étant relevé que la procédure de sauvegarde de la société a été ouverte le 2 décembre 2016 attestant que la société rencontrait de réelles difficultés financières qu'elle n'était pas en mesure de surmonter et ayant un passif de l'ordre de 47.549 € du fait des délais subis pour le paiement des factures en l'état du jugement du 2 décembre 2016.

Ce grief doit être rejeté.

- Sur le second grief : la société a participé au paiement de tickets restaurant à hauteur de 3,5 euros, à compter du 16 décembre 2014 le montant a été diminué à hauteur de 50 %, soit 2,25 € en raison des difficultés financières de l'entreprise (pièce 30).

Les faits ne sont pas prescrits en vertu des dispositions combinés des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail à compter du 24 août 2014.

La disposition consistant à délivrer aux salariés des tickets restaurant qui constitue une partie de la rémunération du salarié par un avantage en nature n'a pas été dénoncée avec l'accord du salarié.

Toutefois, la cour constate que le montant de la prise en charge des tickets restaurant par l'employeur n'a pas été fixé dans le contrat de travail du 1er décembre 2012 qui indique seulement « l'allocation de tickets restaurant conformément aux usages de l'entreprise et des dispositions légales » sans détermination du taux de prise en charge.

Par ailleurs, le montant a été diminué et non supprimé afin selon le courrier du 16 décembre 2014 de diminuer les coût et préserver les emplois alors que la procédure de sauvegarde de la société attestant du passif de la société était ouverte depuis 14 jours.

Ce grief doit donc être rejeté.

- Sur le troisième grief : le courrier produit par le salarié ne permet pas d'établir que ce dernier n'aurait été prévenu que le 1er septembre 2014 comme indiqué de manière manuscrite sur le courrier alors que figure la date d'envoi du 22 août 2014 pour un déplacement le 2 septembre 2014 (pièce 55). Ce grief doit être rejeté.

- Sur le quatrième grief : Il est justifié que la société a imposé au salarié des congés payés anticipés du 18 au 27 janvier 2016 inclus en raison de l'importante baisse d'activité du fait « de la défaillance des clients et des retards de livraison des cuisines IKEA ne permettant pas de tenir les engagements et les plannings ».

Or, seul un accord d'entreprise ou un accord de branche peut déterminer les conditions dans lesquelles l'employeur est autorisé, de façon unilatérale, à imposer la prise de congés payés acquis ou de modifier les dates d'un congé déjà posé.

Le grief doit être retenu.

Néanmoins, le salarié qui a été payé de ses congés n'établit pas en quoi la prise des congés anticipés sur cette période lui a causé un préjudice.

- Sur le cinquième grief : le salarié produit deux avis d'opposition administrative du 17 août 2017 et du 12 octobre 2017 concernant les mêmes amendes, soit une amende forfaitaire majorée du 26 septembre 2012 d'un montant de 180 € et une amende forfaitaire majorée du 6 août 2016 d'un montant de 375 € .

Ces amendes ont initialement été adressées au salarié et non à la société comme indiqué de manière erronée et ont été majorées en raison de leur non paiement par M. [S].

Le recouvrement des amendes impayées a été notifiées dans un premier temps à l'employeur, la société PMS Marseille, tiers détenteur.

Or, le recouvrement n'a manifestement pu être réalisé en raison de la liquidation judiciaire de la société du 7 juillet 2017 et du licenciement du salarié pour motif économique, la procédure ayant été engagée à partir du mois de juillet 2017, de sorte que l'opposition administrative du 17 août 2017 a été adressée le 12 octobre 2017. à un autre tiers détenteur, la banque du salarié Natixis financement

Le salarié ne peut reprocher à la société l'exercice par le trésor public d'une opposition administrative pour recouvrer le montant des amendes forfaitaires qu'il aurait dû régler en temps voulu et dont il n'est pas justifié qu'elles aient été prélevées sur son salaire, le dernier bulletin de salaire produit par le salarié datant du mois de juin 2017.

L'appelant ne peut donc réclamer le remboursement du montant de l'amende majorée de 375€.

Ce grief doit être rejeté de même que la demande de remboursement.

En conséquence, la cour, par voie de confirmation, rejette la demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.

D) Sur la garantie de l'AGS CGEA

La liquidation judiciaire de la société a été prononcée par jugement du 7 juillet 2017.

L'AGS CGEA de Marseille doit sa garantie tant pour les sommes dues au titre de l'exécution du contrat de travail que pour celles résultant de la rupture.

Le jugement de liquidation a arrêté le cours des intérêts légaux conformément aux dispositions de l'article L.622-28 du code de commerce.

E) Sur les frais et dépens

La société en liquidation judiciaire qui succombe doit s'acquitter des dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré SAUF s'agissant du rejet de la demande d'indemnité au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

Rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription ;

Statuant à nouveau de ces chefs et Y ajoutant,

Fixe les créances de M .[L] [S] au passif de la procédure collective de la SARL PMS Marseille représentée par Me [X], ès qualités de liquidateur, aux sommes suivantes:

- 10.690,97 € bruts au titre des heures supplémentaires, sur la période de décembre 2014 à juillet 2017,

- 1.069,09 € bruts au titre des congés payés y afférents,

- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour retard dans le paiement des salaires ,

Rappelle que le jugement de liquidation judiciaire du 7 juillet 2017 arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales et indemnitaires nées antérieurement à son ouverture ;

Dit que l'Unédic délégation AGS CGEA de [Localité 4] est tenue à garantie dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail en l'absence de fonds disponibles ;

Dit n'y avoir lieu à l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL PMS Marseille représentée par Me [X], ès qualités de liquidateur, aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/04951
Date de la décision : 10/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-10;19.04951 ?
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