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10/03/2023 | FRANCE | N°19/04584

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 10 mars 2023, 19/04584


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 10 MARS 2023



N°2023/ 39



RG 19/04584

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7H5







[T] [I]





C/



SA SOCIETE ANONYME D'HABITATIONS A LOYER MODERE PHOCEENNE D'HABITATIONS (SA D'HLM PHOCEEN)

















Copie exécutoire délivrée le 10 mars 2023 à :



- Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Frédéric FRIBUR

GER, avocat au barreau de MARSEILLE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 24 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/3576....

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 10 MARS 2023

N°2023/ 39

RG 19/04584

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7H5

[T] [I]

C/

SA SOCIETE ANONYME D'HABITATIONS A LOYER MODERE PHOCEENNE D'HABITATIONS (SA D'HLM PHOCEEN)

Copie exécutoire délivrée le 10 mars 2023 à :

- Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 24 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/3576.

APPELANTE

Madame [T] [I], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA SOCIETE ANONYME D'HABITATIONS A LOYER MODERE PHOCEENNE D'HABITATIONS (SA D'HLM PHOCEEN), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 3 Février 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 10 Mars 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [T] [I] a été engagée par la société phocéenne d'habitations à compter du 1er mars 1994 en qualité de femme de ménage à temps partiel catégorie 7, son lieu de travail étant fixé à l'ensemble Consolat Mirabeau à [Localité 4].

La convention collective nationale des personnels des sociétés anonymes et fondations d'HLM était applicable.

A compter du 14 octobre 2002, un avenant était signé visant les horaires précis de la salariée pour 36,50 heures hebdomadaires, la confirmant dans ses fonctions d'employée d'immeuble d'exécution sur le même groupe immobilier.

Le 1er juillet 2011, Mme [I] obtenait le statut d'employée d'immeuble qualifiée, les autres termes du contrat restant inchangés.

Après un entretien préalable, par lettre recommandée du 25 septembre 2012, la société notifiait à Mme [I] une mutation sanction sur les groupes immobiliers [Adresse 5] et [Adresse 3] à compter du 1er octobre 2012.

A cette date, la salariée se présentait sur le site mais était placée en arrêt maladie le jour même, prolongé de façon continue jusqu'au 21 mai 2013.

Après avoir été convoquée à un entretien préalable pour le 15 mars 2013, Mme [I] a été licenciée par lettre recommandée du 27 mars 2013, pour absences longues et répétées avec obligation de remplacement de façon définitive.

Par requête du 12 juillet 2013, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de contester cette mesure.

Selon jugement du 24 février 2015, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement de Mme [I] est pourvu de cause réelle et sérieuse, débouté la salariée de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Mme [I] a interjeté appel par lettre recommandée du 10 mars 2015.

Aux termes de ses dernières conclusions développées lors des débats, Mme [I] demande à la cour de :

«REFORMER le Jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille en date du 24 février 2015

en toutes ses dispositions,

STATUER A NOUVEAU ET,

FAIRE DROIT à l'ensemble des demandes fins et conclusions d'appelante de Madame [I],

En conséquence,

DIRE ET JUGER dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 27 mars 2013

CONDAMNER la Société UNICIL venant aux droits de la Société PHOCEENNE D'HABITATIONS à verser à Madame [I] la somme de 90.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné du fait du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

CONDAMNER la Société UNICIL venant aux droits de la Société PHOCEENNE D'HABITATIONS à verser à Madame [I] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

LA CONDAMNER encore aux entiers dépens.

ORDONNER l'application des intérêts à taux légal.»

Dans ses dernières écritures reprises oralement à l'audience, la société Unicil venant aux droits de la société phocéenne d'habitations demande à la cour de :

«JUGER que le licenciement de Madame [I] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 24 février 2015 en toutes ses dispositions,

DEBOUTER Madame [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER Madame [I] à verser à la société UNICIL la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties visées par le greffier à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le bien fondé du licenciement

En vertu des dispositions de l' article L 1232-1 du Code du travail , tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante :

« (') Or, depuis le mois d'avril 2010, nous avons eu à déplorer un certain nombre d'évènements (rixes et injures avec différents collègues de travail) ainsi que des actes d'insubordination qui nous ont amenés à vous affecter sur un autre groupe immobilier « [Adresse 5] et [Adresse 3] ».

Ainsi, le 1er octobre 2012, vous vous êtes effectivement présentée sur ce nouveau site d'affectation. Puis, en milieu de matinée, vous avez quitté votre poste pour vous rendre chez votre médecin, au prétexte que vous ne pouviez plus faire le ménage.

Vous êtes depuis cet arrêt maladie sans discontinuer et nous devons pallier à cette absence par un remplacement.

Lors de l'entretien, nous vous avons expliqué que ces absences perturbaient gravement le fonctionnement et l'organisation du travail.

Vous nous avez indiqué ne plus vouloir faire de ménage.

Or, le 9 octobre 2012, vous avez sollicité un rendez-vous avec la Médecine du travail qui a conclu : « prévoir à la reprise un reclassement à un poste sans charges supérieurs à 5 kilos, peut faire du cantonnage et de l'entretien léger.»

Le 15 octobre 2012, afin d'organiser au mieux votre reprise éventuelle, nous avons adressé au médecin du travail un courrier accompagné de votre fiche de poste pour qu'il nous précise exactement les tâches que vous seriez en capacité d'exercer.

Alors que vous deviez reprendre votre travail le 25 novembre 2012, et sans réponse du médecin du travail, nous avons relancé ce dernier le 29 octobre 2012, qui nous a répondu :

« Compte tenu de la fiche de poste que vous m'avez fait parvenir :

Concernant l'entretien des espaces extérieurs : le cantonnage, et la surveillance des espaces extérieurs sont possibles de même que : enlever les graffitis et affiches sur les éléments de façades accessibles et les portes.

Pour ce qui est de l'entretien des espaces verts cela dépend du poids du matériel et de la configuration du terrain à entretenir. Par contre le salage et le sablage sont contre indiqués demandant trop d'effort de charges.

Pour ce qui est de l'entretien des parties communes intérieures cela dépend également des locaux avec accès ou non par ascenseurs et l'attribution d'un chariot qui permette d'éviter de porter des seaux pleins.

La partie élimination des déchets va poser problème selon qu'elle se fait sur le terrain plat ou en pente et en fonction de la grandeur des conteneurs.

La partie petits travaux d'entretien et intervention en tant qu'agent de proximité ne pose pas vraiment de problème.

Au total je connais le site de la [Adresse 5] et mon avis dépend du lieu exact ou vous allez l'affecter ; j'émets des réserves exclusivement sur le port de charges supérieures à 5kg et les efforts violents comme pousser un conteneur en pente alors qu'il est plein et évacuer des déchets lourds. »

Nous avons transmis cet avis médical à votre supérieur hiérarchique Monsieur [X], Directeur de la Gestion du patrimoine, qui nous a indiqué la décision suivante :

« son poste de travail à la [Adresse 5] sera orienté ménage exclusivement dès son retour.

Il s'agira de s'occuper prioritairement de la [Adresse 3]. Ce bâtiment est doté d'ascenseurs.

En ce qui concerne le poids porté, les seaux d'eau peuvent être valablement remplis au 2/3, ce qui permet d'ajuster le poids à porter à 5kg maximum (il y a quelques mois, la recommandation portait sur 8kg'..hasard ou « effet ménage » ')

A son retour, et avec sa collaboration, nous pourrons toujours améliorer le quotidien par l'achat de chariots adaptés et de mise à disposition de points de puisage/vidange nécessaire pour l'eau.

A noter également, qu'à ce jour, nous n'avons pas de poste de « cantonnier exclusif « sur la [Adresse 5]'.ni ailleurs.»

Tous ces éléments de reclassement vous ont été expliqués lors de l'entretien.

Malheureusement, vous nous avez clairement exprimé votre incapacité à réintégrer votre poste d'employée d'immeuble qualifiée persistant à vouloir intégrer un poste de cantonnier alors même qu'il n'y en a pas dans la société.

Devant ce constat et conformément à la convention collective nationale, nous sommes contraints de pourvoir à votre remplacement immédiatement et de façon définitive.

En conséquence de ce qui précède, nous nous voyons dans l'obligation de prononcer votre licenciement pour absences longues et répétées et obligation de vous remplacer de façon définitive . ».

La salariée indique qu'à aucun moment dans la lettre de licenciement, il n'est fait état de l'existence de perturbations engendrées par ses absences dans le fonctionnement normal de l'entreprise et relève que son remplacement n'a été pourvu que plus de quatre mois après.

La société fait valoir que lorsqu'a été initiée la procédure de licenciement, la salariée se trouvait en arrêt de travail depuis presque six mois et que ses absences ont engendré un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise, par la particularité du poste dont l'appelante avait la charge (entretien courant et agent de proximité) nécessitant des compétences techniques et une expérience de terrain dans un ensemble immobilier de grande taille impliquant une connaissance des occupants locataires.

Elle explique avoir pallié l'absence de Mme [I] par le recours à un prestataire extérieur et que plusieurs personnes se sont succédées en 6 mois, rendant le remplacement de la salariée essentiel, ce qui a été fait dans un délai raisonnable, l'offre d'emploi étant paru en février 2013.

A l'instar de l'appelante, la cour observe que la société a de façon exhaustive dans la lettre de licenciement exposé ses efforts en vue du reclassement de la salariée et le refus affiché de celle-ci de reprendre son travail, mais n'a pas fait état des difficultés et perturbations engendrées par ses absences telles que relatées dans ses conclusions.

En outre, compte tenu du nombre de salariés de la société (117 selon l'attestation Pôle Emploi), elle ne peut sérieusement invoquer des difficultés au sein de l'entreprise, périmètre de référence pour opérer le remplacement de Mme [I], laquelle venait à peine d'arriver sur son poste.

A cet égard, il ne peut être soutenu utilement la spécificité de l'emploi puisqu'en dehors de ses tâches principales de ménage, la salariée n'avait aucune connaissance des locataires.

Par ailleurs, alors que le remplacement aurait dû intervenir dans un délai proche de celui du licenciement -et non de celui de la rupture après préavis- il est constant que la société a embauché M. [H] en août 2013, soit plus de quatre mois après le licenciement, l'intimée reconnaissant en outre qu'elle a cherché à recruter une personne pour des tâches plus amples de gestionnaire.

En considération de ces éléments, la cour dit que la société ne justifie pas d'un motif réel et sérieux de licenciement.

Sur les conséquences financières du licenciement

Compte tenu de l'ancienneté de Mme [I] dans l'entreprise (19 ans) , de son âge lors de la rupture (51 ans), du salaire de référence (1 579,68 euros) mais de l'absence de tout document justifiant de sa situation immédiatement après la rupture, la cour fixe l'indemnisation de la salariée à la somme de 12.000 euros.

Il convient de faire application d'office de la sanction prévue à l'article L.1235-4 du code du travail.

Sur les frais et dépens

La société doit s'acquitter des dépens de la procédure, être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer à l'appelante la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme la décision entreprise,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Dit le licenciement du 27 mars 2013 dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Unicil venant aux droits de la société phocéenne d'habitations à payer à Mme [T] [I] les sommes suivantes :

- 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Ordonne le remboursement par la société Unicil à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de 3 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe,

Condamne la société Unicil aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/04584
Date de la décision : 10/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-10;19.04584 ?
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