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10/03/2023 | FRANCE | N°18/15653

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 10 mars 2023, 18/15653


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 10 MARS 2023



N° 2023/ 33



RG 18/15653

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDEGZ







[N] [O]





C/



SARL PROPEO

























Copie exécutoire délivrée le 10 Mars 2023 à :



- Me Clémence LACHKAR, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Maëva GLEIZE, avocat au barreau de MARSEILLE


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 03 Septembre 2018 enregistré au répertoire général





APPELANTE



Madame [N] [O]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/1...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 10 MARS 2023

N° 2023/ 33

RG 18/15653

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDEGZ

[N] [O]

C/

SARL PROPEO

Copie exécutoire délivrée le 10 Mars 2023 à :

- Me Clémence LACHKAR, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Maëva GLEIZE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 03 Septembre 2018 enregistré au répertoire général

APPELANTE

Madame [N] [O]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/11481 du 31/10/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Clémence LACHKAR, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL PROPEO, demeurant [Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Maëva GLEIZE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 10 Mars 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [N] [O] a été engagée selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 4 octobre 2012 par la société Prop'Eco, en qualité d'agent de service.

La société ADS a repris le marché et selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er mai 2015, la salariée a été affectée à temps plein à l'hôtel B&B Joliette, en qualité de gouvernante échelon CE1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté,.

La société Propeo, attributaire du marché, a repris le 1er janvier 2016 selon avenant, le contrat de travail de Mme [O], celle-ci étant gouvernante AQS.

Le 12 septembre 2016, un avertissement a été remis à la salariée.

Après avoir été convoquée le 7 octobre 2016 à un entretien préalable au licenciement prévu le 18 octobre, Mme [O] a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée du 27 octobre 2016.

Le 9 mars 2017, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille notamment aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement pour harcèlement moral, sollicitant à l'encontre de la société B&B Hôtels des dommages et intérêts pour délit de marchandage et/ou prêt de main d'oeuvre illicite.

Selon jugement du 3 septembre 2018, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

Rejette l'exception d'incompétence soulevée par la SAS B&B HOTELS.

Se déclare compétent pour connaître du litige.

Dit et juge que le licenciement repose bien sur une faute grave .

Déboute Mme [O] de l'ensemble de ses demandes formulées contre la SARL PROPEO et la SAS B&B HOTELS MARSEILLE CENTRE JOLIETTE.

Condamne Mme [O] à payer à la société PROPEO la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la SAS B&B HOTELS de sa demande reconventionnelle.

Condamne Mme [O] aux entiers dépens.

Le conseil de la salariée a interjeté appel par déclaration du 3 octobre 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 25 mai 2022, Mme [O] demande à la cour de :

«INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille le 3 septembre 2018;

Et, statuant à nouveau :

A TITRE PRINCIPAL :

PRONONCER la nullité du licenciement prononcé le 27 octobre 2018 en raison de son caractère discriminatoire ;

En conséquence,

PRONONCER la réintégration de Madame [O] à son poste de travail ;

CONDAMNER la société PROPEO à lui verser la somme de 26 739.12 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (soit 12 mois de salaire) ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

PRONONCER l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé le 27 octobre 2016;

En conséquence,

CONDAMNER la société PROPEO à lui verser la somme de 13 368.06 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER la société PROPEO à lui verser la somme de 1 782.4 € à titre d'indemnité de licenciement;

CONDAMNER la société PROPEO à lui verser la somme de 4 456.02 € à titre d'indemnité de préavis, ainsi que 445.60 € de congés payés y afférent.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER la société PROPEO à verser à Madame [O] la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de remise d'une attestation Pôle Emploi conforme ;

CONDAMNER la société PROPEO à verser à Maître LACHKAR la somme de 1500 € au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts légaux à compter de la saisine ;

CONDAMNER la société PROPEO aux entiers dépens.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 20 septembre 2021, la société Propeo demande à la cour de :

«CONFIRMER en toute ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille le 3 septembre 2018

Et en conséquence,

DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [O] repose sur une faute grave

En conséquence,

LA DEBOUTER de l'intégralité de ses prétentions

LA CONDAMNER au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour constate qu'en cause d'appel, le syndicat CNTSO13 n'est plus partie intervenante et que la Sas B&b Hotels Marseille Centre Joliette n'est plus dans la cause, de sorte que l'appelante est réputée vis à vis de cette société en application de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, s'être appropriée les motifs du jugement, ayant rejeté ses demandes.

Sur la demande en nullité du licenciement

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être notamment sanctionnée en raison notamment de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes.

L'article L.1132-2 du même code prévoit qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 en raison de l'exercice normal du droit de grève.

L'article L.1132-4 du même code prescrit que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.

Au visa des articles susvisés mais aussi des articles L.1235-3-1 et L.1235-11 du code du travail, Mme [O] invoque le caractère doublement discriminatoire de son licenciement, fondé à la fois sur son engagement syndical et sur l'exercice du droit de grève.

Elle produit notamment à l'appui :

- un courriel de son employeur du 18 mars 2016 suite à un contrôle : «les chambres sont propres pas de poussières trouvées, ce qui est assez rare sur hôtel neuf. De plus, j'ai trouvé qu'il y avait vraiment une osmose et un esprit d'équipe entre la gouvernante et son équipe.»

- la lettre recommandée envoyée par fax le 16 juin 2016 par la salariée précisant qu'elle est la porte-parole des employées en grève depuis le 10, rappelant leurs revendications et signalant la reprise du travail le 20 juin (pièce n°7)

- le protocole d'accord signé par Mme [O], le syndicat CNT-Solidarité Ouvrière 13 et l'employeur le 4 juillet 2016 prévoyant en particulier : une feuille de présence sur site avec heures d'entrées et sorties, une augmentation de la qualification de la gouvernante, des prises de pauses autorisées à partir de 11h à la cafétéria, une suspension des procédures disciplinaires en cours, une annulation des courriers intervenus pendant la grève et la prise en charge par la société de 10 jours de grève (pièce n°8),

- des attestations des femmes de chambre conçues dans les termes suivants :

«depuis que Propreo est arrivé, [N] a eu des problèmes et des pressions. Après qu'on a fait la grève, c'était pire; [N] voulait faire les choses comme il faut mais Propeo lui demandait de tricher, de les aider contre les femmes de chambre; elle a toujours refusé et elle a toujours pris notre défense, c'est pour çà qu'ils l'ont licenciée» (pièce n°20);

«notamment pendant la grève, elle était notre porte-parole et a toujours insisté pour que l'on soit payées à l'heure et pas à la chambre. Après la grève, la société lui a mis la pression en lui reprochant de gonfler nos heures de travail ce qui était faux ; elle a été licenciée à cause de ses engagements pendant la grève» (pièce n°22);

«depuis Propeo après 2 mois ils ont commencé a harceler progressivement (remarques, appel constant, textes, visite, menace...). depuis la grève propreo lui ont enlever son poste de gouvernante et les pressions se sont empiree(...)» (pièce n°23),

- une attestation d'une réceptionniste indiquant avoir été témoin à plusieurs reprises de harcèlement exercé sur Mme [O] de la part de la direction de l'hôtel; «on nous demandait à nous réceptionniste, de mettre la pression à la gouvernante pour qu'elle nous rende nos chambres propre avant midi alors qu'elle devait le faire entre 12 et 15h. On nous demandait aussi de leur rajouter des tâches qui ne faisaient pas partie de leur travail. J'ai été aussi témoin de plusieurs conversations où on laissait entendre que la direction de l'hôtel avait la ferme intention de se débarrasser de Mme [O] car elle mettait trop le doigt sur les erreurs de certains réceptionnistes, qui l'empêchait de faire son travail et la mettaient en retard (...)» pièce n°24)

- les courriers et mails du syndicat CNTSO13 adressés à la société les :

24 juin 2016 : dénonçant des mesures de rétorsion depuis la grève du 10 au 19, « la gouvernante ayant pris part à la mobilisation,a été rétrogradée dans ses fonctions et elle est contrainte de travailler exclusivement comme femme de chambre depuis lundi» (pièce n°5),

1er septembre 2016 : rappelant les termes du protocole de fin de conflit (pièce n°9),

3 octobre 2016 : lui reprochant un contrôle «intensif» le 7 septembre 2016 suite à quoi des avertissements ont été adressé aux salariées grévistes, notamment à Mme [O] : «vous lui reprochez un manque de professionnalisme dans le contrôle des chambres, l'encadrement des femmes de chambre ou encore sur le décompte du temps de travail. Vous prétendez qu'elle a reconnu les faits lors de l'entretien du 7 septembre 2016 mais il n'y a eu aucun entretien et Mme [O] n'a rien reconnu de ce que vous écrivez (...)» (pièce n°12)

27 octobre 2016 : indiquant que depuis le départ en congés de Mme [O] des situations de harcèlement existent sur le lieu de travail (pièce n°14).

La salariée présente ainsi des faits matériels pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre.

L'employeur fait valoir que Mme [O] tente d'établir un lien totalement artificiel entre le mouvement de grève de juin 2016 et le licenciement intervenu en octobre.

Il rappelle que l'entreprise n'avait pas de délégué du personnel et qu'il a fait preuve de dialogue en signant un protocole d'accord avec un syndicat non représentatif.

Il indique avoir respecté celui-ci en annulant les poursuites disciplinaires, précisant que les salariées concernées sont toujours présentes à l'effectif ou ont été transférées avec le marché.

Il fait état du comportement de Mme [O] avant son entrée dans l'entreprise, lequel n'était pas exemplaire, l'absence de modification de son comportement malgré un rappel à l'ordre en mars 2016 et un avertissement du 12 septembre 2016.

Il produit notamment à l'appui :

- des attestations d'anciens salariés (pièces n°13-21-22-23), faisant état de pauses que s'accordait fréquemment Mme [O],

- le rappel à l'ordre envoyé à cette dernière par mail du 17 mars 2016 suite à un contrôle du même jour, précisant «les détails ne sont pas faits, les ponctuels ne sont pas marqués sur les feuilles de jour; je vous rappelle l'importance de les noter pour les femmes de chambre (nous en avions dicuté lors de la réunion en janvier 2016). Sur le contrôle de ce jour, si vous aviez les normes accor nous aurions eu en-dessus de 50 % ce qui n'est pas acceptable.Les filles ont une bonne qualité de travail, il est dommage que nous perdions des points sur le travail que doit faire la gouvernante(...)»(pièce n°3),

- l'attestation de M. [C], son supérieur hiérarchique, indiquant que Mme [O] ne respectait pas beaucoup les consignes et l'avoir surprise en pause intempestive à fumer et à téléphoner, précisant lui avoir donné des conseils et l'avoir informée officieusement d'un contrôle suite à une plainte d'un client et étant présent, avoir constaté que «toutes les chambres étaient dans un état déplorables, j'ai eu honte de cet état après la réunion avec notre direction, elle a reconnu qu'elle n'avait pas exécuté correctement son travail(...) J'ai été très dessus de son comportement car je l'avais averti de ce contrôle mais elle n'a rien fait, m'a beaucoup menti en me racontant des balivernes. Par la suite, il n'y a eu aucune amélioration dans son travail et son comportement est devenu de plus en plus agressif envers les réceptionnistes et moi-même.» (pièce n°5),

- l'avertissement du 12 septembre 2016 suite au contrôle du 7 septembre 2016(pièce n°6).

La cour relève que la salariée n'invoque plus des actes de harcèlement moral comme en première instance.

Mme [O] n'établit par aucun document qu'après la grève, l'employeur lui a retiré ses fonctions avec une affectation exclusive au nettoyage des chambres, les pièces produites à l'appui concernant d'autres salariées (n°10 et 11, 31 à 35).

Par ailleurs, les pressions invoquées dont elle aurait fait l'objet de la part de la direction ne sont pas précises ni datées de sorte qu'aucun lien ne peut être fait avec l'engagement de la salariée pendant la grève.

Contrairement à ce qu'avançait le syndicat dans son mail du 3 octobre 2016, les avertissements adressés le 12 septembre 2016 à Mme [O] et une femme de chambre ne sont pas rédigés dans les mêmes termes.

Il est à noter que ce contrôle fait suite à la plainte d'un client ayant séjourné du 3 au 10 septembre, soit plus de deux mois après la période de grève, et les éléments précis et détaillés contenus dans le courrier démontrent une absence de rigueur et de vigilance de la part de la gouvernante tant sur la propreté des chambres que sur le respect des consignes s'agissant du contrôle du temps de travail des agents placés sous sa responsabilité mais aussi du fait que plus de la moitié des chambres n'avaient pas été nettoyées dans la matinée alors que le client doit fournir à ses hôtes une chambre propre entre 12 et 15h.

Ces faits constitutifs d'une faute ne sont pas combattus par la salariée, laquelle au demeurant n'a pas demandé l'annulation dudit avertissement et n'a pas contesté par écrit les faits ci-dessus énoncés.

L'employeur démontre ainsi que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination directe ou indirecte, et n'ont aucun lien démontré avec l'activisme de Mme [O] lors de la grève.

Dès lors, la demande d'annulation du licenciement doit être rejetée, ainsi que les demandes subséquentes d'indemnisation et de réintégration, la salariée ayant maintenu cette dernière demande dans le dispositif de ses conclusions, indiquant de façon contradictoire page 10 de celles-ci, ne pas souhaiter être réintégrée.

Sur le bien fondé du licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
 

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante :

« Nous faison suite à l'entretien préalable qui devait se tenir le 18 octobre 2016 à 14h au cours duquel nous souhaitions évoquer les griefs qui nous faisaient envisager votre licenciement pour faute grave. Vous n'avez cependant pas jugé utile de vous présenter à celui-ci. Pour autant, cela ne saurait empêcher la poursuite de la procédure et nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants:

Vous occupez depuis le 1er janvier dernier un poste de gouvernante au sein de notre société et vous êtes à ce jour, affectée à l'Hôtel B and B Joliette.

Or, nous sommes contraints de constater que vous persistez, malgré nos observations orales puis un avertissement écrit en date du 12 septembre dernier, à ne pas respecter vos obligations professionnelles.

Le 23 septembre 2016, Madame [D], assistante de direction de notre client l'Hôtel B&B Joliette nous a fait part de votre comportement totalement inadapté et grossier.

En effet, à la suite d'une annulation d'une réservation de chambre en dernière minute par un groupe, la réceptionniste vous a demandé de vérifier si les chambres annulées étaient en bon état de propreté afin de pouvoir les relouer.

Vous vous êtes alors énervée et avez indiqué à la réceptionniste que vous alliez « péter une durite», puis avez refusé d'effectuer cette prestation alors même que celle-ci entre dans vos missions.

Votre comportement est tout à fait inacceptable dès lors qu'il vous appartient tout d'abord d'adopter en toutes circonstances, un comportement professionnel à l'égard de nos clients et de faire preuve de politesse et de retenue, ce qui ne fut pas le cas en l'espèce.

Allant plus loin, votre refus d'exécuter la prestation demandée s'analyse en une insubordination dès lors qu'il relève de vos fonctions de gouvernante de procéder au contrôle des chambres de notre client. En effet, en votre qualité de gouvernante l'opération de contrôle des chambres prêtes à être livrées vous incombe et il ne vous appartient pas de décider si cette mission est justifiée notamment en cas d'annulation de dernière minute d'une chambre.

Par conséquent, il est totalement anormal que vous puissiez indiquer que ces missions sont du ressort du personnel de la réception.

Mais plus grave encore, il apparaît que votre comportement agressif envers le personnel de notre client et en particulier envers la réception de l'hôtel est répété puisque le 28 septembre 2016 vous vous êtes permise de qualifier de « petite merdeuse » et « d'incapable » la personne de l'hôtel affectée à la réception.

Votre manque de respect envers notre client s'est encore manifesté le 10 octobre dernier lorsque vous vous êtes autorisée sans accord de notre client, d'emporter une cagette de croissants affectée au petit déjeuner. Ce geste a choqué notre client qui s'est étonné auprès de nous qu'un de nos salariés s'estime en droit, quand bien même le petit déjeuner serait terminé, de se servir des produits appartenant à l'hôtel. Un tel comportement est inacceptable et rend impossible la poursuite de votre contrat de travail dès lors qu'il menace la poursuite du contrat commercial confié à notre société.

Par ailleurs, nous devons constater que vous refusez de respecter les directives qui vous sont données et qui consistent à veiller à un état de propreté impeccable des chambres de l'hôtel qui sont confiées à votre contrôle en votre qualité de gouvernante.

En effet, malgré la sanction disciplinaire qui vous a été notifiée le 12 septembre dernier, vous persistez à faire fi de vos obligations en livrant des chambres dans un état de saleté inacceptable générant ainsi de multiples plaintes de clients tant auprès de la direction de l'hôtel ainsi que sur plusieurs sites de voyageurs tels que Tripadvisor.

C'est ainsi qu'ont été relevés la saleté des moquettes, mais également du mobilier et l'absence

d'approvisionnement des chambres en nécessaire de toilette (savon, poubelle, gel douche) et linge de bain (serviettes de toilette et sorties de bain).

Or, votre poste de gouvernante vous commande, outre d'assurer votre prestation de nettoyage avec sérieux et professionnalisme, de contrôler la propreté des chambres nettoyées par les agents de nettoyage afin de vous assurer que la qualité du service attendue par notre client est établie.

Pourtant, malgré nos rappels à l'ordre et notre avertissement, force est de constater que vous ne respectez pas vos missions contractuelles et que les plaintes quant à la propreté des chambres sont répétées et particulièrement importantes.

Enfin, votre refus de respecter vos obligations contractuelles s'illustre dans votre défaillance concernant la tenue et la vérification des fiches de présence des agents de nettoyage affectés sur le site et placés sous votre responsabilité.

Ainsi, alors que nous procédions au contrôle des fiches de présence du personnel afin d'établir la paie du mois de septembre, nous nous sommes aperçus du caractère partiellement rempli des fiches que vous nous avez remises et que celles-ci contenaient de nombreuses erreurs traduisant à l'évidence un défaut total de contrôle de votre part :

- Certains horaires ne sont pas mentionnés ;

- Votre contresignature ne figure sur les déclarations des salariées que de manière épisodique;

- Les heures déclarées ne correspondent pas aux heures comptabilisées par vos soins'

Votre manque de vigilance dans la comptabilisation du temps de travail a entraîné un rappel de l'inspection du travail quant au décompte du temps de travail par l'Inspection du travail à la suite de sa visite du site le 30 septembre dernier.

Ces manquements répétés, et qui ne font l'objet d'aucune amélioration malgré l'avertissement notifié le 12 septembre 2016 et qui attirait votre attention sur la nécessité de faire preuve d'une vigilance accrue dans le cadre de vos missions contractuelles, ne nous permettent pas d'envisager la poursuite de votre contrat de travail.

Dans ces conditions, nous n'avons pas d'autres choix que de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave, lequel prend effet immédiatement sans prévais ni indemnité»

La salariée considère que s'agissant de son comportement, l'employeur doit prouver les propos tenus, les attestations de deux salariés ne pouvant faire foi.

Elle produit une attestation concernant la pratique de la remise des croissants au personnel.

S'agissant de la propreté des chambres, elle rappelle qu'elle était très consciencieuse comme le rapportent les attestations des femmes de chambre et était même contrainte de travailler jusqu'à 19 ou 23h.

Elle indique qu'elle n'était pas chargée du ménage et que tant les attestations produites par la société que les avis de Tripadvisor ne permettent pas de lui rendre imputables les éventuels manquements.

La cour constate que l'employeur n'apporte pas d'éléments venant corroborer la défaillance reprochée dans la tenue et la vérification des fiches de présence des agents placés sous le contrôle de Mme [O], aucun procès verbal ou compte rendu de visite de l'inspection du travail le 20 septembre 2016 n'étant communiqué aux débats.

En revanche, l'employeur produit de nombreuses attestations de clients ayant fait des réclamations à l'hôtel et il ne peut être dénié un certain crédit aux avis du site tripadvisor pour des séjours en septembre 2016 (pièce n°4), l'hôtel perdant des points dans la rubrique réservée à la propreté des chambres (1/10) et il entrait dans les fonctions de Mme [O] qui avait une mission de contrôle, de vérifier et finaliser au besoin le nettoyage des chambres.

La cour constate que la salariée avait déjà été avertie lors d'un contrôle pour des faits similaires au mois de septembre 2016.

Il résulte de la pièce n°9 que le 23 septembre 2016, Mme [O] a eu un comportement inadéquat et grossier vis à vis de la réceptionniste, laquelle lui demandait de procéder à la vérification d'une liste de chambres afin de pouvoir les mettre à disposition des clients, et ce faisant la salariée a commis un manquement à ses obligations contenues dans son contrat de travail puisqu'elle était chargée du contrôle de toutes les chambres et elle a en outre réitéré un comportement fautif déjà sanctionné en septembre, n'ayant manifestement pas opéré d'action corrective sur ce point.

Ce comportement insultant a également été signalé par une autre réceptionniste (pièce n°10) et aucun élément ne permet de remettre en cause les attestations produites par l'employeur, lesquels témoignent à tout le moins de l'absence d'échange voire de défiance à l'égard du personnel de l'hôtel, mettant en péril la prestation de la société auprès de son client l'Hôtel B and B Joliette.

Ces fautes avérées constituaient une violation des obligations du contrat de travail et étaient d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et justifiaient une sanction aggravée, compte tenu des précédents, soit un licenciement pour faute grave reposant sur une appréciation globale du comportement de Mme [O].

En conséquence, la cour approuve les premiers juges d'avoir dit le licenciement pour faute grave fondé et débouté la salariée de ses demandes liées à la rupture.

Sur l'attestation Pôle Emploi

L'appelante indique que le document remis ne mentionne pas son ancienneté reprise au 4 octobre 2012, ce qui lui a occasionné des problèmes avec Pôle Emploi et a abouti à une situation de surendettement.

Dans la mesure où le transfert s'accompagnait d'une fin de contrat entre employeur et salarié - ceci étant indépendant de la reprise d'ancienneté dans l'avenant signé avec l'entreprise entrante - il ne peut incomber à la société Propeo de délivrer une attestation Pôle Emploi portant sur une période où elle n'était pas l'employeur de Mme [O].

En outre, la cour constate que le courrier adressé par Pôle Emploi à Mme [O] le 7 novembre 2016, lui indique les noms des sociétés à qui demander l'attestation idoine soit ADS pour la période du 01/05/15 au 31/12/2015 et Propeco du 04/10/12 au 30/04/2015 ; la salariée ne justifie pas avoir essuyé un refus de la part de ces sociétés ni de conséquences sur son indemnisation par l'organisme ; par ailleurs, elle a saisi le 22 juin 2017, soit plus de six mois après, la commission de surendettement des particuliers des Bouches du Rhône, de sa situation et outre l'absence de manquement démontré, aucun lien ne peut être fait entre celle-ci et le document réclamé, pour justifier un préjudice.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté les demandes de Mme [O] sur ce point.

Sur les frais et dépens

L'appelante qui succombe totalement doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande au titre des articles 37 et 75 de la Loi du 10 juillet 1991.

Les circonstances de la cause justifient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme, dans ses dispositions soumises à la cour, le jugement déféré,

Y ajoutant,

Déboute Mme [N] [O] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Mme [O] à payer à la société Propeo la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [O] aux dépens d'appel, sous réserve des règles relatives à l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/15653
Date de la décision : 10/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-10;18.15653 ?
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