COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 09 MARS 2023
N° 2023/112
N° RG 22/09212
N° Portalis DBVB-V-B7G-BJUK6
Compagnie d'assurance AREAS ASSURANCES
C/
[E] [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-SELARL BJP BENOIT JACQUINOD-CARRY MAREC AVOCATS
-SELARL MARCIANO AVOCATS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du JMEE du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 20 Juin 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/10418.
APPELANTE
Compagnie d'assurance AREAS ASSURANCES
Inscrite au RCS de Paris sous le numéro 353 408 664,
demeurant [Adresse 2]
représentée et assistée par Me Serge MAREC de la SELARL BJP BENOIT JACQUINOD-CARRY MAREC AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE.
INTIMEE
Madame [E] [P]
née le 27 Mai 1988 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 1]
représentée et assistée par Me Vanessa BISMUTH-MARCIANO de la SELARL MARCIANO AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Johanna SROUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS & PROCÉDURE
Le 11/01/2017 à [Localité 3], Mme [P] a été blessée lors d'une chute au domicile de M. [V] qu'elle a attribuée à la présence d'un morceau de bois.
Par ordonnance du 13/09/2017, le juge des référés de Marseille ' confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 7 mars 2019 ' a condamné la compagnie Areas Assurances, assureur responsabilité civile de Mme [P], à lui payer une somme de 8.000,00 € et a commis le docteur [T] aux fins d'expertise médicale. Le rapport a été déposé le 10/07.2018.
Par acte d'huissier de justice du 01/03/2017, Mme [P] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille d'une action aux fins de réparation de son préjudice corporel dirigée contre la compagnie Areas Assurances.
Par jugement du 16/03/2020 devenu définitif, le tribunal judiciaire de Marseille a':
- débouté Mme [P] de l'ensemble de ses demandes principales et accessoires,
- débouté la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône de toutes ses demandes,
- condamné Mme [P] aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement.
Par mise en demeure restée infructueuse du 26/08/2020, la compagnie Areas Assurances a sommé Mme [P] de restituer la provision de 8.000,00 €.
Par acte d'huissier de justice du 04/11/2020, la compagnie Areas Assurances a saisi le tribunal judiciaire de Marseille d'une action dirigée contre Mme [P] aux fins de restitution de la provision versée de 8.000,00 €, outre 4.000,00 de dommages-intérêts pour résistance abusive et 3.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'affaire a été renvoyée à la mise en état. Mme [P] a saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée s'attachant au jugement définitif du 16/02/2020.
Par ordonnance du 20/06/2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille a':
- débouté la compagnie Areas Assurances de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- déclaré irrecevable l'action de la compagnie Areas Assurances,
- condamné la compagnie Areas Assurances à verser à Mme [P] la somme de 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'incident.
Pour refuser de condamner Mme [P] à restituer la provision, le juge de la mise en état a considéré que le débat qu'a tranché la décision du 16/03/2020 portait notamment sur la restitution de la provision puisque la compagnie Areas Assurances, dans le cadre d'un subsidiaire, demandait à ce que la provision de 8.000,00 € soit retranchée de la somme qui serait allouée à Mme [P], mais ne formalisait aucune demande de restitution.
Par déclaration du 27/06/2022 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [P] a interjeté appel de tous les chefs du dispositif de l'ordonnance du juge de la mise en état de Marseille.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 29/08/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens, la compagnie Areas Assurances demande à la cour de':
- réformer l'ordonnance du 20/06/2022 en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande en remboursement de la provision de 8.000 €,
- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 4.000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée, et en ce qu'el1e l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a declaré ses demandes irrecevables en raison de l'autorité de la chose jugée et en ce qu'elle l'a condamnée au paiement de la somme de 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 3.800,00 € outre les dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la compagnie Areas Assurances développe les moyens suivants :
- il est constant que «'l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif » (Assemblée Plénière, 13/03/2009)';
- contrairement au principe de concentration des moyens, aucun principe de concentration des demandes n'existe en droit français, et rien n'oblige une partie à formuler toutes ses demandes concernant les mêmes faits au cours d'une seule instance (Civ. 2, 10/11/2020, 09-14.948),
- il n'a pas été statué par le jugement du 16/03/2020 sur la demande en restitution de la somme de 8.000,00 € pas plus que sur la demande de dommages-intérêts de la compagnie Areas Assurances pour procédure abusive';
- le premier juge a indiqué que si l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif, celui-ci doit être éclairé par les motifs de la décision'; ce raisonnement heurte la jurisprudence la plus récente selon laquelle seul ce qui a été expressément indiqué dans le dispositif et qui a fait l'objet d'un débat contradictoire a autorité de la chose jugée (Soc., 18/01/2000, 96-44.578, Civ. 1, 97-19.674)';
- la compagnie Areas Assurances a seulement demandé dans le cadre d'un subsidiaire que l'indemnisation de Mme [P] soit fixée à la somme de 29.366,00 € après déduction de la provision déjà versée d'un montant de 8.000,00 €'; cette demande ne s'analyse aucunement en une demande de remboursement, et la chose non jugée ne peut avoir autorité de chose jugée.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée notifiées par RPVA le 18/08/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens, Mme [P] demande à la cour de':
- confirmer l'ordonnance entreprise dans toutes ses dispositions,
- condamner la compagnie Areas Assurances au paiement de la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [P] aux dépens, distraits au profit de Maître Vanessa Bismuth-Marciano, sur son affirmation de droit, par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, Mme [P] développe les moyens suivants :
- l'autorité de chose jugée s'attache au dispositif, mais ce dispositif doit être éclairé par les motifs du jugement (Civ. 2, 09/01/2014, 12-28.068)'; en l'occurrence, justement, le tribunal a relevé que la compagnie Areas Assurances ne demandait pas la restitution de la provision'et a ainsi procédé à l'établissement des comptes entre les parties'; le juge de la mise en état a justement observé que la question de la restitution de la provision était dans le débat';
- le défendeur doit présenter « dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à justifier son rejet total ou partiel » (Civ. 2, 01/02/2018, 17-10.849)'; la compagnie Areas Assurances invoque une prétendue confusion de Mme [P] entre concentration des moyens et concentration des demandes': ce n'est pas le cas, puisque le tribunal a déjà statué au fond sur la demande de restitution.
* * *
La clôture a été prononcée le 10/01/2023, révoquée le 24/01/2023 et prononcée le jour même avant l'audience des plaidoiries. Le dossier a été plaidé le 24/01/2023 et mis en délibéré au 09/03/2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nature de la décision rendue':
L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.
Sur l'autorité de chose jugée':
La fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée s'oppose à ce qu'un plaideur soumette à nouveau au juge un litige définitivement jugé. En application de l'article 1355 du code civil, elle suppose que la chose demandée soit la même (identité d'objet), qu'elle soit fondée sur la même cause (identité de cause) et qu'elle concerne les mêmes parties en la même qualité (identité de parties).
Le jugement du tribunal judiciaire de Marseille du 16/03/2020 a fait droit aux prétentions de la compagnie Areas Assurances tendant au rejet des demandes principales et accessoires formées par Mme [P] dans le cadre de l'action en justice qu'elle a engagée sur le fondement du premier alinéa de l'article 1242 du code civil.
À présent définitive et revêtue de l'autorité de chose jugée, cette décision de justice constitue par elle-même un titre exécutoire emportant de plein droit obligation pour Mme [P] de restituer la provision allouée par le juge des référés.
Il n'y avait pas lieu pour la compagnie Areas Assurances de saisir le tribunal judiciaire de Marseille afin d'obtenir la reconnaissance d'un droit dont elle était déjà titulaire.
L'ordonnance entreprise est confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de la compagnie Areas Assurances.
Sur les demandes annexes':
L'équité ne justifie pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la compagnie Areas Assurances est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme l'ordonnance entreprise dans toutes ses dispositions.
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la compagnie Areas Assurances aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT