La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/2023 | FRANCE | N°22/00888

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 09 mars 2023, 22/00888


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2023



N°2023/91













Rôle N° RG 22/00888 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIW6X







[N] [P]





C/



[L] [H]





































Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Christelle MINETTO



Me Maud DAVAL-GUEDJ





Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 13 Décembre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 21/00864.





APPELANT





Monsieur [N] [P]

né le 15 Mars 1953 à [Localité 3] ([Localité 3]), demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2023

N°2023/91

Rôle N° RG 22/00888 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIW6X

[N] [P]

C/

[L] [H]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Christelle MINETTO

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 13 Décembre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 21/00864.

APPELANT

Monsieur [N] [P]

né le 15 Mars 1953 à [Localité 3] ([Localité 3]), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

asssitée de Me Angélique COMBE, avocat au barreau de BAYONNE, plaidant

INTIMEE

Madame [L] [H]

née le 01 Octobre 1935, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Christelle MINETTO, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre, et Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargées du rapport.

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

M. Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [T] [V] et Monsieur [P] se sont mariés le 10 juillet 2007 et ont choisi le régime de la séparation de biens avec adjonction d'une société d'acquêts.

Par testament authentique en date du 31 juillet 2007, [T] [V] attribuait à son époux un droit d'usage et d'habitation sur le bien situé à [Localité 1] qui constituera, au jour de son décès le 28 novembre 2017, leur habitation principale.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er juin 2018 Madame [H] veuve [V], mère de [T] [V], [W] [J] et [S] [J], filles de [T] [V] mettaient en demeure Monsieur [P] de quitter l'immeuble situé à [Localité 1].

Suivant exploit d'huissier en date du 12 février 2021, Madame [H] veuve [V] et [S] [J] ont assigné [N] [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulon aux fins de voir,

* constater que le droit d'usage et d'habitation conféré à Monsieur [P] par le testament de [T] [V] ne pourra s'appliquer qu'à compter du décès de Madame [H] veuve [V], usufruitière.

*dire et juger que Monsieur [P] occupe le bien qui constituait la résidence des époux au jour du décès de l'épouse située à [Localité 1], sans droit ni titre.

* condamner Monsieur [P] à quitter les lieux susvisés.

* ordonner au besoin son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef avec le concours de la force publique le cas échéant.

* condamner Monsieur [P] à payer à Madame [H] veuve [V] la somme de 1.800 € par mois à titre d' indemnité d'occupation à compter du mois de décembre 2018 et jusqu'à son parfait départ soit la somme de 46.'800 € c au 31 janvier 2021.

* condamner Monsieur [P] payer à Madame [H] veuve [V] et [S] [J] la somme de 1.200 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

* condamner Monsieur [P] aux entiers dépens.

L'affaire était appelée à l'audience du 11 octobre 2021.

Madame [H] veuve [V] et [S] [J] demandaient au tribunal de leur allouer le bénéfice de leur exploit introductif d'instance.

Monsieur [P] concluait au rejet des demandes formulées par [S] [J] en raison de son défaut de qualité à agir et au rejet des demandes d'expulsion et d'indemnité d'occupation fondées sur le droit d'usage et d'habitation successif suite au décès de son épouse.

Subsidiairement il invitait les parties à mieux se pourvoir quant à la nature du titre d'occupation et/ou l'éventuelle renonciation tacite d'usufruit de Madame [H] veuve [V].

En tout état de cause il sollicitait la condamnation reconventionnelle de Madame [H] veuve [V] et d'[S] [J] à lui payer la somme de 2.000 € au titre de son préjudice moral ainsi que celle de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens Enfin il concluait au rejet de l'exécution provisoire.

Par jugement contradictoire en date du 13 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulon- Pôle de proximité a :

* rejeté l'exception d'incompétence matérielle soulevée par Monsieur [P].

* déclaré irrecevable l'action d'[S] [J], faute de qualité à agir.

* dit que Monsieur [P] est occupant sans droit ni titre de l'immeuble situé à [Adresse 2] depuis le 29 novembre 2018.

En conséquence.

* ordonné à défaut de départ volontaire, l'expulsion de Monsieur [P] ainsi que celle de tous occupants de son chef de l'immeuble situé à [Adresse 2] au besoin avec le concours de la force publique.

* dit qu'il sera procédé conformément aux dispositions de l'article L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution à la remise des meubles se trouvant sur les lieux aux frais de la personne expulsée, en un lieu désigné par celle-ci et qu'à défaut ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer.

* rappelé que l'expulsion ne peut avoir lieu qu'à l'expiration du délai de deux mois qui suit la délivrance du commandement d'avoir à libérer les locaux conformément aux dispositions de l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution.

* condamné Monsieur [P] à payer à Madame [H] veuve [V] une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 1.500 € à compter du 1er décembre 2018 et ce jusqu'à la libération complète des lieux soit la somme de 39.'000 € au titre des indemnités mensuelles d'occupation pour la période allant du 1er décembre 2018 au 31 janvier 2021.

* condamné Monsieur [P] à payer à Madame [H] veuve [V] la somme de 600 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

* condamné Monsieur [P] aux dépens.

* dit n'y avoir lieu d'assortir la présente décision de l'exécution provisoire.

* rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration en date du 20 janvier 2022, Monsieur [P] interjetait appel de ladite décision en ce qu'elle a dit :

* rejette l'exception d'incompétence matérielle soulevée par Monsieur [P].

* dit que Monsieur [P] est occupant sans droit ni titre de l'immeuble situé à [Adresse 2] depuis le 29 novembre 2018.

* ordonne à défaut de départ volontaire l'expulsion de Monsieur [P] ainsi que celle de tous occupants de son chef de l'immeuble situé à [Adresse 2] au besoin avec le concours de la force publique.

* dit qu'il sera procédé conformément aux dispositions de l'article L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution à la remise des meubles se trouvant sur les lieux aux frais de la personne expulsée, en un lieu désigné par celle-ci et qu'à défaut ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer.

* condamne Monsieur [P] à payer à Madame [H] veuve [V] une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 1.500 € à compter du 1er décembre 2018 et ce jusqu'à la libération complète des lieux soit la somme de 39.'000 € au titre des des indemnités mensuelles d'occupation pour la période allant du 1er décembre 2018 au 31 janvier 2021.

* condamne Monsieur [P] à payer à Madame [H] veuve [V] la somme de 600 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

* condamne Monsieur [P] aux dépens.

* rejette le surplus des demandes.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 28 mars 2022 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de ses prétentions et de ses moyens, Madame [H] veuve [V] demande à la cour de :

* confirmer le jugement du 13 décembre 2021 du juge du contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a.

- rejeté l'exception d'incompétence matérielle soulevée par Monsieur [P]

- dit que Monsieur [P] est occupant sans droit ni titre de l'immeuble situé à [Adresse 2] depuis le 29 novembre 2018.

En conséquence.

- ordonné à défaut de départ volontaire l'expulsion de Monsieur [P] ainsi que celle de tous occupants de son chef de l'immeuble situé à [Adresse 2] au besoin avec le concours de la force publique.

- dit qu'il sera procédé conformément aux dispositions de l'article L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution à la remise des meubles se trouvant sur les lieux aux frais de la personne expulsée, en un lieu désigné par celle-ci et qu'à défaut ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer.

- rappelé que l'expulsion ne peut avoir lieu qu'à l'expiration du délai de deux mois qui suit la délivrance du commandement d'avoir à libérer les locaux conformément aux dispositions de l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution.

* réformer le jugement précité pour le surplus et statuant à nouveau

* condamner Monsieur [P] à payer à Madame [H] veuve [V] une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 1.800 € à compter du 1er décembre 2018 et ce jusqu'à la libération complète des lieux, soit la somme de 68.400 € au 31 janvier 2022

* condamner Monsieur [P] à payer à Madame [H] veuve [V] la somme de 1.200 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

* condamne Monsieur [P] aux dépens.

À l'appui de ses demandes, Madame [H] veuve [V] rappelle que sa demande tend à obtenir l'expulsion de Monsieur [P] en ce qu'elle l'estime sans droit ni titre ainsi qu'une indemnité d'occupation de sorte que le juge du contentieux de la protection est parfaitement compétent pour statuer sur cette demande.

Par ailleurs elle maintient que si le conjoint survivant a, depuis le décès, un droit d'usage et d'habitation sur le bien dont la défunte n'était que nu-propriétaire, il ne pourra néanmoins exercer son droit qu'à compter du décès de l'usufruitière.

Aussi elle maintient que l'appelant ne peut donc à ce jour exercer le droit d'usage et d'habitation qui lui a été conférée par son feue épouse.

Elle précise que conformément à l'article 763 du Code civil, il pouvait occuper le bien à titre gratuit pendant une année à compter du décès soit jusqu'au 28 novembre 2018, date à compter de laquelle il se trouve sans droit ni titre pour y demeurer.

Contrairement à ce que soutient Monsieur [P], Madame [H] veuve [V] indique qu'elle n'a pas renoncé à son usufruit et qu'elle n'avait jamais consenti de prêt usage à sa fille et à son époux.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 20 avril 2022 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de ses prétentions et de ses moyens, Monsieur [P] demande à la cour de :

* déclarer recevable et bien fondé son appel à l'encontre des dispositions du jugement rendu le 13 décembre 2021 par le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulon

* réformer le jugement du 13 décembre 2021 du juge du contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a :

- rejeté l'exception d'incompétence matérielle soulevée par Monsieur [P].

- dit que Monsieur [P] est occupant sans droit ni titre de l'immeuble situé à [Adresse 2] depuis le 29 novembre 2018.

- ordonné à défaut de départ volontaire l'expulsion de Monsieur [P] ainsi que celle de tous occupants de son chef de l'immeuble situé à [Adresse 2] au besoin avec le concours de la force publique.

- dit qu'il sera procédé conformément aux dispositions de l'article L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution à la remise des meubles se trouvant sur les lieux aux frais de la personne expulsée, en un lieu désigné par celle-ci et qu'à défaut ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer.

- condamné Monsieur [P] à payer à Madame [H] veuve [V] une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 1.500 € à compter du 1er décembre 2018 et ce jusqu'à la libération complète des lieux soit la somme de 39.'000 € au titre des des indemnités mensuelles d'occupation pour la période allant du 1er décembre 2018 au 31 janvier 2021.

- condamné Monsieur [P] à payer à Madame [H] veuve [V] la somme de 600 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné Monsieur [P] aux dépens.

- rejeté le surplus des demandes.

Statuant à nouveau :

A titre principal.

* constater l'incompétence du juge du contentieux de la protection pour statuer sur les mesures possessoires demandées par Madame [H] veuve [V].

À titre subsidiaire,

* constater la volonté claire et non équivoque du testament olographe de Madame [T] [V],

À titre infiniment subsidiaire :

* constater l'extinction de l'usufruit de Madame [H] veuve [V].

À titre infiniment infiniment subsidiaire.

*considérer qu'il est bénéficiaire d'un prêt usage au sens de l'article 875 du Code civil.

En conséquence,

* débouter de l'intégralité de ses demandes Madame [H] veuve [V] .

* réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu en ce qu'il a ordonné l'expulsion de Monsieur [P] et condamné ce dernier à payer à Madame [H] veuve [V] une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 1.500 € à compter du 1er décembre 2018 et ce jusqu'à la libération complète des lieux soit la somme de 39.'000 € au titre des des indemnités mensuelles d'occupation pour la période allant du 1er décembre 2018 au 31 janvier 2021.

* condamner Madame [H] veuve [V] à payer à Monsieur [P] la somme de 10.'000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

* condamner Madame [H] veuve [V] à payer à Monsieur [P] la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

* condamner Madame [H] veuve [V] aux dépens de l'instance, ceux d'appel distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL-GUEDJ sur son offre de droit.

À l'appui de ses demandes, Monsieur [P] rappelle que son épouse avait de manière très claire et non équivoque dans son testament olographe du 31 octobre 2007 mentionné qu'elle souhaitait, qu'à son décès, il reste sa vie durant habiter la maison dont sa mère était usufruitière.

Il maintient que l'action intentée par Madame [H] veuve [V] est juridiquement qualifiée de possessoire tendant en l'espèce pour un usufruitier à disqualifier le testament pris par sa fille nu-propriétaire de l'immeuble de sorte que le juge des contentieux de la protection est incompétent.

Par ailleurs il soutient que cette dernière a renoncé tacitement à son usufruit qu'elle n'a jamais exercé pendant plus de 20 ans à compter du moment où sa fille et lui-même s'y sont installés en 1997.

Aussi les actions possessoires se prescrivant par le délai d'un an à compter du trouble constaté, il souligne que Madame [H] veuve [V] est forclose en son action.

Monsieur [P] indique également que cette dernière n'a jamais sollicité la moindre contrepartie financière jusqu'au décès de sa fille, ce bien n'ayant jamais été loué depuis 1997 à un tiers.

Il précise que feue son épouse n'a fait que reprendre dans son testament les dispositions correspondant à la situation du couple avalisée par l'usufruitière qui n'avait jamais contesté ce droit d'usage à titre gratuit de sa fille et de son gendre dudit immeuble depuis 1997.

Il maintient que l'usufruitière qui n'a fait valoir son droit d'usufruitier qu'à compter de 2018 par une lettre recommandée de mise en demeure lui enjoignant de quitter les lieux, puis sans en tirer les conséquences pendant trois ans pour ensuite diligenter une action judiciaire, n'est pas recevable car contraire à la volonté de l'auteur du testament

Monsieur [P] fait également valoir que son épouse et lui même ont effectué à l'intérieur de ce domicile de nombreux travaux pour l'améliorer, assumant l'intégralité des charges.

Aussi il soutient que l'on peut légitimement en déduire que Madame [H] veuve [V] avait renoncé à son usufruit.

Enfin si la cour estime que cette dernière n'a pas renoncé à son usufruit, Monsieur [P] soutient qu'il est bénéficiaire d'un prêt usage concernant l'occupation à titre gratuit dudit logement jusqu'à son décès, rappellant que par son travail et son action, il a contribué à créer un patrimoine immobilier considérable pour ses belles-filles.

******

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2023.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 11 janvier 2023 et mise en délibéré au 9 mars 2023.

******

1°) Sur la compétence matérielle du juge du contentieux de la protection

Attendu que l'article L 213-4-3 du code de l'organisation judicaire énonce que 'le juge des contentieux de la protection connaît des actions tendant à l'expulsion des personnes qui occupent aux fins d'habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre'

Attendu que Monsieur [P] soutient que l'action intentée par Madame [H] veuve [V] est une action juridiquement qualifiée de possessoire tendant en l'espèce pour un usufruitier, Madame [H] veuve [V], à disqualifier le testament pris par sa fille nu-propriétaire de l'immeuble au profit de son conjoint survivant Monsieur [P].

Qu'il ajoute que la difficulté réside également dans la renonciation tacite de cette dernière à l'usufruit dont elle bénéficie sur cet immeuble qu'elle n'a jamais exercé pendant plus de 20 ans à compter du moment où sa fille et lui-même s'y sont installés de sorte qu'elle est forclose en sa demande.

Attendu qu'il convient de souligner que Madame [H] veuve [V] a saisi le tribunal pour voir constater que le droit d'usage et d'habitation conféré à Monsieur [P] par le testament de [T] [V] ne pourra s'appliquer qu'à compter du décès de Madame [H] veuve [V], usufruitière et dire et juger par conséquent que Monsieur [P] occupe le bien qui constituait la résidence des époux au jour du décès de l'épouse située à [Localité 1], sans droit ni titre.

Qu'elle ne revendique aucun droit de propriété sur l'immeuble litigieux , de sorte que son action ne peut être qualifiée de pétitoire.

Que par contre ses demandes relatives au prononcé de l'expulsion de l'appelant et à la fixation d'une indemnité d'occupation relèvent de la compétence du juge des contentieux de la protection.

Qu'il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré sur ce point et de rejeter l'exception d'incompétence matérielle soulevée par Monsieur [P].

2°) Sur l'occupation sans droit ni titre de Monsieur [P]

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 763 du code civil que ' si, à l'époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit.

Si son habitation était assurée au moyen d'un bail à loyer ou d'un logement appartenant pour partie indivise au défunt, les loyers ou l'indemnité d'occupation lui en seront remboursés par la succession pendant l'année, au fur et à mesure de leur acquittement.

Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux.

Le présent article est d'ordre public.'

Attendu que l'article 764 du code civil dispose que 'sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.

La privation de ces droits d'habitation et d'usage exprimée par le défunt dans les conditions mentionnées au premier alinéa est sans incidence sur les droits d'usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d'une libéralité, qui continuent à obéir à leurs règles propres.

Ces droits d'habitation et d'usage s'exercent dans les conditions prévues aux articles 627, 631, 634 et 635.

Le conjoint, les autres héritiers ou l'un d'eux peuvent exiger qu'il soit dressé un inventaire des meubles et un état de l'immeuble soumis aux droits d'usage et d'habitation.

Par dérogation aux articles 631 et 634, lorsque la situation du conjoint fait que le logement grevé du droit d'habitation n'est plus adapté à ses besoins, le conjoint ou son représentant peut le louer à usage autre que commercial ou agricole afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions d'hébergement'.

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 617 du code civil que ' l''usufruit s'éteint :

Par la mort de l'usufruitier ;

Par l'expiration du temps pour lequel il a été accordé ;

Par la consolidation ou la réunion sur la même tête, des deux qualités d'usufruitier et de propriétaire ;

Par le non-usage du droit pendant trente ans ;

Par la perte totale de la chose sur laquelle l'usufruit est établi.'

Attendu qu'il résulte du testament olographe établi le 31 octobre 2007 que Madame [V] nu-propriétaire de l'immeuble litigieux dont sa mère Madame [H] veuve [V] détient un usufruit, a mentionné de manière claire et non équivoque qu'elle souhaitait qu'à son décès, son époux reste sa vie durant, habiter le logement.

Que Monsieur [P] indique qu'à compter de 1997, date à partir de laquelle il a habité avec feu son épouse dans les lieux, Madame [H] veuve [V] n'a jamais fait usage de son usufruit sur cette habitation.

Que c'est la raison pour laquelle, ils y ont effectué de nombreux travaux pour l'améliorer, payant depuis cette date les taxes foncières mais également les taxes habitation.

Qu'il indique que ce n'est qu'à compter de 2018, par lettre recommandée avec accusé de réception, que Madame [H] veuve [V] lui a demandé de quitter les lieux alors qu'elle avait renoncé à son usufruit et leur avait consenti un prêt à usage portant sur ce bien.

Attendu qu'il est acquis aux débats que Madame [H] veuve [V] est usufruitière du bien occupé par Monsieur [P].

Que dès lors [T] [V], nu-propriétaire de l'immeuble litigieux ne pouvait léguer à son époux qu'un usufruit successif prenant effet à l'extinction de l'usufruit détenu par Madame [H] veuve [V] au décès de celle-ci sauf à démontrer que cette dernière y aurait renoncé comme le soutient Monsieur [P] depuis son installation avec feue son épouse en 1997.

Attendu qu'il convient de relever que les 30 ans de non usage du droit requis par l'article 617 du code civilne sont pas acquis.

Qu'il appartient dés lors à Monsieur [P] de démontrer que Madame [H] veuve [V] avait renoncé à son usufruit, consolidant ainsi la pleine propriété chez sa fille qui n'était jusqu'alors que le nu-propriétaire.

Attendu que la Cour de cassation a réaffirmé à plusieur reprises la force de l'usufruit qui tient à sa nature de droit réel.

Qu'ainsi pour renoncer à un tel droit, il faut un acte qui manifeste sans équivoque la volonté de l'usufruitier de renoncer à son droit d'usufruit, la preuve en incombant au nu-propriétaire qui invoque cette renonciation.

Que la simple abstention d'agir de l'usufruitier ne suffit pas.

Attendu qu'en l'état, aucun des actes imputés par Monsieur [P] à Madame [H] veuve [V] et notamment le fait que cette dernière les ait laissé s'installer dans cette maison sans contre partie, n'est de nature à manifester la volonté de l'usufruitière de renoncer à son droit d'usufruit, contrairement à ce que soutient Monsieur [P].

Que si la renonciation à un usufruit, qui peut être unilatérale, n'est soumise à aucune règle de forme particulière, la 3ème chambre civile de la cour de cassation rappelle dans ses arrêts du 7 février 1979, du 1er octobre 2003 (n° 02-12152) ou encore dans un arrêt du 5 novembre 2014 (n° 13-28416) que la volonté de l'usufruitier de renoncer à son droit de jouissance doit être certaine et non équivoque.

Qu'elle a ainsi jugé suivant arrêt du 3 avril 2012, ( n° 11-16212) que des abstentions de l'usufruitier ne sauraient caractériser sa volonté tacite de renoncer à son droit réel de jouissance.

Que cependant, l'usufruitier attaché à son droit doit veiller à ce que son comportement ne traduise pas une volonté claire et non équivoque de renoncer.

Qu'en l'état le fait que Madame [H] veuve [V] ne s'installe pas dans l'immeuble, objet du démembrement, qu'elle ne s'oppose pas à ce que des travaux d'entretien soient réalisés ne satisfaisant pas ainsi à son obligation d'entretien, ne caractérise aucun acte de nature à manifester sans équivoque la volonté de renoncer à son droit d'usufruit.

Que contrairement à ce qu'affirme Monsieur [P], Madame [H] veuve [V] n'a pas attendu 2021 pour solliciter son expulsion, cette dernière et ses petites filles l'avisant 6 mois après le décès de leur fille et mère, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er juin 2018 de leur souhait de le voir quitter le bien au plus tard le 28 novembre 2018.

Qu'enfin le Centre de Recherche d'Information et de Documentation Notariale interrogé sur ce point indiquait dans une note en date du 23 mai 2018 que le conjoint survivant pourra exercer son droit d'usage et d'habitation sur le bien qu'à compter du décès de sa belle-mère usufruitière .

Qu'il convient dés lors de confirmer le jugement déféré ence qu'il a dit et juger que Madame [H] veuve [V] n'avait pas renoncé à son usufruit.

Attendu que Monsieur [P] soutient à titre infinimment subsidiaire qu'il est bénéficiaire d'un prêt à usage concernant l'occupation à titre gratuit dudit logement jusqu'à son décès conformément aux dispositons de l'article 1875 du code civil lequel énonce que 'le prêt à usage est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi.'

Que cet argument ne saurait valablement prospérer.

Qu'en effet, comme l'a très justement souligné le premier juge, l'occupation sans contrepartie de l'immeuble litigieux est insuffisante pour établir la preuve du prêt à usage allégué dont la charge incombe à Monsieur [P].

Que ce dernier ne verse aux débats aucune pièce, aucun écrit, aucune attestation établissant objectivement la volonté non équivoque de l'usufruitière de consentir à sa fille et à son époux un prêt de à usage sur l'immeuble.

Qu'il convient par conséquent de débouter Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes, l'occupation du bien sans contrepartie et sans termes précis procédant d'une simple tolérance.

Qu'il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit et juger que Monsieur [P] était sans droit ni titre depuis le 29 novembre 2018, de le condamner à quitter les lieux susvisés et d'ordonner au besoin son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef avec le concours de la force publique le cas échéant.

Attendu qu'il convient dégalement de condamner ce dernier au paiement d'une indemnité d'occupation.

Que Madame [H] veuve [V] verse au débat une seule attestation de valeur locative de 1.800 euros par mois.

Que cependant aucun élément n'est produit quant à l'état dans lequel se trouve le bien litigieux de sorte qu'il y a lieu de fixer à 1.500 euros le montant de l'indemnité d'occupatin mensuelle et de confirmer le jugement querellé sur ce point.

Qu'il convient par conséquent de condamner Monsieur [P] à payer à Madame [H] veuve [V] la somme de 57. 000 € au titre des indemnités mensuelles d'occupation pour la période allant du 1er décembre 2018 au 31 janvier 2022 et de le condamaner au paiement de cette indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er février 2022 jusqu'à la libération effective des lieux.

3°) Sur la demande de dommages et intérêt de Monsieur [P]

Attendu que Monsieur [P] demande à la cour de condamner de Madame [H] veuve [V] à lui payer la somme de 10.'000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Qu'il y a lieu de rejeter cette demande, Madame [H] veuve [V] n'ayant commis aucune faute et de confirmer le jugement déféré sur ce point

4°) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Attendu que l'article 696 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que 'la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.'

Qu'il convient par conséquent de condamner Monsieur [P] aux dépens de première instance et en cause d'appel.

Attendu que l'article 700 du code de procédure civile prévoit que le tribunal condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine , au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l'équité et de la situation économique des parties.

Qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur ce point et de condamner Monsieur [P] au paiement de la somme de 1.200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du 13 décembre 2021 du juge du contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Toulon en toutes ses dispositions sauf à condamner Monsieur [P] à payer à Madame [H] veuve [V] la somme de 57. 000 € au titre des indemnités mensuelles d'occupation pour la période allant du 1er décembre 2018 au 31 janvier 2022 et condamner Monsieur [P] à payer à Madame [H] veuve [V] une indemnité d'occupation mensuelle de 1.500 euros à compter du 1er février 2022 jusqu'à la libération effective des lieux,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Monsieur [P] au paiement de la somme de 1.200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE Monsieur [P] aux dépens de première instance et en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 22/00888
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;22.00888 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award