COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 09 MARS 2023
N° 2023/231
Rôle N° RG 21/10313 N° Portalis DBVB-V-B7F-BHYUY
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR
C/
S.A.R.L. LES ARGANIERS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Françoise BOULAN
Me Hélène BOURDELOIS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de TOULON en date du 06 Juillet 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/00459.
APPELANTE
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE COTE D'AZUR
immatriculée au RCS de NICE sous le numéro 384 402 871,
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 2]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Philippe BARBIER, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉE
S.A.R.L. LES ARGANIERS,
inscrite au RCS de TOULON sous le n° 483 357 471,
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
représentée et assistée par Me Hélène BOURDELOIS, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mars 2023, puis prorogé au 09 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
En vertu de la copie exécutoire de deux actes authentiques de prêt en date du 6 mai 2010 et du 7 décembre 2012 la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Cote d'Azur (ci après la Caisse d'Epargne) a fait pratiquer une saisie attribution sur les comptes ouverts dans ses livres au nom de l'emprunteur, la SCI Les Arganiers, pour le recouvrement de la somme de 434 818,90 euros en principal, intérêts et frais qui a été contestée par la société saisie devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulon, au motif d'une contestation de la créance sur le fond, de l'existence d'une procédure en cours opposant les cautions personnelles à la banque qui en outre a été entièrement désintéressée suite à la vente amiable des biens immobiliers propriété de la SCI Marie-Sarah, caution hypothécaire.
Par jugement contradictoire du 6 juillet 2021 le juge de l'exécution a :
' déclaré la contestation recevable ;
' ordonné la mainlevée de la saisie-attribution querellée ;
' débouté la SCI Les Arganiers de sa demande de dommages et intérêts ;
' débouté la Caisse d'Epargne de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;
' rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
La Caisse d'Epargne a interjeté appel de cette décision dans les quinze jours de sa notification, par déclaration du 8 juillet 2021 mentionnant l'ensemble des chefs du dispositif du jugement à l'exception de celui relatif au rejet de la demande indemnitaire adverse.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 30 septembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de ses moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, elle demande à la cour de :
- recevoir la Caisse d'Epargne en son appel et y faisant droit,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la SCI Les Arganiers de sa demande de dommages-intérêts,
Statuant à nouveau,
- débouter la SCI Les Arganiers de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions tendant à la mainlevée de la saisie-attribution visée dans l'exploit introductif du 20 janvier 2020 ,
- la condamner à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive à une voie d'exécution justifiée, outre 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 3 000 euros en cause d'appel outre les dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de maître Françoise Boulan de la Selarl Lexavoue Aix en Provence sur son affirmation de droit et comprenant les frais, droits et débours de saisie-attribution ,
- débouter la SCI Les Arganiers de toutes ses prétentions ou demandes contraires ainsi que des fins de son appel incident et confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts comme d'indemnité pour frais irrépetibles.
A l'appui de ses demandes elle fait valoir pour l'essentiel et suivant l'ordre de ses moyens, que le premier juge bien que reconnaissant que lorsqu'elle a entrepris la saisie-attribution en cause dont la régularité n'a pas été discutée, elle disposait contre la SCI Les Arganiers d'un titre exécutoire portant une créance certaine, liquide et exigible telle que fixée avec l'autorité de la chose jugée s'y attachant par jugement d'orientation prononcé le 28 mai 2020, a laissé à sa charge les frais de ladite saisie, et au surplus n'a pas satisfait à la motivation spéciale imposée par l'article 696 du code de procédure civile.
Elle soutient par ailleurs que la mainlevée de la saisie-attribution a été prononcée à tort, dès lors que la SCI Marie-Sarah, subrogée dans ses droits, n'était ni attraite ni intervenante à la procédure et que la circonstance que courant août 2021 cette SCI annonce renoncer à son recours contre la cautionnée est sans emport dès lors que le juge de l'exécution doit pour statuer, se placer au jour de la saisie contestée.
Elle conteste tout abus en rappelant notamment qu'en présence de plusieurs coobligés dont chacun répond de l'intégralité de la dette, elle n'abusait pas de son droit en agissant contre chacun pour le tout et souligne qu'à la date de la saisie querellée, la procédure immobilière poursuivie contre la SCI Marie-Sarah n'avait donné lieu à aucun engagement.
Enfin elle invoque la résistance abusive à la saisie-attribution, qui aurait pu permettre au regard du solde du compte saisi, un règlement partiel de la dette et ajoute que les banques ne prêtent pas sur fonds propres mais empruntés par elles sur le marché du crédit et que la défaillance de leur emprunteur les contraint à s'endetter à nouveau à due concurrence de l'impayé sur le marché précité.
Par écritures notifiées le 2 septembre 2021, auxquelles il est référé pour l'exposé exhaustif de ses moyens, la SCI Les Arganiers, formant appel incident, demande à la cour de
- confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a :
- déclaré la contestation recevable ;
- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution litigieuse ;
- débouté la Caisse d'Epargne de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts - débouté les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du
code de procédure civile et dit que chacun conservera à sa charge les dépens qu'elle a engagés .
- l'infirmer pour le surplus,
Et statuant de nouveau,
- condamner la Caisse d'Epargne à payer à la SCI Les Arganiers la somme de 10 000 euros à titre de justes dommages et intérêts pour procédures et saisies abusives,
- la condamner au paiement de la somme de 5 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (2 000 euros pour l'article 700 de première instance, et 3 500 euros pour l'article 700 d'appel) ainsi qu'aux entiers dépens.
A cet effet l'intimée invoque essentiellement l'acharnement procédural auquel la Caisse d'Epargne se livre à son encontre ainsi qu'envers la SCI Marie-Sarah et les associés de ces deux sociétés, et rappelle que la banque a été totalement désintéressée de sa créance, l'argument tendant à invoquer les droits de la SCI Marie-Sarah étant inopérant dès lors que cette caution hypothécaire ne perd pas ses droits à l'encontre de la cautionnée et y a en tout état de cause renoncé, s'agissant de deux sociétés familiales dont les associés sont les mêmes personnes.
Elle relève qu'au moment de la mise en oeuvre le 16 décembre 2019, de la saisie-attribution en cause, la banque avait déjà connaissance de la promesse d'achat du 9 juillet 2019 du bien saisi appartenant à la SCI Marie-Sarah, et de la promesse d'achat notariée signée du 12 décembre 2019.
Elle soutient que l'appelante ne justifie d'aucun préjudice justifiant sa demande indemnitaire à hauteur de 10 000 euros.
Elle réclame réparation de l'acharnement procédural de la banque qui multiple les saisies et moyens de pression, a obtenu plus de 100 000 euros de frais et intérêts débiteurs à l'occasion de la procédure de saisie immobilière poursuivie à l'encontre de la caution hypothécaire, prend des garanties complémentaires abusives, et dans le cadre du présent appel a saisi le premier président pour suspendre l'exécution provisoire du jugement.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 décembre 2022.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution :
Selon l'article L. 111-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard.
Et l'article L.211-1 du même code conditionne la mise en oeuvre d'une mesure de saisie attribution à la détention par le créancier d'un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible.
Ces conditions étaient réunies à la date de la saisie-attribution querellée pratiquée le 16 décembre 2019 à l'encontre de la débitrice principale, la SCI Les Arganiers, en vertu des actes notariés de prêts, et pour un montant de 434 818,90 euros en principal et frais ;
Selon l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et en vertu de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.
Il résulte de ces textes, d'une part, que le débiteur est fondé à exciper, au soutien d'une demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à son encontre, des paiements effectués postérieurement à la saisie en règlement de la créance, cause de la saisie, d'autre part, qu'il appartient au juge de l'exécution de se placer, pour faire les comptes entre les parties et trancher la demande de mainlevée, au jour où il statue ( C.Cass. 2ème civ., 2e Civ. 16 décembre 2021, n° 20-12.470) ;
S'il est constant qu'à la date de la mise en oeuvre de la saisie litigieuse la Caisse d'Epargne était créancière de la SCI Les Arganiers , à la date de l'examen de la demande de mainlevée plaidée à l'audience du 11 mai 2021, elle avait été réglée de sa créance par le prix de la vente de l'immeuble appartenant à la SCI Marie-Sarah affecté à la garantie des prêts consentis à la SCI Les Arganiers;
Le moyen tiré de l'absence aux débats de cette caution hypothécaire subrogée dans les droits de la banque, est inopérant dès lors, outre que nul ne peut plaider par procureur, cette caution n'était pas privée d'un recours subrogatoire à l'encontre de la société débitrice et qu'au surplus elle a renoncé à se prévaloir de la saisie attribution en cause, ainsi qu'il ressort du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire des associés du 16 août 2021;
Dans ces conditions la mainlevée de la saisie sera confirmée ;
Mais c'est à tort que la SCI Les Arganiers prétend au caractère abusif de cette mesure alors qu'à la date de sa mise en oeuvre aucun encaissement n'était venu réduire la créance de la banque
L'intimée invoque la proximité de cette saisie avec la promesse d'achat de l'immeuble de la SCI Marie-Sarah signée par acte notarié du 12 décembre 2019, qui n'est toutefois pas communiqué. Seule est produite une promesse d'achat sous seing privé du 9 juillet 2019, qui était cependant assortie de conditions suspensives, et n'a abouti à la réalisation de la vente que le 18 septembre 2020 ;
Le rejet de cette demande indemnitaire sera en conséquence confirmé.
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros pour résistance abusive à la saisie-attribution, la Caisse d'Epargne argue du retard apporté au recouvrement des sommes saisies, pour un montant de 20 331,45 euros figurant au crédit du compte, qui permettait un règlement partiel de sa créance, et aurait restauré sa capacité de prêter ;
Outre que le préjudice allégué n'est étayé par aucune pièce, il n'est pas démontré que la contestation de la saisie-attribution, empêchant le paiement, revête un caractère abusif, alors qu'il a été fait droit à la demande de mainlevée, la banque ayant été désintéressée. Il s'ensuit la confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.
A hauteur de cour, chaque partie succombant dans ses prétentions, conservera la charge de ses frais irrépétibles et dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
REJETTE les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE