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09/03/2023 | FRANCE | N°21/05735

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 09 mars 2023, 21/05735


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2023



N° 2023/107

N° RG 21/05735



N° Portalis DBVB-V-B7F-BHJJP



[H] [F]





C/



LE MAIRE DE LA VILLE DE [Localité 10]

Compagnie d'assurance MMA

Caisse CPAM DU VAR

Etablissement CENTRE HOSPITALIER D [Localité 10]

Mutuelle MGEN









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES



-SC

P IMAVOCATS



-SELARL ABEILLE & ASSOCIES







Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 12 Avril 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/00991.





APPELANT



Mo...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2023

N° 2023/107

N° RG 21/05735

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHJJP

[H] [F]

C/

LE MAIRE DE LA VILLE DE [Localité 10]

Compagnie d'assurance MMA

Caisse CPAM DU VAR

Etablissement CENTRE HOSPITALIER D [Localité 10]

Mutuelle MGEN

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES

-SCP IMAVOCATS

-SELARL ABEILLE & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 12 Avril 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/00991.

APPELANT

Monsieur [H] [F]

Assuré [XXXXXXXXXXX02] auprès de la CPAM DU VAR.

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Thierry CABELLO de la SELARL CABELLO ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON, plaidant.

INTIMES

Monsieur LE MAIRE DE LA VILLE DE [Localité 10],

Assignation le 10/06/2021 à personne habilitée. Dénonce de conclusions en date du 13/10/2021à personne habilitée. Signification conclusions d'apppel en date du 10/01/2022 à personne habilitée. Signification conclusions en date du 10/01/2022 à personne habiliée. Signification de conclusions en date du 11/05/2022 à personne habiltiée. Dénonce de conclusions en date du 15/12/2022 à personne habilitée. Signification de conclusions en date du 18/01/2023 à personne habiltiée,

demeurant [Adresse 9]

Défaillant.

Compagnie d'assurance MMA

Représentée par son directeur en exercice, demeurant de droit audit siège,

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Sylvie LANTELME de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Marie LE CHENE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

Caisse CPAM du VAR,

Assignée le 27/05/2021 à personne habilitée. Signification de conclusions le 03/08/2021 à personne habilitée Dénonce de conclusions en date du 12/10/2021à personne habilitée. Signification conclusions d'apppel en date du 17/01/2022 à étude.Signification conclusions en date du 07/01/2022 à personne habiliée. Signification de conclusions en date du 11/05/2022 à personne habilitée. Dénonce de conclusions en date du 15/12/2022 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 6]

Défaillante.

Etablissement CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 10],

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE.

MUTUELLE MGEN,

Assignée le 28/05/2021 à personne habilitée. Signification de conclusions en date du 03/08/2021 à personne habiltiée. Signification le 03/08/2021 à personne habilitée. Dénonce de conclusions en date du 12/10/2021 à personne habilitée. Signification de conclusions en date du 07/01/2022 à personne habilitée. Signification de conclusions du 10/05/2022 à personne habilitée. Dénonce de conclusions en date du 16/12/2022 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 5]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

Le 16 septembre 2014, alors qu'il circulait au guidon de son scooter, M. [H] [F] a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par Mme [Y] [R] et assuré auprès de la société mutuelles du Mans assurances incendie, accidents et risques divers (société MMA).

Les blessures de l'accident se sont compliquées d'une infection nosocomiale, contractée lors des soins au centre hospitalier de [Localité 10].

La société MMA lui a versé plusieurs provisions à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

M. [F] a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 9 février 2016 a, au contradictoire de la société MMA, du centre hospitalier de [Localité 10] ainsi que des tiers payeurs, désigné un expert en la personne du docteur [I].

L'expert judiciaire a déposé son rapport d'expertise le 3 juin 2018.

Par actes des 1er, 4, 8, 13 et15 février 2019, M. [F] a fait assigner la société MMA et le centre hospitalier de Hyères devant le tribunal de grande instance de Toulon, afin d'obtenir, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, de la société MGEN et de la commune de [Localité 10], l'indemnisation de son préjudice corporel.

Par jugement du 12 avril 2021, assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction a :

- dit que M. [F] doit être indemnisé de l'intégralité de ses préjudices ;

- débouté M. [F] de ses demandes relatives à l'assistance par tierce personne, l'incidence professionnelle et la perte de gains professionnels futurs ;

- condamné la société MMA à payer à M. [F] une somme de 6 344,93 € en réparation de son préjudice corporel, déduction faite des provisions déjà versées à hauteur de 54 000 € ;

- condamné la société MMA à payer à M. [F] des intérêts au double du taux légal du 8 novembre 2018 jusqu'au jour de la décision devenue définitive et ordonné la capitalisation des intérêts ;

- fixé la créance de la CPAM à 208 508,99 € ;

- condamné la société MMA aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Cabale.

Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :

- dépenses de santé actuelles : 97 366,58 € dont 96 329,58 € revenant à la CPAM et 1 037 € revenant à M. [F] ;

- frais divers (comprenant le préjudice qualifié de matériel) : 26 987,73 € dont 6 715,43 € revenant à M. [F] et 20 271,30 € revenant à la CPAM ;

- assistance par tierce personne : 7 890 €

- perte de gains professionnels actuels : 76 278,93 € revenant à la CPAM ;

- dépenses de santé futures : 694,86 € revenant à la CPAM

- perte de gains professionnels futurs : rejet

- incidence professionnelle : rejet

- assistance par tierce personne permanente : rejet

- déficit fonctionnel temporaire (25 €/jour) : 10 702,50 €

- souffrances endurées 4,5/7 : 20 000 €

- préjudice esthétique temporaire 2,5/7 : 3 000 €

- déficit fonctionnel permanent : 41 140 € revenant à la CPAM

- préjudice esthétique permanent 2/7 : 3 000 €

- préjudice d'agrément : 3 000 €

- préjudice sexuel : 5 000 €.

Pour statuer ainsi, il a considéré en substance que :

Sur le préjudice professionnel : M. [F] n'est pas inapte à toute profession et rien ne démontre qu'il n'est pas en mesure de retrouver un emploi lui procurant des gains équivalents à ceux qu'il percevait avant l'accident ; il ne justifie pas de ses revenus avant l'accident ni de ses démarches d'insertion professionnelle ; il n'existe aucun lien causal entre les séquelles et la décision du centre communal d'action sociale de ne pas renouveler son contrat à l'expiration de celui-ci le 16 novembre 2014 ; il ne formule aucune demande au titre de la pénibilité accrue d'exécution des tâches professionnelles et d'une dévalorisation sur le marché du travail ;

Sur l'assistance par tierce personne permanente : l'expert n'a retenu aucun besoin en assistance par tierce personne, précisant que les douleurs séquellaires vont s'amenuiser avec le temps, ce qui confirme que, comme il l'a déclaré au cours de la première réunion d'expertise, M. [F] n'a besoin d'aucune aide extérieure.

Par acte du 18 avril 2021, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [F] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a rejeté ses demandes au titre de la perte de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle, de l'assistance par tierce-personne permanente et en ce qu'elle a sous-évalué le déficit fonctionnel temporaire, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d'agrément et jugé que la pénalité article L211-13 du code des assurances produirait intérêts au double du taux légal à compter du 3 novembre 2018.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 janvier 2023.

Lors de l'audience de plaidoirie du 25 janvier 2023, les parties ont été invitées à s'expliquer par note en délibéré sur l'imputation de la créance du tiers payeur au titre de la rente accident du travail sur le poste déficit fonctionnel permanent au regard des arrêts rendus par la cour de cassation le 20 janvier 2023.

La société MMA a été invitée à produire en cours de délibéré ses conclusions en date du 13 septembre 2019 devant le premier juge.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 20 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [F] demande à la cour de :

' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'il a droit à l'indemnisation intégrale de l'ensemble de ses préjudices, sous-évalué les frais divers, l'assistance par tierce personne temporaire, le préjudice matériel, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire et définitif, le préjudice sexuel, l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à la charge de l'assureur ;

' l'infirmer pour le surplus ;

' condamner la société MMA à lui payer 191 784,55 € au titre de la perte de gains professionnels futurs, 35 281,80 € au titre de l'incidence professionnelle, 152 599,64 € au titre l'assistance par tierce personne permanente, 18 788 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, 45 320 € au titre du déficit fonctionnel permanent et 10 000 € au titre du préjudice d'agrément ;

' dire et juger que le montant de l'indemnité totale qui sera allouée par le jugement à intervenir produira intérêt de plein droit au double du taux légal à compter du 16 avril 2015 jusqu'au jour du jugement devenu définitif sur l'ensemble des dommages et intérêts avant imputation de la créance des organismes sociaux, avec capitalisation des intérêts à compter de la date anniversaire de la demande en justice conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

' débouter la société MMA de son appel incident ;

' condamner la société MMA à lui payer une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de son avocat.

Il chiffre son préjudice comme suit :

- dépenses de santé actuelles : 97 366,58 € dont 96 329,58 € revenant à la CPAM et 1 037 € revenant à M. [F],

- frais divers (comprenant le préjudice qualifié de matériel) : 26 987,73 € dont 6 715,43 €, revenant à M. [F] et 20 271,30 € revenant à la CPAM,

- assistance par tierce personne : 7 890 €,

- perte de gains professionnels actuels : 76 278,93 € revenant à la CPAM,

- dépenses de santé futures : 694,86 € revenant à la CPAM,

- perte de gains professionnels futurs : 191 784,55 €,

- incidence professionnelle : 35 281,80 €,

- assistance par tierce personne permanente (22 €/heure) : 152 599,64 €

- déficit fonctionnel temporaire (1 000 €/mois) : 18 788 €,

- souffrances endurées 4,5/7 : 20 000 €,

- préjudice esthétique temporaire 2,5/7 : 3 000 €,

- déficit fonctionnel permanent : 45 320 €,

- préjudice esthétique permanent 2/7 : 3 000 €,

- préjudice d'agrément : 10 000 €,

- préjudice sexuel : 5 000 €.

Au soutien de son appel et de ses prétentions, il fait valoir que :

- le barème de la gazette du palais 2022, taux -1 % est le plus adapté à la réparation intégrale sans perte ni profit du préjudice ;

- l'expert retient des séquelles entraînant une pénibilité globale à la reprise de son activité professionnelle antérieure ; or, avant l'accident, il enchaînait les contrats à durée déterminée pour la municipalité de [Localité 10] et le centre communal d'action sociale en qualité d'animateur, directeur accueil et loisir, responsable périscolaire, encadrement collectif des enfants pour les nouvelles activités pédagogiques et son dernier contrat, conclu en 2012, s'est arrêté au 3 juillet 2015 ; la mairie avait prévu de l'engager de nouveau en contrat durée déterminé pour la saison 2015 mais du fait de l'accident du 16 septembre 2014, son contrat n'a pas été renouvelé au 31 décembre 2014 ; compte tenu des termes de l'attestation du directeur général des services de la mairie, il a également perdu une chance d'être titularisé en qualité de fonctionnaire ;

- l'expert retient un déficit fonctionnel permanent de 22 % au titre d'une atteinte importante à la cheville, à l'épaule ainsi que de séquelles psychologiques ; il souffre de vives douleurs de la cheville gauche lors de la marche qui s'intensifient au cours de la journée, mais également de crises de cruralgie de sciatique gauche qui limitent son périmètre de marche à 50 mètres et les douleurs persistantes de l'épaule gauche contrarient ses activités quotidiennes comme le ménage, les courses et la conduite ; l'expert a retenu une réelle souffrance psychologique avec perte, depuis l'accident, de toute vie sociale et professionnelle ;

- son état séquellaire ne lui laisse aucune chance de reprendre sur un poste équivalent de responsable de centre pour enfants au regard des sollicitations physiques répétées des membres inférieurs et supérieurs (marche, course, port de charges) induites par cette activité ;

- avant l'accident, il percevait un revenu mensuel moyen de 1 646 € qu'il convient de réactualiser selon la valeur annuelle du SMIC afin de tenir compte de la dépréciation monétaire et de capitaliser pour l'avenir selon un indice de rente temporaire jusqu'à 67 ans ;

- l'incidence professionnelle est constituée par une perte prévisible de ses droits à la retraite compte tenu de l'arrêt de ses activités professionnelles à l'âge de 49 ans (date de l'accident) alors qu'il lui restait dix-huit ans à cotiser avant d'arriver à l'âge de la retraite (67 ans) ; sur la base de ses vingt cinq meilleures années (entre 1987 à 2015), son salaire moyen annuel s'élève à 23 605 € annuel soit 1 967,08 € par mois ; s'il avait pu continuer à cotiser jusqu'à 67 ans, sa pension de retraite se serait élevée à 1 742 € par mois alors qu'il ne percevra finalement que 1 592 € net par mois, soit une perte annuelle de 1 800 € par mois qu'il convient de capitaliser selon un indice de rente viagère pour un homme âgé de 67 ans à la liquidation ;

- l'expert a retenu la nécessité d'une assistance par tierce personne sur la dernière période de déficit fonctionnel temporaire qu'il a évaluée à 20 %, mais aucune aide au titre de la période après consolidation alors que le taux de déficit fonctionnel permanent est de 22 % ; il démontre avoir besoin d'une aide pour les courses et le ménage, notamment par un bilan situationnel établi par Mme [S], ergothérapeute, qui est contradictoire dès lors qu'il a été versé aux débats et qui chiffre le besoin à quatre heures par semaine ;

- l'assureur n'a pas formulé d'offre au sens de l'article L 211-9 du code des assurances dans les délais impartis, de sorte que le point de départ des intérêts au double du taux légal doit être fixé au 16 avril 2015, huit mois après l'accident ; l'offre définitive en date du 22 janvier 2019 ne lui est jamais parvenue, étant observé que le motif de refus de la lettre recommandée ('défaut d'accès ou d'adressage') démontre que l'assureur a mal renseigné son adresse et, au demeurant, la photographie de l'enveloppe fait ressortir que le nom de M. [F] ne figure pas sur le pli. Il ajoute qu'en tout état de cause, cette offre n'est ni complète ni suffisante, de sorte qu'elle ne peut arrêter le cours des intérêts au double du taux légal.

Dans une note en délibéré en date du 9 février 2023, le conseil de M. [F] fait observer qu'au regard de deux arrêts rendus par l'assemblée plénière de la Cour de cassation le 20 janvier 2023, la rente accident du travail ne s'impute pas sur le poste déficit fonctionnel permanent.

Dans ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident, régulièrement notifiées le 12 décembre 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la société MMA demande à la cour de :

' infirmer le jugement en ce qu'il a condamné MMA au doublement du taux de l'intérêt légal à compter du 8 novembre 2018 jusqu'au jour où la décision deviendra définitive avec capitalisation des intérêts à compter du 15 février 2019 ;

' le confirmer pour le surplus ;

' condamner M. [F] au paiement d'une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance, distraits au profit de son avocat.

Elle ne remet pas en cause le chiffrage des préjudices par le premier juge.

Elle fait valoir que :

- pour l'indemnisation des préjudices futurs, le BCRIV (barème de capitalisation de référence pour l'indemnisation des victimes) publié en début d'année 2018 utilise les paramètres les plus récents et les plus objectifs ;

- M. [F] réclame l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs alors qu'il n'était titulaire d'aucun contrat de travail en cours au moment de l'accident et que son préjudice s'analyse au mieux en une perte de chance ; l'expert n'a retenu aucune inaptitude au poste antérieur à l'accident et il n'est démontré par aucune pièce objective que M. [F], sans l'accident, aurait obtenu le renouvellement de son contrat et bénéficié d'une titularisation ; par ailleurs, il ne justifie pas de ses démarches pour retrouver du travail ;

- la perte des droits à la retraite n'est pas imputable à l'accident dès lors que la perte de gains ne l'est pas elle-même ; il s'agit au mieux d'une perte de chance de percevoir une retraite plus importante, par ailleurs, M. [F] a de nombreux antécédents médicaux qui, à eux seuls peuvent expliquer sa situation professionnelle après l'accident ;

- l'expert s'est expliqué sur l'absence d'assistance par tierce personne après consolidation quand bien même une telle aide a été retenue au titre de la dernière période de déficit fonctionnel temporaire ; il retient notamment que, s'il existe une pénibilité pour effectuer certaines tâches, M. [F] ne se trouve pas dans l'impossibilité de les réaliser et la nécessité de faire intervenir une tierce personne ; le bilan situationnel n'a pas été établi au contradictoire des parties et, en tout état de cause, l'ergothérapeute n'a pas tenu compte des conclusions médico-légales ;

- le doublement du taux de l'intérêt légal n'est pas justifié si on considère qu'elle a adressé une offre définitive le 22 janvier 2019 à M. [F], qui n'a pas pris la précaution de l'informer de son changement d'adresse ; il ne peut lui être fait grief d'avoir mentionné, dans son offre, pour mémoire, les postes dépenses de santé actuelles et dépenses de santé futures puisque la caisse avait jusqu'au 24 février 2019 pour produire sa réclamation ; en tout état de cause, à supposer qu'il ne soit pas tenu compte de cette offre, elle a, par conclusions signifiées le 13 septembre 2019, formulé une offre complète.

La société MMA n'a transmis aucune note en délibéré pour faire suite à la demande de la cour lors de l'audience de plaidoiries.

Dans ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident, régulièrement notifiées le 13 septembre 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, l'hôpital de [Localité 10] demande à la cour de constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre et qu'en l'état, il n'a pas d'observation particulière à formuler.

La CPAM du Var a été, assignée par M. [F], par actes d'huissier des 27 mai 2021, 10 juin 2021, 3 août 2021 et 7 janvier 2022, délivrés à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel et des conclusions. Elle a été assignée par la société MMA par actes d'huissier des 12 octobre 2021 et 15 décembre 2022, délivrés à personne habilitée et contenant dénonce des conclusions et de l'appel incident.

Elle n'a pas constitué avocat.

Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 5 mai 2021, elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 288 508,99 €, correspondant à :

- des prestations en nature : 96 329, 69 € de dépenses de santé actuelles et 694,86 € de dépenses de santé futures

- des indemnités journalières versées du 17 septembre 2014 au 15 avril 2018 : 76 270,93 €

- les arrérages d'une rente versée du 16 avril 2018 au 15 novembre 2018 : 3 034,03 €

- le capital représentatif de la rente de : 112 179,48 €.

La mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) a été assignée par M. [F], par actes d'huissier des 28 mai 2021, 3 août 2021, 7 janvier 2022 et 10 mai 2022, délivrés à personne habilitée, sauf pour l'acte du 7 janvier 2022 qui a été délivré à domicile, contenant dénonce de l'appel et des conclusions. Elle a été assignée par la société MMA par actes d'huissier des 12 octobre 2021 et 16 décembre 2022, délivrés à personne habilitée et contenant dénonce des conclusions et de l'appel incident.

Elle n'a pas constitué avocat.

*****

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

L'appel porte expressément sur l'évaluation des postes perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle, assistance par tierce-personne permanente, déficit fonctionnel temporaire, déficit fonctionnel permanent et préjudice d'agrément, outre la pénalité article L211-13 du code des assurances et l'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans la mesure où le dispositif de la décision de première instance contient une condamnation de l'assureur au paiement d'une somme globale au titre de l'ensemble des préjudices, ce chef du dispositif est nécessairement remis en cause devant la cour puisqu'il dépend de ceux qui sont expressément critiqués.

Sur le préjudice corporel

L'expert, le docteur [I], indique que M. [F] a souffert, au titre des lésions initiales, d'une fracture du tibia péroné de la jambe gauche, d'une luxation de l'épaule gauche avec fracture postero-inférieur de la glène gauche. Ces blessures se sont compliquées après l'intervention chirurgicale destinée à réduire et stabiliser la luxation de l'épaule, par une infection nosocomiale et une arthrite septique de l'épaule gauche.

De ces lésions, il conserve des séquelles au niveau de la jambe et de la cheville gauche, entrainant une boiterie à la marche, un appui monopodal gauche légèrement limité, une hypoesthésie dans le territoire du sciatique poplité externe avec hypoesthésie du bord latéral de la jambe gauche, tiers distal et du bord externe du dos du pied gauche, une perte de flexion dorsale et plantaire des chevilles, au niveau de l'épaule gauche un sillon au niveau delto pectoral avec amplitudes limitées en élévation, abduction et rotations interne et externe, ainsi que des séquelles psychologiques.

L'expert conclut à :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 16 septembre 2014 au 12 décembre 2014, du 1er février 2017 au 25 mars 2017 et du 23 octobre 2017 au 27 octobre 2017 ;

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % de 13 décembre 2014 au 16 mars 2015 ;

- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 17 mars 2015 au 31 janvier 2017 ;

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 20 % du 26 mars 2017 au 22 octobre 2017, du 28 octobre 2017 au 1er février 2018 ;

- un arrêt de travail en relation avec l'accident jusqu'au 1er février 2018 ;

- une consolidation au 2 février 2018 ;

- un préjudice professionnel par une pénibilité à la reprise de l'activité antérieure ;

- des souffrances endurées de 4,5/7 ;

- un préjudice esthétique temporaire de 2,5/7 ;

- un déficit fonctionnel permanent de 22 % ;

- un préjudice esthétique permanent de 2/7 ;

- un préjudice d'agrément par inaptitude à la musculation et au vélo ;

- un préjudice sexuel ;

- un besoin d'assistance de tierce personne de deux heures par jour pendant les périodes de déficit fonctionnel temporaire à 50 %, de trois heures par semaine pendant les périodes de déficit fonctionnel temporaire à 25 % et d'une heure par semaine pendant les périodes de déficit fonctionnel temporaire à 20 %.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi, à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 1] 1964, de son activité de directeur de centre péri-scolaire et de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

M. [F] était âgé de 50 ans au moment de l'accident et de 53 ans au moment de la consolidation. Il est à ce jour âgé de 58 ans.

Les parties ne remettent pas en cause l'évaluation par le premier juge des postes suivants :

- dépenses de santé actuelles : 97 366,58 € dont 96 329,58 € revenant à la CPAM et 1 037 € revenant à M. [F] ;

- frais divers (en ce compris le préjudice qualifié de matériel) : 26 987,73 € dont 6 715,43 € revenant à M. [F] et 20 271,30 € revenant à la CPAM ;

- assistance temporaire par tierce personne : 7 890 €

- perte de gains professionnels actuels : 76 278,93 € revenant à la CPAM ;

- dépenses de santé futures : 694,86 € revenant à la CPAM

- souffrances endurées 4,5/7 : 20 000 €

- préjudice esthétique temporaire 2,5/7 : 3 000 €

- préjudice esthétique permanent 2/7 : 3 000 €

- préjudice sexuel : 5 000 €.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Perte de gains professionnels futurs 261 411,60 €

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Les séquelles se concentrent sur la jambe et de la cheville gauche, entrainant une boiterie à la marche, un appui monopodal gauche légèrement limité, une hypoesthésie dans le territoire du sciatique poplité externe avec hypoesthésie du bord latéral de la jambe gauche, tiers distal et du bord externe du dos du pied gauche, une perte de flexion dorsale et plantaire des chevilles, au niveau de l'épaule gauche un sillon au niveau delto pectoral avec amplitudes limitées en élévation, abduction et rotations interne et externe, ainsi que des séquelles psychologiques.

L'expert ne retient aucune inaptitude à l'exercice de la profession antérieure à l'accident.

Avant l'accident, M. [F] était animateur/directeur de centres pour enfants. Il justifie avoir été employé par le centre communal d'action sociale (CCAS) de [Localité 10] sur des activités périscolaires du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs.

Le 25 novembre 2014, la commune de [Localité 10] a adressé à M. [F] un courrier par lequel elle indique reprendre la gestion des activités périscolaires jusque là organisées par le centre communal d'action sociale, ajoutant 'la collectivité pourrait envisager de vous recruter en contrat à durée déterminée pour la saison 2015".

Par ailleurs, dans une attestation en date du 6 avril 2018, le directeur général des services de la commune de [Localité 10] indique que les agents qui travaillaient pour le CCAS dans le cadre de contrats à durée déterminée et dont les qualités correspondaient aux besoins du service jeunesse de la commune ont pu prétendre à une intégration en qualité de fonctionnaire à compter du 1er janvier 2016 et qu'il est probable que s'il avait été apte, la collectivité aurait pu avoir recours à M. [F] dans un premier temps dans le cadre d'un contrat à durée déterminée.

Si l'expert ne retient aucune inaptitude sur le plan médico-légal à exercer sa profession, ni aucune inaptitude générale à travailler, la profession antérieurement exercée suppose un bon dynamisme physique et psychique pour être en mesure de faire face aux sollicitation d'enfants et d'adolescents.

Les douleurs et limitations fonctionnelles, associées à l'âge de M. [F], ont donc nécessairement diminué ses chances d'être recruté sur un poste équivalent à celui qu'il exerçait régulièrement avant l'accident. Compte tenu des termes de l'attestation du directeur général des services de la commune, M. [F] a également perdu une chance d'être intégré en qualité de fonctionnaire territorial.

Même si M. [F] n'était titulaire d'aucun contrat à durée indéterminée, la perspective d'un tel contrat n'était pas purement hypothétique puisque les différents contrats à durée déterminée dont il a bénéficié étaient régulièrement renouvelés depuis 2012 et qu'il est titulaire des diplômes qui lui permettaient de suivre le sort des autres personnes antérieurement employées par le CCAS, c'est à dire une embauche par la commune, dans un premier temps sous contrat, puis une titularisation dans la fonction publique territoriale.

Les séquelles physiques ci-dessus décrites, qui ont elle-même entrainé des séquelles psychologiques, affectent donc de manière indiscutable et durable son employabilité dans le secteur d'activité très concurrentiel où il travaillait avant l'accident.

S'agissant des pathologies alléguées par la société MMA, elles n'ont jamais eu la moindre incidence sur son recrutement par le CCAS avant l'accident. Elles ne sont donc pas susceptibles selon elle d'expliquer à elles-seules l'absence de renouvellement par la commune de sa collaboration avec M. [F].

Il résulte de ces éléments qu'il existe bien une perte de gains imputable aux séquelles de l'accident, mais que celle-ci doit être appréhendée comme une perte de chance.

Au regard de la situation de M. [F] (âge, nature des séquelles et profit de la profession exercée et renouvellements successifs des contrats entre 2012 et 2014), la cour estime cette perte de chance à 90 %.

Il n'est pas contesté que depuis l'accident M. [F] n'a pas retrouvé d'emploi et qu'il perçoit l'allocation adulte handicapé.

Il résulte des pièces produites aux débats qu'en 2014, le salaire net imposable de M. [F] s'est élevé à 19 754 €, soit 1 646,16 € par mois en moyenne.

La victime est en droit de demander au juge de revaloriser le salaire de référence afin de tenir compte de la dépréciation monétaire, et ce au titre de la période échue mais également de la période à échoir. Cette revalorisation sera effectuée à partir de la valeur annuelle du SMIC.

Entre la consolidation et la date du présent arrêt, M. [F] aurait dû percevoir :

- du 2 février 2018 au 31 décembre 2018 : 19 048,72 €(1 721,27 €/30 x 332 jours) ;

- du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 : 21 204,48 €(1 767,04 € x12 mois)

- du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 : 21 465,24 € (1 788,77 x 12 mois)

- du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021 : 21 676,56 € (1 806,38 € x 12 mois)

- du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022 : 22 353,60 € (1 862,80 € x 12 mois)

- du 1er janvier 2023 au 9 mars 2023 : 4 298,75 € (1 896,51 €/30 x 68 jours),

soit au total : 110 047,35 €.

Affecté du taux de perte de chance, la perte représente une somme de 99 042,61 €.

À compter de la liquidation, la perte annuelle s'élève à 1 896,51 € par mois et 22 758,12 € par an.

M. [F] demande l'indemnisation de sa perte de gains jusqu'à l'âge de 67 ans.

Compte tenu de son âge au jour de la présente décision, du taux d'employabilité des personnes âgées de plus de 50 ans, de son handicap et du caractère spécifique de ses compétences, ses chances de retrouver un emploi avant l'âge de la retraite sont quasi nulles.

En l'état de la législation actuelle l'âge minimum de départ à la retraite est fixé à 62 ans et 169 trimestres pour la génération dont dépend M. [F].

Le relevé de carrière produit par M. [F] fait ressortir qu'il a commencé à cotiser en 1981 et qu'il n'a eu aucune interruption de carrière avant de cesser le travail à la suite de l'accident.

Certes, il a connu des périodes de chômage mais le régime général actuel des salariés permet de valider des trimestre pendant les périodes de chômage dans la limite de quatre par an.

Ainsi, selon le relevé de carrière qu'il produit, à la fin de l'année 2017, à l'âge de 53 ans, il cumulait 136 trimestres sur les 169 requis. Il lui restait donc à cette date un peu plus de huit ans à travailler pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein.

M. [F] était donc en mesure de prendre sa retraite à taux plein sans décote à l'âge de 62 ans. Cependant, ayant connu régulièrement des périodes de chômage, il avait intérêt à poursuivre au delà de l'âge légal afin d'augmenter le taux de sa pension, celle-ci étant calculée sur les vingt cinq meilleures années.

Pour autant, il travaillait avec des enfants, soit une activité qui mobilise une énergie importante.

Un âge de 65 ans sera donc retenu pour la fin de sa carrière.

L'évaluation du dommage devant être faite au moment où la cour statue, le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0,3 %, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.

L'euro de rente retenu sera donc de 6,651 correspondant à un homme âgé de 58 ans au jour de la liquidation.

La perte à échoir s'élève ainsi à 151 364,25 €, soit après application du taux de perte de chance, une somme de 136 227,83 €.

Au total, la perte de gains professionnels futurs s'élève à 261 411,60 € et la perte indemnisable à 235 270,44 €.

La CPAM a attribué à M. [F] une rente qui est chiffrée au total à 115 213,51 € (3 034,03 € au titre des arrérages de la rente versées du 16 avril 2018 au 15 novembre 2018 et 112 179,48 € au titre du capital représentatif de la rente).

Selon l'article L. 376 1 du code de la sécurité sociale et l'article 31 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 dans leur rédaction issue de l'article 25 de la loi no 2006 1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et que, conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales. Dans ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.

Il en résulte que dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat.

Ainsi, lorsque la victime n'a droit qu'à l'indemnisation partielle de son préjudice, parce qu'il est constitué d'une perte de chance, il convient, en premier lieu, de déterminer le préjudice global subi par la victime, indépendamment des prestations qu'elle a pu percevoir des organismes sociaux, fixer le montant de l'indemnité mise à la charge du responsable, cette somme devant revenir à la victime lorsque l'addition de l'indemnité mise à la charge du responsable et des prestations servies à la victime par les tiers payeurs est inférieure au montant du préjudice global subi par la victime. Ce n'est que lorsque l'addition du montant des prestations sociales qui lui ont été versées et du montant de la dette due par le responsable est supérieure à son préjudice que l'organisme social peut exercer un recours.

En l'espèce, le préjudice global subi par M. [F] indépendamment des prestations qu'il a pu percevoir des organismes sociaux s'élève à 261 411,60 €.

Le montant de l'indemnité mise à la charge du responsable s'élève à 235 270,44 €.

L'addition de l'indemnité mise à la charge du responsable et des prestations servies à la victime par les tiers payeurs s'élève à 350 483,95 € soit une somme supérieure au montant du préjudice global subi par la victime.

En application du droit de priorité, il revient à M. [F] une somme de 146 198,09 € et au tiers payeur une somme de 89 072,35 €.

- Incidence professionnelle 32 596,20 €

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

M. [F] allègue une perte des droits à la retraite au motif qu'ayant cessé toute activité professionnelle rémunératrice à l'age de 49 ans, alors qu'il lui restait encore dix ans à travailler jusqu'à l'âge de 67 ans, l'assiette de calcul de sa pension en sera diminuée d'autant.

La cour estime qu'il existe une perte de gains professionnels après consolidation et les parties ne contestent pas l'existence d'une perte de gains professionnels actuels même si l'indemnité allouée au titre de ce dernier poste revient au tiers payeur.

Ainsi que relevé plus haut, le relevé de carrière de M. [F] fait ressortir qu'il pouvait prétendre, s'il avait continué à travailler, à une retraite à taux plein à l'âge de 62 ans. En revanche, dans le régime général des salariés, la pension étant calculée sur les vingt cinq meilleures années, le montant de pension, bien qu'à taux plein, va se ressentir des années non travaillées à partir de l'âge de 49 ans.

M. [F] produit aux débats une simulation de ses droits à la retraite. La moyenne des vingt cinq meilleures années représente un salaire moyen annuel de 23 605 € soit 1 967,08 € par mois.

Selon cette simulation de pension, s'il avait continué à percevoir le même salaire, il aurait perçu, à l'âge de 67 ans, une pension de 1 742 € par mois. Cette simulation fait également ressortir qu'à l'âge de 62 ans, date à laquelle il pouvait percevoir une pension à taux plein, il aurait perçu une pension de 1 348 € par mois s'il avait pu continuer à cotiser dans les conditions antérieures à l'accident.

Or, la simulation fait ressortir qu'au regard de sa fin de carrière il percevra une pension de 1 592 € par mois s'il fait valoir ses droits à l'âge de 67 ans.

Aucune simulation n'est produite en cas de départ à la retraite à 65 ans.

Cependant, la différence aurait été sensiblement identique (s'il avait pu continuer à travailler il aurait perçu à 65 ans plus 1 348 € et moins de 1 742 €) alors qu'il percevra nécessairement moins de 1 592 € s'il fait valoir ses droits à l'âge de 65 ans.

Le différentiel allégué de 150 € par mois correspond donc à la moyenne de la part de pension qu'il va perdre du fait de cette interruption de carrière à compter de l'âge de 49 ans.

L'évaluation du dommage devant être faite au moment où la cour statue, le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0,3 %, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.

En l'espèce, la perte annuelle doit être capitalisée selon l'euro de rente viagère pour un homme âgé de 65 ans, ce qui représente une perte de 35 596,20 € (1 800 € x 18,109).

Cependant, dès lors que la perte de gains professionnels futurs indemnisable correspond à une perte de chance, la perte de droits à la retraite, qui résulte pour sa plus grande part des pertes subies après consolidation, doit également être analysée comme une perte de chance, indemnisable dans les mêmes conditions à savoir à hauteur de 90 %.

La perte de droits à la retraite indemnisable s'élève donc à 32 036,58 €.

Il existe un reliquat de la rente accident du travail d'un montant de 26 141,16 €.

L'imputation devant se faire sans cascade, l'indemnité revenant à la victime sur ce poste s'élève à 32 036,58 € et aucune indemnité ne revient au tiers payeur.

- Assistance par tierce personne 52 839,79 €

La nécessité de la présence auprès de M. [F] d'une tierce personne est contestée dans son principe.

L'expert ne retient aucun besoin d'assistance par tierce personne après consolidation. En réponse à un dire du conseil de M. [F], il explique que le besoin verbalisé par M. [F] ne correspond pas aux données médico-légales mais à ce qu'il qualifie de ressenti.

Selon lui, s'il est compréhensible que les activités quotidiennes soient pénibles cela ne veut dire ni qu'il ne peut pas les réaliser, ni qu'il a besoin d'aide pour les réaliser, mais que ce serait plus confortable pour lui. Il ajoute qu'aucune aide par tierce personne n'est davantage nécessaire pour éviter une aggravation des séquelles, que les douleurs devraient s'amenuiser avec le temps, que la fonction de son épaule lui permet de faire les courses et de conduire et de faire du bricolage d'appartement. Il ajoute qu'elle ne lui permet pas de déménager mais qu'il ne s'agit pas d'une activité quotidienne et que si la fonction de son épaule se dégrade avec le temps, la question de l'assistance par tierce personne devra être reconsidérée. S'agissant de la cheville, elle ne nécessite, selon lui, aucune aide et il en va de même de son état psychologique.

Cependant, les conclusions de l'expert sont empreintes d'une contradiction puisqu'il a retenu un besoin d'assistance par tierce personne d'une heure par semaine pendant la période de déficit fonctionnel temporaire à 20 % mais n'en retient aucune après consolidation alors que le déficit fonctionnel, chiffré à 22 %, est plus important. Par ailleurs, il concède que certaines activités du quotidien lui seront pénibles mais que cette pénibilité ne justifie aucune aide dès lorsqu'elle correspond à un 'ressenti' et non à une impossibilité ou une difficulté à s'y adonner.

L'autonomie que l'indemnité pour tierce personne est censé restaurer nécessite de prendre en considération la question de la pénibilité. En l'espèce, compte tenu des limitations fonctionnelles dont M. [F] est atteint, il ne peut être considéré que cette pénibilité est seulement subjective et n'entame pas sa capacité à être autonome.

M. [F] produit aux débats un bilan situationnel réalisé par Mme [Z] [S], ergothérapeute, dont il ressort que les tâches avec port de charge et déplacements sont impossibles, que l'équilibre debout est instable sur sols irréguliers et lors de la montée et de la descente des escaliers, de sorte que M. [F] ne peut bricoler ni au sol ni en hauteur, ni agenouillé ou accroupi et qu'il lui est impossible de porter les objets avec deux mains.

Au regard de ces éléments, elle retient un besoin d'assistance par tierce personne de quatre heures par semaine pour le ménage et l'entretien de l'appartement et du linge (3 h) et pour les courses (1 h).

Cet avis est officieux en ce sens qu'il ne procède pas d'une expertise réalisée au contradictoire des parties. Cependant, il est produit aux débats et a pu être discuté contradictoirement par les parties.

Le juge a la possibilité de se référer à un rapport officieux pour apprécier l'étendue du préjudice et évaluer le besoin, dès lors que ce rapport est corroboré par d'autres pièces.

En l'espèce, dès lors que les données médico-légales ont conduit l'expert à retenir un besoin en assistance par tierce personne de trois heures par semaine au titre des périodes de déficit fonctionnel à 25 % et d'une heure par semaine au titre des périodes de déficit fonctionnel à 20 %, et que M. [F] souffre au titre des séquelles d'une boiterie à la marche, d'un appui monopodal gauche limité, d'une perte de flexion dorsale et plantaire des chevilles, et, au niveau de l'épaule gauche, d'amplitudes limitées en élévation, abduction et rotations interne et externe, conduisant à un déficit fonctionnel permanent de 22 %, il doit être considéré qu'il a besoin après consolidation d'une aide par tierce personne que la cour évalue à deux heures par semaine à vie.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18 €.

L 'indemnité de tierce personne échue s'établit à 9 576 €.

Le besoin annuel s'élève à 1 872 € (2 heures x 52 semaines x 18 €).

Capitalisé selon l'indice de rente viagère pour un homme âgé de 58 ans au jour de la consolidation, tel qu'issu de la gazette du palais 2020, taux 0,3%, soit 23,111, l'indemnité au titre de l'assistance par tierce personne à échoir'élève à 43 263,79 €.

Au total, l'indemnité due à M. [F] au titre du besoin en assistance par tierce personne après consolidation s'élève à 52 839,79 €.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire 11 511'45 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 810 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 16 septembre 2014 au 12 décembre 2014, du 1er février 2017 au 25 mars 2017 et du 23 octobre 2017 au 27 octobre 2017 : 3 942 €,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % de 13 décembre 2014 au 16 mars 2015 : 1 269 €,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 17 mars 2015 au 31 janvier 2017 : 4 637,25 €,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 20 % du 26 mars 2017 au 22 octobre 2017, du 28 octobre 2017 au 1er février 2018 : 1 663,20 €

et au total la somme de 11 511,45 €.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent 45 320 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Il est caractérisé par un limitation fonctionnelle de la jambe et de la cheville gauche, entrainant une boiterie à la marche, un appui monopodal gauche légèrement limité, une hypoesthésie dans le territoire du sciatique poplité externe avec hypoesthésie du bord latéral de la jambe gauche, tiers distal et du bord externe du dos du pied gauche, une perte de flexion dorsale et plantaire des chevilles, au niveau de l'épaule gauche un sillon au niveau delto pectoral avec amplitudes limitées en élévation, abduction et rotations interne et externe, ainsi que par des séquelles psychologiques, ce qui conduit à un taux de 22 % justifiant une indemnité de 45 320 € pour un homme âgé de 53 ans à la consolidation.

Après imputation sur les postes perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle de la rente invalidité, subsiste un reliquat.

Cependant, eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du même code, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité.

Dès lors, la rente d'invalidité versée par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice.

La somme de 45 320 € revient donc en totalité à M. [F].

- Préjudice d'agrément 5 000 €

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

En l'espèce, l'expert retient un impossibilité de pratiquer la musculation et le cyclisme.

M. [F] justifie donc ne plus pouvoir pratiquer ces activités sportives.

Il démontre qu'il s'y adonnait régulièrement avant l'accident suivant attestations concordantes versées aux débats (MM. [X] [J], Mme [A] [T]M. [E] [P] et M. [C] [F]), ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 5 000 €.

Récapitulatif des préjudices :

Postes

Préjudice intégral

(P =V +TP)

Part victime avant partage

(V)

Part tiers payeur avant partage

(TP)

Dette de l'assureur

D

Indemnité revenant à la victime

(V'= V dans la limite de D)

Reliquat revenant au tiers payeur

(TP' : D-V')

Dépenses de santé actuelles

97 366,58 €

1 037 €

96 329,58 €

97 366,58 €

1 037 €

96 329,58 €

Frais divers

26 986,73 €

6 715,43 €

20 271,30 €

26 986,73 €

6 715,43 €

20 271,30 €

Tierce personne temporaire

7 890 €

7 890 €

-

7 890 €

7 890 €

-

PGPA

76 278,93 €

-

76 278,93€

76 278,93€

-

76 278,93 €

Dépenses de santé futures

694,86 €

-

694,86 €

694,86 €

-

694,86 €

PGPF

261 411,60€

146 198,09€

115 213,51€

235 270,44€

146 198,09 €

89 072,35 €

Incidence professionnelle

35 596,20 €

35 596,20 €

-

32 036,58€

32 036,58 €

-

Tierce personne définitive

52 839,79 €

52 839,79 €

-

52 839,79€

52 839,79 €

-

Déficit fonctionnel temporaire

11 511,45 €

11 511,45 €

-

11 511,45€

11 511,45 €

-

Souffrances endurées

20 000 €

20 000 €

-

20 000 €

20 000 €

-

Préjudice esthétique temporaire

3 000 €

3 000 €

-

3 000 €

3 000 €

-

Déficit fonctionnel permanent

45 320 €

45 320 €

-

45 320 €

45 320 €

-

Préjudice esthétique permanent

3 000 €

3 000 €

-

3 000 €

3 000 €

-

Préjudice sexuel

5 000 €

5 000 €

-

5 000 €

5 000 €

-

Préjudice d'agrément

5 000 €

5 000 €

-

5 000 €

5 000 €

-

Total

651 896,14€

343 107,96€

308 788,18€

622 195,36€

339 548,34€

282 647,02€

Le préjudice corporel global subi par M. [F] s'établit ainsi à la somme de 651 896,14 € dont 622 195,36 € indemnisables et, après imputation des débours de la CPAM (282 647,02 €), une somme de 339 548,34 € € lui revenant qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 12 avril 2021 à hauteur de 6 344,93 € et du prononcé du présent arrêt soit le 09 mars 2023 pour le surplus des sommes encore dues.

Il sera également fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, de sorte que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt.

Sur la demande de doublement du taux de l'intérêt légal

L'article L.211-9 du code des assurances impose à l'assureur de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident, l'offre pouvant avoir un caractère provisionnel si l'assureur n'a pas, dans le délai de trois mois à compter de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. Un nouveau délai de cinq mois, à compter de la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation est ouvert pour l'offre définitive d'indemnisation.

Ce dispositif est assorti d'une sanction, qui réside dans le paiement d'intérêts au double du taux légal, prévue en ces termes par l'article L. 211-13 du code des assurances : « lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre où le jugement est devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur ».

L'accident a eu lieu le 16 septembre 2014.

M. [F] demande que la sanction prenne effet à compter du 16 avril 2015, soit huit mois après l'accident.

Selon le texte précité, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

En l'espèce, aucune offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, même formulée à titre provisionnel, n'a été adressée à M. [F] avant cette date puisque la quittance provisionnelle du 7 janvier 2015 ne détaille pas les postes de préjudice.

En conséquence, l'assureur doit être condamné à verser à M. [F] des intérêts au double du taux légal à compter du 17 avril 2015 (le délai pour présenter une offre ayant expiré le 16 avril 2015 à minuit).

La quittance provisionnelle du 8 juin 2018 ne détaille pas les postes de préjudice, de sorte qu'elle ne peut utilement arrêter le cours des intérêts au double du taux légal.

La première offre d'indemnité ventilée poste par poste est en date du 22 janvier 2019.

Cette offre est chiffrée au total à 44 030 € au titre des dépenses de santé actuelles et futures et une perte de gains professionnels actuels pour mémoire. Le déficit fonctionnel permanent est chiffré mais la somme revenant à la victime est mentionnée en mémoire dans l'attente de la créance du tiers payeur.

Cette offre est donc incomplète, de sorte que, sans qu'il soit nécessaire d'entrer plus avant dans le détail de l'argumentation des parties relative à sa réception par M. [F], elle est impropre à arrêter le cours de la sanction.

La société MMA soutient qu'elle a en tout état de cause, présenté une offre complète par voie de conclusions devant le 1er juge, le 13 septembre 2019. Ces conclusions n'ayant pas été produites aux débats, la cour a invité la société MMA à les produire en cours de délibéré, accompagnées du justificatif de leur transmission par le RPVA. En dépit de cette demande, les dites conclusions n'ont pas été produites. Cette carence ne met pas la cour en mesure de s'assurer du contenu de l'offre qui, dès lors ne saurait arrêter le cours des intérêts au double du taux légal.

Il résulte du jugement de première instance que, dans ses dernières conclusions transmises par le RPVA le 4 décembre 2020, la société MMA a chiffré son offre à la somme totale de 104 530 € au titre des dépenses de santé actuelles, des frais divers, de l'assistance par tierce personne temporaire, du préjudice matériel, de l'incidence professionnelle, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique permanent, du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel.

Cette proposition d'indemnisation ne contient aucune offre au titre de la perte de gains professionnels futurs. Certes, l'expert n'a retenu aucune inaptitude au métier exercé avant l'accident. Cependant, si l'offre d'indemnisation de l'assureur ne peut porter sur des chefs de préjudice qu'il ignore, cette circonstance doit être appréciée à la date à laquelle cette offre a été formulée par l'assureur et au vu des informations alors portées à sa connaissance.

En l'espèce, la cour, refusant suivre les conclusions de l'expert sur ce point, considère que les séquelles ont fait perdre à M. [F] une chance de percevoir les gains qu'il percevait auparavant, puisqu'il bénéficiait de contrats à durée déterminée renouvelés depuis 2012, n'a plus été réembauché par le CCAS auquel la commune de [Localité 10] s'est ensuite substituée précisément en raison des limitations fonctionnelles résultant de l'accident et incompatibles avec le poste précédemment occupé.

L'assureur, qui ne justifie par aucune pièce avoir vainement réclamé des pièces à M. [F], avait donc connaissance de l'existence de ce chef de préjudice nonobstant les conclusions de l'expert.

Par ailleurs, l'offre ne contient aucune proposition d'indemnisation au titre de l'assistance par tierce personne. Là encore, si l'expert n'a pas retenu ce poste, ses conclusions sont empreintes d'une contradiction puisqu'il a retenu un besoin d'assistance par tierce personne d'une heure par semaine pendant la période de déficit fonctionnel temporaire à 20 % mais n'en retient aucune après consolidation alors que le déficit fonctionnel, chiffré à 22 %, est plus important, précisant que le besoin verbalisé par M. [F] correspond tout au plus à un ressenti. L'assureur, à qui il appartient d'analyser lui même les postes de préjudice au regard des éléments médicaux contenus dans le rapport de l'expert, avait donc connaissance de l'existence de ce chef de préjudice nonobstant les conclusions de l'expert.

L'offre contenue dans les conclusions du 4 septembre 2020 devant le premier juge est donc incomplète. Elle est en tout état de cause insuffisante en ce qu'elle représente moins du tiers de l'indemnité allouée par la cour. Cette offre est donc insusceptible d'arrêter le cours de la sanction.

Au regard de ces éléments, l'assureur sera condamné à payer à M. [F] des intérêts au double du taux légal du 17 avril 2015 jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif, sur les indemnités allouées par la cour, étant rappelé que l'assiette de la pénalité s'entend avant imputation du recours des tiers payeurs et déduction des provisions allouées, soit la somme totale de 622 195,36 €, correspondant à la dette d'indemnisation.

Il sera également fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, de sorte que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt.

Sur les demandes annexes

La société MMA, qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d'appel. La partie qui doit supporter l'intégralité des dépens ne peut demander d'indemnité pour frais irrépétibles.

L'équité justifie d'allouer à M. [F] une indemnité de 2 500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement, hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant ainsi que sur la condamnation de la société MMA à des intérêts au double du taux légal,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne la société MMA IARD à payer à M. [H] [F] les sommes suivantes :

- 1 037 € au titre des dépenses de santé actuelles

- 6 715,43 € au titre des frais divers

- 7 890 € au titre de l'assistance par tierce personne temporaire

- 146 198,09 € au titre de la perte de gains professionnels futurs

- 32 036,58 € au titre de l'incidence professionnelle

- 52 839,79 € au titre l'assistance par tierce personne permanente

-11 511,45 € au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 20 000 € au titre des souffrances endurées

- 3 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire

- 45 320 € au titre du déficit fonctionnel permanent

- 3 000 € au titre du préjudice esthétique permanent

- 5 000 € au titre du préjudice sexuel

- 5 000 € au titre du préjudice d'agrément,

le tout sauf à déduire les provisions versées et avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2021 à hauteur de 6 344,93 € et à compter du présent arrêt pour le surplus des sommes encore dues, intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisant eux-mêmes intérêt dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil ;

- une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

Condamne la société MMA IARD à payer à M. [H] [F] des intérêts au double du taux légal à compter du 17 avril 2015 jusqu'au jour du présent arrêt devenu définitif sur la somme de 622 195,36 € ;

Déboute la société MMA IARD de sa demande d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société MMA IARD aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 21/05735
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;21.05735 ?
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