COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 09 MARS 2023
N° 2023/
GM
Rôle N°20/06994
N° Portalis DBVB-V-B7E-BGCSJ
S.A.R.L. THOR
C/
[V] [R]
Copie exécutoire délivrée
le : 9/03/23
à :
- Me Gérald GUILLOT, avocat au barreau de GRASSE
- Me Sabrina ESPOSITO, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 15 Juin 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00743.
APPELANTE
S.A.R.L. THOR, sise [Adresse 1]
représentée par Me Gérald GUILLOT, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Monsieur [V] [R], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sabrina ESPOSITO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
M. [V] [R] a été engagé par contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de sécurité par la société Thor le 1er octobre 2006.
Le 1er décembre 2016, un avenant au contrat de travail a été signé entre les parties modifiant Ies horaires de travail de M. [V] [R].
Les parties fixent ensemble les horaires de travail a 10 heures par semaine, effectuées les mardi et mercredi, soit un total d'heures mensualisées de 43.33 heures par mois et ce à compter du 1er décembre 2016.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997.
Le 1 er juillet 2017, M. [V] [R] prenait ses congés payés jusqu'au 7 août 2017.
Le bulletin de paie d'août 2017 du salarié mentionne ensuite que ce dernier a été placé en congé sans solde jusqu'au 31 août 2017.
Par courrier du 6 octobre 2017, la société Thor a convoqué le salarié pour un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Par courrier notifié le 26 octobre 2017, la société Thor a notifié au salarié son licenciement pour faute grave, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.
La société Thor employait habituellement moins de 11 salariés.
Par jugement du 15 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Nice a':
-dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
-condamne la société Thor à payer a M. [V] [R]':
10 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,
3071,38 euros d'indemnité compensatrice de préavis ,
307,13 euros de congés payes y afférents ,
4436,44 euros d'indemnité de licenciement ,
3609,36 euros au titre de rappel de salaire sur temps complet ,
360,93 euros au titre des congés payes sur rappel de salaire ,
-condamné la société Thor a remettre a M. [V] [R] les documents sociaux, cette remise ne se faisant pas sous astreinte,
-condamné la société Thor au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'artic1e 700 du code de procédure civile,
-mis les dépens a la charge de la société défenderesse,
-débouté les parties de toutes les autres demandes.
Par déclarations du 28 juillet 2020, la société Thor a relevé appel de ce jugement dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
Son appel est limité aux chefs de jugement expressément critiqué suivants': «'à savoir en ce qu'il condamne la société Thor à payer à M. [V] [R]':
10.000 euros,
3071.38 euros,
307.13 euros,
4436.44 euros,
3609.36 euros,
360.93 euros au titre de dommages-intérêts et autres indemnités, outre 1000 euros d'article 700 du code de procédure civile et les dépens'».
L'appel de la société Thor porte également sur le chef du dispositif suivant': «'en ce qu'il déboute l'appelante de sa demande de condamnation du salarié à lui verser 10.000 euros de dommages-intérêts outre 3000 euros d'article 700 du code de procédure civile outre qu'il soit condamné à 5000 d'amende civile'».
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 décembre 2020.
PRETENTIONS ET MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2020 , la société Thor demande à la cour de :
-réformer en tous points le jugement,
statuant à nouveau,
-juger justifié le licenciement pour faute grave,
-débouter M. [V] [R] de toutes ses demandes,
reconventionnellement,
-condamner le salarié à payer à la société Thor 10.000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral cause par la présente action manifestement abusive, dolosive et vexatoire ,
-condamner M. [V] [R] a payer une amende civile qui ne saurait être inférieure a la somme de 5000 euros,
à titre subsidiaire,
-rejeter les demandes de condamnations à des dommages-intérêts du salarié comme non fondées sur la démonstration d'un quelconque préjudice.
en tout état de cause,
-condamner le salarié à payer à la société Thor la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ainsi qu'à 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel',
-condamne le salarié aux entiers dépens de l'instance.
Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave, la société Thor affirme que M. [V] [R] reconnaît par ses propres écritures qu'il était absent de son poste de travail jusqu'à la fin du mois d'octobre 2017.La société Thor ajoute que M. [V] [R] a, en fait, travaillé pour un autre employeur en qualité d'agent insécurité durant les mois de juillet, Août, septembre et octobre 2017 comme le démontre le relevé de compte du salarié qui affiche un solde de plus de 7500 Euros au 6 octobre 2017 . Or, il n'effectuait plus d'heure de travail au sein de la société Thor depuis le 9 Août 2017.
M. [V] [R] a donc travaillé clandestinement pour un autre employeur au détriment de l'organisation de |'entreprise et en lui servant à son retour le mensonge d'un grave accident de son père qui fort heureusement va parfaitement bien et réside en Ukraine.
Sur la prescription de la poursuite disciplinaire que lui oppose le salarié , la société Thor fait valoir que des faits antérieurs à deux mois peuvent être pris en considération lorsque le comportement du salarié s'est poursuivi et s'est réitéré dans ce délai. Selon la Cour de cassation, l'absence injustifiée qui se prolonge crée une persistance de I'absence et ainsi un comportement fautif qui se poursuit et permet d'écarter la prescription de deux mois.
En l'espèce, le salarié a maintenu son absence injusti'ée du 9 août 2017 au 18 octobre 2017 (date de son entretien préalable auquel il ne s'est pas présenté).Ainsi, le salarié a poursuivi et réitéré ses agissements de même nature que ceux dont l'employeur avait eu connaissance dans un premier temps en août 2017, jusqu'à moins de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires
L'engagement de poursuites disciplinaires est marqué par Ia convocation a|'entretien préalable, pour Ies sanctions soumises a la procédure d'entretien préalable s'agit plus précisément de la date d'envoi de la lettre de convocation ,
En l'espèce :
$gt; Le salarié a maintenu son absence injustifiée du 9 août 2017 au 18 octobre 2017 ,
$gt; Sa convocation a l'entretien préalable en vue de son Iicenciement intervient en date du 06 octobre 2017,
$gt; Le salarié sera ensuite licencié en date du 23 octobre 2017.
La procédure de licenciement satisfait donc pleinement aux dispositions de I'article L1332-4 du code du travail.
Par conclusions notifiées par voie électronique le'27 décembre 2022 , le salarié demande à la cour de':
- condamner la société Thor au paiement des sommes suivantes :
rappel de salaire sur temps complet :'''''''''''''.''.10 568,93 euros bruts
congés payés sur rappel de salaire''''''''''''''''''.1 056,89 euros bruts
indemnité congés sans solde décembre 2015 à février 2016 : ''''3 071,38 euros nets
dommages-intérêts pour non prise des congés légaux :'''''..''.3 071 euros nets
indemnité compensatrice de préavis : ''''''''''''''''3 071,38 euros bruts
congés payés sur indemnité compensatrice de préavis :'''''''.307,14 euros bruts
indemnité légale de licenciement :''''''''''''''''''.4 436,44 euros nets
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :23 035 euros nets
- débouter la société Thor de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-débouter la société Thor ses demandes reconventionnelles et de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonner à la société de remettre à M. [V] [R] les documents sociaux sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, d'ores et déjà arrêtée à 60 jours par la juridiction statuant,
- dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisé à compter de la demande en justice,
- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, l'exécution forcée pourra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier. le montant des sommes retenues par l'huissier chargé de l'exécution forcée en application de l'article 10 du décret du 08/03/01 sera supporté par tout succombant en sus des frais irrépétibles et des dépens.
-condamner la société Thor à la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur l'effet dévolutif de l'appel, le salarié soutient d'abord que la société Thor a entendu limité sa déclaration d'appel aux seuls montants alloués par le conseil. En effet, la société Thor n'a pas critiqué, dans sa déclaration d'appel, le jugement, en ce qu'il a : « dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse » .
Par conséquent, l'argumentation de la société visant à contester le jugement disant le licenciement sans cause réelle et sérieuse est hors débat puisque la Cour n'est pas saisie. Sur ce point la décision rendue est définitive et irrévocable.
A titre subsidiaire, le salarié soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et qu'il n'a pas commis la faute grave reprochée dans la lettre de licenciement.
D'abord, le salarié invoque la prescription de deux mois des faits fautifs. L'employeur avait connaissance du prétendu abandon de poste depuis le 8 août 2017. Il n'a adressé au salarié la lettre de convocation à entretien préalable datée du 6 octobre 2017 que le 9 octobre 2017, soit tardivement.
Sur l'inexistence de la cause réelle et sérieuse et de la faute grave, le salarié indique que, son bulletin de salaire du mois d'août 2017 indique sans la moindre ambiguïté :
' congés payés du 1 août 2017 au 7 août 2017,
' absence congés sans solde du 9 août 2017 au 31 août 2017
Le motif précis de la lettre de licenciement est que M. [R] aurait abandonné son poste depuis la 9 août 2017. Il vient d'être fait la démonstration que ce motif est erroné. La société prétend ne jamais avoir donné son accord pour un congé sans solde alors même que le bulletin de salaire du mois d'août 2017 démontre le contraire. La société indique ensuite s'être vue imposer des congés payés pour le mois de juillet 2017 , cet argument n'est pas sérieux. En cas de désaccord, il appartenait à la société de le manifester. D'ailleurs, le temps mis par la société pour procéder à la mise en demeure de M. [V] [R] et à son licenciement démontrent la fragilité de la présente procédure et du grief invoqué. La mise en demeure, datée du 5 septembre 2017, était adressée le 15 septembre 2017.
Sur sa demande de rappels de salaires, le salarié fait valoir , en droit, que le contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps complet quand il ne mentionne pas la répartition du temps de travail'.
En l'état de l'absence de contrat de travail et de l'absence de répartition horaire, le contrat de travail sera requalifié à temps complet. Par ailleurs, les bulletins de salaire permettent de constater que l'employeur ne respectait pas le salaire minimum contractuel dû , à savoir 24 heures de travail par semaine. Dés lors, il sera fait droit à la demande de rappels de salaires sur un temps complet.
Lorsqu'un établissement ferme pendant un nombre de jours dépassant la durée fixée pour la durée des congés légaux annuels (30 jours), l'employeur verse au salarié une indemnité au moins égale à l'indemnité journalière de congés payés, pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédant cette durée légale (article L.3141-31 du code du travail).
Cette indemnité spéciale est due même lorsque la fermeture de l'entreprise est motivée par des circonstances extérieures.En l'espèce, la société a fermé pour travaux de décembre 2015 à février 2016 soit 3 mois sans que M. [V] [R] ne perçoive la moindre indemnité. Pourtant, la société ne pouvait faire subir cette fermeture particulièrement longue à son salarié. M. [V] [R] avait donc droit au paiement correspondant à une indemnité de 3 071,38 euros (1535,689 euros x 2= 3071,38 euros ).
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'effet dévolutif de l'appel'
Selon l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2021, applicable à la déclaration d'appel de la société Thor en date du 28 juillet 2020 ': La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ,
2° L'indication de la décision attaquée ,
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ,
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
L'article 562 du même code ajoute': L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il résulte de ces textes que lorsque la déclaration d'appel'tend à la réformation du'jugement'sans mentionner les'chefs'de'jugement'qui sont'critiqués, l'effet dévolutif'n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel'n'aurait pas été sollicitée par l'intimé.
Par ailleurs, seul l'acte d'appel'opère la dévolution des'chefs'critiqués'du'jugement.
En l'espèce, le jugement dont il est relevé appel par la société Thor, prononce, dans son dispositif, un chef de jugement particulier à savoir': «'-dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse'».
Or, l'appelante n'a pas critiqué expressément ce chef de jugement particulier dans sa déclaration d'appel.En effet, dans sa déclaration d'appel du 28 juillet 2020, elle a limité son appel aux chefs de jugement expressément critiqués suivants':'«' en ce qu'il condamne la société Thor à payer à M. [V] [R]':
10.000 euros,
3071.38 euros,
307.13 euros,
4436.44 euros,
3609.36 euros,
360.93 euros au titre de dommages-intérêts et autres indemnités, outre 1000 euros d'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
et en ce qu'il déboute l'appelante de sa demande de condamnation de M. [R] à lui verser 10.000 euros de dommages-intérêts outre 3000 euros d'article 700 du code de procédure civile outre qu'il soit condamné à 5000 d'amende civile'».
Dans sa déclaration d'appel, la société Thor n'a donc critiqué que les seuls montants des condamnations prononcées par le conseil.Dés lors, c'est à juste titre que le salarié fait valoir que l'effet dévolutif de la déclaration d'appel n'opère pas quant au chef de jugement suivant': «'dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse'».
La cour d'appel n'est pas saisie de ce chef de jugement.
Ajoutant au jugement, il y a lieu de':
-dit que que l'effet dévolutif de la déclaration d'appel n'opère pas quant au chef de jugement suivant': «'dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse'».
-dit que la cour d'appel n'est pas saisie du chef de jugement suivant': «'dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse'»,
-dit que le jugement est définitif en ce qui concerne le chef de jugement suivant':'«'dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse'».
Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
1-Sur la demande du salarié de rappels de salaires calculés sur un temps complet
L'article L 3123-14 du code du travail, dans sa version en vigueur du 17 juin 2013 au 10 août 2016 dispose':Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification'».
L'article L 3123-6 du code du travail,dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016, énonce':Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ,
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification'».
Il résulte de ce qui précède que l'absence d'écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l'emploi est à temps complet, et que la société Thor qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de la société Thor.
En l'espèce, le jugement a requalifié le contrat de travail à durée déterminée à temps partiel en un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er mars 2017. Dans son dispositif, il a en conséquence condamner la société Thor à payer au salarié la somme de 3 609, 36 euros au titre d'un rappel de salaires sur temps complet outre 360, 93 euros au titre des congés payés.
Alors que, dans sa déclaration d'appel, la société Thor a relevé appel de ce chef de jugement la condamnant à un rappel de salaires et à des congés payés, elle n'évoque pour autant nullement ce point ni dans le corps de ses dernières conclusions, ni dans le dispositif. Elle se limite à solliciter de la cour qu'elle rejette toutes les demandes de M. [R].
En l'espèce, le salarié ne conteste pas qu'il a été engagé par la société Thor le 1er octobre 2006 à temps partiel de 103, 99 heures par mois (même s'il ne reconnaît pas le contrat de travail produit par la société Thor).
En outre, le 1er décembre 2016, un avenant au contrat de travail a été signé entre Ies parties modifiant les horaires de travail de M. [V] [R]. Cet avenant, que le salarié reconnaît avoir signé, stipule': «'En date du 1er décembre 2016, les nouveaux horaires de travail de M. [R] seront de 10 heures par semaine effectuées les mardi et mercredi , soit un total d'heures mensualisées de 43.33 heures par mois. Dés le 1er mars 2017, les horaires de M. [V] seront de nouveau de 103, 99 heures par mois soit 24 heures par semaine tels que prévus dans son contrat'».
Le contrat de travail du salarié prévoyait donc un temps partiel avant et après l'avenant du 1er décembre 2016.
Cependant, comme le fait observer le salarié, la société Thor ne justifie pas que le contrat de travail du 1er octobre 2006 puis l'avenant du 1er décembre 2016 mentionnent la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
En conséquence, la présomption d'emploi à temps complet s'applique. En outre, la société Thor ne vient pas contester cette présomption. Elle ne rapporte par la preuve de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de la société Thor.
Confirmant le jugement, il y a lieu de prononcer la requalification du contrat de travail à durée déterminée à temps partiel en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
Le salarié a droit à un rappel de salaires calculés sur la base d'un contrat de travail à temps complet. Concernant le montant dû au salarié à ce titre, ce dernier fournit une méthode de calcul claire et pouvant être critiquée. Il indique le taux horaire appliqué, le salaire à temps complet qui aurait dû lui être versé et le salaire qui lui a effectivement été payé. Ces données chiffrées et la méthode de calcul ne sont pas sérieusement critiqués par la société Thor, laquelle, notamment, ne conteste pas le taux horaire retenu par M. [V] [R].
La cour, qui infirme le jugement, condamne la société Thor à payer à M. [V] [R]':
10 568,93 euros bruts à titre de rappels de salaire
1 056,89 euros au titre des congés payés afférents
2-Sur la demande du salarié de paiement de l'indemnité spéciale pour établissement fermé pendant un nombre de jours dépassant la durée des congés légaux annuels
L'article L 3141-31 du code du travail, dans sa version modifiée par la loi du 8 août 2016, en vigueur depuis le 10 août 2016 dispose':Lorsqu'un établissement ferme pendant un nombre de jours dépassant la durée des congés légaux annuels, la société Thor verse aux salariés, pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédant cette durée, une indemnité qui ne peut être inférieure à l'indemnité journalière de congés. Cette indemnité journalière ne se confond pas avec l'indemnité de congés.
En l'espèce, le salarié invoque le bénéfice de cette indemnité spécialement prévue par l'article L 3141-31 du code du travail, en raison de la période de fermeture de la société de décembre 2015 à février 2016 soit durant 3 mois.
La société Thor conclut au rejet de cette prétention, puisqu'il demande que la cour déboute le salarié de toutes ses demandes.
Or, le salarié invoque une disposition légale qui est entrée en vigueur le 10 août 2016 soit postérieurement aux faits dont il se prévaut ( à savoir la fermeture entre décembre 2015 et 2016 de l'établissement).
Confirmant le jugement, il y a lieu de débouter M. [V] [R] de sa demande d'indemnité à hauteur de 3071, 38 euros.
3-Sur la demande du salarié de dommages-intérêts pour défaut de prise de congés payés
Il 'appartient à la société Thor de'prendre'les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement .
Seule l'impossibilité de'prendre'les'congés payés'du fait d'une décision de la société Thor peut donner lieu à l'allocation de'dommages-intérêts'en réparation du préjudice subi par M. [V] [R].
C'est à l'employeur qu'incombe la'preuve'de la'prise'effective des'congés payés'et non au salarié.
En l'espèce, M. [V] [R] soutient qu'il a été privé de ses congés payés pendant deux années consécutives, ce que la société Thor ne critique pas sérieusement. Or, la société Thor, à qui incombe la charge de la preuve, ne justifie pas avoir pris 'les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé.
La cour, infirmant le jugement, condamne la société Thor à payer à M. [V] [R] des dommages-intérêts à hauteur de 800 euros, somme qui réparera intégralement le préjudice subi.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
1-Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
La cour n'est pas saisie du chef du jugement disant que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
2-Sur l'indemnité légale de licenciement
L'article L 1234-9 du code du travail énonce':Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.
L'article R 1234-2 du même code ajoute': L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ,
2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.
Le droit à'indemnité'de'licenciement'naît à la date où la société Thor, par l'envoi de la lettre recommandée, manifeste sa volonté de rompre le contrat . L'ancienneté'requise pour avoir droit aux'indemnités'de rupture s'apprécie à la date d'envoi et non à la date de présentation de la lettre recommandée au salarié .
Le salarié ayant été engagé le 1er octobre 2006 et licencié le 26 octobre 2017, il comptait plus de 8 mois d'ancienneté, ce qui lui ouvre droit au bénéfice de l'indemnité de licenciement.
S'agissant de son ancienneté pour le calcul du montant de ladite indemnité, M. [V] [R] compte tenu du préavis dont il a été abusivement privé, a une ancienneté de 11 ans et 2 mois.
Dès lors, le montant de l'indemnité de licenciement qui est due au salariée se calcule ainsi':
1 535 ,69 euros x 1/4ème x 10 ans = 3 839,23 euros
1 535 ,69 euros x 1/3ème x 1 an = 511,89 euros
1 535 ,69 euros x 1/3ème x 2/12 mois = 85,32 euros
Soit au total : 4 436,44 euros nets
Le salarié fait valoir que la société n'évoque nullement ce point aux termes de ses conclusions de telle sorte qu'elle acquiescerait à cette demande. Il n'est pas exact de dire que la société Thor acquiesce à la demande, dés lors qu'il a non seulement fait appel sur le quantum de l'indemnité de licenciement, mais qu'elle conclut également, dans ses conclusions, au débouté de toutes les demandes du salarié.
En revanche, la société Thor ne conteste pas sérieusement ni l'ancienneté que le salarié prétend avoir acquise à l'issue de son préavis, ni le salaire de référence pris en considération par ce dernier, ni même la méthode de calcul adoptée.
La cour confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Thor à payer à M. [V] [R] la somme de 4436, 44 euros au titre de l'indemnité de licenciement.
3-Sur l'indemnité compensatrice de préavis
L'article L1234-5 du code du travail dispose':Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par la société Thor, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.
la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997 prévoit en son article 30'.2. intitulé «'licenciement':En dehors de la période d'essai, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée, la durée du préavis est fixée en fonction de l'ancienneté continue comme suit, sauf faute grave ou faute lourde.
Moins de 6 mois
6 mois à moins de 2 ans
Plus de 2 ans
Cadres
1 mois
3 mois
3 mois
Maîtrise
15 jours
1 mois
2 mois
Employés
8 jours
1 mois
2 mois
N'ayant pas commis de faute grave, M. [V] [R] pouvait prétendre à un préavis de deux mois, ce qui lui ouvre droit à une indemnité compensatrice égale à deux mois de salaires bruts, soit la somme de 3071, 38 euros (1 535,69 euros x 2 mois = 3 071,38 euros ) outre celle de 307, 14 euros au titre des congés payés.
Contrairement à ce que soutient le salarié, la société Thor n'acquiesce pas à cette demande, dés lors qu'elle a non seulement relevé appel sur le montant de la condamnation au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés mais qu'en outre, dans ses conclusions, elle sollicite le rejet de toutes les demandes du salarié.
En revanche, si la société Thor n'acquiesce pas à cette demande d'indemnité compensatrice de préavis, elle ne critique pas sérieusement la méthode de calcul retenue par le salarié, ni le salaire de référence. Dés lors, il sera fait droit aux demandes du salarié.
Le jugement est confirmé en ce qu'il condamne la société Thor à payer à M. [V] [R]':
3071,38 euros d'indemnité compensatrice de préavis ,
307,13 euros de congés payes y afférents.
4-Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En l'espèce, le salarié indique que la société Thor employait habituellement moins de 11 salariés lors du licenciement le 26 octobre 2017 du salarié. Ainsi, l'article L 1235-3 al 2 du code du travail, dans sa version modifiée par l'ordonnance du 22 septembre 2017, s'applique pour déterminer le montant des dommages-intérêts dus à M. [V] [R] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Licencié le 26 octobre 2017, le salarié comptait une ancienneté de 11 années complètes. Il a droit, en application de ce barème, à une indemnité minimale de 2, 5 mois de salaires bruts.
Le salarié soutient toutefois que ce barème devait être écarté, au motif que l'appréciation doit se faire in concreto et que, de plus, le comité européen des droits sociaux a estimé le 23 mars 2022 que ces plafonds ne sont pas suffisamment élevés.
Cependant et d'une part, la détermination du montant réparant le préjudice causé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se prête pas à un contrôle de conventionnalité in concreto.
D'autre part, la loi française ne peut faire l'objet d'un contrôle de conformité à l'article 24 de la charte sociale européenne, qui n'a pas d'effet direct.
Ainsi, la cour est tenue de faire application du barème prévu par l'article L 1235-3 al 2 du code du travail.
Le salarié, licencié le 26 octobre 2017, verse aux débats deux attestations du Pôle Emploi des 4 février 2019 et 25 décembre 2022, indiquant qu'il a été inscrit comme demandeur d'emploi du 20 octobre 2017 au 31 mars 2021 et qu'il a été indemnisé en décembre 2018. Il a de nouveau été inscrit comme demandeur d'emploi à compter du 3 mars 2022.
La cour réparera intégralement le préjudice subi par le salarié en condamnant la société Thor à verser au salarié la somme de 7 000 euros de dommages-intérêts. Le jugement est infirmé.
5-Sur la demande de la société Thor d'amende civile et sur sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par cette action
L'article 32-1 du code de procédure civile dispose': Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
La cour faisant droit à la plupart des prétentions du salarié, l'action en justice de ce dernier n'était ni dilatoire, ni abusive. Les demandes de la société Thor d'amende civile et de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par cette action sont rejetées.
Sur les autres demandes
1-Sur les intérêts
Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.
Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
2-Sur la remise de documents
La cour ordonne à la société Thor de remettre à M. [V] [R] les documents de fin de contrat rectifiés : l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.
Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte. La demande d'astreinte est rejetée.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Thor sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2.000 euros.
La société Thor est déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
-confirme le jugement en ce qu'il':
prononce la requalification du contrat de travail à durée déterminée à temps partiel en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet',
déboute M. [V] [R] de sa demande d'indemnité à hauteur de 3071, 38 euros au titre de la fermeture de l'établissement pendant un nombre de jours dépassant la durée des congés légaux annuels,
-confirme le jugement en ce qu'il' condamne la société Thor à payer à M. [V] [R]':
4436, 44 euros au titre de l'indemnité de licenciement.
3071,38 euros d'indemnité compensatrice de préavis ,
307,13 euros de congés payés afférents,
-Infirme le jugement en ce qu'il':
-condamne la société Thor à payer à M. [V] [R]':
3609,36 euros au titre de rappel de salaire sur temps complet ,
360,93 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire ,
10000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-déboute M. [V] [R] de sa demande de dommages-intérêts pour absence de prise des congés payés,
Statuant à nouveau,
-condamne la société Thor à payer à M. [V] [R]':
10 568,93 euros bruts à titre de rappels de salaire
1 056,89 euros au titre des congés payés afférents
800 euros de dommages-intérêts pour défaut de prise de congés payés
7000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
y ajoutant,
-dit que que l'effet dévolutif de la déclaration d'appel n'opère pas quant au chef de jugement suivant': «'dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse'».
-dit que la cour d'appel n'est pas saisie du chef de jugement suivant': «'dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse'»,
-dit que le jugement est définitif en ce qui concerne le chef de jugement suivant':'«'dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse'»,
-déboute la société Thor de ses demandes d'amende civile et de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par cette action,
-dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
-dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
-ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
-ordonne à la société Thor de remettre à M. [V] [R] les documents de fin de contrat rectifiés: l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision,
-rejette la demande d'astreinte,
-condamne la société Thor aux dépens,
-condamne la société Thor à payer à M. [V] [R] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT