COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Rétention Administrative
CHAMBRE 1-11 RA
ORDONNANCE
DU 07 MARS 2023
N° 2023/0301
Rôle N° RG 23/00301 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BK5GA
Copie conforme
délivrée le 07 Mars 2023 par courriel à :
-l'avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Signature,
le greffier
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 05 mars 2023 à 12h57.
APPELANT
Monsieur [K] [U] alias [I] [U] alias [S] [V]
né le 29/11/1990 à [Localité 2] (TUNISIE)
de nationalité tunisienne
comparant en personne, assisté de Me Robin DOUCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office et de Mme [P] [E] (Interprète en langue arabe) en vertu d'un pouvoir général, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
INTIME
Monsieur le préfet des [Localité 1]
Représenté par M.[Z] [G]
MINISTÈRE PUBLIC :
Avisé et non représenté
DEBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 07 mars 2023 devant Madame Catherine LEROI, Conseillère à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Michèle LELONG, Greffière,
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2023 à 16h45
Signée par Madame Catherine LEROI, Conseillère et Madame Michèle LELONG, Greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 29 octobre 2022 par le préfet des [Localité 1], notifié le 30 octobre 2022 à 9h50;
Vu l'arrêté portant mise à exécution de la mesure d'éloignement et la décision de placement en rétention pris le 02 mars 2023 par le préfet des [Localité 1] notifiés le même jour à 10h08 ;
Vu l'ordonnance du 05 mars 2023 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant le maintien de Monsieur [K] [U] ALIAS [I] [U] ALIAS [S] [V] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire et rejetant la contestation de l'arrêté de placement en rétention ;
Vu l'appel interjeté le 06 mars 2023 par Monsieur [K] [U] ALIAS [I] [U] ALIAS [S] [V] ;
Monsieur [K] [U] ALIAS [I] [U] ALIAS [S] [V] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : 'j'étais en détention, je venais d'Italie pour voir ma copine, deux sénégalais ont dragué ma copine et ça a dégénéré. J'ai des dents cassées, j'ai des doigts cassés et le nez. Ma mère est en Italie, elle a un cancer. J'ai personne en Tunisie. Je voudrais voir ma mère avant qu'elle meure. J'ai aussi une fille et sa mère ne peut pas s'en occuper Je n'ai pas d'adresse en France'.
Son avocat a été régulièrement entendu ; se référant à l'acte d'appel, il soutient que M. [K] a été privé de liberté sans fondement légal entre la levée d'écrou intervenue à 9h38 et son placement en rétention à 10h08, en infraction avec les dispositions de l'article 5 de la CESDH, que la préfecture, qui n'a réalisé aucune diligence depuis sa demande de délivrance d'un laissez-passer le 16 février 2023 et n'a pas avisé les autorités consulaires du placement en rétention de M. [K] ni effectué aucune diligence à sa sortie de détention, n'a pas satisfait aux dispositions de l'article L 741-3 du CESEDA.
Il soutient par ailleurs que l'arrêté de placement en rétention est irrégulier sur le plan de la légalité externe, en ce que M. [K] n'a pas été entendu préalablement à son placement en rétention et n'a pu , de ce fait, indiquer qu'il avait sollicité l'asile en Italie, ce qui aurait permis la consultation par l'administration de la borne EURODAC ou faire état de ses problèmes de santé, en contravention avec les dispositions des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, que l'arrêté de placement en rétention se trouve en conséquence insuffisamment motivé et qu'il n'a pas été procédé à un examen sérieux de la situation de l'intéressé dont la fiche pénale précisait qu'il avait les 2 bras dans le plâtre et le nez fracturé alors que l'arrêté de placement en rétention contient seulement, concernant la vulnérabilité, une formule stéréotypée ; il ajoute que, sur le plan de la légalité interne, l'arrêté de placement en rétention est affecté d'une erreur manifeste d'appréciation.
Le représentant de la préfecture sollicite la confirmation de la décision déférée. Il fait valoir que le délai excessif entre la levée d'écrou et le placement en rétention ainsi que l'absence d'audition de M. [K] préalablement à son placement en rétention sont des exceptions de procédure lesquelles n'ont pas été soulevées devant le juge des libertés et de la détention et sont donc irrecevables en application de l'article 74 du code de procédure civile. A défaut d'irrecevabilité, il expose que ces moyens ne sont pas fondés.
Il soutient que toutes les diligences utiles à l'éloignement de M. [K] ont bien été réalisées dans les meilleurs délais auprès de la Tunisie et qu'il ne résulte pas du certificat médical établi par le médecin de l'UMCRA produit par l'appelant, que son état de santé soit incompatible avec la rétention.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention :
Aux termes de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.
L'arrêté de placement en rétention de M. [K] indique qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'intéressé présenterait un état de vulnérabilité.
Le défaut d'audition de M. [K] préalablement à son placement en rétention ne s'apparente pas à une exception de nullité de procédure susceptible de se voir opposer, à défaut d'avoir été soulevée in limine litis devant le premier juge, une fin de non recevoir en application de l'article 74 du code de procédure civile, mais s'inscrit dans la contestation par M. [K] de l'arrêté de placement en rétention pour défaut de motivation et d'examen sérieux de sa situation.
Toutefois, le CESEDA ne prévoit pas, en matière de rétention, contrairement à ce qui est prévu pour les mesures d'éloignement, une obligation d'audition préalable par l'administration préfectorale de la personne concernée. En effet, l'étranger, s'il n'est pas entendu avant son placement en rétention, a la possibilité de faire valoir tous ses arguments devant le juge judiciaire, dans le cadre de sa contestation de l'arrêté de placement en rétention.
L'arrêté de placement en rétention ne saurait en conséquence être déclaré irrégulier sur ce point.
Il ressort du dossier que M. [K] a été placé en détention le 5 décembre 2022 pour avoir commis des violences avec usage et menace d'une arme, qu'il a été blessé à cette occasion et qu'il est sorti de détention le 2 mars 2023, soit 3 mois plus tard. Si la fiche pénale de l'intéressé renseignée lors de son entrée en détention le 5 décembre 2022, fait état de deux bras dans le plâtre et d'une fracture du nez, l'appelant a produit, à l'appui de sa contestation de l'arrêté de placement en rétention, un compte- rendu médical établi le 24 février 2023 lors de son séjour en maison d'arrêt , faisant état d'une fracture des os propres du nez et d'une attelle du 4ème doigt gauche ne nécessitant ni immobilisation ni soins et indiquant qu'aucun examen médical ou suivi n'était à prévoir et que le certificat médical récemment établi par le médecin de l'UMCRA confirme ces constatations, si ce n'est qu'il n'est plus fait mention d'une attelle que l'intéressé ne porte pas à l'audience.
Dès lors, le fait que l'arrêté de placement en rétention ne mentionne pas les éléments relatifs à l'état de santé de M. [K] mentionnés sur sa fiche pénale lesquels n'étaient plus d'actualité lors de son placement en rétention, ne constitue pas un défaut de motivation ni d'examen sérieux de la situation de M. [K], seuls les éléments de nature à influer sur le placement en rétention de l'intéressé devant être relevés et discutés dans le cadre de l'arrêté de placement en rétention.
Par ailleurs, M. [K] ne démontre nullement qu'il présentait à la date de son placement en rétention, un état de vulnérabilité particulier incompatible avec la rétention, les certificats médicaux qu'il a produits établissant le contraire.
En conséquence, l'arrêté comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et c'est sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l'étranger et de son état de vulnérabilité que la décision de placement en rétention a été prise.
Il convient, dans ces conditions, de rejeter la contestation de l'arrêté de placement en rétention.
Sur la demande de prolongation de la rétention :
M. [K] invoque une exception de nullité tenant à la durée excessive entre la levée d'écrou intervenue le 2 mars 2023 à 9h38 et son placement en rétention notifié à 10h08.
Ce moyen constitue bien une exception de nullité de procédure comme s'appuyant sur des circonstances antérieures au placement en rétention.
Or, il résulte des termes de l'article 74 du code de procédure civile que les exceptions de procédure ou de nullité doivent avoir été soulevées in limine litis en première instance, pour être recevables en appel.
Dès lors, le moyen soulevé sera déclaré irrecevable.
Cependant ce moyen constituant un des éléments de légalité de la procédure de rétention administrative que le juge des libertés et de la détention est tenu d'examiner d'office (CJUE - 08 novembre 2022 aff C-704/20), il sera procédé à son examen.
En l'espèce, la durée d'une demi-heure séparant ces deux événements n'apparaît pas excessive ; en effet, M. [K] s'est vu notifier, préalablement à son placement en rétention, l'arrêté portant prolongation de son interdiction de retour, à 9h48 soit 10 minutes après la levée d'écrou, puis ses droits en rétention à 9h58 et enfin la décision de placement et les voies de recours s'y attachant à 10h08 ; M. [K] ne justifie en tout état de cause d'aucun grief résultant de l'ordre de ces notifications ; enfin, l'heure de notification mentionnée correspond toujours à celle de la signature du document après lecture et traduction, laquelle en l'occurrence a été faite par voie téléphonique, ce qui demande du temps supplémentaire.
Il n'y a donc pas lieu de relever une quelconque irrégularité de la procédure sur ce point.
Aux termes de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
Il apparaît que dès le 16 février 2023, soit avant la sortie de détention de M. [K] et son placement en rétention du 2 mars 2023, les autorités consulaires tunisiennes et non algériennes ont été sollicitées afin de procéder à l'audition de l'intéressé aux fins d'identification et de délivrance d'un laissez-passer. La préfecture se trouve actuellement dans l'attente de la délivrance de ce laissez-passer.
L'administration justifie ainsi des diligences effectuées, étant précisé que le préfet n'a pas à justifier des relances faites aux autorités consulaires saisies en temps utile et ce, en l'absence de pouvoir de contrainte sur ces dernières.
Le moyen sera donc rejeté.
L'examen de la procédure ne faisant pas apparaître en l'état d'autre cause de nullité faisant grief, l'ordonnance entreprise sera confirmée.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Confirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 05 Mars 2023.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
La greffière, La présidente,