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03/03/2023 | FRANCE | N°23/00288

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Rétention administrative, 03 mars 2023, 23/00288


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA



ORDONNANCE

DU 03 MARS 2023



N° 2023/0289























Rôle N° RG 23/00289 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BK435



























Copie conforme

délivrée le 03 Mars 2023 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



Signature,

le greffier





























Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 02 Mars 2023 à 17h18.







APPELANT



Le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de NICE

Représenté par Madame POUE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA

ORDONNANCE

DU 03 MARS 2023

N° 2023/0289

Rôle N° RG 23/00289 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BK435

Copie conforme

délivrée le 03 Mars 2023 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 02 Mars 2023 à 17h18.

APPELANT

Le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de NICE

Représenté par Madame POUEY Isabelle, avocat générale

INTIMES

Monsieur [N] [D]

né le 02 novembre 1976 à [Localité 2] (TUNISIE)

de nationalité tunisienne

comparant en personne, assisté de Maître DRIDI Aziza, avocate au barreau de GRASSE, avocat choisi

Monsieur LE PREFET DES ALPES MARITIMES

Non comparant, ayant fait parvenir des observations écrites

DEBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 03 Mars 2023 devant Madame Catherine LEROI, Conseiller à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistéee de Mme Pauline BILLO-BONIFAY, Greffier placé,

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023 à 17 H 20,

Signée par Madame Catherine LEROI, Conseiller et Mme Pauline BILLO-BONIFAY, Greffier placé,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 14 octobre 2022 par le préfet des ALPES MARITIMES, notifié le même jour à 15h30 ;

Vu l'arrêté portant exécution d'une obligation de quitter le territoire et placement en rétention pris le 27 février 2023 par le préfet des ALPES MARITIMES notifié le même jour à 10h45;

Vu l'ordonnance du 02 mars 2023 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant la mainlevée du placement en rétention de Monsieur [N] [D] ;

Vu l'appel interjeté le 02 mars 2023 par M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE du tribunal judiciaire de NICE ;

Vu notre décision de ce jour ayant conféré un effet suspensif à cet appel ;

A l'audience , Monsieur LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE du tribunal judiciaire de NICE sollicite l'infirmation de la décision déférée et qu'il soit fait droit à la demande préfectorale en prolongation de la rétention.

Monsieur [N] [D] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : '

Je suis de nationalité tunisienne. Mon passeport est périmé. Je n'ai rien à dire'.

Monsieur le procureur de la République de Nice fait valoir, qu'aux termes de l'article L 611-4 devenu l'article L 142-2 du CESEDA, les fichiers comprenant un traitement automatisé des empreintes digitales peuvent être consultés par les agents expressément habilités des services du ministère de l'intérieur, qu'en l'occurrence, cette consultation a été réalisée par M. [E] brigadier de police à la direction départementale de la police aux frontières des Alpes-Maritimes dont le procès-verbal acté en procédure précise qu'il est expressément habilité par le ministère de l'intérieur à cette fin, que si les dispositions réglementaires du CESEDA font une distinction entre la consultation et la mise à disposition de tels fichiers, la consultation comprend forcement la mise à disposition d'informations et qu'il n'y a pas lieu de faire prévaloir les dispositions réglementaires sur les dispositions législatives.

La préfecture des Alpes Maritimes n'a pas comparu mais a fait tenir un mémoire dans lequel elle sollicite l'infirmation de la décision déférée au motif que le retenu n'apporte pas la preuve contraire de la mention figurant au procès-verbal de police de l'habilitation de l'agent ayant consulté le fichier VISABIO.

Le conseil de M. [N] sollicite la confirmation de la décision déférée et la mise en liberté de l'intéressé. Il soutient à cette fin que la procédure est irrégulière :

* s'agissant du défaut d'habilitation de l'agent de police ayant consulté le fichier VISABIO, aux motifs que le numéro AGDREF figurant au procès-verbal de police n'est pas celui d'une quelconque habilitation de l'agent mais celui de l'étranger, que le ministère de l'intérieur n'est pas compétent pour habiliter un agent à consulter ce fichier, qu'en tant qu'agent exerçant dans le service de la police aux frontières, M. [E] ne pouvait pas consulter le fichier VISABIO conformément aux dispositions des articles R 142-4 et R142-5 du CESEDA et que pour prendre connaissance de ces informations, il aurait dû être habilité non par le ministère de l'intérieur mais par la directrice de son service conformément aux dispositions de l'article R 142-6 du CESEDA;

* s'agissant du défaut d'habilitation de la personne ayant consulté le TAJ, que les résultats de cette consultation sont mentionnés dans l'arrêté de placement en rétention, que les pièces de la procédure pénale n'ont pas été adressées au juge des libertés et de la détention en même temps que la requête préfectorale en prolongation de la rétention mais plus tard, à 15h26 le 1er mars 2023 et que ces pièces pénales sont donc irrecevables.

Enfin, il fait valoir que la préfecture n'a pas réalisé toutes les diligences utiles en vue de l'éloignement de M. [N], qu'en effet les fonctionnaires de police ne sont venus le chercher à la maison d'arrêt de [Localité 1] qu'à 10h44 au lieu de 5h40 le 27 février 2023 , sans que l'on justifie de l'annulation du vol prévu à 9h30 et que si un nouveau routing a été sollicité, aucun nouveau laissez-passer n'a été demandé à la Tunisie alors que le premier laissez-passer est périmé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée.

Sur la régularité de la procédure de rétention :

M. [N] demande que les pièces qu'il indique avoir été produites par la préfecture le 1er mars 2023 à 15h26 soit ultérieurement à la saisine du juge des libertés et de la détention, intervenue le 1er mars 2023 à 10h08, soient écartées des débats. Toutefois, cette demande sera rejetée dans la mesure où il résulte des dires-mêmes du conseil de M. [N] que ces pièces lui ont été adressées la veille des débats à 15h26, l'audience devant le juge des libertés et de la détention s'étant tenue le lendemain à 9 heures et que dès lors, aucun manquement au principe du contradictoire, seul susceptible de permettre la non prise en compte de ces pièces, ne peut être invoqué.

Sur le défaut d'habilitation du fonctionnaire de police ayant consulté le VISABIO :

Il ressort du procès-verbal en date du 27 février 2023 à 13h10 qu'il a été procédé par M. [E], brigadier de police en fonction à la direction départementale de la police aux frontières des Alpes Maritimes, agissant sur instructions de la directrice de la DDPF des Alpes Maritimes, à la consultation du fichier VISABIO laquelle s'est avérée négative.

Ce fichier, qui est l'équivalent français du système d'information sur les visas (VIS) , base de données biométriques à l'échelle européenne sur les demandeurs de visas, a été créé par le décret n° 2006-1378 du 14 novembre 2006, en application de l'article L 611-6 du CESEDA. La base de données Visabio stocke les données alphanumériques de l'état civil des demandeurs de visas délivrés par la France, Schengen, long séjour, en particulier, les données biométriques (photographies, empreintes,) et les données relatives à la vignette visa. La base des données biométriques est exploitée par un système automatique d'identification par les empreintes digitales (AFIS). L'accès à ce fichier et la prise de connaissance de ces données sont réservés certaines catégories de personnes énumérées aux articles R 142-4 à R 142-6 du CESEDA.

L'article L 142-2 du CESEDA prévoit qu'en vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas justifié des pièces ou documents mentionnés à l'article L. 812-1 ou qui n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution d'une décision de refus d'entrée en France, d'une interdiction administrative du territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français ou d'une peine d'interdiction du territoire français ou qui, à défaut de ceux-ci, n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution, les données des traitements automatisés des empreintes digitales mis en oeuvre par le ministère de l'intérieur peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services de ce ministère dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Par ailleurs il résulte des termes de l'article R 142-6 du CESEDA que peuvent être destinataires des données à caractère personnel et des informations enregistrées dans le traitement mentionné à l'article R. 142-1, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître notamment : 2° Les agents du ministère de l'intérieur, individuellement désignés et spécialement habilités par le chef du service de police nationale ou par le commandant du groupement de gendarmerie, chargés de l'éloignement des étrangers.

Le procès-verbal de police en date du 27 février 2023 précise que M. [Y] [E], brigadier de police agent de police judiciaire, était expressément habilité par les services du ministère de l'intérieur notamment aux fins de consulter le fichier VISABIO ; cette habilitation d'une autorité hiérarchique supérieure au chef de service mentionné à l'article R 142-6 susvisé, ne saurait constituer une irrégularité.

Il doit donc être considéré que la consultation du fichier VISABIO et l'utilisation de ses données ont été effectuées par un agent expressément habilité, la preuve contraire de la mention figurant au procès-verbal de police, laquelle fait foi, n'étant pas rapportée.

Sur le défaut d'habilitation de l'agent ayant consulté le TAJ :

Il ressort de l'examen de la procédure de police que le fichier TAJ auteur a été consulté le 24 octobre 2022 à 15 heures par un agent de police judiciaire dûment habilité ainsi que le mentionne expressément le procès-verbal d'enquête.

Il n'est donc justifié d'aucune irrégularité de procédure.

Sur le défaut de diligences préfectorales :

Il est établi que les services de la police aux frontières ont pris en charge M. [N] [D] à sa levée d'écrou le 27 février 2023 à 10h44, qu'un laissez-passer avait été obtenu préalablement par la préfecture le 24 février 2023 pour un vol prévu le 27 février 2023 à 9h40, que toutefois la levée d'écrou étant intervenue ce même jour à 10h44, soit trop tardivement pour que M. [N] [D] puisse prendre le vol au départ de [Localité 3], il n'a pu être procédé à cet éloignement.

Aux termes de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

En l'occurrence, le fait que M. [N] [D] n'ait pu prendre le vol prévu le jour de sa sortie de détention du fait d'une levée d'écrou tardive dont les raisons sont ignorées, ne peut être imputé à l'administration préfectorale. Il sera relevé en outre que, dès le 27 février 2023, une nouvelle demande de date de vol a été faite par la préfecture des Alpes Maritimes auprès du pôle central d'éloignement, qu'un nouveau laissez-passer ne pouvait en tout état de cause être délivré par la Tunisie avant l'attribution d'une date de vol, ce laissez-passer visant expressément le jour où l'éloignement doit avoir lieu et même le numéro de vol et qu'une demande de la préfecture en ce sens aurait été inutile.

L'administration justifie ainsi de la réalisation de toutes les diligences utiles à l'éloignement de M. [N] [D] dans les meilleurs délais.

La procédure apparaissant régulière et aucun manquement à ses obligations n'étant établi à l'égard de la préfecture, la décision déférée sera infirmée, et la rétention de M. [N] [D], prolongée pour une durée de 28 jours.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Infirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 02 Mars 2023 et statuant à nouveau,

Rejetons la demande de Monsieur [N] [D] tendant à voir écarter des débats les pièces afférentes à la procédure de police le concernant ;

Déclarons la procédure régulière ;

Rejetons les moyens soulevés ;

Ordonnons pour une durée maximale de vingt huit jours commençant à l'expiration du délai de 48 heures après la décision de placement en rétention, soit à compter du 1er mars 2023 à 10h45 le maintien dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire de Monsieur [N] [D] ;

Rappelons à Monsieur [N] [D] que, pendant toute la période de la rétention, il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin, et communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix et qu'un espace permettant aux avocats de s'entretenir confidentiellement avec les étrangers retenus est prévu au centre de rétention ;

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier, La présidente,

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Rétention administrative
Numéro d'arrêt : 23/00288
Date de la décision : 03/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-03;23.00288 ?
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