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02/03/2023 | FRANCE | N°19/11219

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 02 mars 2023, 19/11219


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRÊT AU FOND

DU 02 MARS 2023



N° 2023/ 50













Rôle N° RG 19/11219 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BESYM







[L] [N]





C/



[Y] [J]

SA LYONNAISE DE BANQUE



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean paul ARMAND



Me Pierre LOPEZ



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 20 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018J00255.





APPELANT



Monsieur [L] [N]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 5] (13), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jean paul ARM...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 02 MARS 2023

N° 2023/ 50

Rôle N° RG 19/11219 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BESYM

[L] [N]

C/

[Y] [J]

SA LYONNAISE DE BANQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean paul ARMAND

Me Pierre LOPEZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 20 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018J00255.

APPELANT

Monsieur [L] [N]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 5] (13), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jean paul ARMAND de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

SA LYONNAISE DE BANQUE prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice, dont le siège est sis [Adresse 4]

représentée par Me Pierre LOPEZ de l'AARPI TELOJURIS, avocat au barreau de TOULON

PARTIE INTERVENANTE

Maître [Y] [J], es qualités de mandataire judiciaire de M. [L] [N],

demeurant [Adresse 3]

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mars 2023

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :

Le 26 avril 2016, la SAS BSF Invest, dont Monsieur [N] [L], est le dirigeant, a ouvert un compte professionnel auprès de l'agence de [Localité 6] de la SA Lyonnaise de Banque.

Le 8 mars 2017, Monsieur [N] s'est porté caution à hauteur de 38 400euros pour garantir tous les engagements souscrits par la SAS BSF Invest.

Le 8 août 2017, le tribunal de commerce de Toulon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS BSF Invest, convertie le 1er février 2018 en liquidation judiciaire.

Le 22 août 2017, le SA Lyonnaise de Banque a déclaré sa créance entre les mains de la SCP BR et Associés, désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 8 et le 21 février 2018, la SA lyonnaise de Banque a mis en demeure Monsieur [N] [L], en sa qualité de caution, de payer la somme de 38 400euros correspondant au solde débiteur de la SAS BSF Invest.

Par acte du 11 mai 2018, la SA Lyonnaise de Banque a fait citer devant le Tribunal de Commerce de Toulon, Monsieur [N] afin de le voir condamner à lui verser la somme de

38 400euros outre intérêts au taux légal à compter du 8 février 2018 et la somme de 2 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 20 juin 2019, le tribunal de commerce de Toulon a condamné Monsieur [N] [L] à payer à la SA Lyonnaise de Banque la somme de 38 400euros, outre intérêts au taux légal à compter du 8 février 2018 et ce jusqu'à parfait paiement, dit qu'il pourra se libérer de sa dette en 24 versements et l'a condamné au paiement d'une somme de 500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a estimé que l'engagement de caution ne présente aucun caractère manifestement disproportionné par rapport aux ressources et au patrimoine de Monsieur [N] et qu'il devait être considéré comme une caution avertie.

Le 11 juillet 2018, Monsieur [L] [N] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 10 octobre 2019, Monsieur [N] demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L.332-1 et L313-28 du Code de la consommation,

Vu les articles 1231-1 et 1343-5 du Code civil,

Vu les articles 515 et 700 du Code de procédure civile,

RECEVOIR Monsieur [N] en son appel et le déclarer bien fondé,

REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Toulon le 20 juin 2019 à l'encontre de Monsieur [N] en toutes ses dispositions,

DIRE ET JUGER disproportionné l'engagement de caution signé en date du 8 mars 2017 par Monsieur [N] au profit de la LYONNAISE DE BANQUE,

DIRE ET JUGER que la LYONNAISE DE BANQUE ne peut se prévaloir de l'engagement de caution consenti en date du 8 mars 2017 par Monsieur [N],

DÉCLARER inopposable à Monsieur [N] l'engagement de caution consenti au profit de la LYONNAISE DE BANQUE en date du 8 mars 2017,

DÉBOUTER la LYONNAISE DE BANQUE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A TITRE RECONVENTIONNEL,

DIRE ET JUGER que la LYONNAISE DE BANQUE a manqué à son devoir de mise en garde,

En conséquence,

CONDAMNER la LYONNAISE DE BANQUE au paiement de la somme de 7.680 € à Monsieur [N], au titre de sa responsabilité précontractuelle,

ORDONNER la compensation entre les obligations réciproques de la LYONNAISE DE BANQUE et Monsieur [N], pour le cas où la juridiction de céans entrerait en voie de condamnation à l'égard des deux parties,

ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution.

A TITRE SUBSIDIAIRE, pour le cas où la Cour entrerait en voie de condamnation à l'encontre de Monsieur [N],

OCTROYER à Monsieur [N] les plus larges délais de paiement en vertu de l'article 1343-5 du Code civil,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER la LYONNAISE DE BANQUE au paiement de la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, à Monsieur [N],

CONDAMNER la LYONNAISE DE BANQUE aux entiers dépens de première instance et d'appel distrait au profit de Maître Jean-Paul ARMAND sous son affirmation de droit d'en avoir fait l'avance.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 6 septembre 2021, la SA Lyonnaise de Banque demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104, 1231-6, 1344-1 et 2288 du code civil,

Débouter Monsieur [N] de ses demandes, fins et conclusions,

Confirmer le jugement rendu le 20 juin 2019 par le tribunal de commerce de Toulon, sauf en ce qu'il a accordé des délais de paiement à Monsieur [N],

Reformer le jugement en ce qu'il a autorisé Monsieur [N] à s'acquitter de sa dette envers la SA Lyonnaise de Banque moyennant 24 mois de délai,

Condamner Monsieur [N] à payer à la SA Lyonnaise de Banque la somme de 2 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

La procédure a été notifiée à Maître [J], en sa qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [L] [N], selon jugement rendu le 2 décembre 2021 par le tribunal de commerce d'Aix en Provence, par acte délivré à personne habilitée le 7 février 2022.

Le 30 décembre 2021, la SA Lyonnaise de Banque a déclaré sa créance entre les mains de liquidateur.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 janvier 2023.

MOTIFS :

Les parties sont en l'état d'un acte de cautionnement souscrit le 8 mars 2017 par Monsieur [N] [L] pour garantir tous engagements pris par la SAS BSF Invest pour un montant maximum de 38 400euros.

Le compte professionnel de la SAS BSF Invest a présenté le 8 août 2017 un solde débiteur de 41 770,18euros, selon décompte produit au débat qui n'est pas contesté par les parties.

Monsieur [N] se prévaut du caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution par rapport à ses revenus et à son patrimoine.

L'article L.332-1 du Code de la consommation dispose que : 'Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation'. Il appartient à la caution qui entend s'en prévaloir de justifier du caractère manifestement disproportionné lors de la date de formation de l'acte de cautionnement.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'une part, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution et, d'autre part, de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l'opération garantie

Une fiche patrimoniale n'étant pas obligatoire, l'existence d'un tel document certifié exact par son signataire permet simplement à la banque, sauf anomalies apparentes, de s'y fier et la dispense de vérifier l'exactitude des déclarations de son client, lequel ne peut ensuite se prévaloir de leur fausseté pour échapper à ses obligations.

En l'espèce, selon la fiche « Patrimoniale Caution », certifiée conforme lors de la souscription du cautionnement par Monsieur [N], il perçoit un salaire de 3 400euros par mois, son épouse mariée sous le régime de la communauté, percevant 1 400euros. Il assume le remboursement d'un prêt de 340 000euros pendant une durée de 25 ans en réglant des mensualités de 11 600euros. Il est propriétaire de sa résidence principale acquise en 2016 d'une valeur vénale de 350 000euros, un solde de crédit de 340 000euros restant à rembourser au jour de l'engagement de caution. Il mentionne qu'il s'est déjà porté caution à hauteur de 53 000euros et 27 000euros avec respectivement un terme en 2019 et 2021.

Pour apprécier le caractère éventuellement disproportionné de la caution, il convient de retenir l'ensemble des engagements souscrits par la caution au jour de la fourniture du cautionnement y compris ceux résultant d'autres engagements de caution, même s'il s'agit d'un passif potentiel qui n'est qu'une éventualité.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments qu'une disproportion manifeste peut être retenue entre d'une part, les engagements de caution à hauteur de 118 400 euros (53 000+27 000+38400) et un passif de 340 000euros de crédit et d'autre part, un revenu annuel disponible constant de 21 600euros et son patrimoine immobilier.

Il appartient à la banque de démontrer que le patrimoine de l'appelant lui aurait permis d'exécuter son engagement lorsqu'il a été poursuivi le 11 mai 2018.

Monsieur [N] affirme, sans être démenti, que ses trois sociétés sont actuellement en liquidation judiciaire et qu'il ne perçoit donc plus aucune rémunération au titre de ses activités

au sein des dites sociétés.

Monsieur [N] est actuellement propriétaire d'un bien immobilier d'une valeur de

300 000euros selon la pièce n°9 produite par la banque, qui a été acquis moyennant un prêt de 340 000euros, le solde restant à devoir étant évalué à 298 152euros.

La banque ne rapporte pas la preuve que le patrimoine de l'intéressé lui permettrait actuellement d'exécuter son engagement.

Il convient d'infirmer la décision de première instance et de dire manifestement disproportionné le cautionnement souscrit par Monsieur [N].

Un établissement de crédit est tenu de mettre en garde la caution non avertie au regard de ses capacités financières et des risques d'endettement nés de l'octroi du prêt c'est-à-dire le risque lié au non-remboursement du crédit.

Le caractère non averti de la caution conditionnant l'exigence du devoir de mise en garde du

prêteur s'apprécie in concreto, de sorte que la qualité de gérant ne saurait par elle-même constituer un obstacle à la caractérisation d'une faute de la Banque.

Toutefois, Monsieur [N] a créé entre 2006 et 2010 trois sociétés, dont il a assuré la direction, démontrant sa capacité à comprendre l'étendue de ses engagements, c'est-à-dire en pratique l'étendue et la nature des engagements du débiteur principal. S'agissant d'une caution avertie, la Banque n'a aucun devoir de mise en garde à son égard et ce d'autant que l'opération de prêt consenti à la société BSF Invest et le cautionnement subséquent ne présentent aucune complexité et relèvent d'un mécanisme de base en matière de crédit.

De surcroît, le préjudice de Monsieur [N], en raison du manquement éventuel de la banque à son devoir de mise en garde, est constitué par une perte de chance de ne pas contracter l'engagement de caution. Or l'établissement bancaire étant privé, en raison de la disproportion constatée, de tout remboursement, Monsieur [N], n'a subi aucun préjudice.

Il sera donc débouté de son action en responsabilité et subséquemment de sa demande de dommages intérêts.

L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux dépens sans qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement par arrêt contradictoire :

INFIRME le jugement déféré rendu le 20 juin 2019 par le tribunal de commerce de Toulon,

Statuant à nouveau :

DIT que l'engagement de caution de Monsieur [N] [L] est manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

DIRE que la LYONNAISE DE BANQUE ne peut se prévaloir de l'engagement de caution consenti en date du 8 mars 2017 par Monsieur [N] [L],

DÉCLARE inopposable à Monsieur [N] l'engagement de caution consenti au profit de la LYONNAISE DE BANQUE en date du 8 mars 2017,

DÉBOUTE la LYONNAISE DE BANQUE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,

CONDAMNE la LYONNAISE DE BANQUE aux entiers dépens de première instance et d'appel distrait au profit de Maître Jean-Paul ARMAND sous son affirmation de droit.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 19/11219
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;19.11219 ?
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