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28/02/2023 | FRANCE | N°19/12169

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 28 février 2023, 19/12169


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 28 FEVRIER 2023



N° 2023/ 78













Rôle N° RG 19/12169 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVJ6







[E] [K] [Y]





C/



SCI [Adresse 16]

Société CONSTRUCTA VENTE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Benoît VERIGNON

Me Françoise BOULAN

Me Roselyne SIMO

N-THIBAUD









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 22 Juillet 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 14/05962.





APPELANT



Monsieur [E] [K] [Y]

né le 29 Août 1966 à [Localité 15] (NORVEGE)

de nationalité Norvégi...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 28 FEVRIER 2023

N° 2023/ 78

Rôle N° RG 19/12169 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVJ6

[E] [K] [Y]

C/

SCI [Adresse 16]

Société CONSTRUCTA VENTE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Benoît VERIGNON

Me Françoise BOULAN

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 22 Juillet 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 14/05962.

APPELANT

Monsieur [E] [K] [Y]

né le 29 Août 1966 à [Localité 15] (NORVEGE)

de nationalité Norvégienne, demeurant [Adresse 14] NORVEGE

Comparant

représenté et assisté par Me Benoît VERIGNON de la SELARL VERIGNON, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

SCI [Adresse 16] prise en la personne de son représentant légal en exercice

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Thomas RIVIERE, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Luc LHUISSIER, avocat au barreau de BORDEAUX

SAS CONSTRUCTA VENTE Nouvellement dénommée S.A.S. 1964, pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié au siège social,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me François-Xavier BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme DEBECHILLON, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Février 2023,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique reçu par Me [C] le 23 décembre 2010, M. [E] [Y] a acquis de la SCI [Adresse 16] un appartement en cours de construction au sein de la résidence [Adresse 11], sise à [Localité 10], moyennant le prix de 440 000 euros.

L'appartement a été livré le 28 février 2013, avec des réserves.

Par acte du 29 octobre 2014, M. [E] [Y] a assigné la SCI [Adresse 16], devant le tribunal de grande instance de Grasse, en nullité de la vente pour dol.

Par acte du 28 décembre 2016, la la SCI [Adresse 16] a assigné en intervention forcée la SAS

Constructa Vente, chargée de la promotion du programme immobilier.

Selon ordonnance du 28 septembre 2017, le juge de la mise en état a prononcé la jonction de ces deux instances.

Par jugement rendu le 22 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a :

- débouté M. [E] [Y] de sa demande en nullité de la vente pour dol ;

- débouté M. [E] [Y] de sa demande de résolution de la vente pour délivrance non conforme;

- débouté M. [E] [Y] de ses demandes accessoires en restitution du prix de vente, en paiement des frais d'acte, charges d'emprunt, frais de travaux modicatifs et charges de copropriété, ainsi que de sa demande en paiement de la somme de 50 000 euros au titre de dommages et intérêts ;

- condamné M. [E] [Y] à payer à la SCI [Adresse 16] la somme de 22 000 euros ;

- dit que cette somme produira des intérêts au taux conventionnel de 1% par mois à compter de la sommation de payer du 23 octobre 2014;

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 ducode de procédure civile ;

- condamné M. [E] [Y] au paiement des entiers dépens, distraits au profit de MeRoselyne Nain Doyennette, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile pour ceux exposés par la société Constructa Vente ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision sur le tout.

Par déclaration en date du 24 juillet 2019, M. [E] [Y] a interjeté appel de cette décision

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 15 décembre 2022, M. [E] [K] [Y] demande à la cour de :

- déclarer recevable son appel,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

En conséquence, et en toutes hypothèses,

-débouter la SCI [Adresse 16] et la société 1964 anciennement dénommée Constructa Vente de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- annuler la vente par la SCI [Adresse 16] à M. [E] [Y], selon acte reçu par Maître [T] [C], Notaire à [Localité 13] arrondissement, [Adresse 6], le 23 décembre 2010 et publié à la conservation des hypothèques de [Localité 12]le 11 février 2011 (Volume 2011 P n°1462), d'un immeuble (lot 108: appartement; lot 21 : cave; lot 136 : parking en sous-sol), situé dans un ensemble immobilier [Adresse 11] situé à [Localité 10], [Adresse 4] et [Adresse 5] cadastré CP [Cadastre 7], CP [Cadastre 8], CP [Cadastre 9] et CP [Cadastre 3],

- préciser que l'ensemble immobilier a fait l'objet d'un état descriptif de division et d'un règlement de copropriété par acte du 17/11/2010 dont une copie authentique a été publiée au 1 er Bureau des Hypothèques de [Localité 12] le 28 décembre 2010, volume 2010 P n°9578; qu'un acte rectificatif a été établi le 4 février 2011, dont une copie authentique a été publiée au 1 er Bureau des Hypothèques de [Localité 12] le 11 février 2011, volume 2011 P n°1469,

- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir au 1 er bureau du service de la publicité foncière de [Localité 12], aux frais de la société [Adresse 16] et de la société 1964 anciennement dénommée Constructa Vente,

En conséquence,

- ordonner la restitution en l'état de l'immeuble susmentionné à la SCI [Adresse 16],

- condamner la SCI [Adresse 16] d'avoir à payer à M. [E] [Y] la somme de 619 060,60 euros au titre de la restitution des sommes engagées pour l'acquisition de l'immeuble,

- dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2014,

- dire que les intérêts produiront eux-même des intérêts au sens des dispositions anciennes de l'article 1154 du code civil,

- condamner in solidum la SCI [Adresse 16] et la société 1964 anciennement dénommée Constructa Vente d'avoir à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de légitimes dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du Code Civil (anciennement 1382), en réparation du préjudice subi par la situation générée par les manoeuvres dolosives et légèreté blamable dont il a été victime,

- condamner in solidum la SCI [Adresse 16] et la société 1964 anciennement dénommée Constructa Vente d'avoir à rembourser à M. [E] [Y] la somme de 5 279 euros au titre des frais de traduction rendus nécessaires dans le cadre de la présente instance,

- condamner in solidum la SCI [Adresse 16] et la société 1964 anciennement dénommée Constructa Vente d'avoir à payer à M. [E] [Y] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première instance,

- condamner in solidum la SCI [Adresse 16] et la société 1964 anciennement dénommée Constructa Vente d'avoir à payer à M. [E] [Y] la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'instance d'appel,

- condamner in solidum la SCI [Adresse 16] et la société 1964 anciennement dénommée Constructa Vente aux entiers dépens, lesquels comprendront le coût du procès-verbal de constat dressé par Me [Z] [P], Huissier de Justice, le 8 février 2013 d'un montant de 300 euros, dont distraction au profit de Me Benoît Verignon, avocat aux offres de droit.

Il expose avoir subi des manoeuvres dolosives de la part de la SCI [Adresse 16], ainsi que par son mandataire, la société 1964, anciennement Constructa Vente et chargée de la commercialisation du programme immobilier en ce que l'appartement acquis situé au 7ème et dernier étage de la résidence ne dispose pas de la vue mer promise, ce dernier élement étant l'élément essentiel et déterminant de son engagement, cette vue mer étant un élement essentiel de la publicité dans la commercialisation de la résidence.

Relevant que plusieurs supports publicitaires intiquaient que certains appartement avaient une vue mer ou mentionnaient une vue mer au dernier étage, il estime que ceux ci sont nécessairement entrés dans le champ contractuel dès lors qu'il s'agit d'appartements vendus en VEFA, ce d'autant que cette vue mer avait été promise au bureau de vente à son conseil immobilier.

Se fondant sur un précédent jugement rendu à la demande d'autres acquéreurs de ce même programme immobilier et devenu définitif, il indique que la SCI [Adresse 16] a demandé à la société 1964 anciennement Constructa vente de rajouter la mention de la vue mer au dernier étage.

Il ajoute avoir formulé des réserves de ce fait lors de la livraison et indique avoir été informé par la SCI [Adresse 16] que celle-ci avait introduit une action à l'encontre de la société Constructa pour la vente de lots avec vue mer 'sans en avoir la certitude'.

Subsidiairement, il sollicite la résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 6 mars 2020, la SCI [Adresse 16] demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise ;

- débouter M. [E] [Y] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre ;

- condamner M. [E] [Y] au paiement de la somme de 22.000 euros à titre principal, augmenté du taux d'intérêt contractuel de 1% par mois à compter de la sommation de payer du 23 octobre 2014 ;

- subsidiairement, condamner la société Constructa Vente à la garantir et relever intégralement indemne des éventuelles ondamnations qui purraient être prononcées à son encontre ;

- condamner M. [E] [Y] et la société Constructa Vente au paiement d'une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, ceux d' appel distraits au profit de la Selarl Lexavoué Aix en Provence, représentée par Me Françoise Boulan, avocat aux offres de droit.

Elle expose à titre liminaire que la topographie de la ville de [Localité 10] ne permet pas d'avoir une vue panoramique sur la mer depuis le lieu de construction de l'immeuble.

Elle indique ensuite que ces documents contractuels ne sont pas probants et qu'il est mentionné que 'certains'appartements disposent d'une vue mer', sans que cette assertion ne puisse être reliée au lot acquis par M. [Y] et ajoute qu'il était assisté d'un agent immobilier qui aurait dû attirer son attention quant au fait que la localisation du bien ne pouvait pas aboutir à une vue mer.

En tout état de cause, elle estime qu'aucune manoeuvre dolosive n'est démontrée, pas plus que le caractère déterminant de cette vue dans l'acquisition, cette plainte n'ayant été formulée qu'en cours de chantier.

Enfin, elle indique que le dol doit émaner d'une partie à l'acte de vente, ce que n'est pas la société Constructa.

Sur le défaut de délivrance conforme, elle estime que seul l'acte de vente peut être pris en compte pour définir les qualités du bien vendu, et celui ci correspond en tous points aux documents contractuels signés. En matière de vente en état futur d'achèvement, seule la notice descriptive annexée à l'acte de vente a valeur contraactuelle, laquelle ne mentionne pas davantage une vue mer.

Sur la responsabilité de la société Constructa, elle produit le contrat les liant, mandatant cette dernière pour assurer la publicité de la vente, de sorte que cette dernière a été l'interlocuteur exclusif de l'ensemble des acquéreurs. Elle ajoute qu'il lui appartenait de vérifier la véracité des élements contenus dans la plaquette et qu'elle seule est responsable du contenu des informations diffusées, justifiant qu'en cas de condamnation, elle soit relevée et garantie par la société Constructa Vente.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, la SAS 1964 anciennement dénommée 'Constructa Vente' demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise ;

- subsidiairement, débouter la SCI [Adresse 16] de sa demande de garantie formée à son encontre ;

- débouter M. [E] [Y] de l' ensemble de ses demandes formulées à l' encontre de la SAS 1964;

Très subsidiairement,

- condamner la SCI [Adresse 16] à la garantir et relever indemne de toute condamnation à son encontre ;

- en tout hypothèse, condanmer les deux la somme de 5 000 euros et aux dépens.

Elle indique que toutes les informations dont elle disposait lui avaient été fournies par le vendeur, qu'il ne peut être soutenu qu'elle aurait pu commercialiser autre chose qu'une plaquette validée par les concepteurs du programme.

Elle expose enfin que la vue mer était l'argument de vente du vendeur lui même.

Elle ajoute que le tribunal de grande instance de Grasse a jugé dans un dossier concernant la même opération immobilière que seule la SCI [Adresse 16] était responsable de l'élaboration de la stratégie publicitaire, de sorte que la SCI [Adresse 16] ne peut dans la présente instance solliciter l'inverse.

Enfin, elle estime n'avoir aucune responsabilité personnelle à l'encontre de M. [Y].

MOTIFS

Sur la demande tendant à l'annulation de la vente pour vices du consentement

Aux termes de l'article 1116 ancien du code civil, applicable au présent litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Reprochant à la SCI [Adresse 16] et à son mandataire, la société 1964, anciennement Constructa Vente, d'avoir commis une réticence dolosive tendant à lui avoir faussement promis une vue mer depuis l'appartement acquis, situé au 7ème et dernier étage de la résidence [Adresse 11], il appartient à M. [E] [Y] d'en rapporter la preuve.

A cette fin, l'appelant produit aux débats plusieurs supports publicitaires diffusés en vue de la commercialisation du programme immobilier s'agissant d'une vente en l'état futur d'achèvement, dont la société venderesse ne conteste pas qu'il s'agit de publicités visant le programme litigieux.

L'ensemble des supports publicitaires produits aux débats comporte une même photographie d'une terrasse ayant une vue panoramique sur la baie, dominant largement les immeubles situés entre l'immeuble à construire et le front de mer.

Plusieurs supports publicitaires produits par l'appelant évoquent la vente 'd'appartements de standing du studio au T5, ouvrant sur terrasses et pour certains bénéficiant de vue mer' sur le site internet. Ces supports ne peuvent à eux seuls caractériser un dol, l'usage de l'adjectif 'certains' induisant un aléa dans le bénéfice de la vue litigieuse.

M. [E] [Y] produit par ailleurs plusieurs brochures publicitaires, dont la rédaction est plus ambigue, étant rappelé que celles-ci contiennent également la photographie décrite plus avant.

Ainsi, une plaquette publicitaire Euclide Conseil indique que 'certains (appartements) sont traversants et d'autres ont vue sur le Suquet et sur la mer au dernier étage'.

Cette rédaction peut laisser penser à l'acquéreur que les appartements du dernier étage ont tous une vue mer, conforté par la photographie produite de la terrasse, étant relevé qu'une image de synthèse de la façade du futur immeuble est également utilisée, dont il apparaît que le dernier étage comporte plusieurs appartements tous situés au même niveau, dont on peut déduire qu'ils bénéficient tous de la même vue mer.

M. [E] [Y] produit également la brochure publicitaire du programme diffusée sur le site www.azur-interpromotion.com et une brochure format papier intitulé 'investir à [Localité 10]: la ville la plus prisée de la Côte d'Azur' mentionnant au titre des 'atouts' du programme 'vue mer au dernier étage'.

Cette vue mer est également mentionnée sans réserves sur l'affiche publicitaire apposée au mur d'un immeuble sur la voie publique intitulée 'Grand lancement', qui indique 'appartements de standing du T1 au T5 vue mer', ayant en fond la photographie présentée sur l'ensemble des supports publicitaires, d'une terrasse dominant les immeubles situées devant elle et bénéficiant d'une large vue mer.

L'appelant produit par ailleurs deux attestations, dont une émane de Mme [R] [F], agent immobilier sollicité pour l'accompagner dans son acquisition, indiquant qu'à l'occasion d'un entretien avec l'agent commercial de la société Constructa au bureau de vente, il a été 'promis la vue mer pour l'appartement de deux chambres à coucher qu'il a acheté' et l'autre, de Mme [W] [L], acquéreur d'un appartement de ce même programme, attestant que les appartements du 7ème étage lui ont été présentés comme ayant une vue mer.

Ces attestations sont renforcées par les propos de la SAS 1964, indiquant que cette vue mer était l'argument de vente de ce programme, ce qui est conforté par l'observation des produits publicitaires produits aux débats.

Ces éléments conjugués ont nécessairement conduit M. [Y] à penser qu'acquérant un appartement au dernier étage de ce programme, il bénéficierait d'une telle vue.

En effet, le consentement donné par l'acquéreur est nécessairement lié à cet environnement exceptionnel proposé par le promoteur, sans qu'il ne puisse être fait grief à l'appelant de ne pas avoir connaissance de la topographie de la ville de [Localité 10], ni de son plan local d'urbanisme.

Si ces documents publicitaires n'ont pas de valeur contractuelle pour ne pas avoir été joints ou visés par l'acte de vente, il n'en matérialisent pas moins le devoir de renseignement du vendeur professionnel envers l'acheteur, ce dernier se basant sur ces seuls documents pour avoir un aperçu de l'immeuble non encore construit.

M. [E] [Y] justifie par ailleurs avoir adressé un courriel le 29 janvier 2013 à la société Novaxia, gérante et associée de la SCI [Adresse 16], exposant qu''une vue mer 'était garantie' au 7ème étage, tandis que nous au 5ème étage, on devait s'attendre à une belle vue sur la ville sans une quelconque garantie de vue mer. Comme nous cherchions un appartement avec vue mer dans le secteur, ce fut l'argument déterminant pour l'achat de ce projet spécifique.'

La société Novaxia, sans contester les propos de l'acquéreur, a répondu 'avoir introduit une action en justice à l'encontre de Constructa pour la vente de lots avec vue mer, sans en avoir la certitude', admettant ainsi que l'acquéreur avait été trompé.

Il est par conséquent établi que de tels agissements sont constitutifs de manoeuvres dolosives qui ont vicié le consentement de M. [E] [Y]. En effet, ce dernier n'aurait pas contracté dans les conditions de l'acte de vente s'il avait été informé du produit qui lui serait finalement livré.

En effet, il s'évince des arguments publicitaires, ainsi que du courriel non contesté de l'appelant que le fait de pouvoir disposer d'une vue mer était un élément déterminant dans l'acquisition de son bien.

Enfin, s'il est acquis que le dol doit émaner d'une partie à l'acte de vente, la SCI [Adresse 16] ne peut légitimement estimer que le dol est le fait de la société Constructa Vente, en ce qu'il apparaît clairement à la lecture du mandat de vente conclu entre la SCI [Adresse 16] et la SAS Constructa Vente en vue de la commercialisation de la résidence que cette dernière collaborerait avec le mandant à l'élaboration de l'action publicitaire, ce qui est corroboré par les échanges de courriels produits aux débats.

Il apparaît en effet que tous les supports publicitaires ont été soumis à la SCI [Adresse 16] comme en atteste le courriel du 22 Avril 2010, par lequel Mme [V] [X], représentant la SCI [Adresse 16], demande à la SAS Constructa Vente 'que pensez-vous d'ajouter 'appartements de standing du T1 au T5 vue mer''

L'ensemble de ces pièces démontre que la stratégie commerciale tendant à valoriser une vue sur mer aux acquéreurs de lots dans cette résidence était connue voire initiée par la venderesse, alors même qu'elle expose à l'occasion du présent litige que l'emplacement de l'immeuble rendait impossible toute vue mer. Elle a donc sciemment validé voire choisi une campagne publicitaire dolosive.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de nullité de la vente sur le fondement de l'article 1116 du code civil et le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les conséquences de la nullité de la vente

M. [E] [Y] restituera en l'état les lots acquis à la SCI [Adresse 16].

Celle ci sera condamnée à restituer le prix ainsi que les frais occasionnés par cette acquisition.

Il ressort des pièces produites que M. [E] [Y] a réglé:

- la somme de 440 000 euros, correspondant au prix principal, en ce compris la somme de 22 000 euros correspondant au dernier appel de fonds réglé en cause d'appel,

- la somme de 11 180 euros, au titre des frais d'actes notariés,

- la somme de 23 507,01 euros, au titre des travaux modificatifs de l'appartement,

- la somme de 18 389,69 euros, de charges de copropriété,

- la somme de 10 396 euros, au titre des taxes foncières entre 2013 et 2022,

- la somme de 14 850 euros, au titre des taxes d'ahabitation entre 2013 et 2022,

S'agissant des frais, intérêts bancaires et assurances du prêt, la société Money Bank n'ayant pas été attraite à la cause, il ne peut être fait droit à la demande, en ce qu'elle est dirigée à l'encontre du vendeur, cette demande constituant un litige distinct dans les rapports entre le vendeur auteur du dol et l'établissement bancaire.

M. [E] [Y] sera donc débouté de cette demande en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de la SCI [Adresse 16].

S'agissant de la somme de 12 709,76 euros d'intérêts et frais payés en exécution du jugement de première instance, l'infirmation du jugement ayant condamné M. [E] [Y] valant titre exécutoire pour obtenir restitution des sommes versées en exécution de la décision de première instance, cette demande est sans objet.

En conséquence, la SCI [Adresse 16] sera condamnée au paiement de la somme totale de 518 322,70 euros, qui portera intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2014, date de l'acte introductif d'instance.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [E] [Y]

M. [E] [Y] sollicite, au visa des dispositions anciennes de l'article 1382 du code civil, l'allocation d'une somme complémentaire de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, au titre de son préjudice moral mais également pour les frais financiers et d'immobilisation des sommes indûment versées pendant des années.

Le seul préjudice financier a été indemnisé plus avant. Le préjudice moral, caractérisé par les tracas causés par ce dol, sera justement réparé par l'allocation de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

En l'état des manoeuvres dolosives retenues à l'encontre de la SCI [Adresse 16], celle-ci sera condamnée seule à indemniser l'appelant.

Sur la demande de la SCI [Adresse 16] tendant à être relevée et garantie de ses condamnations par la SAS 1964 Anciennement Constructa Vente

La responsabilité civile engagée contre la SCI [Adresse 16] étant par nature personnelle, compte tenu de l'élément intentionnel caractérisant les manoeuvres dolosives retenues à son encontre, celle-ci ne peut être relevée de sa faute par un prestataire contractuellement tenu de lui soumettre toutes ses propositions commerciales, ce d'autant plus qu'il est produit aux débats un courriel, sus cité, démontrant l'implication réelle de la SCI [Adresse 16] dans l'angle promotionnel retenu tendant à la vue sur mer.

Les demandes formulées par la SCI [Adresse 16] à l'encontre de la SAS 1964 seront donc rejetées.

Sur les frais du procès

M. [E] [Y] ayant exposé des frais de traduction en vue de la présente instance, il convient de condamner la SCI [Adresse 16] à lui rembourser la somme de 5 279 euros.

Succombant, la SCI [Adresse 16] sera condamnée aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais du procès-verbal de constat d'huissier en date du 8 février 2013 d'un montant de 300 euros et avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera par ailleurs condamnée à régler à M. [E] [Y] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a en revanche pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions au profit de la SAS 1964.

Enfin, il ne peut être statué à nouveau sur les frais irrépétibles exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Annule la vente par la SCI [Adresse 16] à M. [E] [Y], selon acte reçu par Maître [T] [C], Notaire à [Localité 13] arrondissement, [Adresse 6], le 23 décembre 2010 et publié à la conservation des hypothèques de [Localité 12] le 11 février 2011 (Volume 2011 P n°1462), d'un immeuble (lot 108: appartement; lot 21 : cave; lot 136 : parking en sous-sol), situé dans un ensemble immobilier [Adresse 11] situé à [Localité 10] (06), [Adresse 4] et [Adresse 5] cadastré CP [Cadastre 7], CP [Cadastre 8], CP [Cadastre 9] et CP [Cadastre 3]; selon acte rectificatif établi le 4 février 2011, dont une copie authentique a été publiée au 1 er Bureau des Hypothèques de [Localité 12] le 11 février 2011, volume 2011 P n°1469,

Ordonne la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir au 1er bureau du service de la publicité foncière de [Localité 12] aux frais de la société [Adresse 16],

Ordonne la restitution en l'état de l'immeuble susmentionné à la SCI [Adresse 16],

Condamne la SCI [Adresse 16] à payer à M. [E] [Y] la somme de 518 322,70 euros, au titre de la restitution des sommes engagées pour l'acquisition de l'immeuble, qui portera intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2014, date de l'acte introductif d'instance,

Ordonne la capitalisation des intérêts,

Déboute M. [E] [Y] de sa demande en remboursement des charges d'emprunt,

Dit sans objet la demande tendant à la condamnation de la SCI [Adresse 16] à rembourser à M. [E] [Y] les intérêts et frais d'exécution du jugement infirmé,

Condamne la SCI [Adresse 16] à payer à M. [E] [Y] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts,

Condamne la SCI [Adresse 16] à régler à M. [E] [Y] la somme de 5 279 euros en remboursement des frais de traduction exposés,

Déboute la SCI [Adresse 16] de sa demande tendant à être relevée et garantie de toutes condamnations par la SAS 1964,

Y ajoutant,

Condamne la SCI [Adresse 16] aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais du procès-verbal de constat d'huissier en date du 8 février 2013 d'un montant de 300 euros et avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI [Adresse 16] à régler à M. [E] [Y] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à application de ces dispositions pour le surplus.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 19/12169
Date de la décision : 28/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-28;19.12169 ?
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