COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambres sociales
Antenne des Milles
[Adresse 2]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Chambre 4-2
N° RG 19/14703 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE43T
Ordonnance n° 2023/M018
APPELANTE
SAS MIDITRACAGE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au siège., demeurant [Adresse 8]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [Y] [G], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jacques MIMOUNI, avocat au barreau de MARSEILLE
ORDONNANCE D'INCIDENT
Nous, Ursula BOURDON-PICQUOIN, magistrat de la mise en état de la Chambre 4-2 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, assistée de Cyrielle GOUNAUD, Greffier,
Après débats à l'audience du 04 Janvier 2023, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré, avons rendu le 24 février 2023, l'ordonnance suivante :
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [Y] [G] a été embauché par la société MIDITRACAGE par contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2014, en qualité d'applicateur.
Le 6 janvier 2015, il a été victime d'un accident de travail, qui a été reconnu par la CPAM et placé en arrêt de travail jusqu'au 29 juillet 2016.
Le 20 septembre 2016, il a été déclaré inapte à son poste de travail.
Par courrier du 26 septembre 2016, la société MIDITRACAGE lui proposé un poste d'agent administratif à [Localité 5] (69) et un poste de technicien en bureau d'études à [Localité 7] Les [Localité 4] (84) qu'il a refusés.
Par courrier du 6 octobre 2016, l'employeur a notifié à Monsieur [G] l'impossibilité de son reclassement.
Monsieur [G] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement prévu le 18 octobre 2016.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 21 octobre 2016, il a été licencié pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement.
Monsieur [G] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 15 mai 2017, le conseil de prud'hommes de Martigues pour contester son licenciement et demander une indemnisation à ce titre.
Par jugement du 30 août 2019 notifié le 2 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Martigues, en sa formation de départage, a ainsi statué':
- dit le licenciement de Monsieur [Y] [G] dénué de cause réelle et sérieuse,
- condamne la société MIDITRACAGE à lui payer à les sommes suivantes':
- 4 842,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 484,20 euros au titre des congés sur préavis,
- 10'000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dit que les sommes susvisées produiront intérêts de droit à compter de la date du présent jugement,
- ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- ordonne à la société MIDITRACAGE de lui remettre une attestation POLE EMPLOI rectifiée conformément à la présente décision,
- dit n'y avoir lieu à mesure d'astreinte,
- déboute Monsieur [Y] [G] de ses autres demandes,
- condamne la société MIDITRACAGE à lui payer la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sauf exécution provisoire de droit dans les limites de l'article R.1454-28 du code du travail.
Par déclaration du 19 septembre 2019 notifiée par voie électronique, la société MIDITRACAGE a interjeté appel du jugement dont elle a sollicité l'infirmation dans chacun des chefs du dispositif.
Monsieur [G] a saisi le conseiller de la mise en état, par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, d'une demande de voir constater la péremption de l'instance.
L'affaire a été fixée à l'audience d'incident du 4 janvier 2023 à 13h45.
Monsieur [G] demande au conseiller de la mise en état, aux termes de ses conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 21 décembre 2022, au visa des articles 2, 386 et 390 du code de procédure civile, de :
- constater qu'aucune diligence interruptive de péremption d'instance n'a été accomplie entre le 30 avril 2020 et ce jour,
- constater que la péremption d'instance est acquise depuis le 2 mai 2022,
déclarer en conséquence périmée l'instance introduite par appel interjeté le 19 septembre 2019 par la SAS MIDITRACAGE,
- rappeler que la péremption d'instance confère au jugement dont appel la force de chose jugée et emporte l'extinction de l'instance d'appel et dessaisissement de la cour,
- débouter la SAS MIDITRACAGE de tous ses chefs de demandes, fins et conclusions et la condamner à lui payer la somme de 2'000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Monsieur [G] fait valoir que postérieurement aux conclusions de la société appelante déposées par RPVA le 30 avril 2020, aucune diligence n'a été accomplie et qu'en application des dispositions des articles 386 et suivants du code de procédure civile, la péremption d'instance devra être constatée.
La société MIDITRACAGE demande au conseiller de la mise en état, aux termes de ses conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 21 décembre 2022, de :
- déclarer que la péremption de la présente instance n'est pas acquise,
- débouter Monsieur [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- fixer et renvoyer l'affaire devant la Cour aux fins de statuer sur le fond du litige.
La société soutient que les parties ont accompli les actes qui lui incombaient, notamment en concluant dans les délais impartis ; que l'affaire se trouvait en état d'être jugée depuis le 30 avril 2020'; que les parties ne peuvent être tenues responsables de l'incapacité structurelle dans laquelle se trouve l'autorité judiciaire d'assurer la fixation et le jugement des affaires dans un délai raisonnable étant relevé que de longues périodes de stagnation sans explication sont contraires au droit fondamental reconnu par l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Les parties ont été entendues en leurs observations à l'audience d'incident du 4 janvier 2022 et ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article 386 du code de procédure civile dispose que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligence pendant deux ans.
Constitue une diligence au sens de l'article 386 toute démarche en vue de faire avancer le litige vers sa conclusion.
La péremption en cause d'appel se différencie de la péremption devant le premier degré de juridiction par ses effets. En appel, elle confère au jugement la force de chose jugée même s'il n'a pas été notifié. Le jugement rendu au premier degré ne peut plus faire l'objet d'aucun recours et il devient irrévocable.
La société MIDITRACAGE a notifié des conclusions d'appelante par voie électronique le 18 décembre 2019, le 23 avril 2019 et le 30 avril 2020. Monsieur [G] a communiqué ses conclusions d'intimé par voie électronique le 3 février 2020.
Postérieurement au dépôt des écritures de l'appelante en date du 30 avril 2020, aucune diligence n'a été accomplie par l'une ou l'autre des parties jusqu'à la saisine par Monsieur [G] du conseiller de la mise en état aux fins de voir l'instance dite périmée.
Lorsque comme en l'espèce, le conseiller de la mise en état, au terme des échanges de conclusions visés ci-dessus, n'a, en application de l'article 912 du code de procédure civile, ni fixé les dates de clôture de l'instruction et des plaidoiries ni établi un calendrier des échanges, les parties qui, en application de l'article 2 du même code, conduisent l'instance, doivent accomplir des diligences pour faire avancer l'affaire ou obtenir une fixation de la date des débats.
Cette exigence n'est pas remise en cause par l'encombrement éventuel du rôle qui n'a pas en soi pour effet de paralyser toute diligence des parties pour obtenir l'avancement de la procédure.
Le constat de la péremption de l'instance, qui tire les conséquences de l'absence de diligences des parties pendant deux années en vue de voir aboutir le jugement de l'affaire et qui poursuit un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique afin que cette instance s'achève dans un délai raisonnable, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable et ne méconnaît donc pas les exigences de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En conséquence, il convient de prononcer la péremption de l'instance d'appel, laquelle était acquise le 2 mai 2022, et de constater, par application de l'article 390 du code de procédure civile, que la péremption confère au jugement entrepris force de la chose jugée.
Enfin, il convient de condamner la société MIDITRACAGE, partie succombante, aux dépens d'appel et de la condamner à payer à Monsieur [G] la somme de 1'200,00 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
CONSTATONS la péremption de l'instance,
DECLARONS l'instance éteinte,
DISONS que le jugement du conseil de prud'hommes de Martigues du 30 août 2019, rendu entre Monsieur [Y] [G] et la société MIDITRACAGE, est définitif,
CONDAMNONS la société MIDITRACAGE à payer à Monsieur [Y] [G] la somme de 1'200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNONS la société MIDITRACAGE aux dépens d'appel.
Fait à [Localité 3], le 24 février 2023
Le greffier Le magistrat de la mise en état