La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/02/2023 | FRANCE | N°19/08266

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 24 février 2023, 19/08266


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 24 FEVRIER 2023



N° 2023/

RG 19/08266

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEJ4K







[G] [D]





C/



[L] [O]

Association CGEA DE [Localité 7]

SARL LE MOULIN DE [Localité 6]













Copie exécutoire délivrée le 24 Février 2023 à :



-Me Catherine CLAVIN, avocat au barreau de MARSEILLE



-Me Joseph FALBO, avocat au barreau de MAR

SEILLE



-Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Mai 2019 enregistré au répe...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 24 FEVRIER 2023

N° 2023/

RG 19/08266

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEJ4K

[G] [D]

C/

[L] [O]

Association CGEA DE [Localité 7]

SARL LE MOULIN DE [Localité 6]

Copie exécutoire délivrée le 24 Février 2023 à :

-Me Catherine CLAVIN, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me Joseph FALBO, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02180.

APPELANTE

Madame [G] [D], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Catherine CLAVIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

SARL LE MOULIN DE [Localité 6], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph FALBO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Guillaume FABRICE, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître [L] [O], « Commissaire à l'exécution du plan » de la « LE MOULIN DE [Localité 6] », demeurant [Adresse 4]

défaillant

Association CGEA DE [Localité 7], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE de la SELARL BLCA AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Février 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 24 Février 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [G] [D] a été embauchée le 1er juillet 2012 par la Sarl Le Moulin de [Localité 6] en contrat à durée déterminée à temps partiel « pour accroissement temporaire d'activité » avec expiration le 30/03/2013, en qualité de vendeuse pour un horaire mensuel de 50 heures de travail effectif.

Par avenant du 1er avril 2013, le contrat à durée déterminée a été renouvelé pour une durée de 9 mois jusqu'au 31 décembre 2013.

La société a été placée en redressement judiciaire le 10 avril 2013 et un plan de redressement était homologué par jugement du 26 mai 2014.

Par contrat à durée indéterminée à temps partiel à effet du 10 avril 2014, Mme [D] était embauchée en qualité de vendeuse, coefficient hiérarchique 155, à raison de 2 heures par jour du lundi au vendredi. Son salaire était fixé à 412.94 € pour 43,33 heures mensuelles de travail. La convention collective nationale applicable était celle de la boulangerie/ pâtisserie.

Mme [D] était licenciée pour faute grave par lettre recommandée du 21 décembre 2015.

La salariée saisissait le 23 juin 2016 le conseil de prud'hommes de Marseille notamment en contestation du licenciement et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 06 mai 2019 le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

«Dit que la demande de requalification du contrat de travail est prescrite à la date ou Mme [D] [G] saisit le Conseil de Prud'hommes de Marseille.

Dit et Juge que la faute grave à l'origine du licenciement de Mme [D] [G] est caractérisée.

Dit que le Bureau de Jugement ne peut que constater que les faits de harcèlement moral soutenus et développés à la barre par Mme [D] [G] ont été classés sans suite par le Procureur de la République.

En Conséquence,

Déboute Madame [D] [G] de toutes ses demandes.

Accorde la somme de 1200 euros (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Sarl Le Moulin de [Localité 6]

Condamne Madame [D] [G] aux entiers dépens. »

Par acte du 21 mai 2019, le conseil de Mme [D] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 juillet 2020, Mme [D] demande à la cour de :

« Infirmer Le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille en date du 6 mai 2019

Vu les articles L1235-3 et suivants du Code du Travail dans leur version en vigueur avant le 24 septembre 2017

Fixer le salaire moyen de Mme [D] à la somme de 1457,55 € bruts par mois,

Requalifier le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de Mme [D] en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.

Fixer la créance de Madame [D] au passif de la société Le Moulin de [Localité 6] à la somme de :

' 37.071 ,071 € à titre de rappel de salaire sur la période comprise entre le 21 décembre 2012 et le 21 décembre 2015,

' 3.707,10 € au titre des congés payés y afférents,

' 8.747,43 € au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé fondé sur les dispositions de l'article L8223-1 du Code du Travail.

Prononcer la nullité du licenciement de Mme [D] en raison du harcèlement moral vécu antérieurement à la rupture du contrat de travail et prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 21 décembre 2015.

En conséquence :

Fixer la créance de Madame [D] au passif de la société Le Moulin de [Localité 6] aux sommes de :

' 2.915,10 € à titre d'indemnités de compensatrice de préavis

' 291,51 €€ à titre d'indemnité de congés payés afférents au préavis

' 1012.19 € à titre d'indemnité de licenciement

' 30 000€ à titre de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire, sur la rupture du contrat de travail :

En raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse fixer la créance de Madame [D] au passif de la société Le Moulin de [Localité 6] aux sommes de :

- 2.915,10 € à titre d'Indemnités de compensatrice de préavis

- 291,51 €€ Indemnité de congés payés afférents au préavis

- 1012.19 € à titre d'indemnité de licenciement

- 30 000 € à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause :

Fixer la créance de Madame [D] au passif de la société Le Moulin de [Localité 6] à la somme de 10000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

Fixer la créance de Madame [D] au passif de la société Le Moulin de [Localité 6] à la somme de 30000 € au titre des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité.»

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 11 septembre 2019, la société demande à la cour de :

« Débouter Mme [G] [D] de l'ensemble de ses demandes,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille, Condamner Mme [G] [D] à payer la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. »

Dans ses dernières écritures communiquées par voie électronique le 9 septembre 2019, l'AGS CGEA de [Localité 7] demande à la cour de :

« Confirmer le Jugement attaqué et débouter Madame [D] de l'ensemble de ses demandes

En tout état :

Dire et juger que les créances résultant de l'exécution du contrat de travail nées postérieurement à l'adoption du plan de redressement n'entrent pas dans la garantie couverte par l'AGS. (Article L 3253-8 du code du travail).

Dire et juger qu'en application de l'article L 3253-8 du code du travail la garantie de l'AGS ne joue que pour les créances salariales nées de la rupture du contrat de travail dans le mois suivant le plan de redressement.

Dire et juger que les créances dont se prévaut Madame [D] ne sont pas nées dans un tel délai.

Par voie de conséquence,

Dire et juger que l'AGS CGEA, devra être mis hors de cause, dès lors que les conditions de mise en 'uvre de sa garantie ne sont pas réunies.

En tout état de cause,

Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.643-7 du Code de Commerce.

En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Madame [D] selon les dispositions des articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253 -1 à D 3253-6 du Code du Travail.

Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du Code du Travail ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

I) Sur l'exécution du contrat de travail

A) Sur la requalification du contrat à temps complet

La salariée sollicite un rappel de salaire sur la base d'un temps complet du 21 décembre 2012 au 21 décembre 2015.

Cependant, le moyen soutenu concerne uniquement l'absence de mentions du contrat de travail à durée indéterminée, de sorte que le rappel de salaire ne peut courir qu'à compter du 10 avril 2014.

1) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

La société fait valoir que l'action est prescrite en application des dispositions L.1471-1 du code du travail ayant signé le contrat de travail le 1er avril 2014 et saisi le conseil des prud'hommes que le 23 juin 2016, soit postérieurement à l'expiration du délai biennal de prescription.

Comme le soutient à juste titre la salariée, l'action tendant à la requalification d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel en un contrat à durée indéterminée à temps plein est une action en paiement du salaire soumise au délai de prescription prévu par l'article L. 3245-1 du code du travail, la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée.

Aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi nº 2013-504 du 14 juin 2013 « l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.»

Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

En l'espèce, la demande de la salariée introduite le 23 juin 2016 et portant sur la période circonscrite par la cour d'avril 2014 à décembre 2015, date de la rupture, n'est pas prescrite, de sorte que la fin de non-recevoir doit être rejetée.

En conséquence, la décision entreprise doit être infirmée de ce chef.

2) Sur le motif de requalification

La salariée soutient que le contrat à durée indéterminée à temps partiel ne fait nullement mention de la tranche horaire dans lequel les heures de travail devaient être effectuées, ni des modalités de communication des horaires, ni du délai de prévenance en cas d'aménagement des heures en fonction des impératifs de production, ni des modalités dans lesquelles les heures complémentaires pouvaient être effectuées et qu'elle était incapable de prévoir son rythme de travail.

La salariée produit plusieurs témoignages à l'appui de sa demande :

- Mme [F] [I], cliente de la boulangerie, qui atteste « avoir vu Mme [D] à la boulangerie le Moulin de [Localité 6] en train de nettoyer le matin et servir le midi. Étant sur mon trajet habituel je m'arrête le matin pour les viennoiseries et le midi pour le pain, je me fais donc servir par cette vendeuse qui semble accomplir les tâches qui lui sont confiées avec rigueur, sérieux et précision, voir même avec amour puisqu'elle affiche toujours un sourire communicatif et une bonne humeur qui donne envie d'entrer et de consommer ». (pièce 13)

- M. [Y], client de la boulangerie, du 26 février 2016 qui atteste fréquenter « régulièrement la boulangerie dans laquelle travail Mme [D] et l'avoir croisé sur son lieu de travail à divers horaires de la journée (matin et soir) ». (pièce 14)

- M. [A] [V], salarié de l'entreprise, entendu en qualité de témoin par procès-verbal du 12 février 2016 de la brigade de sûreté urbaine nord de [Localité 7] qui indique avoir exercé les fonctions de pizzaiolo au sein de la boulangerie le Moulin de [Localité 6] et avoir travaillé avec Mme [D], lequel atteste que « (...) Mme [D] faisait huit heures de travail puisque qu'on embauchait et débauchait à la même heure à savoir de 6 heures à 14 heures, étant des collègues de travail elle me disait que certains disputes étaient parce qu'il ([E]) refusait de la régler et de la déclarer en temps plein prétextant des problèmes d'URSSAF et d'attendre le retour de [X] de Tunisie ».(pièce 32 ).

La société réplique que le contrat de travail précise exactement le nombre d'heures de travail mensuel soit 43h33 mais également la répartition soit deux heures par jour du lundi au vendredi respectant la mention prescrite par le code du travail. Elle souligne que la salariée connaissait son rythme de travail puisque la durée du travail était précisément organisée en fonction des contraintes de cette dernière qui ne pouvait effectuer plus de deux heures par jour.

Elle conteste les attestations produites estimant qu'il s'agit d'attestations mensongères qui ne comportent pas de date et que compte tenu de l'écriture et de l'incapacité de M.[V] d'écrire, elle estime que l'attestation n'a pas été rédigée par ce dernier. La société relève également que la salariée n'a jamais contesté des énonciations des bulletins de salaire, ni réalisé d'heures supplémentaires prouvant qu'elle a occupé un poste à temps partiel.

La société produit notamment une attestation du 1er janvier 2014 de la salariée aux termes de laquelle cette dernière indique « ma situation ne me permet pas d'effectuer plus de deux heures par jour pour motif 'pas de mode de garde pour mes enfants'. Une fois que ma situation s'améliorera je trouverai une solution pour le mode de garde, mon employeur envisageant un contrat à durée indéterminée de 35 heures comme convenu avec la gérante dans le bureau de la direction de la boulangerie ». (Pièce 3) ainsi que l'attestation du 12 avril 2018 de M. [A] [V] indiquant qu'il n'a jamais donné d'attestations à Mme [D]. (pièce 10)

En application de l'article L.3123-6 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui doit nécessairement préciser la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue.

Il doit également prévoir la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies les heures complémentaires au-delà de la durée initialement fixée dans le contrat de travail.

L'article L.3123-11 du même code prévoit que toute modification de la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois est notifiée au salarié en respectant un délai de prévenance.

En l'absence de telles précisions, si le salarié a été mis dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il pourrait travailler chaque mois et s'est trouvé dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur, le contrat de travail à temps partiel est réputé à temps plein.

En l'espèce, le contrat de travail à temps partiel prévoit « que les horaires sont de 43H33 par mois réparties de la manière suivante : du lundi au vendredi deux heures par jour. Les horaires de travail et leur aménagement pourront être modifiés en fonction des impératifs de production. Il pourra par ailleurs lui être demandé si nécessaire d'effectuer des heures supplémentaires ».

La seule mention de la répartition de deux heures par jour sans précision de la tranche horaire par journée, ni des modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués, l'absence d'indication du délai de prévenance en cas d'aménagement ou des modalités dans lesquelles les heures complémentaires peuvent être effectuées contreviennent aux dispositions de l'article L.3123-6 du code du travail et font présumer que le contrat de travail est à temps complet.

Il incombe à l'employeur qui conteste la présomption de rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue, d'autre part que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'était tenue de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Or, la société ne produit aucun élément de nature à renverser la présomption de temps complet et ne démontre pas que la salariée travaillait effectivement à temps partiel deux heures par jour ou qu'elle n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler en l'absence notamment de la production de plannings de travail .

En effet, le seul témoignage produit émanant de la salariée du 1er janvier 2014 ne permet pas d'établir que cette dernière travaillait seulement 2 heures par jour dans la mesure où cet horaire était susceptible d'évoluer en fonction de la garde de ses enfants et de la signature d'un contrat à durée indéterminée de 35 heures avec la gérante.

S'agissant du témoignage de M. [V], ce dernier a été entendu par la brigade de sûreté urbaine nord de [Localité 7] et a confirmé avoir travaillé avec la salariée sur la période incriminée, à savoir entre septembre 2012 et décembre 2015.

Si l'attestation n'est pas datée, il n'en demeure pas moins que M. [V] s'est expliqué devant les services de police sur cette période.

Par ailleurs, la signature portée sur l'attestation critiquée apparaît identique à celle figurant sur le titre de séjour annexé au témoignage, de sorte que ce dernier ne saurait être considéré comme faux. À l'inverse, la rétractation de l'intéressé produite par l'intimée ne peut qu'entraîner la suspicion au regard du maintien de ses déclarations devant les services de police.

Enfin, l'absence de mention d'heures supplémentaires sur les bulletins de salaire ne saurait être considérée comme un élément de preuve d'un travail à temps partiel.

Les éléments produits par la salariée corroborent le fait que cette dernière travaillait plus de deux heures par jour, à différents moments de la journée et qu'elle devait se tenir constamment à la disposition de son employeur.

Dès lors, il convient de requalifier le contrat à durée indéterminée à temps partiel en temps complet à compter du 10 avril2014 et d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de cette demande.

3) Sur le rappel de salaire

Le rappel de salaire calculé sur la base de salaire moyen de 1 457,55 € bruts par mois dans le tableau en pièce 17 de l'appelante opère un différentiel mois par mois entre le montant des heures rémunérées et le montant de la somme due pour 151,67 heures au taux horaire correspondant au minimum conventionnel.

La société n'oppose aucun argument concernant le calcul établi par la salariée.

Il convient en conséquence de faire droit partiellement aux demandes de la salariée à compter du 10 avril 2014 et non autrement discutées dans leur montant par la société pour la somme de 20.810,66 € outre l'incidence des congés payés y afférents.

B) Sur le harcèlement moral

Selon l'article L1152-1 du code du travail, en sa rédaction applicable aux faits de la cause, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L1154-1 du même code, en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 (...) le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces textes que la charge de la preuve du harcèlement ne pèse pas sur le salarié qui doit seulement établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement , c'est à dire simplement apporter un commencement de preuve portant sur une présomption de harcèlement et non sur le harcèlement lui-même.

Il convient de rappeler que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ;

En l'espèce, la salariée fait valoir que son supérieur hiérarchique M. [K] [J] qui est le frère du mari de la gérante [YD] [J]:

- ne cessait de l'espionner sur les caméras de sécurité et contrôler le nombre d'allers et retours,

- l'humiliait devant les clients en la reprenant en permanence,

- lui faisait des réflexions déplacées sur son physique, ses tenues vestimentaires et sur ses passages aux toilettes en lui tenant des propos d'une indignité certaine

- l'empêchait de revenir au travail en raison de ses retards contrairement aux autres employés et lui a refusé l'entrée dans l'entreprise le 4 décembre 2015 alors même qu'aucune mise à pied ne lui avait été notifiée.

Elle verse notamment aux débats, les pièces suivantes :

- sa déclaration de main courante (pièce 18)

- sa plainte pour harcèlement moral et agissements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail pouvant porter atteint aux droits et à la dignité et à la santé ou à l'avenir professionnel d'autrui entre le 1er septembre 2012 et le 21 décembre 2015 à la boulangerie le moulin de [Localité 6] à [Localité 7](pièce 19)

- son courrier du 18 août 2015 adressé à Mme [YD] [J],gérante de la société, signalant qu'elle faisait l'objet d'un harcèlement sur son lieu de travail de la part de M. [E] [J] et notamment que ce dernier lui reprochait des choses relevant de son intimité . (pièce 28)

- son courrier du 30 décembre 2015 adressé à la gérante, signalant le refus d'accès à son travail et lui rappelant que l'inspection du travail avait été informée de ce refus (pièce 29)

- les différents SMS au cours du mois novembre 2015 à décembre 2015 entre [E] [J] et Mme [D] attestant en particulier que ce dernier lui demandait de rester chez elle en cas de retard. (Pièce 34 et procès-verbal n° 2016 /001626 du 23 février 2016 de la brigade de sûreté urbaine nord de [Localité 7].)

-les certificats médicaux du 2 et 4 décembre 2015 du Dr [N], attestant avoir eu en consultation Mme [D] pour syndrome anxiodépressif réactionnel au stress au travail et l'orientant sur le Dr [P] psychiatre et le certificat médical de ce dernier certifiant avoir reçu la salariée 'qui présente une souffrance psychique avec symptômes dépressifs caractérisés par un trouble du sommeil, boulimie avec prise de poids, une fatigue psychique, une perte de confiance en soi, une anhédonie liée à un conflit au travail'. (pièce 25)

- le certificat médical du 29 juin 2015 attestant que « l'état de santé de Mme [D] nécessite des jours de repos à compter de ce jour » (pièce 24)

- le certificat médical Dr Recours [Z], gynécologue, du 9 février 2016 attestant que «Mme [D] a présenté un état de fort stress voire dépressif et une prise de poids excessive qu'elle m'a dit lié à un harcèlement moral sur son lieu de travail. Elle m'a téléphoné affolée le 31 mars 2015 pour saignements abondants et test de grossesse de pharmacie positif. Je lui ai conseillé alors de se rendre en urgence à la clinique de [5] » (pièce 20)

- le bulletin de situation de la clinique [5] mentionnant une prise en charge de la salariée le 1er avril 2015 (pièce 21)

- le certificat médical du 29 septembre 2014 du Docteur [T] attestant que « Mme [D] présente ce jour des signes de syndrome anxiodépressif qui ont été détectés dès la consultation du 5 septembre 2014 et qui ont motivé un arrêt maladie par mon associé le Dr [H] le 16 septembre 2014. Depuis un traitement a été instauré et nous attendons les résultats qui ne seront positifs que si les problèmes y compris professionnels seront réglés »

(pièce 22)

- un certificat médical du 1er novembre 2014 de l'hôpital de [Localité 7] indiquant que « l'état de fatigue morale de Mme [D] est incompatible avec la poursuite de son travail ce jour et pendant 15 jours »(pièce 23)

- plusieurs certificats médicaux du Dr [T] du 5 janvier 2016, 2 février 2016, 23 février 2016 certifiant que « Mme [D] présente des crises d'angoisses majeure qui ont imposé une prise en charge spécialisée et un traitement qui a été dû être majoré depuis décembre 2015 (..) Directement la conséquence de la pression professionnelle (...)» et le certificat du Dr [R], psychiatre attestant que cette dernière « présente une pathologie de type épisode dépressive névrotique au réactionnel avec anxiété qu'elle rattache aux difficultés qu'elle dit avoir vécues sur son lieu de travail. L'intensité de son état de santé st tel qu'il est nécessaire de la faire hospitaliser en clinique psychiatrique dès que possible » ainsi que son traitement médicamenteux. (pièce 26)

- le témoignage de M. [A] [V], pizzaiolo salarié de l'entreprise, qui indique «(...) J'atteste avoir été témoin du harcèlement moral dont elle était victime puisque [E] l'humiliait devant tous les employés et même les clients en la reprenant sans cesse sur sa façon de travailler alors que parallèlement on lui demandait de former les employés voir même de leur apprendre à parler français. Il l'appelait plusieurs fois durant ses heures de travail dans son bureau et on entendait très souvent des cris qui menait [G] à sortir en pleurs du bureau. Il lui faisait des réflexions déplacées sur sa tenue vestimentaire en faisant allusion à la réaction qu'il aurait si sa femme s'habillait comme ça du genre « je ne veux plus te voir en robe, tu devrait porter une robe longue et prier au lieu de rester comme ça, si tu étais ma femme ça fait longtemps que je t'aurais tué », sachant que la tenue en question était une robe noire arrivant au niveau des genoux avec des collants noirs opaques (...) J'ai dû calmer [G] une fois car à 7 heures du matin elle s'arrachait les cheveux en pleurs parce que [E] l'attendait de pied ferme pour voir comment elle était habillée (...) Il lui faisait des réflexions devant les clients pour ses passages aux toilettes «oh où tu vas ' Tu crois que c'est le moment ' Je vais te déduire le temps sur ta paye ! Ne retourne plus je vais t'acheter des couches-culottes » ( pièce 16)

- la déclaration du même M. [A] [V] salarié de l'entreprise en qualité de témoin par procès-verbal n° 2016 /001626 du 2 février 2016 de la brigade de sûreté urbaine nord de [Localité 7]«SI: [E] se comportait mal avec elle. [E] disait bonjour à tout le monde mais avec elle ce n'était pas pareil. Il était froid avec elle. (...) Il avait un comportement différent avec elle par rapport aux autres employés.

SI: elle m'a parlé des problèmes qu'elle rencontrait avec [E]. Il cherchait à monter les autres employés contre elle, quand Mme [D] était au travail elle n'était pas bien elle pleurait parfois quand [E] s'en prenait à elle.

SI: oui elle a bien été harcelée par [E] [J] et il lui parlait mal et l'engueulait. (pièce 32)

- le procès-verbal de confrontation entre la salariée et [E] [J] (pièce 33)

- l'attestation de [KK] [B], salarié du moulin de [Localité 6] de 2013 à juin 2014, attestant « avoir entendu et vu plusieurs fois [G] en crise se tirant les cheveux devant les employés et les clients demandant à [E] de la laisser tranquille car il n'arrêtait pas de lui faire des réflexions du genre ' tu es trop grosse, arrête des passages aux toilettes, je vais t'acheter des couches '. Lors de mes pauses je voyais [E] traquer [G] sur les caméras en cherchant la moindre erreur. Il n'arrêtait pas d'appeler sur le téléphone de la boulangerie pour qu'on lui passe et lui crier dessus demandant également de venir au bureau alors qu'elle était en plein service. (...) » ;

- la déclaration devant les services de police le 15 février 2016 du même [KK] [B] en qualité de témoin ce dernier indiquant (..) SI: Mme [D] travaillait bien, elle était gentil avec les clients. [E] se comportait mal avec elle alors qu'elle a toujours été correcte avec tout le monde. Il m'est arrivé d'entendre crier [E] depuis son bureau quand il la convoquait. Des fois elle me demandait un verre d'eau car elle avait après sa rencontre avec [E] des maux de tête. Je l'ai vu plusieurs fois pleurer. »

Ces éléments pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La société conteste les faits et indique que les accusations de la salariée sont mensongères, qu'elle n'a jamais été victime d'un quelconque harcèlement de la part de qui que ce soit. La société fait valoir que suite aux auditions des salariés, les services de police ont considéré que le harcèlement moral relaté dans la plainte n'était pas constitué et l'affaire a été classée sans suite par le procureur de la république.

Elle soutient que l'attestation de M. [B] est un faux document, que la plupart des faits caractérisant un prétendu harcèlement moral se sont déroulés en 2015 soit une période où M. [B] n'était plus présent. Elle estime que les témoignages sont contredits par les déclarations de deux autres employés qui ont été entendus par les services de police.

La société produit notamment les éléments suivants :

- un avis de classement sans suite pour des faits de discrimination/exploitation de personnes vulnérables du 28 août 2017 (pièce 17)

- le témoignage de M. [S], pizzaiolo salarié de la boulangerie, entendu par procès-verbal de la brigade de sûreté urbaine nord de [Localité 7] n° 2016 /001626 qui indique « le patron est [YD] [J], son mari [X] est également le patron. Quand ils sont absents, responsable est [E] [J]. (...)

SI: il était correct avec Mme [D] , il était avec elle comme avec tout le monde.

SI : elle se plaignait comme tout le monde quand le patron nous fait une remarque. Je n'ai jamais entendu [E] dire du mal de la tenue vestimentaire de [U]. » (pièce 15)

- la déclaration de M. [M], boulanger salarié de l'établissement par procès-verbal de la brigade de sûreté urbaine nord de [Localité 7] n° 2016 /001626 qui indique « je connais bien Mme [G], elle se fait appeler [U] dans ce commerce,(...) Je vous précise que je travaille de nuit de 1heure à 6heures et qu'[U] arrivait à 7 heures (...) Des fois elle appelait pour dire qu'elle ne pouvait pas venir au travail à cause de ses enfants hormis cela je ne peux rien vous dire sur les relations de travail entre [E] et [U] car je ne n'ai pas les mêmes horaires de travail. Une fois elle s'était plainte auprès de moi car elle ne comprenait pas pourquoi [E] lui faisait des remarques sur ses retards ou absences. Je lui avais dit que c'était normal de respecter les heures de travail » (pièce 16)

- le témoignage de Mme [SK] [W], employée de l'établissement , entendue de même par les services de police, qui indique « que Mme [D] se prend pour la patronne, qu'elle est souvent absente qu'elle prend des jours de repos sans prévenir qu'elle fait ce qu'elle veut que le rapport qu'elle a avec les autres salariés est mauvais en général (...) le comportement de [E] avec Mme [D] est normal comme avec tout le monde le plus souvent c'est elle qui crie, je n'ai jamais vu [E] lui faire des reproches ou quoi que ce soit sauf pour le travail. Il n'a jamais été fait de différence entre elle et les autres employés mais je pense que c'est elle qui a un problème de comportement. » (pièce 17)

- les témoignages du 26 mars 2018 de Mme [SK] [W], du 26 avril 2018 de [WT] [C], indiquant « qu'en aucun cas M. [X] [J] et [E] [J] n'ont fait sortir Mme [D] de la boulangerie ». (pièce 12)

La cour relève à titre liminaire que le classement sans suite produit par l'intimée vise des faits de discrimination et d'exploitation de personnes vulnérables et non de harcèlement moral et qu'en tout état de cause le classement sans suite de la plainte en l'absence d'autorité de la chose jugée ne lie pas le juge prud'homal.

Les faits concernant la surveillance, les réflexions déplacées sur le physique et les tenues vestimentaires de la salariée ainsi que les humiliations devant les clients bien que contestés par M. [J] sont confirmés par les témoins M. [A] [V] et M. [B] tant dans leurs déclarations auprès des services de police qu'en l'état de leurs témoignages circonstanciés, aucun élément ne permettant d'affirmer que leurs déclarations seraient fausses.

Les témoignages produits par la société ne contredisent pas les faits précis et concordants énoncés et les employés ne justifient pas avoir travaillé dans la même plage horaire que Mme [D].

La cour relève également que les attestations sont produites avec la photocopie des titres de séjour annexés permettant d'authentifier leurs déclarations. Les signatures des attestants sont à cet égard conformes au document officiel et ne peuvent avoir été produits en justice qu'avec l'accord des intéressés,.

Par ailleurs, les faits dénoncés par la salariée étant compris entre le 1er septembre 2012 et le 21 décembre 2015, le témoignage de M. [B] est recevable dans la mesure où ce dernier a travaillé à la boulangerie de juin 2013 à juin 2014 avec la salariée.

Les pièces de l'appelante établissent par ailleurs que Mme [D] a fait une fausse couche en mars 2015 et qu'elle a du être prise en charge à la clinique [5], de sorte que son état nécessitait qu'elle puisse se rendre aux toilettes sans avoir à subir les moqueries ou les réflexions offensantes de son employeur sur son intimité, Mme [D] ayant également rappelé lesdits faits dans le courrier adressé à la société dès le mois d'août 2015, courrier qui n'a obtenu aucune réponse de la part de la gérante.

De même, les pièces non contredites par les témoignages imprécis et généraux de Mme [SK] [W] et de de [WT] [C] attestent que l'employeur empêchait la salariée de revenir à son travail du fait de ses retards et ne lui a pas permis l'accès à son travail à compter du 4 décembre 2015.

Enfin, les symptômes décrits par les médecins ayant eu à suivre la salariée corroborent l'état d'épuisement psychique de cette dernière et peuvent être mis en lien avec les faits de harcèlement moral au sein de son travail.

Ces agissements ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail et ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité, altéré sa santé physique et mentale et compromis son avenir professionnel.

La situation de harcèlement moral est caractérisée et la société échoue à démontrer que les actes reprochés étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le licenciement de Mme [D] est donc nul sur le fondement des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail.

C) Sur le travail dissimulé

Il résulte de l'article L.8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8821-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Il résulte de l'article L.8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8821-5 a droit à une indemnité forfaire égale à six mois de salaire.

Toutefois le travail dissimulé n'est caractérisé que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Il revient au salarié de rapporter la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé.

En l'espèce, il est établi par les pièces produites au dossier et en particulier le témoignage de M. [V] que la société a de manière intentionnelle dissimulé le travail de Mme [D], de sorte qu'il y a lieu de fixer la créance à la somme de 8.745,30 €.

D) Sur l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

- des actions de prévention des risques professionnels,

- des actions d'information et de formation,

- la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention et l'employeur doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés

En l'espèce, la société ne justifie d'aucune mesure de prévention, d'information et/ou de formation à la prévention pour ce type de risque et aucune mesure n'a été mise en place par la société pour prévenir le harcèlement moral dont Mme [D] était victime de la part de [E] [J] malgré ses courriers.

Il y a lieu de fixer le préjudice à la somme de 2.000 € au titre de la violation de l'obligation de sécurité.

II) Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

A ) Sur les indemnités de rupture

La salariée est fondée à obtenir une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire outre l'incidence de congés payés.

La salariée a également droit à l'indemnité légale de licenciement qui ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté sur le fondement de l'article R. 1234-2 du code du travail applicable au litige.

Mme [D] a travaillé dans la société 3 ans et 7 mois compte tenu de la durée de préavis et le salaire moyen est fixé à la somme mensuelle moyenne de 1.457,55 € bruts par mois.

La salariée a droit à la somme de 1.044,57 euros, (1/5x 1.457,55 €) x 3 + ( 1/5x 1.457,55 € x 7/12) ; elle n'a toutefois sollicité que la somme de 1.012,19 € à ce titre.

B) Sur l'indemnité pour licenciement nul

Mme [D] est fondée à percevoir une indemnité au moins égale à six mois de salaire conformément aux dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail.

Au vu des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, il convient de fixer le préjudice de la salariée à la somme de 10.000 euros.

C) Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

C'est à juste titre que la salariée invoque le caractère vexatoire du licenciement, l'employeur lui ayant refusé l'accès au travail à la salarié sans motif légitime. Il convient de fixer au passif de la société une indemnité de 500 € en réparation du préjudice moral résultant du caractère vexatoire de ce licenciement.

III) Sur la garantie de l'AGS CGEA

L'AGS CGEA soutient que les créances résultant de l'exécution du contrat de travail nées postérieurement au prononcé du redressement et/ou à l'adoption du plan de redressement n'entrent pas dans la garantie couverte par elle et que sa garantie ne peut être mise en jeu s'agissant de la demande de rappel de salaire formulée du mois d'avril 2013 à décembre 2015.

En application de l'article L.622-21 du code de commerce, les instances poursuivies ou engagées après le redressement judiciaire ne peuvent tendre qu'à la constatation et à la fixation de créances salariales.

En vertu des dispositions de l'article L. 3253-8 du code du travail, applicable au litige l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 du code du travail couvre :

1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ;

2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :

a) Pendant la période d'observation ;

b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;

c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;

d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité ;

3° Les créances résultant de la rupture du contrat de travail des salariés auxquels a été proposé le contrat de sécurisation professionnelle, sous réserve que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, ait proposé ce contrat aux intéressés au cours de l'une des périodes indiquées au 2°, y compris les contributions dues par l'employeur dans le cadre de ce contrat et les salaires dus pendant le délai de réponse du salarié ;

4° Les mesures d'accompagnement résultant d'un plan de sauvegarde de l'emploi déterminé par un accord collectif majoritaire ou par un document élaboré par l'employeur, conformément aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4, dès lors qu'il a été validé ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 1233-58 avant ou après l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;

5° Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues :

a) Au cours de la période d'observation ;

b) Au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;

c) Au cours du mois suivant le jugement de liquidation pour les représentants des salariés prévus par les articles L. 621-4 et L. 631-9 du code de commerce ;

d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation et au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité.

La garantie des sommes et créances mentionnées aux 1°, 2° et 5° inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi.

En l'espèce, le redressement judiciaire de la société a été prononcé par jugement du 10 avril 2013 et un plan de redressement a été homologué le 24 mai 2014 .

L'AGS CGEA de [Localité 7] doit donc sa garantie dans les termes précités, tant pour les sommes dues au titre de l'exécution du contrat de travail que pour celles résultant de la rupture, mais elle n'a vocation à intervenir qu'à titre subsidiaire, au regard du plan de continuation arrêté.

Le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux conformément aux dispositions de l'article L.622-28 du code de commerce.

IV Sur les frais et dépens

Les dépens de première instance et d'appel doivent être fixés au passif de la société le Moulin de [Localité 6] qui succombe et cette dernière doit être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein ;

Requalifie le contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 10 avril 2014 ;

Prononce la nullité du licenciement, pour harcèlement moral caractérisé ;

Fixe les créances de Mme [G] [D] au passif de la procédure collective de la société le Moulin de [Localité 6] aux sommes suivantes :

- 20.810,66 € à titre du rappel de salaire pour la période comprise entre le 10 avril 2014 et le 21 décembre 2015,

- 2.081,06 € à titre de congés payés y afférents,

- 2.915,10 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 291,51 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 8.745,30 € bruts à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 1.012,19 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

- 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective du 10 avril 2013 arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales et indemnitaires nées antérieurement à son ouverture ;

Dit que l'Unédic délégation AGS CGEA de [Localité 7] est tenue à garantie dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail en l'absence de fonds disponibles et sous réserve du principe de subsidiarité ;

Condamne la société le Moulin de [Localité 6] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/08266
Date de la décision : 24/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-24;19.08266 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award