La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2023 | FRANCE | N°19/11290

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 23 février 2023, 19/11290


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRÊT AU FOND

DU 23 FEVRIER 2023



N°2023/39













Rôle N° RG 19/11290 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BES72







[E] [I]

SELARL DE MEDECIN [E] [I]





C/



[C] [U]

Société GROUPE DE CARDIOLOGIE DES DOCTEURS [I] ET SIBONY46





































Copie exécutoire

délivrée le :

à :

Me Jérôme CAMPESTRINI





Me Isabelle FICI





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 10 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00439.





APPELANTS



Monsieur [E] [I],

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 23 FEVRIER 2023

N°2023/39

Rôle N° RG 19/11290 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BES72

[E] [I]

SELARL DE MEDECIN [E] [I]

C/

[C] [U]

Société GROUPE DE CARDIOLOGIE DES DOCTEURS [I] ET SIBONY46

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Jérôme CAMPESTRINI

Me Isabelle FICI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 10 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00439.

APPELANTS

Monsieur [E] [I],

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 6]

représenté et assisté de Me Jérôme CAMPESTRINI de la SCP LE MAUX & CAMPESTRINI ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

SELARL DE MEDECIN [E] [I], prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 3]

représentée et assistée de Me Jérôme CAMPESTRINI de la SCP LE MAUX & CAMPESTRINI ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [C] [U]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Rita BADER, avocat au barreau de STRASBOURG

Société GROUPE DE CARDIOLOGIE DES DOCTEURS [I] ET SIBONY46, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 3]

assignée le 26/09/2019 à personne morale

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Françoise FILLIOUX, conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, magistrat rapporteur

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure et prétentions des parties :

Le 20 décembre 1984, les docteurs [K] [O] et [E] [I] ont constitué la SCM groupe de cardiologie des docteurs [O] et [I] dont ils étaient associés à 50% chacun afin d'exercer leur profession de cardiologue.

Le 10 décembre 2007, le docteur [O] a cédé sa patientèle et ses parts sociales dans la SCM au docteur [C] [U], qui est devenu associé et cogérant de la SCM rebaptisée 'Groupe de cardiologie des docteurs [I] et [U]' à compter du 1er janvier 2008.

Le 20 décembre 2007, les docteurs [I] et [U] ont conclu un contrat d'exercice commun.

Le 25 juillet 2008, le docteur [I] a déposé au greffe du tribunal de commerce de Nice les statuts de la SELARL de médecins '[E] [I]' établis le 15 mai 2008.

Le 31 juillet 2008, Monsieur [I] a cédé ses parts dans la SCM à la SELARL.

Le 6 avril 2009, le conseil départemental de l'ordre des médecins a organisé une réunion de conciliation suite à des difficultés relationnelles.

Le 30 juin 2009, le docteur [U] a quitté définitivement le cabinet médical de la SCM.

Par exploit des 5 et 13 mai 2014, Monsieur [I] et la SELARL de Médecin [E] [I] ont assigné Monsieur [C] [U] et la société groupe de cardiologie des docteurs [I] et [U] devant le tribunal d e grande instance de Nice afin de voir condamner Monsieur [U] au paiement d'une somme de 95 919,77euros au titre des apports en trésorerie lui incombant pour le règlement des charges de fonctionnement de la SCM.

Par jugement réputé contradictoire du 10 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Nice a :

Déclaré les demandes formées par le SELARL de Médecin [E] [I] à l'encontre de Monsieur [U] irrecevable pour défaut de qualité à agir,

Débouté Monsieur [E] [I] de sa demande de remboursement de la moitié des charges de fonctionnement de la SCM Groupe de Cardiologie des docteurs [I] et [U] à compter du 1er juillet 2009,

Débouté Monsieur [U] de sa demande de dommages et intérêts pour révocation sans juste motif,

Condamné Monsieur [I] à payer à Monsieur [U] la somme de 10 000euros pour la perte de sa clientèle et du matériel sans versement d'une indemnité du fait de son départ et ce avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Condamné Monsieur [I] à racheter les parts sociales de Monsieur [U] dans la SCM Groupe de Cardiologie des docteurs [I] et [U] au prix de 1euros, ainsi qu'à procéder aux formalités de publications légales à la suite de ce rachat, le tout dans un délai d'un mois suivant la présente signification de la présente décision,

Débouté Monsieur [U] de sa demande de condamnation sous astreinte,

Condamné Monsieur [I] à payer à Monsieur [U] la somme de 1 063,65euros au titre du solde de son compte courant d'associé, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Condamné solidairement la SELARL de Médecins [E] [I] et Monsieur [I] à payer à Monsieur [U] la somme de 4 000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et ce avec exécution provisoire.

La juridiction a retenu qu'en raison de l'absence de l'agrément exigé par les statuts, la cession des parts sociales de Monsieur [I] au profit de la SELARL de Médecin [E] [I] est inopposable à Monsieur [U] et donc l'action de la SELARL est irrecevable, faute de qualité pour agir, que Monsieur [I] ne justifie pas de la réalité des charges de la SCM et de leur paiement de sorte qu'il ne peut en demander le remboursement par moitié à Monsieur [U], qu'il n'est pas non plus justifié de la révocation de Monsieur [U] qui a été débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, que l'incompatibilité entre Monsieur [I] et Monsieur [U] a justifié le départ de ce dernier sans respecter le préavis de rupture et qu'une indemnité de 10 000euros doit lui être versée pour attribution de clientèle et du matériel, que suite à son départ le 30 juin 2009, la moitié du solde de son compte courant doit lui être restitué.

Le 12 juillet 2019, Monsieur [E] [I] et la SELARL de Médecin [E] [I] ont interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées le 15 février 2020, ils demandent à la Cour de :

Vu les articles 1832, 1844-14, 1861 et suivants du code civil,

Vu les articles 118 et 122 du code de procédure civil,

Réformer le jugement du 10 juillet 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Nice sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de sa demande de dommages et intérêts,

Statuer à nouveau :

Dire et juger que le docteur [U] a donné son agrément à la cession de parts sociales du docteur [I] à la SELARL de Médecin '[E] [I] ',

Dire et juger réputé acquis l'agrément du docteur [U] à la dite cession,

Dire et juger que le docteur [U] est prescrit en son exception de nullité de la cession de parts sociales,

Dire et juger que le docteur [U] a renoncé à se prévaloir du défaut de qualité à agir,

En conséquence :

Déclarer la SELARL de Médecin [E] [I] recevable en ses demandes à l'encontre du docteur [U],

Débouter le docteur [U] de sa fin de non recevoir,

Dire et juger que le docteur [U] est toujours associé de la SCM de Médecin [E] [I] et [U],

Condamner le docteur [U] à rembourser à la SELARL de Médecins [E] [I] la somme de 303 558,46 euros comptes arrêtés au 11 février 2019,

Dire que cette somme provisoire sera à parfaire au jour de la cession des parts du docteur [U],

Dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2017, date du réenrolement de la procédure devant le tribunal de grande instance de Nice,

Dire et juger que le docteur [I] n'a commis aucune faute à l'origine du départ du docteur [U],

Dire que le docteur [U] n'a pas respecté les dispositions de l'article 17 du contrat d'exercice libéral relatives au départ de l'un des associés

Dire et juger que la SELARL de Médecins [E] [I] n'a pas à indemniser le docteur [U] au titre de l'attribution de clientèle et du matériel, n'a pas à être condamnée à racheter les parts sociales du docteur [U],

Dire et juger que le docteur [U] n'est créancier d'aucune somme à l'égard de la SELARL de Médecin [E] [I],

Débouter le docteur [U] de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner le docteur [U] à payer la somme de 8 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

A titre subsidiaire :

Déclarer le docteur [I] recevables en ses demandes,

Dire et juger que le docteur [U] est toujours associé de la SCM [I] [U] et le condamner à payer au docteur [I] la somme de 30 000euros à titre de dommages et intérêts,

Débouter le docteur [U] de ses demandes à l'encontre du docteur [I] et condamner le docteur [U] à payer au docteur [I] la somme de 8 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ils exposent que le docteur [U] était parfaitement informé de la cession intervenue entre Monsieur [I] et la SELARL de Médecins [E] [I] ainsi que cela résulte des mails échangés et de l'attestation de l'expert comptable de la société SCM, qu'il a donné son accord sans équivoque à cette cession, que son agrément est réputé acquis faute d'offre de repreneur dans le délai d'un an conformément à l'article 11 des statuts de la SCM, qu'en tout état de cause, la cession réalisée en violation de la procédure d'agrément encourt la nullité, que l'exécution donnée au contrat prétendument vicié empêche le défendeur de pouvoir exciper de la nullité dés lors que le délai pour dénoncer le vice par voie d'action est expiré soit 3 ans à compter de sa connaissance, qu'en l'espèce le contrat de cession a été exécuté à compter du 31 juillet 2008, que le docteur [U] disposait d'un délai de 3 ans pour se prévaloir du vice, qu'il n'a soulevé l'exception de nullité que 6 ans après.

Ils font valoir que le statut d'associé emporte l'obligation de verser une redevance annuelle et de participer aux investissements au prorata de sa participation au capital et que le docteur [U] reste tenu des charges jusqu'à la perte de sa qualité d'associé pour moitié.

Ils soutiennent que l'article 17 des statuts exonère le docteur [I] de toute indemnité de présentation de clientèle au docteur [U].

Enfin, ils indiquent que le docteur [I] n'a pas commis de faute, que la période probatoire était prévue dans l'article 18 du contrat d'exercice en commun, que le docteur [U] a été régulièrement informé de la cession litigieuse.

Ils précisent que le docteur [I] n'a pas révoqué le docteur [U] qui est décidé de mettre fin à leur collaboration

Par conclusions déposées et notifiées le 9 avril 2020, Monsieur [C] [U] demande à la Cour de :

Vu les articles 1832,1844-14, 1891 et 1134 du code civil

Vu les articles 118,122 et 462 du code de procédure civile,

Dire et juger que le docteur [U] n'a pas renoncé à se prévaloir du défaut de qualité à agir de la SELARL de Médecins [E] [I],

Déclarer l'appel principal de la SELARL de Médecin [E] [I] irrecevable,

En tout état de cause :

Déclarer les appels de la SELARL et de Monsieur [I] mal fondés,

En conséquence :

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de sa demande d'indemnisation pour révocation sans juste motif et de sa demande d'astreinte,

Statuant à nouveau :

Condamner le docteur [I] au paiement de la somme de 10 000euros pour révocation sans justes motifs

Dire et juger que la condamnation du docteur [I] à racheter les parts du docteur [U] dans la SCM moyennant un euro symbolique et de procéder aux formalités de publicité dans le mois du jugement sera assorti d'une astreinte de 500euros par jour de retard passé ce délai,

Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Débouter la SELARL et le docteur [I] de leurs demandes, fins et conclusions,

Les condamner conjointement et solidairement à payer au docteur [U] la somme de 10 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il expose qu'il a découvert que le docteur [I] avait créé une SELARL à son insu pour lui céder ses parts sociales dans la SCM, qu'aucune information préalable ne lui a été donnée, qu'il n'a jamais été convoqué une assemblée générale, qu'il n'a été informé qu'en octobre 2008 d'une cession intervenue le 25 juillet 2008, qu'il n'a pas donné son accord à cette cession que ce soit à priori ou à posteriori, qu'il n'avait pas l'obligation de présenter un autre cessionnaire du fait de son refus d'agrément à la cession, que la cession lui est inopposable et que la SELARL est dépourvue de droit à agir dans la présente procédure, qu'il n'invoque pas la nullité de la cession mais son caractère inopposable qui constitue une fin de non recevoir.

Il fait état de la prescription pour les charges de l'année 2008, l'assignation datant du 13 mai 2014, que de surcroît, suite au départ du docteur [U], la totalité des charges a été réglée par la SELARL de sorte que le docteur [I] n'est pas fondé à en solliciter le remboursement

Il souligne que le docteur [I] a pris acte de la rupture des contrats de façon unilatérale le 12 janvier 2009 par courrier, que lors de la réunion du 9 avril 2009, son départ de la SCM a été acté et fixé au 30 juin 2009 avec dispense de préavis, ce qui est confirmé dans deux courriers du docteur [I] un du 17 avril 2009 et un du 15 mai 2009, que le docteur [I] a refusé ensuite toute réversion d'honoraires ainsi qu'il l'indique dans son courrier du 15 mai 2009, que la procédure de retrait prévue par les statuts en l'article 17 n'est pas applicable en l'espèce, puisqu'il a existé un accord amiable sur un départ prévu au 30 juin 2009, qu'à compter de cette date, il n'a plus eu aucune activité et n'a plus utilisé les services, qu'il ne peut donc devoir participer à des charges pour des services dont il ne bénéficie plus.

Il soutient qu'aucun appel de fonds ne lui a été adressé et que du fait du comportement fautif du docteur [I], il a du abandonner sa clientèle et le matériel lui appartenant et qu'une somme de 10 000euros doit lui être allouée à ce titre ;

Il précise que toutes les charges ont été affectées fiscalement à la SELARL et qu'aucune dette de Monsieur [U] envers la SCM n'apparaît au bilan.

Enfin, il soutient qu'il n'a pas fait usage de son droit de retrait mais a été victime d'une révocation unilatérale par le docteur [I] le 12 janvier 2009 sans motif légitime, de sorte qu'il est fondé à solliciter l'indemnisation du préjudice subi

La SELARL [I] et [U] valablement assignée à personne par acte du 26 septembre 2009 n'a pas constitué avocat.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 décembre 2022.

MOTIFS :

Le docteur [U] a, par acte du 10 décembre 2007, acquis les parts sociales détenues par le docteur [O] dans la SCM 'Groupe de Cardiologie des docteurs [O] et [I]', cession qui a été agrée lors d'une assemblée générale extraordinaire du 10 décembre 2007. Les docteurs [U] et [I] ont conclu le 20 décembre 2007 un contrat d'exercice en commun de la profession. Dés lors les rapports entre les deux associés de la SCM sont régis par les statuts de la SCM et le contrat d'exercice en commun.

Le 15 mai 2008, le docteur [I] a déposé les statuts de la SELARL de 'Médecin [E] [I]' qui a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 25 juillet 2008. Le 31 juillet 2008, le docteur [E] [I] a cédé ses parts dans la SCM à la SELARL de 'Médecin [E] [I]' qui est devenue associée à compter du 1er août 2008 et a réglé les charges de fonctionnement à compter de cette date.

La SELARL de 'Médecin [E] [I]' agit à l'encontre de Monsieur [U] afin d'obtenir paiement des charges de la SCM, compte arrêté au 31 décembre 2013.

Sur la fin de non recevoir :

L'article 11.1. 2 des statuts de la SCM stipule ' les parts sociales ne peuvent être cédées à un tiers non associés...qu'avec l'agrément préalable de cette société. Cet agrément ne pourra être acquis qu'à la majorité prévue à l'article 21 ci -dessous' l'article 21 prévoyant ' tant que les associés seront au nombre de deux, toutes décisions devront être prises d'un commun accord'.

La SELARL ne produit aux débats aucun procès verbal d'assemblée générale ratifié par le docteur [U] au cours de laquelle la cession intervenue le 31 juillet 2008 aurait reçu son agrément.

Elle soutient qu'il résulte des pièces produites que ce dernier, dûment avisé, y aurait consenti implicitement.

Toutefois ni le mail adressé par le cabinet d'expertise comptable le 8 septembre 2008 à Monsieur [U] ni celui adressé le 29 septembre 2008 ne peuvent permettre de démontrer la réalité d'un agrément à la cession litigieuse, le premier indiquant expressément que les documents d'identité sollicités s'avèrent utiles pour ' procéder aux formalités juridiques et à la mise à jour des statuts de la SCM suite à la cession de parts sociales intervenue entre le docteur [O] et vous-même ', demande réitérée à l'identique dans le second. Il en est de même du mail du 30 septembre 2009 aux termes duquel le cabinet d'expertise comptable fait état de la venue du docteur [I] dans ses locaux, sans aucune allusion à une demande d'agrément, mais en faisant référence aux documents d'identité sollicités antérieurement.

L'envoi par le cabinet d'expertise comptable d'une annonce à faire paraître afférente à la modification de la dénomination de la SCM adressée au journal d'annonce légale dès le 30 septembre 2008 est sans effet sur l'agrément à solliciter. De même, l'attestation de Monsieur [D], datée du 8 octobre 2019, affirmant que l'éventualité d'une cession entre le docteur [I] et la SELARL avait été évoquée devant le docteur [U] le 10 avril 2008 ne constitue pas une preuve d'un acquiescement de ce dernier à la cession intervenue en juillet 2008, pas plus que la photocopie d'une page de l'agenda de Monsieur [D] confirmant au mieux la tenue d'une réunion le 10 avril 2008.

Par mail du 10 octobre 2008, Monsieur [D] a informé Monsieur [U] de la nécessité d'obtenir son agrément aux actes de cession. Le 17 novembre 2008, le docteur [U], avisé de cette cession, s'y est opposé dans un courrier adressé au docteur [I].

Il est acquis que la cession intervenue le 31 juillet 2008 ne bénéfice pas de l'accord du docteur [U] et qu'aucun agrément a priori n'a pas été consenti.

Les appelants estiment l'agrément réputé acquis en se fondant sur les dispositions de l'article 1863 du code civil qui énonce ' Si aucune offre d'achat n'est faite au cédant dans un délai de six mois à compter de la dernière des notifications prévues au troisième alinéa de l'article 1861, l'agrément à la cession est réputé acquis, à moins que les autres associés ne décident, dans le même délai, la dissolution anticipée de la société. Dans ce dernier cas, le cédant peut rendre caduque cette décision en faisant connaître qu'il renonce à la cession dans le délai d'un mois à compter de ladite décision.'.

L'article 11-1-2 des statuts précise également que 'les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers non associés qu'avec l'agrément préalable de la société ...le projet de cession est notifié avec la demande d'agrément à la société et à chacun des associés ...Si la société refuse de consentir aux cessions projetées, elle doit faire présenter un successeur agrée à la majorité prévue à l'article 21 ou présenter elle-même une offre de rachat des parts de l'associé cédant

A défaut d'une telle offre, l'agrément est réputé acquis...'

Toutefois, en l'espèce, aucun projet de cession avec demande d'avis n'a été adressé à Monsieur [U] et que dès lors, faute de notification régulière d'un projet d'acquisition, l'agrément de Monsieur [U] en raison de son silence ne peut être réputé acquis en application des statuts. Ce dernier, faute d'information, n'a pas pu se prononcer dans le délai requis.

Dés lors la cession intervenue est inopposable vis à vis de la société, et est réputée ne jamais avoir existé, l'omission des formalités prescrites, rendant l'acte de cession inopposable à la société et aux associés au regard des statuts et des articles 1861 et suivants du code civil. De sorte que l'acquéreur ne peut exercer aucune prérogative et que les demandes de la SELARL Médecin [E] [I] sont irrecevables pour défaut de qualité à agir.

Il convient de confirmer la décision de première instance, l'action en nullité ne se confondant pas avec l'action en inopposabilité.

Par courrier officiel du 6 janvier 2020 adressé au conseil du docteur [I] et de la SELARL Médecin [E] [I], le conseil du docteur [U] a enjoint à la SELARL de procéder aux rachats des parts sociales détenues par le docteur [U] en exécution de la décision de première instance.

Cette erreur matérielle, corrigée par courrier du 28 janvier 2020, ne caractérise pas une renonciation à se prévaloir de l'inopposabilité de la cession, une renonciation nécessitant des actes dépourvus d'ambiguïté et d'équivoque et tel n'est pas le cas en l'espèce.

Le docteur [I] est recevable à formuler une demande de paiement de charges. Toutefois, ainsi qu'il l'indique lui-même dans ses conclusions, dès le mois d'août 2008, la SELARL a seule assumé toutes les charges de la SCM et il est donc mal fondé à en solliciter le remboursement.

Il convient de confirmer le jugement de première instance.

Sur l'octroi d'une indemnité pour révocation sans juste motif :

Le docteur [U] sollicite l'octroi de dommages et intérêts pour révocation sans juste motif.

Le docteur [U] a acquis les parts sociales du docteur [O] le 10 décembre 2007 et dès le 18 novembre 2008, il a saisi le conseil départemental de l'ordre pour dénoncer d'importantes difficultés de fonctionnement. Le 12 janvier 2009, le docteur [I] lui a adressé un courrier aux termes duquel il indique 'prendre acte de la rupture de notre association ' pour un motif véniel relatif à l'achat d'un dictaphone.

Bien que dépourvu de toute portée juridique, ainsi que l'a relevé le docteur [U] dans son courrier en réponse, le courrier du 12 janvier 2009 démontre pour le moins de profondes dissensions intervenues entre eux et des divergences certaines sur la gestion de la SCM, traduisant une absence d'affectio societatis de nature à compromettre l'intérêt social.

Le 17 avril 20019, le docteur [I] dans un courrier adressé au docteur [U] atteste 'accepter ton départ du cabinet dans les meilleurs délais' en le dispensant du respect de la période de préavis sous réserve du respect de l'article 17 du contrat d'exercice en commun qui prévoit notamment ' en cas d'incompatibilité d'exercice en commun, l'un des cocontractants pourra se retirer de l'association et se réinstaller dans la commune de [Localité 5] sous réserves des conditions suivantes, sa nouvelle installation sera située à plus de 300 mètres du lieu d'exercice de l'association, il devra solder sa part de passif réel de la SCM sans prétendre à l'actif et il devra céder gratuitement ses parts de la SCM au cocontractant restant et ne recevra aucune indemnité de départ '.

En réponse le docteur [U] l'informe le 22 avril 2009 accepter sa proposition de dispense de préavis et prévoit un départ au 30 juin 2009. Le 15 mai 1999, le docteur [I] reprend les termes de son précédent courrier en réitérant son accord concernant un départ sans respect de la période de préavis.

Il résulte des échanges épistolaires intervenus entre les intéressés qu'un accord de principe sur le départ de Monsieur [U] de la SCM au 30 juin 2009, motivé par une mésentente persistante entre eux, a été accepté par les deux parties, seules les conditions financières afférentes à ce départ ont fait achopper un consensus.

Il résulte en revanche des pièces du dossier qu'aucune décision de révocation de la fonction de gérant du docteur [U] n'a été prononcée. De sorte qu'aucune indemnité ne peut lui être allouée à ce titre et qu'il convient de confirmer la décision de première instance.

De surcroît et de façon surabondante, il convient de noter que une mésentente de nature à compromettre l'intérêt social de la société constitue un juste motif.

Le docteur [U] sollicite l'octroi de dommages et intérêts pour le rachat de sa patientèle et son matériel.

Toutefois, aucun élément n'est communiqué sur l'état et la nature de sa patientèle dont la reprise par le docteur [I] n'est pas non plus documentée, pas plus qu'il n'est justifié de la reprise de matériel dont l'existence n'est pas démontrée.

De surcroît, il appartenait au docteur [U] de se réinstaller à proximité, ainsi que les statuts l'y autorisaient, pour pouvoir conserver sa patientèle et jouir de son matériel.

Il convient de le débouter de sa demande à ce titre et d'infirmer la décision de première instance

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de condamner les appelants aux entiers dépens et à payer au docteur [U] la somme de 3 500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs, la cour statuant par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement rendu le 10 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Nice sauf en ce qu'il a condamné Monsieur [I] [E] à payer à Monsieur [U] [C] la somme de 10 000euros au titre du rachat de la patientèle,

Statuant à nouveau :

Déboute Monsieur [C] [U] de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne solidairement la Selarl de Médecin [E] [I] et Monsieur [E] [I] à lui payer la somme de 3 500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

Condamne solidairement la Selarl de Medecin [E] [I] et Monsieur [E] [I] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 19/11290
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;19.11290 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award