La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2023 | FRANCE | N°19/11151

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 23 février 2023, 19/11151


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRÊT AU FOND

DU 23 FEVRIER 2023



N°2023/38













Rôle N° RG 19/11151 - N° Portalis DBVB-V-B7D-

[F]







SELARL SOCIETE PHARMACIE [Y] AU CAPITAL DE 62500 EUROS





C/



SELARL PHARMACIE DE LA PAIX





































Copie exécutoire délivrée le :

à :<

br>


Me Jean-François JOURDAN



Me Céline ORENGO







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 27 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F00514.





APPELANTE



SELARL PHARMACIE [Y]

représentée par son gérant et associé professionnel Monsieur [H...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 23 FEVRIER 2023

N°2023/38

Rôle N° RG 19/11151 - N° Portalis DBVB-V-B7D-

[F]

SELARL SOCIETE PHARMACIE [Y] AU CAPITAL DE 62500 EUROS

C/

SELARL PHARMACIE DE LA PAIX

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Jean-François JOURDAN

Me Céline ORENGO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 27 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F00514.

APPELANTE

SELARL PHARMACIE [Y]

représentée par son gérant et associé professionnel Monsieur [H] [Y], docteur en pharmacie, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Marc LAYET, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SELARL PHARMACIE DE LA PAIX

agissant poursuites et diligeces deson liquidateur Monsieur [C] - dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée par Me Céline ORENGO de la SELARL ORENGO-MICAULT, avocat au barreau de NICE et assistée de Me Laurent MICAULT, avocat au barreau de GUADELOUPE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte sous seing privé du 30 octobre 2017, la SELARL Pharmacie de la paix a cédé à la SELARL Pharmacie [Y] une officine de pharmacie exploitée à [Localité 3], moyennant le prix de 1450000 euros payé comptant, auquel s'ajoutait le prix des marchandises à établir par inventoriste à la prise de possession, stipulé payable en 4 échéances trimestrielles.

La SELARL Pharmacie de la paix a fait délivrer à la SELARL Pharmacie [Y] par acte d'huissier du 31 mai 2018 un commandement de payer la somme de 90580,26 euros correspondant aux deux premières échéances de paiement du stock, à peine de déchéance du terme.

Par acte du 21 août 2018 portant opposition à commandement la SELARL Pharmacie [Y] a fait assigner la SELARL Pharmacie de la paix devant le tribunal de commerce de Nice aux fins d'entendre condamner la cédante à lui payer la somme de 200000 euros, dire nul et de nul effet le commandement, constater et en tant que de besoin ordonner compensation à due concurrence entre les sommes effectivement exigibles entre les parties, ordonner à la requise de transférer son siège social sous astreinte.

Elle reprochait principalement à la cédante de lui avoir dissimulé intentionnellement que le chiffre d'affaires ayant servi de base à la détermination du prix de cession provenait pour partie de ventes réalisées dans le cadre d'une convention de partenariat avec une structure collective, l'association Habitat et soins, et que d'autre part le chiffre d'affaires des exercices 2015 et 2016 comportait des rétrocessions.

Par jugement du 27 mai 2019, le tribunal de commerce de Nice a :

- condamné la SELARL Pharmacie [Y] au paiement de la somme de 179795 euros au titre du paiement du stock,

- condamné la SELARL Pharmacie [Y] au paiement des intérêts moratoires contractuellement prévus à hauteur de 10% sur la somme de 179795 euros à compter du 31 mars 2018, date du commandement de payer,

- ordonné une vérification des comptes au contradictoire des parties afin de déterminer avec précision le solde restant dû,

- débouté la SELARL Pharmacie de la paix de sa demande de vente du fonds de commerce aux enchères publiques,

- débouté la SELARL Pharmacie de la paix de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire afin de procéder et de recueillir le prix de la cession,

- condamné la SELARL Pharmacie [Y] au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La SELARL Pharmacie [Y] a interjeté appel de cette décision par trois déclarations d'appel des 10 et 11 juillet 2019. Les trois procédures ont été jointes.

Par conclusions déposées et notifiées le 8 octobre 2019, l'appelante demande à la cour de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la SELARL Pharmacie de la paix de sa demande de vente du fonds de commerce aux enchères publiques et de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire, et :

- déclarer irrecevables et en tous cas non fondées toutes demandes contraires de la SELARL Pharmacie de la paix et l'en débouter,

- condamner la SELARL Pharmacie de la paix au paiement à la SELARL Pharmacie [Y] de la somme de 200000 euros de dommages et intérêts tous chefs de préjudice confondus,

- en tout état de cause, recevoir l'appelante en son opposition au commandement du 31 mai 2018; l'en déclarer bien fondée en l'état des graves manquements contractuels, précontractuels et faits dolosifs préexistants de la SELARL Pharmacie de la paix et déclarer nul ledit commandement émis pour avoir paiement des 2 premières échéances du stock du fond vendu et porter déchéance de termes,

- constater et en tant que de besoin ordonner compensation à due concurrence entre les sommes effectivement exigibles entre les parties,

- très subsidiairement au cas d'accueil partiel ou total des demandes de l'intimée relatives au paiement du stock, supprimer la clause pénale sur les sommes effectivement dues et dire que les intérêt courront au taux légal sans anatocisme à compter de la décision à intervenir,

- condamner la SELARL Pharmacie de la paix aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître [U] [P] ainsi qu'au paiement de la somme de 4000 euros à la concluante au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et notifiées le 16 novembre 2019 la SELARL Pharmacie de la paix demande à la cour de confirmer la décision rendue par le tribunal de commerce, y ajoutant, condamner la Pharmacie [Y] au paiement de la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais nécessaires à la délivrance du commandement de payer du 31 mai 2018.

La procédure a été clôturée le 13 décembre 2022.

MOTIFS :

Il résulte des mentions qui y sont portées en page 44 que l'acte de vente signé entre les parties le 31 octobre 2017 a été conclu par l'intermédiaire de la SA L'Auxiliaire pharmaceutique, spécialisée dans ce type de transactions, qui en est le rédacteur.

L'acte comporte en page 39, au titre des déclarations du vendeur, le paragraphe suivant :

'- que les chiffres d'affaires ont été réalisés dans le respect des règles déontologiques de la profession, en l'absence de toute fourniture à une collectivité quelconque (maison de retraite, clinique, communauté...), exclusivement pour la vente au détail dans les locaux de l'officine, par prélèvement sur le stock, pour l'usage personnel des acheteurs et non dans un but d'exportation et sans aucune rétrocession à qui que ce soit.'

L'appelante fait valoir que d'une part, elle a découvert après la vente que la cédante était liée depuis 2013 par une convention de partenariat avec le centre de soins Maupassant géré par l'association Habitat et soins et que d'autre part, les chiffres d'affaires mentionnés aux comptes de résultats 2015 et 2016, comportent des rétrocessions pour 34380 euros et 23656 euros.

Elle reproche à la cédante d'avoir effectué une fausse déclaration intentionnelle qui a vicié son consentement et prétend qu'elle n'aurait pas acheté l'officine au prix convenu si elle avait été informée de ce que le chiffre d'affaires déclaré par le vendeur intégrait celui apporté par une collectivité.

Il résulte de la convention conclue le 5 octobre 2013 entre la Pharmacie de la paix et l'établissement LHSS Maupassant que ce centre de soins accueille des personnes sans résidence stable dont l'état de santé justifie un temps de repos ou de convalescence en leur permettant de bénéficier de soins infirmiers et de consultations médicales.

Aux termes de cette convention la pharmacie s'engage à garantir un approvisionnement régulier de la structure en produits pharmaceutiques et médicaments nécessaires aux usagers de l'établissement.

Le centre de soins apparaît ainsi répondre à la notion de 'collectivité' désignée dans la déclaration litigieuse par l'expression 'collectivité quelconque (maison de retraite, clinique, communauté...).

L'intimée soutient que la convention n'avait plus aucun effet juridique depuis le mois d'octobre 2014 et n'était pas en cours de validité au jour de la signature du compromis ou de la cession, faute pour les parties d'avoir procédé, avant son renouvellement annuel, à l'évaluation du partenariat et à la communication du protocole aux autorités de tutelle, comme exigé par l'article 7 du contrat.

Le même article 7 prévoit toutefois que la convention conclue pour une durée d'un an pourra être reconduite pour une même durée par tacite reconduction, et l'engagement des parties de procéder à une évaluation en amont, selon des modalités non précisées, n'est pas stipulé comme une condition de cette tacite reconduction, de même que l'engagement de l'établissement de soins de communiquer pour avis avant toute signature la convention et ses avenants à l'ARS et à l'ordre des pharmaciens.

La SELARL Pharmacie de la paix ne dément pas que son dirigeant, M. [C], a présenté à M. [Y] les responsables du centre de soins et que ces derniers se sont prévalus de la convention, que la cessionnaire a d'ailleurs reprise à son compte par une convention signée dans les mêmes termes et prenant effet le 15 décembre 2017.

Il apparaît ainsi que la convention de partenariat entre la pharmacie et le centre de soins s'est poursuivie par tacite reconduction et était en vigueur au jour de la cession et que contrairement aux déclarations du vendeur, une fraction non déterminée du chiffre d'affaires mentionné à l'acte de cession était vraisemblablement généré par l'approvisionnement du centre de soins Maupassant en produits pharmaceutiques et médicaments.

Aux termes de l'article 1137 du code civil dans sa version en vigueur à la date de la cession, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Comme il a été dit précédemment les parties ont confié à une société spécialisée le soin de rédiger l'acte de vente.

Aucune des parties ne prétend être à l'origine de l'introduction dans l'acte du paragraphe litigieux concernant la déclaration du vendeur sur la composition du chiffre d'affaires, vraisemblablement proposé par la SA L'Auxiliaire au titre des clauses figurant habituellement dans ce type d'acte.

Il n'est pas démontré par l'appelante qu'en signant un acte comportant une telle clause alors que la pharmacie avait un partenariat avec un centre de soins, la société cédante ait délibérément voulu l'induire en erreur sur ce point, une telle contradiction pouvant résulter d'une simple négligence ou inattention du contractant.

D'autre part, la société cessionnaire ne démontre pas que l'information dont s'agit avait un caractère déterminant pour son consentement à la cession, aucune déclaration de sa part n'étant mentionnée dans l'acte sur ce point.

L'allégation de l'appelante sur la volatilité du chiffre d'affaires provenant d'une telle clientèle n'est aucunement circonstanciée, la cour constatant au contraire que le partenariat mis en place en 2013 s'est poursuivi pendant plusieurs années et après la cession.

Enfin, l'appelante ne justifie aucunement du montant du chiffre d'affaires généré par ce partenariat, inclus dans les chiffres d'affaires annuels mentionnés à l'acte, faisant état d'une somme annuelle de 109000 euros sans aucun justificatif et sans précision sur l'exercice concerné.

En tout état de cause, il s'agirait d'une fraction de l'ordre de 5% du chiffre d'affaires des années 2014 à 2016 tel que mentionné à l'acte, ayant par conséquence une incidence infime sur le ratio chiffre d'affaires/prix de cession, qui même en extrayant cette somme, demeure inférieur au ratio minimum de 80%, pratiqué pour les ventes de pharmacies en région PACA, ainsi que le souligne l'intimée, qui verse aux débats une publication de la société Interfimo sur les prix et valeurs des pharmacies sur l'année 2017.

S'agissant de la déclaration relative à l'absence de rétrocessions, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la part des rétrocessions comprises dans le chiffre d'affaires apparaît très clairement à la simple lecture du compte de résultat des exercices 2015 et 2016 et aux termes de l'acte de cession, l'acquéreur a déclaré avoir pris connaissance de tous les éléments composant la comptabilité du vendeur et avoir pu examiner les bilans complets lesquels lui ont été remis.

Il n'y a donc eu ni dissimulation de la part du vendeur ni ignorance légitime de la part de l'acquéreur sur ce point.

L'appelante qui ne démontre ni les manoeuvres dolosives qu'elle impute au vendeur ni la réalité du préjudice qu'elle allègue sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts, le jugement étant confirmé sur ce point, par motifs en partie substitués.

La société appelante ne conteste pas le montant restant dû au titre du paiement du stock et n'invoque aucune cause de nullité du commandement du 31 mai 2018.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé condamnation à ce titre, y compris en ce qui concerne les pénalités qui sont la stricte application du contrat et dont le caractère manifestement excessif n'est pas établi.

S'agissant des comptes prorata à faire entre les parties au titre de la continuation des contrats en cours, la SELARL Pharmacie de la paix prétend qu'il lui resterait dû un solde de 1070,76 euros, que la SELARL Pharmacie [Y] conteste.

La SELARL Pharmacie de la paix ne formule en tout état de cause aucune demande de condamnation à ce titre dans le dispositif de ses écritures, se contentant de conclure à la confirmation.

Aucune des parties ne critiquant le chef de jugement ayant ordonné une vérification des comptes au contradictoire des parties afin de déterminer avec précision le solde restant dû, il n'y a pas lieu à infirmation de cette disposition.

Partie succombante, la SELARL Pharmacie [Y] sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme, par motifs en partie substitués, le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne la SELARL Pharmacie [Y] à payer à la SELARL Pharmacie de la paix la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SELARL Pharmacie [Y] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 19/11151
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;19.11151 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award