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16/02/2023 | FRANCE | N°18/18243

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 16 février 2023, 18/18243


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 18/18243 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDLQY







SARL S.A.R.L. VINCENT COSTE DESIGN STUDIO ET ASSOCIES





C/



[M] [F]

SARL SARL TEPPAN

SELARL S.E.L.A.R.L. [D] & BERTHOLET







Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Laure CAPINERO



Me Elodie FONTAINE














Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 15 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00054.





APPELANTE



SARL S.A.R.L. VINCENT COSTE DESIGN STUDIO ET ASSOCIES

, demeurant [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 18/18243 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDLQY

SARL S.A.R.L. VINCENT COSTE DESIGN STUDIO ET ASSOCIES

C/

[M] [F]

SARL SARL TEPPAN

SELARL S.E.L.A.R.L. [D] & BERTHOLET

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Laure CAPINERO

Me Elodie FONTAINE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 15 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00054.

APPELANTE

SARL S.A.R.L. VINCENT COSTE DESIGN STUDIO ET ASSOCIES

, demeurant [Adresse 2] (FRANCE)

représentée par Me Laure CAPINERO de la SELARL IN SITU AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE et ayant pour avocat plaidant Me Cyrille CHARBONNEAU de la SELAS AEDES JURIS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Marine DEMONCHAUX, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Maître [M] [F] ,

ès qualité de Mandataire Judiciaire de la S.A.R.L TEPPAN

, demeurant [Adresse 1] (FRANCE)

représenté par Me Elodie FONTAINE de la SELAS B & F, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SARL SARL TEPPAN

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Elodie FONTAINE de la SELAS B & F, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.E.L.A.R.L. [D] & BERTHOLET

ès qualité d'Administrateur Judiciaire de la S.A.R.L TEPPAN

, demeurant [Adresse 4] (FRANCE)

représentée par Me Elodie FONTAINE de la SELAS B & F, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Novembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Monsieur Olivier ABRAM, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2023.

ARRÊT

EXPOSE DU LITIGE

Le 10 février 2013, la société Vincent COSTE Design Studio et Associés s'est vue confier par la société TEPPAN la maîtrise d''uvre d'une opération de rénovation et de décoration intérieure d'un local destiné à l'exploitation d'un restaurant japonais sis [Adresse 3];

Les travaux étaient réceptionnés avec réserves le 11 juillet 2014;

Par exploit d'huissier en date du 7 septembre 2015, la société Vincent COSTE Design Studio et Associés a fait assigner la société TEPPAN devant le Tribunal de Grande Instance de TOULON aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

35 200,00 € au titre du solde du contrat de mission de marché privé d'architecture d'intérieur du 10 février 2013, avec intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure du 28 octobre 2014 ;

5 000,00 € à titre de dommages-intérêts ;

3 000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 21 avril 2016, une procédure de sauvegarde judiciaire était ouverte au bénéfice de la société TEPPAN;

Par exploit d'huissier en date du 11 janvier 2017, la société Vincent COSTE Design Studio et Associés a fait assigner Me [F] et Me [D];

Ces affaires étaient jointes le 4 avril 2017;

Par jugement en date du 15 novembre 2018, le Tribunal de Grande Instance de TOULON, notamment, fixait la créance de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à l'égard de la société TEPPAN à la somme de 35 200 € TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2014, date de la mise en demeure, et jusqu'au 21 avril 2016, date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, condamnait la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN la somme de 294 818,70 € TTC en réparation du préjudice subi du fait du dépassement du budget, et somme de 24 500 euros au titre des loyers payés au cours des mois de retard du chantier ;

Par déclaration en date du 20 novembre 2018, la société Vincent COSTE Design Studio et Associés relevait appel de ce jugement;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 mai 2021, la société Vincent COSTE Design Studio et Associés sollicite de :

Vu les dispositions des anciens articles 1147 et 1382 du Code civil,

DIRE ET JUGER que la société TEPPAN est redevable envers la société Vincent COSTE Design Studio et Associés du règlement de la somme de 35 200 € TTC correspondant au solde des honoraires afférents à sa mission de maîtrise d''uvre selon contrat du 10 février 2013 ;

DIRE ET JUGER que la société TEPPAN s'est rendue coupable d'une résistance abusive en refusant de solder les honoraires incontestablement dus au maître d''uvre ;

DIRE ET JUGER que la société Vincent COSTE Design Studio et Associés n'a commis aucun manquement contractuel à l'origine des prétendus dommages matériels que la société TEPPAN affirme avoir subi en raison de changement d'éléments du mobilier ;

DIRE ET JUGER que la société TEPPAN ne justifie pas d'un préjudice moral établi et distinct;

DIRE ET JUGER qu'il ne peut y avoir un dépassement budgétaire à défaut de fixation contractuelle par la société TEPPAN d'une enveloppe financière, outre que le devis du 18 juillet 2013 transmis par la société Vincent COSTE Design Studio et Associés n'est pas une estimation définitive du coût prévisionnel des travaux et que le programme a fait l'objet de multiples évolutions pour satisfaire aux exigences du maître d'ouvrage ;

DIRE ET JUGER qu'il ne peut y avoir un retard de chantier à défaut de fixation contractuelle par la société TEPPAN du délai souhaité, outre que le prétendu dépassement de délai ne procède pas d'un manquement ou d'une désorganisation de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés ;

EN CONSEQUENCE,

INFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à régler à la société TEPPAN la somme de 294 818,70 € en réparation du dépassement budgétaire, ou à titre subsidiaire, ramener ce montant à de plus justes proportions en évaluant la perte de chance qui ne peut correspondre à la simple différence altimétrique entre un budget prévisionnel considéré et le coût réel des travaux ;

INFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à régler à la société TEPPAN la somme de 24 500 € en réparation du retard de chantier, ou à titre subsidiaire, ramener ce montant à de plus justes proportions ;

CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés au passif de la procédure collective de la société TEPPAN à hauteur de 35 200 € TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2014, date de la mise en demeure, et jusqu'au 21 avril 2016, date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ;

INFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Vincent COSTE Design Studio et Associés de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, et statuant à nouveau, FIXER la créance de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés au passif de la procédure collective de la société TEPPAN à hauteur de 5 000 € à ce titre ;

CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société TEPPAN de sa demande formulée à titre de dommages matériels ;

CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société TEPPAN de sa demande formulée à titre de préjudice moral ;

CONDAMNER Maître [M] [F], en qualité de mandataire judiciaire de la société TEPPAN, à régler à la société Vincent COSTE Design Studio et Associés une somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNER Maître [M] [F], en qualité de mandataire judiciaire de la société TEPPAN, aux dépens dont distraction au profit de Maître Laure CAPINERO qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC;

Elle rappelle qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir établi un budget prévisionnel, que seul le maître d'ouvrage devait définir, ni d'avoir dépassé un budget communiqué le 18 juillet 2013, qui n'était qu'une estimation établie pour les besoins de la société TEPPAN, remise en cause par les documents ultérieurs (10 octobre 2013), et alors en outre que le programme n'a eu de cesse d'évoluer afin de satisfaire les demandes du maître d'ouvrage;

Elle souligne que la condamnation prononcée par les premiers juges ne correspond pas à l'indemnisation d'un préjudice mais revient à condamner le maître d''uvre à financer une partie de l'opération du maître d'ouvrage;

Elle précise qu'il n'est pas justifié d'une faute qui serait à l'origine du retard d'exécution invoqué, dès lors que le maître d'ouvrage n'a convenu d'aucun délai d'exécution, et que le retard est imputable à l'évolution du programme, non à un défaut de diligence;

Elle ajoute ne pas avoir été payée du solde de ses honoraires, les paiements allégués étant relatifs au précédent contrat du 1er octobre 2012, et soutient que la société TEPPAN a résisté abusivement à ses obligations ;

Elle précise que la preuve de désordres matériels consécutifs aux travaux et d'un préjudice moral distinct du préjudice commercial n'est pas rapportée;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 octobre 2022, la société TEPPAN, Me [M] [F] ès qualité de mandataire judiciaire et la SELARL [D] & BERTHOLET sollicitent de :

Vu l'article 1147 du Code civil,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Confirmer le jugement 15 novembre 2018 rendu par le Tribunal de Grande Instance de TOULON en ce qu'il a :

Rejeté la fin de recevoir de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés,

Rejeté la créance de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés tendant à la fixation de la créance de 5 000 € au titre des dommages et intérêts au passif de la société TEPPAN,

Rejeté la créance de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés sollicitant la

condamnation de la société TEPPAN à hauteur de 5.000 € au titre des dommages et intérêts,

Condamné dans son principe la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN une somme d'argent au titre des dommages-intérêts subi du fait des

dépassements de budget,

Condamné la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN la somme de 24 500 € au titre des loyers payés au cours des mois de retard de chantier ;

Rejeté les demandes de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés au titre de l'article 700 du cpc,

Condamné la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN et à Me [F] la somme de 1 500€ chacun au titre de l'article 700 du cpc, et aux entiers dépens;

Infirmer le jugement 15 novembre 2018 rendu par le Tribunal de Grande Instance de TOULON en ce qu'il a :

Fixé la créance de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à la somme de 35 200€ assortie d'intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2014, date de la mise en demeure et jusqu'au 21 avril 2016, date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde,

Condamné la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN la seule somme de 294 818,70 € au titre des dommages-intérêts subi du fait des dépassements de budget,

Rejeté la demande d'indemnisation formée au titre des préjudices matériels subis par la société

TEPPAN (23 743,71 €),

Rejeté la demande d'indemnisation formée au titre du préjudice moral subi par la société

TEPPAN (10 000 €),

Et statuant à nouveau :

Condamner la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN la somme de 563 644,90 € HT au titre des dommages-intérêts subi du fait des dépassements de budget ;

Condamner la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN la somme de 23 743,71 € au titre des préjudices matériels ;

Condamner la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN la somme de 10 000 € au titre de son préjudice moral ;

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement 15 novembre 2018 rendu par le Tribunal de Grande Instance de TOULON en ce qu'il a condamné la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN la somme de 294 818,70 € au titre des dommages-intérêts subis du fait des dépassements de budget ;

condamner la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN la somme de 294 818,70 € au titre des dommages-intérêts subis du fait des dépassements de budget ;

Rejeter la modalité de condamnation de la société TEPPAN au titre de la note d'honoraires n° 2 en ce que cette condamnation a été assortie du taux d'intérêts au taux légal ; et condamner la société TEPPAN au paiement de cette somme sans intérêt ;

En tout état de cause,

Rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés ;

Condamner la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN, Maître [F] et Maître [D] la somme de 5 000 € chacun au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens;

Sur les sommes qui leur sont réclamées, ils indiquent que la somme de 32 500 € TTC au titre des honoraires de maîtrise d''uvre a déjà été payée, et qu'ils se trouvent fondés à en solliciter le remboursement partiel compte tenu de l'application du pourcentage d'honoraires au regard de l'importance finale du coût des travaux, et ajoutent que la preuve d'une résistance abusive de la part de la société TEPPAN et/ou d'un préjudice distinct du retard n'est pas rapportée;

Ils précisent, sur leurs propres demandes, que la société intimée a commis des fautes en ce qu'elle n'a jamais été destinataire ni d'une quelconque estimation du budget des travaux, dont le maître d''uvre devait s'inquiéter, et qui n'a pas été maitrisé, ni d'un planning prévisionnel de travaux, alors en outre qu'elle n'a pas correctement suivi le chantier, ce qui a conduit à de nombreux désordres et retards injustifiés;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 octobre 2022;

SUR CE

Il résulte de l'article 1147 ancien du Code civil que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part;

S'il apparaît que plusieurs contrats ont été souscrits afin de réaliser le projet relatif à la rénovation du restaurant en cause, seul celui en date du 10 février 2013 a été conclu entre la société TEPPAN et la société Vincent COSTE Design Studio et Associés, les précédents ayant été signés avec la société Vincent COSTE Architecte, non présente à la présente cause, et dont les termes ne peuvent servir de fondement aux demandes en paiement de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés, ou à la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle;

Ce contrat est relatif à la restructuration, à la transformation, à l'aménagement, à la décoration et à l'équipement d'un restaurant à [Localité 5];

Sur les honoraires réclamés;

Les clauses particulières de cette convention fixent les honoraires de manière forfaitaire à la somme de 45 000 € HT;

Il ne peut être soutenu que la somme réclamée par la société appelante à ce titre ait été payée, les paiements allégués étant antérieurs à la signature de la contrat (19 octobre 2012, 1er décembre 2012 et 19 décembre 2012), et effectués au profit de la société Vincent COSTE Architecte, non de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés;

Il était en outre prévu des honoraires forfaitaires, non un pourcentage;

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point en ce qu'il a fixé la créance de la société TEPPAN à ce titre à la somme de 35 200 € TTC outre intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2014, date de la mise en demeure, et jusqu'au 21 avril 2016, date de l'ouverture de la procédure de sauvegarde;

Il n'apparait par ailleurs pas que la société TEPPAN ait résisté abusivement à ses obligations en ne payant pas cette facture, rien ne permettant de le déduire alors que le bien fondé de ses griefs à l'encontre de la société appelante a été reconnu en première instance;

La confirmation du jugement s'impose donc également sur ce point;

Sur le dépassement du coût des travaux:

Les clauses particulières du contrat ne précisent pas le montant du budget prévisionnel de l'opération, non renseigné, même si elles stipulent qu'il a été arrêté en accord avec le maître d'ouvrage le 1er février 2013;

Or, il n'est pas justifié du budget prévisionnel de l'opération prétendument établi à cette date;

Quoiqu'il en soit, les clauses générales précisent aux articles 4.1 et suivants que le maître d'ouvrage définit à la phase Étude d'Esquisse Préalable (ESQ) son programme, l'enveloppe financière et le délai souhaité, qu'à la phase Avant-Projet Sommaire (APS), le maître d'ouvrage examine les dispositions de l'APS et constate leur conformité avec ses exigences fonctionnelles et financières et que le maître d''uvre vérifie la compatibilité de l'esquisse retenue avec les contraintes du programme, qu'à la phase Avant-Projet Définitif (APD), le maître d''uvre procède à une estimation définitive du coût prévisionnel des travaux dans la limite de plus ou moins 15 %, et, enfin, qu'à la phase Projet de Conception Générale (PCG), le maître d''uvre établit un descriptif détaillé par corps d'état et par ouvrage;

Ces clauses rappellent à l'article 5.1 et 5.2 que le maître d'ouvrage doit communiquer au maître d''uvre son programme et son budget, au plus tard à l'issue des études préliminaires;

Il apparaît sur ce point que la note d'intention intitulée « Création d'un restaurant japonais haut de gamme » ne saurait constituer la preuve de la transmission par le maitre d'ouvrage au maître d''uvre de son enveloppe financière, s'agissant d'un document non daté, vraisemblablement destiné à des banques dans la perspective de l'achat du fonds de commerce, et dont rien n'indique qu'il ait été communiqué au maître d''uvre;

Il en est de même du courrier de la société Qualiconsult en date du 28 novembre 2012, ou de la police d'assurance Dommages ouvrage en date du 16 octobre 2013, aucune preuve ne venant étayer la transmission de ces éléments à l'appelante;

Cet ensemble établit que le maître d'ouvrage n'a pas communiqué au maître d''uvre son enveloppe financière, comme il y était pourtant obligé, alors même que les clauses générales suscitées l'imposent, et précisent bien que les honoraires de maîtrise d''uvre sont fixés au forfait lorsque « la mission, le programme détaillé et le budget peuvent être parfaitement définis à l'avance » (article 6.3)

En revanche, il apparaît qu'en réponse à une demande du maître d'ouvrage d'un descriptif technique et estimatif des travaux précis en date du 9 juillet 2013, il lui était transmis le 18 suivant par le maitre d''uvre une estimation des travaux hors coûts des bureau d'études, bureau de contrôle, architecte et géomètre de 429 000 € HT;

Il en résulte la preuve que le budget prévisionnel de l'opération conventionnellement arrêté près d'un mois avant le début des travaux le 19 août 2013, était de ce montant, peu importe que cet estimatif ne renseigne pas l'ensemble des postes nécessaires, puisqu'il est de la responsabilité du maître d''uvre, lorsqu'il choisit d'établir un document estimatif, de le rendre le plus complet possible, sauf à y mettre des réserves, comme il l'a d'ailleurs fait ici quant à certains postes;

Il apparaît quoiqu'il en soit que ce montant a été dépassé comme en attestent les documents intitulés « Prévisionnel Chiffrage TEPPAN » transmis par le maître d''uvre le 10 octobre 2013 mentionnant des montants bien supérieurs (700 060,30 € HT, 725 112,80 € HT, et 744 947,60€ HT), et le récapitulatif du coût de l'opération dressé par le maître d'ouvrage mentionnant un coût global de 919 126,67 € HT;

Pour autant, il apparaît que la société TEPPAN ne s'est plainte pour la première fois du dépassement de ce budget que le 24 octobre 2013, soit bien après le début du chantier, sans en imputer à cette date la responsabilité au seul maître d''uvre ;

Il ressort de cet ensemble que l'appelante a manqué à son obligation d'assistance du maître d'ouvrage dans la passation des marché de travaux (AMT), lors de laquelle il lui revenait de l'assister afin que soient conclus les marchés correspondant au coût global annoncé le 18 juillet 2013, un mois seulement avant l'ouverture du chantier, mais n'a pas manqué à son obligation de ne pas dépasser l'enveloppe financière initiale, jamais fixée par le maître d'ouvrage que ce soit dans le contrat initial ou à l'issue des études préliminaires;

Cela induit qu'il ne peut revenir au maître d''uvre la responsabilité de ne pas avoir fixé d'enveloppe prévisionnelle, que seul le maître d'ouvrage devait arrêter, ni toute la responsabilité de la passation des marchés, puisque son rôle dans cette phase est un rôle d'assistance, le maitre d'ouvrage demeurant par nature libre de souscrire ou pas les marchés proposés, alors que le coût global de l'opération a dépassé de plus de 300 000 € HT le prévisionnel initial de son maître d''uvre sans qu'il s'en émeuve avant le 21 octobre 2013;

Quant au préjudice qui en est résulté, il ne peut correspondre à la différence arithmétique entre la première estimation fournie par le maître d''uvre et le coût total de l'opération, dès lors qu'il ne revient pas à ce dernier de financer les travaux profitant au seul maître d'ouvrage, qu'il a validés en conscience après s'être abstenu de communiquer à l'appelante ses limites financières comme l'y obligeait le contrat;

Il s'évalue en revanche à la perte d'une chance de voir son chantier réalisé conformément à la première estimation fournie, et doit être réparé par l'allocation de la somme de 15 000 € compte tenu de ce dépassement, de son importance, et de ce qu'il n'est pas justifié que le maître d''uvre ait alerté avant le 10 octobre 2013 son maître d'ouvrage de ce que le budget affecté à l'opération serait supérieur à celui estimé le 18 juillet 2013, lui offrant ainsi une chance supplémentaire de s'opposer aux dépenses en cause;

Le jugement entrepris sera réformé en conséquence;

Sur le dépassement du délai de réalisation des travaux :

La déclaration d'ouverture du chantier est intervenue le 19 août 2013, et la réception des travaux est intervenue le 11 juillet 2014;

Il résulte par ailleurs des clauses particulières ou générales du contrat souscrit que n'a été convenu aucun délai d'exécution des travaux;

Or, les clauses générales précisent qu'il appartenait là-encore au maître d'ouvrage de définir à la phase ESQ le délai d'exécution souhaité (articles 4.1.1 et 5.1);

Il est clair par ailleurs, comme évoqué ci-dessus, que la note d'intention à destination des banques, la lettre de la société Qualiconsult ou la police d'assurance Dommages ouvrage, ne permettent de contractualiser les délais qui y sont mentionnés, aucun de ces documents n'émanant du maitre d''uvre ou ne portant son visa;

Il en est de même du plan général de coordination de la société Qualiconsult, rien ne permettant d'opposer au maître d''uvre le contenu de ce document;

En outre, s'il incombait au maître d''uvre d'établir à la phase PCG un planning prévisionnel des travaux dont il ne justifie pas, il apparaît qu'il lui a été réclamé le 11 mars 2014, et qu'il en a fourni un en avril, comme en atteste le message électronique d'un des représentants de la société TEPPAN en date du 6 juillet 2014;

Il doit être relevé sur ce point que dans les échanges de messages électroniques (11 mars 2014, 30 juin 2014 et 6 juillet 2014) les représentants de la société intimée n'imputent pas le retard du chantier au maître d''uvre mais aux entreprises;

Dans ces conditions, il n'est pas établi que le chantier en cause devait avoir une durée de 2 à 3 mois, ni que le retard, à le supposer acquis, puisse être exclusivement imputé au maître d''uvre;

La demande à ce titre sera rejetée et le jugement entrepris réformé sur ce point;

Sur le manque de suivi des travaux:

Il apparaît que pour justifier de cette demande, la société intimée produit des attestations des entreprises intervenantes ainsi que le rapport de la société Qualiconsult;

Cependant, il apparaît que ces attestations émanent par nature de personnes financièrement liées au maître d'ouvrage, et, d'autre part, que le rapport de la société Qualiconsult ne peut à lui-seul établir la faute alléguée et le montant des travaux de réparation qu'elle a rendu nécessaire, en l'absence d'une expertise judiciaire contradictoire respectueuse des droits de chacun, qui n'a d'ailleurs jamais été sollicitée;

La demande à ce titre sera rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point;

Sur les demandes accessoires:

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande relatif au préjudice moral consécutif aux agissements du maître d''uvre, aucun préjudice distinct de celui indemnisé par la somme allouée ci-dessus n'apparaissant prouvé, alors par ailleurs que son ampleur, à supposer sa cause acquise, n'est pas établie dans la mesure alléguée;

La société TEPPAN, qui succombe, supportera les dépens d'appel, qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective;

L'équité et la situation économique des parties ne justifient pas le prononcé d'une condamnation par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe;

REFORME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN la somme de 294 818,70 € TTC en réparation du préjudice subi du fait du dépassement de budget et la somme de 24 500 € au titre des loyers payés au cours des mois de retard du chantier;

CONDAMNE la société Vincent COSTE Design Studio et Associés à payer à la société TEPPAN la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts;

LE CONFIRME pour le surplus;

REJETTE la demande de la société Vincent COSTE Design Studio et Associés au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

MET les dépens de la présente instance à la charge de la société TEPPAN, de Me [M] [F] en qualité de mandataire judiciaire de la société TEPPAN et de la société [D] et BERTHOLET en qualité d'administrateur de la société TEPPAN, et DIT qu'ils seront employés en frais privilégiés de la procédure collective;

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2023,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/18243
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;18.18243 ?
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