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16/02/2023 | FRANCE | N°18/04886

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 16 février 2023, 18/04886


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 18/04886 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCEKC







SA SWISS LIFE ASSURANCES

Société ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE DU LOTISSEMENT DU [Localité 12]





C/



[G] [W]

[D] [K] épouse [W]

SCA VEOLIA EAU - COMPAGNIE GENERALE DES EAUX DES EAUX



Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me

Agnès ERMENEUX



Me Christel THOMAS



Me Roselyne SIMON-THIBAUD





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 09 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 15/02906.





APPEL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 18/04886 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCEKC

SA SWISS LIFE ASSURANCES

Société ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE DU LOTISSEMENT DU [Localité 12]

C/

[G] [W]

[D] [K] épouse [W]

SCA VEOLIA EAU - COMPAGNIE GENERALE DES EAUX DES EAUX

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Agnès ERMENEUX

Me Christel THOMAS

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 09 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 15/02906.

APPELANTES

SA SWISS LIFE ASSURANCES

, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Alexia FARRUGGIO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Joseph CICCOLINI, avocat au barreau de NICE

L' ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE DU LOTISSEMENT DU [Localité 12]

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Alexia FARRUGGIO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Joseph CICCOLINI, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [G] [W]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 8], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Christel THOMAS, avocat au barreau de GRASSE

Madame [D] [K] épouse [W]

née le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 10], demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Christel THOMAS, avocat au barreau de GRASSE

SCA VEOLIA EAU - COMPAGNIE GENERALE DES EAUX

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Philippe MARIA de l'ASSOCIATION MARIA - RISTORI-MARIA, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Sandrine TURRIN, avocat au barreau de GRASSE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Novembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Monsieur Olivier ABRAM, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Février 2023, puis avisées par avis du 2 Février 2023 que la décision était prorogée au 16 Février 2023.

ARRÊT

EXPOSÉ DU LITIGE

Les époux [W] sont propriétaires d'une villa située [Adresse 6].

Suite à des fuites sur une canalisation circulant sous le chemin du [Localité 12], une inondation s'est produite le 7 septembre 2011, causant des dégâts dans le sous-sol de la maison des époux [W].

Le 19 septembre 2011, un constat d'huissier a été dressé sur les lieux par Maître [R], huissier de justice à [Localité 9], en présence de Monsieur [W] et de son conseil, de Monsieur [Z] [I], employé de la société VEOLIA EAU - COMPAGNIE GENERALE DES EAUX (VEOLIA), ainsi que de Monsieur [E] [Y], expert du cabinet CEEA, assistant de la société VEOLIA.

Par LRAR du 20 septembre 2011 (AR signé le 22 septembre 2011), le conseil des époux [W] a mis en demeure la société VEOLIA de prendre en charge le sinistre.

N'obtenant aucune réponse à leurs diverses LRAR du 8 novembre 2011, du 13 janvier 2012 et du 27 janvier 2012, les époux [W] ont saisi le Président du tribunal administratif de NICE par voie de requête du 20 février 2012, aux fins d'obtenir une expertise au contradictoire de la société VEOLIA.

Par ordonnance de référé du 10 avril 2012, le Président du tribunal administratif de NICE a désigné Monsieur [X] [T] en qualité d'expert.

Par requête du 10 juillet 2012, la société VEOLIA a sollicité que les opérations d'expertise soient déclarées communes à l'ASL DU [Localité 12], propriétaire de la voie privée cadastrée section [Cadastre 7] sous laquelle se situe la canalisation ayant rompu.

Par ordonnance de référé du 20 août 2012, les opérations d'expertise ont été déclarées communes à l'ASL du lotissement du [Localité 12] (ASL).

L'expert a déposé son rapport le 2 mars 2013.

Par jugement du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Nice s'est déclaré incompétent pour connaître de la requête des époux [W] tendant principalement à voir condamner la société VEOLIA à leur verser diverses sommes en réparation de leurs préjudices résultant de la rupture de la canalisation d'eau intervenue le 7 septembre 2011, le tribunal ayant retenu que nonobstant l'absence de compteur général à l'entrée du lotissement, la canalisation litigieuse constituait le branchement particulier de l'immeuble appartenant aux époux [W] et du lotissement dont il fait partie et assurant son raccordement au réseau public d'alimentation en eau potable de la commune de [Localité 11], dont l'exploitation a été déléguée à la société VEOLIA, de sorte que seule la juridiction judiciaire était compétente pour statuer s'agissant de la rupture de ce branchement particulier.

Par acte du 20 mai 2015, les époux [W] ont fait assigner l'ASL du lotissement du [Localité 12] et la société VEOLIA devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2016 à effet différé au 18 septembre 2017.

Par jugement contradictoire du 9 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Grasse a:

- reçu la société SWISSLIFE ASSURANCE, prise en sa qualité d'assureur de l'ASL DU [Localité 12] , en son intervention volontaire,

- écarté des débats les conclusions et pièces notifiées par les époux [W] le 13 septembre 2017,

- condamné l'ASL DU [Localité 12] à payer à Monsieur [W] et à Madame [K] les sommes de:

25 000 euros au titre des préjudices matériel et mobilier consécutifs au sinistre de 2011,

8 000 euros au titre du préjudice de jouissance pour la période allant de septembre 2011 à février 2013 (16 mois),

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

le tout avec exécution provisoire,

- débouté les époux [W] de leur demande en paiement de la somme de 3 870,91 euros au titre des frais d'expertise.

Par déclaration reçue au greffe le 18 mars 2018, la SA SWISS LIFE ASSURANCES et l'ASL DU [Localité 12] ont interjeté appel du jugement en ce que le premier juge a:

- condamné l'ASL DU [Localité 12] à payer à Monsieur [G] [W] et Madame [D] [K] épouse [W]:

la somme de 25 000 euros au titre des préjudices matériel et mobilier subis en raison de la rupture de canalisation en 2011,

la somme de 8 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi en raison de la rupture de la canalisation en 2011,

une indemnité de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'ASL DU [Localité 12] au paiement des entiers dépens, distraits au profit de Maître Christel THOMAS et de Maître Philippe MARIA,

- ordonné l'exécution provisoire sur le tout,

en précisant que l'appel tend également à la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de l'ASL DU [Localité 12] et de la société SWISS LIFE aux fins de condamnation de Monsieur [G] [W] et Madame [D] [K] épouse [W] ou tous succombants à leur verser la somme de 3 000 euros du chef des frais irrépétibles et leur moyen relatif à la responsabilité des époux [W] à hauteur de 30 % en raison de l'absence d'entretien de l'exutoire servant à la récupération des eaux.

Pour mémoire, la cour rappelle que par arrêt du 23 novembre 2022, les conclusions notifiées par Monsieur [W] et Madame [K] le 20 octobre 2022 ainsi que les pièces

n° 32 et 33 notifiées le même jour ont été écartées des débats, et qu'il a été précisé que la cour statuera au fond sur les conclusions notifiées par Monsieur [W] et Madame [K] le 1er février 2019, avec bordereau annexé des pièces numérotées 1 à 31, et sur les conclusions notifiées par les appelantes le 08 juin 2018, et celles de la société VEOLIA notifiées par le RPVA le 19 avril 2019.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 8 juin 2018, les appelantes demandent à la cour:

Vu l'article 1382 ancien, ensemble l'article 1240 du code civil,

Vu le rapport [T],

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de

la société SWISS LIFE ASSURANCES,

Pour le surplus,

Recevoir les concluantes en leur appel, et les y déclarant fondées,

Réformer ledit jugement, et statuant à nouveau,

Constater, dire et juger que l'Association du [Localité 12] n'est aucunement responsable de la survenance du dommage,

Débouter les époux [W] de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de

l'ASL du [Localité 12] et de la compagnie SWISS LIFE ASSURANCES,

Subsidiairement, au cas où par impossible le principe de la responsabilité de l'ASL serait

retenu par la Cour,

Condamner la société VEOLIA à relever et garantir indemne de toute condamnation l'ASL

du [Localité 12],

Dire et juger que les époux [W] devront conserver à leur charge 30 % du coût de la

réparation du dommage résultant de la première fuite,

Condamner la société VEOLIA et les époux [W] au paiement d'une somme de 4 000

euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées par le 1er février 2019, les époux [W], intimés, demandent à la cour:

Vu l'article 1384 du code civil recodifié à l'article 1242 du code civil,

Vu le jugement du tribunal administratif du 3 mars 2015,

DECLARER recevables Monsieur [W] et [V] [K] en leur appel incident,

CONFIRMER le jugement déféré en ce que le premier juge a dit que le préjudice subi par les époux [W] a été causé par la rupture répétée des canalisations dont a la charge la société

VEOLIA et qui sont situées sur la propriété de l'ASL du [Localité 12] et en ce qu'il a condamné l'ASL du [Localité 12] à leur verser la somme de 25 000 euros en réparation de leur préjudice matériel,

REFORMER le jugement déféré:

- en ce qu'il a limité le montant de l'indemnisation versée au titre de la réparation du préjudice de jouissance à la somme de 8 000 euros,

- en ce qu'il a débouté Monsieur [W] et Madame [K] de leur demande d'indemnisation à hauteur de 3 870,91 euros au titre des frais d'expertise,

- en ce qu'il a rejeté les conclusions et pièces notifiées par Monsieur [W] et Madame [K] le 13 septembre 2017 et n'a donc pas statué sur les demandes d'indemnisation consécutives au sinistre de 2017,

Statuant de nouveau,

CONDAMNER solidairement l'ASL du [Localité 12] et la société VEOLIA à leur verser:

* la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

* la somme de 3 870,91 euros à titre d'indemnisation pour les frais d'expertise dont ils ont fait l'avance,

* la somme de 1 764 euros en remboursement des frais d'évacuation des biens endommagés,

* la somme de 20 200 euros en réparation des travaux de réfection réalisés pour la remise en état de leur bien,

* la somme de 14 130 euros en réparation de leur préjudice lié à la perte de leurs meubles,

* la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

* la somme de 895,78 euros en remboursement du coût des procès-verbaux de constat de l'huissier de justice,

* la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christel THOMAS sous sa due affirmation de droit.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 19 avril 2019, la société VEOLIA, intimée, demande à la cour:

Liminairement,

Vu les articles 4, 16 et 564 du code de procédure civile,

Dire et juger les demandes formées en cause d'appel par les époux [W] au titre d'un sinistre qui serait survenu le 8 juillet 2017 irrecevables comme étant nouvelles,

Sur le fond,

Vu les articles 1315 ancien et 1384 du code civil,

Confirmer le jugement déféré en ce que le premier juge a retenu la responsabilité de l'ASL DU [Localité 12] quant au sinistre subi par les époux [W],

Dire et juger en tout état de cause l'ASL [Localité 12], la compagnie SWISS LIFE ASSURANCE et les époux [W] irrecevables et infondés en leurs demandes en cause d'appel,

En conséquence, les en débouter,

Subsidiairement, si la responsabilité de la société VEOLIA EAU- CGE était retenue, réformer la décision entreprise en ce qu'elle a octroyé aux époux [W] une somme de 33 000 euros en principal,

Statuant à nouveau,

Dire et juger que le quantum réel du préjudice subi par les époux [W] ne peut être évalué à une somme supérieure à 10 000 euros,

Pour le surplus, confirmer la décision entreprise,

Condamner conjointement et solidairement l'ASL DU [Localité 12], la société SWISS LIFE ASSURANCE et les époux [W] à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamner en outre au paiement des entiers dépens, en ce compris les dépens de première instance, ceux d'appel étant distraits au profit de Maître Roselyne SIMON- THIBAUD (membre de la SCP BADIE-SIMON-THIBAUD -JUSTON), avocat aux offres de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 octobre 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, il y a lieu à confirmation du jugement entrepris en ce que:

- l'intervention volontaire de la société SWISSLIFE, prise en sa qualité d'assureur de L'ASL du lotissement du [Localité 12], a été déclarée recevable,

- les conclusions et pièces notifiées par les époux [W] le 13 septembre 2017 ont été écartées des débats par le premier juge pour non respect du principe de la contradiction puisqu'elles ont été notifiées 5 jours avant la clôture différée au 18 septembre 2017 par ordonnance du 21 octobre 2016, le premier juge ayant exactement relevé que compte tenu de ce calendrier, les notifications faites le 13 septembre 2017 étaient tardives et laissaient trop peu de temps aux défendeurs pour répondre utilement avant la clôture de la procédure.

Sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau en appel de la demande d'indemnisation relative à un deuxième sinistre survenu le 8 juillet 2017

En vertu de l'article 564 du code de procédure civile: 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

En première instance, les époux [W] ont fait notifier des conclusions par le RPVA le 13 septembre 2017 par lesquelles ils ont ajouté à leurs demandes initiales, une demande d'indemnisation d'une rupture de canalisation survenue en 2017 (deuxième sinistre) mais ces conclusions et les pièces s'y rapportant ont été écartées des débats par le premier juge, pour les raisons susvisées.

Dans leurs écritures notifiées par le RPVA le 1er février 2019, les époux [W] demandent à la cour la réformation du jugement entrepris en ce que le premier juge a rejeté leurs conclusions et pièces notifiées le 13 septembre 2017 et n'a donc pas statué sur leurs demandes d'indemnisation consécutives au sinistre de 2017 et ils formulent des demandes d'indemnisation incluant ce deuxième sinistre.

L'intimée VEOLIA soulève l'irrecevabilité des demandes formées en cause d'appel par les époux [W] au titre d'un sinistre qui serait survenu le 8 juillet 2017 comme étant nouvelles.

Contrairement à ce que soutiennent les époux [W], le deuxième sinistre dont ils sollicitent l'indemnisation est survenu le 8 juillet 2017, soit plus de deux mois avant la clôture différée de la procédure devant le premier juge fixée au 18 septembre 2017, de sorte qu'ils ne sont pas fondés à se prévaloir de la révélation d'un fait nouveau survenu postérieurement à la clôture de la procédure en première instance, et pas davantage depuis le jugement entrepris.

Il s'ensuit que leurs demandes au titre de ce deuxième sinistre survenu le 8 juillet 2017 doivent être déclarées irrecevables.

Sur les sinistres survenus en 2011, les responsabilités et les recours

Il résulte des constatations, des investigations et des conclusions de l'expert:

- que deux fuites ont pu être mises en évidence:

* la première fuite est consécutive à une rupture d'étanchéité juste en amont du compteur qui a duré vraisemblablement plusieurs mois et qui est imputable à la forme de la gaine d'amont en aval qui a canalisé l'eau.

Selon l'expert, normalement l'eau doit être amenée par le tuyau depuis le compteur jusqu'à la maison, mais cette fuite résulte de la conception même du doublage du tuyau VS gaine vers la maison de sorte que les dégâts qu'elle a entraîné ne sont pas imputables à VEOLIA, même si cette dernière est responsable de la fuite qu'elle a réparée, puisque l'eau aurait dû normalement s'infiltrer dans le sol autour du compteur et non couler sur plusieurs mètres vers le haut d'un placard (page 25);

Selon l'expert, cette première fuite n'est pas imputable à VEOLIA, mais à un défaut du système double gaine (page 29);

* pour la deuxième fuite survenue le 8 septembre 2011, il y a eu une rupture de canalisation imputable à VEOLIA qui a entraîné une fuite de près de 37 500 litres d'eau.

La cause de l'inondation des sous-sols de la maison des époux [W] est essentiellement dûe à la grande quantité d'eau qui a dévalé la pente menant vers le garage et qui n'a pas pu s'évacuer normalement; la moitié de la quantité d'eau a été canalisée par les avaloirs, mais les investigations effectuées à l'aide d'une caméra ont montré que l'exécutoire situé sous la maison était bouché, de sorte que l'eau n'a pas pu s'évacuer et a rempli tout le sous-sol de la villa à hauteur d'environ 30 centimètres, causant des dégâts aux revêtements au sol, à la peinture en bas des murs et aux meubles et appareillages se trouvant dans les pièces du sous-sol (pages 26 et 27).

Selon l'expert:

- l'ensemble des éléments recueillis indique que la fuite a eu lieu à environ 150 cms de profondeur, il n'a pas été relevé de traces de passage de gros engins sur les lieux, la fuite a eu lieu sur une section rectiligne sans jonction de sorte qu'il n'y a pas eu de torsion de la conduite, ni de rupture de joint ou de jonction, la fuite n'a pas eu lieu temporellement après des travaux ou après des événements climatiques,

- la cause de la fuite est due soit à un défaut de mise en place de la canalisation (110), soit à un défaut fragile de la canalisation à l'endroit de la fuite, entièrement imputable à VEOLIA,

- les avaloirs du chemin du [Localité 12] sont correctement dimensionnés comme l'ont montré les divers essais effectués au contradictoire de toutes les parties, de sorte que la responsabilité de l'ASL ne peut être mise en cause; en effet, la lame d'eau de la fuite correspond à une quantité anormale d'eau que peut recevoir un avaloir (une très grosse pluie 600 litres en 10 mns soit 4800 litres par heure, alors que la fuite correspond à 39 000 litres en 45 mns soit 52 000 litres heure, c'est à dire 10 fois plus); en l'espèce une partie de l'eau est arrivée à passer au-dessus des avaloirs et l'exutoire a été rapidement dans l'impossibilité d'évacuer l'eau en raison du fait qu'il était bouché, de sorte que l'expert propose un partage de responsabilité à hauteur de 70 % pour VEOLIA et de 30 % pour les époux [W] (page 29) en précisant que sur le plan technique la responsabilité de l'ASL n'est pas à retenir et qu'il n'est pas de sa compétence de dire le droit (page 38).

Les époux [W] recherchent la responsabilité de l'ASL et de VEOLIA sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er devenu 1242 du code civil.

En vertu de l'article 1384 alinéa 1er (devenu 1242) du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige: 'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde'.

Le principe de cette responsabilité de plein droit du fait des choses inanimées trouve son fondement dans la notion de garde, indépendamment du caractère intrinsèque de la chose ou de toute faute personnelle du gardien.

Et, le vice inhérent à la chose qui a causé le dommage ne constitue pas, au regard de celui qui exerce sur cette chose les pouvoirs de direction, de contrôle et d'usage corrélatifs à l'obligation de garde, un cas fortuit ou de force majeure de nature à l'exonérer de sa responsabilité envers les tiers.

En vertu du contrat de délégation portant règlement du service de l'eau sur la commune de [Localité 11], dont il n'est pas contesté qu'il s'applique à la canalisation litigieuse, il est notamment stipulé:

article 4-4 L'entretien

'Le distributeur d'eau prend à sa charge les frais d'entretien, de réparations et les dommages pouvant résulter de l'existence de la partie publique du branchement.

En revanche, les frais de déplacement ou de modification du branchement effectués à la demande du propriétaire ou du syndicat des copropriétaires sont à sa charge (...)

Le propriétaire ou le syndicat des copropriétaires est chargé de la garde et de la surveillance de la partie du branchement située en domaine privé (compteur compris).

De ce fait, il est responsable des dommages, notamment aux tiers, résultant d'un sinistre survenant en domaine privé lié à un défaut de garde ou de surveillance.

Néanmoins, sa responsabilité ne pourra être recherchée si la cause du sinistre est liée à une faute du distributeur d'eau' (pièce 5 de VEOLIA).

Et, les statuts de l'ASL du lotissement du [Localité 12] du 13 novembre 1990 enregistrés le 8 novembre 1991 stipulent notamment à l'article 3 intitulé objet: 'l'ASL a pour objet l'acquisition, la gestion et l'entretien des terrains et équipements communs à tous les propriétaires du lotissement et compris dans son périmètre, notamment voies, espaces verts, canalisations et réseaux, ouvrages ou constructions nécessaires au fonctionnement et à l'utilisation de ceux-ci.....' (pièce 9 de VEOLIA).

Alors qu'en l'espèce, il résulte des pièces susvisées, des plans et du relevé de propriété fournis par VEOLIA (pièces 1 à 3 VEOLIA), des éléments recueillis par l'expert (page 32 du rapport et des indications du juge administratif (pièce 19 des époux [W]) que la canalisation litigieuse chemine sous la voie privée cadastrée section [Cadastre 7] située sur le terrain propriété de l'ASL, cette dernière est donc gardienne de la canalisation ayant rompu et elle responsable de plein droit des conséquences du sinistre dont les époux [W] ont été victimes, comme l'a exactement estimé le premier juge.

En revanche, en l'état des constatations et des conclusions de l'expert qui ne sont contredites par aucun élément contraire émanant d'un technicien reconnu pour son expertise, l'ASL du lotissement du [Localité 12] est fondée à être relevée et garantie par la société VEOLIA, puisqu'il est établi que la cause du sinistre résulte soit d'un défaut de mise en place de la canalisation, soit d'une fragilité de la canalisation à l'endroit de la fuite, entièrement imputable à VEOLIA.

Et, s'il est exact que l'expert a relevé l'existence d'un défaut de conception du système double gaine et un défaut d'entretien de l'exutoire située sous la maison des époux [W] ayant contribué à aggraver les conséquences du sinistre, il convient de tenir compte des photographies produites et annexées au constat d'huissier du 19 septembre 2011 (pièces 2, 22 et 24), ainsi que de la violence de la rupture de la canalisation qui a entraîné une fuite en quantité très importante (39 000 litres d'eau ayant dévalé la pente en 45 mns soit 52 000 litres heure), soit 10 fois plus que ce que pouvaient supporter les avaloirs et exécutoires disposés sur le chemin du valon des Cistes et dans la propriété des époux [W], de sorte que les recours formés par les appelants et par la société VEOLIA à leur encontre ne sont fondés que dans la limite de 15 % du montant des indemnisations qu'il convient à présent d'examiner.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici partiellement infirmé.

Sur l'indemnisation

Pour mémoire, les demandes d'indemnisation relatives au sinistre de 2017 ayant été déclarées irrecevables, il n'y a pas lieu de statuer sur les postes de préjudices concernant ce sinistre (soit 1764 euros en remboursement des frais d'évacuation des biens endommagés, 20 200 euros au titre des travaux de réfection et 14 130 euros au titre de la perte des meubles).

Les appelantes ne critiquent pas l'évaluation des dommages faite par l'expert et retenue par le premier juge pour le sinistre de 2011, sauf à déduire les sommes afférentes à leur recours.

La société VEOLIA critique certains postes de préjudices, tandis que les époux [W] sollicitent la confirmation du jugement s'agissant de leur préjudice matériel, mais son infirmation sur le quantum du préjudice de jouissance et sur les dommages et intérêts réclamés au titre des frais d'expertise avancés par eux. Et, ils formulent en appel une demande de réparation de leur préjudice moral.

Pour mémoire, les demandes d'indemnisation relatives au sinistre de 2017 ont été déclarées irrecevables, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les postes de préjudices concernant ce sinistre

Préjudice matériel:

En l'absence de critique sérieuse concernant le montant des travaux de nature à remédier aux désordres chiffrés par l'expert à partir des devis DIMITRI et TRENOUX, il convient d'entériner ce chiffrage à hauteur de 20 000 euros.

Et, si VEOLIA fait remarquer que les dégâts causés au mobilier ont été chiffrés sur la base des indications fournies par les époux [W], il convient de relever que l'expert a appliqué une décôte sur les devis et facture présentés par Monsieur [W] puisqu'il a ramené l'évaluation proposée par ce dernier de 7 872 euros à 5 000 euros.

Compte tenu des photographies produites, il convient de retenir ce montant.

En l'état du recours admis pour les raisons susvisées, il y a lieu d'allouer aux époux [W] la somme de 21 750 euros selon le calcul suivant:

25 000 X 15/ 100 = 3750

25 000 - 3750 = 21 250.

L'ASL du lotissement du [Localité 12] et la société VEOLIA ayant chacune concouru à la réalisation du sinistre, elles doivent être condamnées in solidum à régler cette somme aux époux [W].

En conséquence, le jugement déféré doit être ici infirmé.

Préjudice de jouissance:

Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, les époux [W] justifient en appel avoir fait réaliser les travaux suivant les devis retenus par l'expert, dans un délai de deux mois après le dépôt du rapport de ce dernier, de sorte que leur préjudice de jouissance doit justement être évalué à hauteur de 10 000 euros pour la période allant de septembre 2011 à juillet 2013, étant observé que les parties ne critiquent pas le montant de 500 euros par mois proposé par l'expert comme base de calcul pour le préjudice de jouissance, compte tenu des locaux endommagés (sous sol avec parties habitables chambres).

En l'état du recours admis pour les raisons susvisées, il y a lieu d'allouer aux époux [W] la somme de 8 500 euros selon le calcul suivant:

10 000 X 15/ 100 = 1 500

10 000 - 1 500 = 8 500.

L'ASL du lotissement du [Localité 12] et la société VEOLIA ayant chacune concouru à la réalisation du sinistre, elles doivent être condamnées in solidum à régler cette somme aux époux [W].

En conséquence, le jugement déféré doit être ici infirmé.

Frais d'expertise:

S'il est exact que les frais d'expertise ont été mis à la charge définitive des époux [W] par la juridiction administrative, ces derniers font exactement valoir:

- que c'est parce qu'ils ont succombé devant cette juridiction qui s'est déclarée incompétente, - qu'ils sont 'victimes' du sinistre, de sorte qu'ils sont fondés à obtenir une indemnisation en remboursement de ces frais qu'ils ont été condamnés à payer.

En l'état du recours admis pour les raisons susvisées, il y a lieu d'allouer aux époux [W] la somme de 3 290,28 euros selon le calcul suivant:

3870,91 X 15/ 100 = 580,63

3870,91 - 580,63 = 3 290,28 euros.

L'ASL du lotissement du [Localité 12] et la société VEOLIA ayant chacune concouru à la réalisation du sinistre, elles doivent être condamnées in solidum à régler cette somme aux époux [W].

En conséquence, le jugement déféré doit être ici infirmé.

Préjudice moral:

Les pièces produites par les époux [W] n'établissent nullement qu'ils ont subi un préjudice moral, distinct des préjudices déjà indemnisés ci-dessus, étant rappelé qu'il ne peut être tenu compte de la répétition des inondations invoquées, puisque leurs demandes d'indemnisation relatives au sinistre de 2017 ont été déclarées irrecevables.

Cette demande doit donc être rejetée.

Frais de constat d'huissier:

Cette demande doit être prise en compte dans les frais irrépétibles tels que prévus par l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, le jugement déféré doit être ici infirmé.

Succombant principalement, la société VEOLIA doit être condamnée seule à payer aux époux [W] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'engager en première instance et en appel, incluant les frais de constat d'huissier, outre une indemnité de 2 000 euros à la SA SWISS LIFE ASSURANCES et à l'ASL DU [Localité 12], prises ensemble.

Et, la société VEOLIA doit également être condamnée seule aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,  

CONFIRME partiellement le jugement entrepris en ce que le premier juge a:

- reçu la société SWISSLIFE ASSURANCE, prise en sa qualité d'assureur de l'ASL DU [Localité 12] , en son intervention volontaire,

- écarté des débats les conclusions et pièces notifiées par les époux [W] le 13 septembre 2017,

LE REFORME pour le surplus,

Et, STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT, 

Déclare irrecevables les demandes d'indemnisation relatives au sinistre de 2017 formées par les époux [W],

Dit que la responsabilité de l'ASL du lotissement du [Localité 12] est engagée dans la survenance du sinistre des 7 et 8 septembre 2011, en sa qualité de gardienne de la canalisation d'eau ayant rompu,

Fait partiellement droit aux recours formés par l'ASL du lotissement du [Localité 12], par la SA SWISS LIFE ASSURANCES et par la société VEOLIA,

Dit que l'ASL du lotissement du [Localité 12] et son assureur seront entièrement relevés et garantis du paiement des condamnations mises à leur charge par la société VEOLIA EAU COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à hauteur de 85% et par les époux [W] à hauteur de 15%,

Condamne in solidum l'ASL du lotissement du [Localité 12] et la société VEOLIA EAU COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à régler à Monsieur [G] [W] et à Madame [D] [K] épouse [W], pris ensemble, les sommes suivantes:

* 21 750 euros au titre du préjudice matériel,

* 8 500 euros au titre du préjudice de jouissance,

* 3 290, 28 euros au titre des frais d'expertise,

Rejette les autres demandes d'indemnisation,

Condamne la société VEOLIA EAU COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à régler aux époux [W] une indemnité de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la société VEOLIA EAU COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à régler à l'ASL DU [Localité 12] et à la SA SWISS LIFE ASSURANCES, prises ensemble, une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Rejette les autres demandes au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE la société VEOLIA EAU COMPAGNIE GENERALE DES EAUX aux entiers dépens d'appel et en ordonne la distraction.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2023,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/04886
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;18.04886 ?
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