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10/02/2023 | FRANCE | N°22/04899

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 10 février 2023, 22/04899


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND

(RENVOI APRES CASSATION)



DU 10 FEVRIER 2023



N°2023/ 25





N° RG 22/04899

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJFJD







[F] [T]





C/



SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY









Copie exécutoire délivrée

le 10 Février 2023



à :



- Me Stéphane TEYSSIER,

avocat au barreau de LYON



- Me Sandra JUSTON, avocat au barre

au d'AIX-EN-PROVENCE

Vest 145







Décisions déférées à la Cour :



Ordonnance du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 27 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00219

Arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Pr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

(RENVOI APRES CASSATION)

DU 10 FEVRIER 2023

N°2023/ 25

N° RG 22/04899

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJFJD

[F] [T]

C/

SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY

Copie exécutoire délivrée

le 10 Février 2023

à :

- Me Stéphane TEYSSIER,

avocat au barreau de LYON

- Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Vest 145

Décisions déférées à la Cour :

Ordonnance du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 27 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00219

Arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 28 mai 2020

Arrêt de la Cour de Cassation du 2 Février 2022

APPELANTE

Madame [F] [T], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sébastien-pierre TOMI, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 10 Février 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Février 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [F] [T] était engagée le 12 septembre 2014 en qualité d'agent de services de sécurité incendie, statut agent d'exploitation, niveau 4 échelon 2 par la SAS Fiducial Private Security par contrat à durée indéterminée. La convention collective nationale applicable était celle des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 1er janvier 2017, la salariée était promue au poste d'agent de sécurité chef de poste avec la mission de « responsable d'activité INBS sur le site DCNS/Naval Group de [Localité 3] » en tant qu'agent de maîtrise, niveau I, échelon1, coefficient 185 avec le bénéfice d'une prime de 120 € par mois en vertu des dispositions de la convention collective.

Au dernier état de la relation contractuelle, la salariée bénéficiait d'une rémunération mensuelle brute de base fixée à la somme de 2.098,26 €.

Suite à des doléances émanant de l'équipe supervisée par la salariée et à des alertes de la médecine du travail et de l'inspection du travail, Mme [T] était convoquée le 25 janvier 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 6 février 2018 avec mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 5 mars 2018 renouvelé le 9 avril 2018, la société notifiait à la salariée une proposition de rétrogradation refusée par la salariée.

La salariée était convoquée le 27 avril 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 14 mai 2018. Le comité d'établissement de la région émettait un avis défavorable et l'autorisation de licenciement était refusée par les services de l'inspection du travail, décision confirmée le 24 janvier 2019 par le ministère des armées.

La salariée, placée en arrêt maladie depuis le 26 janvier 2018, reprenait son travail sur un poste d'agent des services de sécurité incendie à compter du 2 juillet 2018 et la société la mettait en demeure de prendre position sur la proposition de rétrogradation.

Mme [T] saisissait en référé le 17 octobre 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de voir constater le trouble manifestement illicite et que soit ordonnée sous astreinte sa réintégration sur son poste de responsable INBS sur le site de DCNS de Toulon et la condamnation de la société à une indemnité provisionnelle pour exécution fautive du contrat de travail ainsi que des rappels de salaire et de prime.

Par ordonnance de référé du 27 février 2019 le conseil de prud'hommes de Toulon statuait comme suit :

« Dit qu'il y a non-lieu à référé pour excès des pouvoirs du référé, en ce qui concerne la demande de réintégration de Madame [F] [T], de trouble manifeste, de la provision de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, de la provision au titre de rappel de salaire suite à la mise à pied.

Ordonne à la SAS Fiducial Private Security, en personne de son représentant légal, de payer à Madame [F] [T] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS Fiducial Private Security, en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens.

Déboute Ies parties de toute autre demande tant principale que reconventionnelle ».

Le conseil de Mme [T] interjetait appel 22 mars 2019 de cette décision.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence rendait le 28 mai 2020, l'arrêt suivant :

« Infrme l'ordonnance du conseil de prudhommes de Toulon du 27 février 2019 et statuant à nouveau :

Constate 1' existence d'un troublemanifestement excessif et retient la compétence de la formation de référé du conseil de prud'hommes pour le faire cesser ;

Rejette néanmoins la demande de réintégration ;

Condamne la société Fiducial private security à payer à Mme [F] [T] les provisions suivantes :

- 10.000 € à valoir sur la réparation de son préjudice résultant de sa rétrogradation irrégulière,

- 3.360 € au titre de ses primes de fonction ;

Condamne la société Fiducial private security à payer à Mme [F] [T] 3 000 € en application de 1'article 700 du code de procedure civile ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire ; »

Mme [T] formait un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision et la société un pourvoi incident pour les sommes mises à sa charge par l'arrêt.

Le conseil des prud'hommes de Toulon, saisi au fond par la salariée aux motifs de la violation du statut protecteur et en discrimination syndicale et paiement de diverses sommes, ordonnait le 29 juin 2021, un sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de cassation.

Par arrêt du 22 février 2022, la Cour de cassation a statué ainsi :

« Rejette le pourvoi incident de la société Fiducial Private Sécurity ;

Casse et annule mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de Mme [T] en réintégration et en paiement d'une provision à valoir sur le rappel de salaire pour la période du 25 janvier au 30 juin 2018 durant la mise à pied conservatoire, l'arrêt rendu le 28 mai 2020 entre les parties, par la cour d'appel d'Aix en Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Fiducial Private Sécurity aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fiducial Private Sécurity et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3000 €».

Par déclaration notifiée par voie électronique le 1er avril 2022 , le conseil de Mme [T] a saisi la cour de renvoi.

L'affaire a été fixée pour plaidoiries à l'audience du 8 novembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 novembre 2022, Mme [T] demande à la cour de :

« Infirmer les chefs de l'ordonnance des référés du Conseil de Prud'hommes de Toulon ayant débouté Madame [T] de ses demandes :

- d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions

- de voir condamner la société Fiducial Private Security à lui verser une provision à titre de rappel de salaire suite à sa mise à pied

Statuer à nouveau sur ces chefs de l'ordonnance,

Constater le trouble manifestement illicite résultant de la rétrogradation de la salariée.

Constater le trouble manifestement illicite résultant du refus persistant de réintégrer la salariée dans ses fonctions de responsable

Rejeter la fin de non-recevoir opposée par la Société Fiducial Private Security

Dire et Juger recevable la demande provisionnelle formulée par Mme [T] au titre de la perte de chance de pouvoir être réintégrée sur son poste de responsable de site en raison de la perte du marché Naval groupe par Fiducial Private Security en cours de procédure.

Condamner la SAS Fiducial Private Security à verser à Madame [F] [T] la somme provisionnelle de 55 000 € au titre de la perte d'une chance de pouvoir être réintégrée sur son poste et dans ses fonctions de responsable INBS.

Condamner la SAS Fiducial Private Security à verser à Madame [F] [T] la somme 11 382 euros à titre de rappel de salaire du 25 janvier 2018 au 30 juin 2018 au titre de la mise à pied injustifiée.

Condamner la SAS Fiducial Private Security à verser à Madame [T] une indemnité de procédure de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel.

Condamner la SAS Fiducial Private Security aux entiers dépens de l'instance. »

Dans ses dernières écritures communiquées par voie électronique le 2 novembre 2022, la SAS Fiducial Private Security demande à la cour de :

« Sur la demande de réintégration :

Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Constater l'absence d'urgence,

Constater l'absence de dommage imminent et de trouble manifestement illicites,

Constater que les conditions de saisine de la formation de référé ne sont pas réunies,

Se déclarer, en conséquence, incompétente pour statuer sur les demandes de Mme [T],

Renvoyer cette demiére à mieux se pourvoir devant la juridiction compétente,

Débouter, en conséquence l'intéressée de l'intégralité de ses demandes,

Constater que la réintégration de Mme [T] sur le poste de Responsable d'activité sur le site de l'INBS NAVAL GROUP de l'Arsenal de [Localité 3] est matériellement impossible, dés l'instant où la société Fiducial Private Security n'est plus l'employeur de Mme [T], et n'est, en tout état de cause, plus allocataire du marché du site Naval Group de [Localité 3],

Sur la demande nouvelle de dommages et intérêts pour perte de chance d'être transférée sur le poste de chef de poste sur l'INBS, la discrimination syndicale et la violation du statut protecteur:

A titre principal : Prononce l'irrecevabilité de cette demande nouvelle,

A titre subsidiaire : Déboute l'intéressée de la réclamation qu'elle formule à ce titre,

Sur la demande de rappel de salaire correspondant à la mise à pied à titre conservatoire :

Constater que Mme [T] a été placée en situation d'arrét de travail pour la période correspondant à la mise a pied à titre conservatoire,

Prendre acte que la société Fiducial Private Security consent à régulariser à Mme [T] la somme de 11.382 € 21 titre de rappel de salaire pour la période allant du 25 janvier 2018 au 30 juin 2018, et correspondant à la mise à pied conservatoire qui avait été notifiée à l'intéressée,

Prononcer, en tant que de besoin, la mise hors de cause de la société Fiducial Private Security dans le cadre de la demande que la requérante formule à ce titre.

En tout état de cause :

Condamner Mme [T] à verser à la société Fiducial Private Security la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la même aux entiers dépens de l'instance.»

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la réintégration

Mme [T] soutient que le refus de sa réintégration sur le poste de chef de poste de l'INBS du site Naval Group de [Localité 3] constitue un trouble manifestement illicite, qu'elle a toujours eu le statut de salarié protégé qu'elle a toujours refusé la modification de son contrat de travail pris en violation de son statut protecteur et qu'elle n'a pas non plus accepté sa rétrogradation à un poste d'agent de sécurité incendie alors qu'elle était responsable de site.

Elle indique que les contestations sérieuses soulevées par l'employeur ne sauraient faire échec à la compétence du juge des référés de mettre fin au trouble manifestement illicite résultant de la violation du statut protecteur de la salariée, qu'en présence d'un trouble manifestement illicite la condition d'urgence n'a pas être constatée par la formation des référés et que la société ne saurait remettre en cause l'autorité de la chose du jugée en invoquant un prétendu trouble social qui ne repose que sur les motifs jugés injustifiés par deux décisions administratives de l'inspection du travail et du ministre des armées.

La société objecte que la salariée ne justifie d'aucun trouble manifestement illicite dans la mesure où elle est elle-même à l'origine de la situation qu'elle dénonce, que c'est la salariée qui a pris l'initiative de reprendre un poste d'ASSI et qu'au jour où les premiers juges et les juges d'appel ont statué, l'intimée avait régularisé au bénéfice de la salariée des propositions de postes équivalents.

Elle indique au surplus que Mme [T] ne justifie d'aucune urgence, qu'il existe une contestation sérieuse s'opposant à ses demandes en raison du climat social dégradé et qu'elle n'est plus l'employeur de la salariée, la société Securitas étant désormais allocataire du marché de prévention de sécurité du site Naval Group de [Localité 3] .

La cour constate que le pourvoi incident de la société Fiducial Private security pris en ses deux moyens sur l'existence d'un trouble manifestement excessif et sur la compétence de la formation de référé du conseil de prud'hommes ainsi que sur l'indemnité résultant de la rétrogradation irrégulière et les primes de fonction a été rejeté, de sorte que la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est définitive sur ces points.

Accueillant le premier moyen de cassation soulevé par la salariée et relevant que la modification du contrat de travail ou des conditions de travail d'un salarié protégé imposé sans son accord lui ouvrent droit à sa réintégration dans son poste et que ce n'est qu'au cas où l'entreprise a disparu, ou en cas d'impossibilité de réintégration que l'employeur est libéré de son obligation, la Haute Cour a considéré au visa des articles L.1221-1 du code du travail et L.2411-1 du même code dans sa rédaction applicable en la cause et des articles 1103 et 1104 du Code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que la cour d'appel d'Aix en Provence n'avait pas caractérisé l'impossibilité pour l'employeur de réintégrer la salariée dans son emploi ou à défaut dans un emploi équivalent en violation des textes susvisés.

En l'état de la décision de la Haute Cour la réintégration de la salariée sur son poste de responsable de site INBS et d'agent de sécurité chef de poste au sein de la société était de droit.

La salariée comme la société s'accordent néanmoins sur le fait que cette réintégration n'est plus possible puisque, postérieurement à la décision de la Cour de cassation, la SAS Fiducial Private Security a perdu le marché des prestations de sécurité sur le site du site Naval Group repris par la société Sécuritas France rendant impossible la réintégration de la salariée sur son poste de responsable de site INBS et d'agent de sécurité chef de poste.

Après autorisation de l'inspecteur du travail du 26 avril 2022 le transfert du contrat de travail de Mme [T] a été réalisé le 2 mai 2022 au profit de la société Securitas en tant qu'agent de sécurité/chef de poste, catégorie agent de maîtrise échelon N2E1 avec un coefficient C185.

En conséquence, la cour constate que la réintégration de la salariée à son poste n'est désormais plus possible et que la société intimée est libérée de son obligation.

L'ordonnance déférée sera infirmée sur ce point.

Sur la demande nouvelle au titre de la perte de chance

La salariée fait valoir que cette demande est recevable en vertu des dispositions des articles 564,565 et 566 du code de procédure civile et réclame la somme de 55.000 € à titre de dommages-intérêts.

La société oppose que cette demande nouvelle n'a jamais été présentée devant le conseil des prud'hommes de Toulon ni devant la cour d'appel et qu'elle doit être déclarée irrecevable.

Elle indique que la salariée a fait l'objet d'un transfert conventionnel sur un intitulé de poste d'agent de sécurité/ chef de poste, statut agent de maîtrise, coefficient 185, niveauII échelon 1 et qu'elle ne peut donc justifier d'une quelconque perte de chance.

Elle fait observer que la salariée a réclamé la somme de 15'000 € de dommages-intérêts pour perte de chance d'être transférée dans le cadre de sa saisine au fond du conseil des prud'hommes de Toulon.

En vertu des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile « À peine d'irrecevabilité relevée d'office les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

En l'espèce, la survenance de la perte de la totalité du marché de sécurité avec la société Naval Groupe à compter du mois d'avril 2022 constitue la survenance d'un fait nouveau qui justifie la recevabilité de la demande conformément aux dispositions précitées.

Il est manifeste que la non réintégration de la salariée à son poste ou à un poste équivalent subie sur quatre années a privé cette dernière d'une évolution de carrière.

La cour observe par ailleurs que lors du transfert du contrat de travail de Mme [T], la société n'a pas mentionné la mission de responsable INBS site DCNS de [Localité 3] figurant sur l'avenant du contrat de travail du 1er janvier 2017 permettant l'obtention d'une prime mensuelle de poste travaillé d'un montant de 120 € (pièces 82 et 83 de l'intimée), de sorte que le contrat de travail avec la société Securitas ne le mentionne donc pas.

Ainsi contrairement à ce que soutient la société, la salariée n'a pas fait l'objet d'un transfert dans des conditions strictement identiques.

Mme [T] justifie dès lors d'un préjudice résultant de cette perte de chance qui doit être indemnisé à hauteur d'une somme provisionnelle de 15'000 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur le rappel de salaire

Relevant un moyen d'office, la Haute Cour au visa de l'article 2421-3 dernier alinéa du code du travail a indiqué que si l'autorisation de licenciement pour faute grave demandée par l'employeur est refusée, la mise à pied du salarié est annulée et ses effets supprimés de plein droit et que la cour d'appel qui avait constaté que le licenciement pour faute grave de la salariée n'avait pas été autorisé n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé.

La société ne conteste plus le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et consent à régulariser la somme de 11.382 € pour la période allant du 25 janvier 2018 au 30 juin 2018 compte tenu de la décision de la Cour de cassation.

Dès lors, il y a lieu de condamner la société à régler à la salariée le montant provisionnel avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance entreprise.

L'ordonnance déférée sera donc infirmée en ce sens.

Sur les frais et dépens

La société qui succombe doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à Mme [T] la somme de 2.500 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 16 février 2022,

Statuant dans les limites de la cassation,

Infirme l'ordonnance déférée dans ses seules dispositions relatives à la réintégration et au rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire ;

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés et Y ajoutant,

Dit que la réintégration de droit de Mme [F] [T] à son poste d'agent de sécurité/ chef de poste et de responsable INBS du site Naval Group est rendue impossible en raison de la perte du marché de sécurité du site par la société Fiducial Private Security ;

Condamne la société Fiducial Private Security à payer à Mme [F] [T] la somme provisionnelle de 11.382 € à titre de rappel de salaire pour la période du 25 janvier au 30 juin 2018 au titre de la mise à pied conservatoire, avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2019 ;

Déclare recevable la demande nouvelle au titre de la perte de chance ;

Condamne la société Fiducial Private Security à payer à Mme [F] [T] la somme provisionnelle de 15.000 € au titre de la perte de chance, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la société Fiducial Private Security à payer à Mme [F] [T] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Fiducial Private Security aux dépens de la présente procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 22/04899
Date de la décision : 10/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-10;22.04899 ?
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